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pense que le délai pour l'accomplissement de ces formalités ne peut courir tant que le jugement n'a pas acquis l'autorité de la chose jugée. S'il est par défaut, dit cet auteur, il faut attendre le délai de l'opposition.

Nous ne croyons pas que l'on puisse agir de la sorte. En effet, la loi ne distingue point entre les jugements par défaut et les jugements contradictoires.

D'ailleurs, les délais d'opposition ne courent que du jour de la signification du jugement, quand le jugement est rendu faute de plaider, ou à partir de l'exécution, s'il est rendu faute de comparaitre : il dépendrait donc de la femme de prolonger ce délai, en ne faisant pas signifier le jugement, et, par ce moyen, d'en retarder indéfiniment l'exécution. C'est au contraire ce que la loi a voulu empêcher en ordonnant que cette exécution aura lieu dans la quinzaine de la prononciation.

On peut donc, comme l'a jugé la cour de Turin, par l'arrêt du 4 janv. 1811, déjà cité sur la Quest. 2935, commencer à accomplir, avant la signification du jugement, les formalités préalables à son exécution; mais il faudra du moins que cette signification ait eu lieu | pour que l'exécution en soit valablement entamée par des poursuites de la femme, conformément aux art. 1444 du Code civil, et 875 du Code de procédure.

Tels sont les motifs sur lesquels nous fondions, dans notre Analyse, la solution des Quest. 2717 et 2718. Mais comme cette solution a encore trouvé des contradicteurs, nous ajouterons ici quelques observations, afin de prouver plus complétement que les suites tendant à l'exécution du jugement de séparation de biens peuvent être commencées dans la première huitaine de la prononciation, nonobstant la disposition de l'art. 155 du Code de procédure.

Et d'abord, c'est un principe certain (L. 80, ff., de Reg. jur.) que les lois spéciales doivent être exécutées de préférence aux lois générales, méme postérieures, lorsque celles-ci n'y ont pas dérogé d'une manière positive. (Voy. notre introduction.)

Or, l'art. 1444 du Code civil renferme une disposition spéciale pour l'exécution du jugement de séparation de biens, à laquelle la disposition générale de l'art. 155 du Code de procédure ne peut être réputée avoir dérogé, puisqu'elle ne s'en explique pas, et que, d'un autre côté, l'art. 872 garde sur ce point le mème silence.

Cette considération suffit pour démontrer que l'on peut procéder à cette exécution avant la huitaine, que l'art. 155 ne fait courir que du jour de la signification à avoué, en cas de défaut faute de plaider, et dujour de celle qui l'aurait été à personne ou domicile, s'il a été prononcé contre partie.

En effet, l'art. 1444, exigeant que l'exécution soit commencée dans la quinzaine de la prononciation, cesserait de produire son effet, suivant la volonté du législateur, s'il était nécessaire d'attendre l'expiration de huitaine après la signification.

Il faut donc, pour tout concilier, reconnaître, comme nous l'avons dit ci-dessus, que l'on peut exécuter avant la signification, sauf à ne déclarer l'exécution valable qu'autant que la signification ait en lieu ensuite.

Cette faculté d'exécuter avant la signification étant incontestable, non-seulement d'après les raisons que nous en avons données, mais suivant un arrêt de la cour de cass. du 11 déc. 1810 (Sirey, t. 11, 1re, p. 77), il s'ensuit évidemment que le jugement peut être exécuté pendant la première huitaine, puisque le délai d'opposition ne court qu'à partir de cette signification.

On sent, au reste, qu'il est facile de prévenir toute difficulté, lorsque les droits de la femme sont établis par contrat de mariage, en faisant ordonner l'exécution provisoire, conformément à l'art. 155 lui-même.

[Nous adhérons complétement à cette doctrine, que deux arrêts ont consacrée : Amiens, 19 fév. 1824 (Sirey, t. 24, p. 84), et Toulouse, 25 août 1827 (Sirey, t. 28 p. 211), et que partagent Thomine, no 1020; Pigeau, livre III, Séparation des biens, liv. IX, de l'Exécution du jugement de séparation, note 1re, § 2, et Favard, t. 5, p. 104, no 8, avec cette distinction, néanmoins, que ce dernier auteur pense, comme Carré, que si le jugement est attaqué par opposition ou par appel dans la quinzaine de la prononciation, la femme doit surseoir, parce qu'un jugement ainsi entrepris est considéré comme non avenu, tant qu'il n'a pas été statué sur l'opposition ou l'appel. (Voy. nos principes sur les effets de l'opposition, Quest. 661.)] 2945. Comment doit on exécuter le jugement, en ce qui concerne l'acte authentique exigé par l'art. 1444, pour effectuer le payement des droits de la femme, lorsque le mari ne se présente pas ?

Nous pensons qu'en cette circonstance la femme doit l'assigner à comparaître devant le tribunal, afin d'y procéder à la liquidation, soit par le juge, soit par un notaire commis; autrement, la femme ne pourrait parvenir à se procurer l'acte authentique exigé par l'art. 1444, puisque le notaire ne peut, hors de la présence d'une des parties, dresser un acte qui obligerait celle-ci.

[Cette opinion nous paraît conforme à ce que Thomine, no 1017, enseigne du mode de procédure ordinaire auquel le jugement de séparation renvoie les époux pour opérer la liquidation de leurs droits.]

2946. Qu'est-ce que l'on doit faire pour

opérer la lecture du jugement au tribunal | cle 1445, C. civ. (Voy. rapport au tribunat de commerce?

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et observation de ce corps ; Locré, t. 11, h. t., no 28.) Les termes de cette dernière disposiOn doit, dit Demiau, p. 545, porter le juge- tion sont formels : « Toute séparation de biens ment au tribunal, afin que la lecture à faire doit, avant son exécution, ètre rendue pusoit inscrite sur le rôle pour être appelée avant blique...., et ce, à peine de nullité de l'exétoute cause. Il est d'usage, ajoute ce commen»cution. » A la vérité, l'art. 872, C. proc. civ., tateur, que l'on charge quelqu'un de se rendre a ajouté quelques nouvelles formalités à celles à l'audience, pour demander, par forme de auxquelles s'applique cette disposition; mais conclusions, que le tribunal ordonne cette lectoutes se confondent dans le même objet; ture, après laquelle on demande qu'il en soitelles doivent être protégées par la même sancdonné acte par jugement.

tion ce qui le prouve jusqu'à la dernière évidence, ce sont les derniers mots de l'art. 872 : «La femme ne pourra commencer l'exécu» tion du jugement que du jour où les for>> malités ci-dessus auront été remplies. »

Aucun des autres commentateurs ne parle de l'enrôlement de la lecture à faire, et ne dit qu'il soit besoin d'obtenir jugement qui en décerne acte. Hautefeuille, p. 490, dit au contraire qu'il suffit que le greffier certifie, au pied du jugeCette solution a été formellement consacrée ment, que la lecture a été faite, et telle est nopar la cour d'Amiens, 21 déc. 1825 (Sirey, tre opinion, conforme à celle de Pigeau, lit. 26. p. 317), et implicitement par un grand vre III, Séparation de biens, ch. 9. nombre d'arrêts. (Voy. surtout Paris, 12 mars 1814.]

[C'est aussi la nôtre, comme celle de SudraudDesisles, qui enseigne (p. 360, no 1246), que cette lecture est faite par le greffier, et ne lui procure aucun émolument spécial.] [2946 bis. L'accomplissement des formalités de l'art. 872 est-il prescrit, dans tous les cas, à peine de nullité?

L'absence de ces expressions, en quelque sorte sacramentelles, a pu faire douter quelques auteurs de la nécessité de ces formes, et a même porté Berriat, h. t., note 4, à soutenir que la loi n'a pas entendu les sanctionner par une peine si rigoureuse, et qu'ainsi leur inobservation, spécialement le défaut d'insertion du jugement, n'entraînerait point sa nullité.

La cour de Bruxelles, le 26 juin 1828, a paru admettre le même système, en repoussant le moyen de nullité pris de ce que le jugement n'aurait pas été, à défaut de tribunal de commerce, affiché dans la salle principale de la maison commune du domicile du mari; mais il faut remarquer que cette cour s'est fondée sur ce que, l'insertion ayant été faite dans l'audi- | toire du tribunal de première instance, la double formalité exigée par la loi se trouvait accomplie, puisque ce tribunal remplissait les fonctions du tribunal de commerce, qui n'existait pas dans l'arrondissement.

[2946 ter. Par ces expressions de l'arti

cle 872: TRIBUNAL DE COMMERCE DU LIEU, TRIBUNAL DE COMMERCE DU DOMICILE, fautil entendre le tribunal du lieu où réside le mari ou bien celui de l'arrondissement?

Les termes vagues et équivoques de l'article 872 ont fait naître cette difficulté, sur la solution de laquelle la jurisprudence des diverses cours royales est loin d'être fixée.

La cour de Montpellier, 18 mars 1831; Devilleneuve, t. 51, 2o, p. 229), a jugé que ce n'est pas au tribunal de commerce de l'arrondissement que doit être affiché le jugement, mais à la maison commune du lieu où réside le mari, lorsque, dans ce lieu, il n'existe pas de tribunal de commerce. C'est aussi ce que paraît admettre l'arrêt d'Amiens, 21 décembre 1825, cité sur la question précédente.

Conformément au même principe, la cour de Montpellier avait déjà décidé, le 11 juillet 1826 (Sirey, t. 27, p. 91), qu'en ce qui concerne la lecture du jugement, cette formalité ne doit pas être remplie, s'il n'existe pas de tribunal de commerce au lieu de la résidence, puisque, à ce tribunal, la loi n'en substitue aucun autre, comme lorsqu'il s'agit de l'insertion.

Ainsi, d'après ce système, c'est taxativement tribunal de la localité où réside le mari que l'art. 872 a voulu indiquer soit pour la publication, soit pour la lecture. A défaut de ce tribunal, la lecture n'aura pas lieu : l'insertion sera faite à la maison commune.

Cet argument n'est conforme ni au texte, ni à l'esprit de l'art. 872. Ce que veut la loi, c'est une double publicité: publicité au tribu-le nal civil, publicité au tribunal de commerce; si ce dernier n'existe pas, le législateur, qui certainement n'a pas oublié que le tribunal civil en remplit l'office, exige cependant l'insertion dans la salle principale de la maison commune. L'exige-t-il à peine de nullité? Voilà toute la question.

Or, l'affirmative sur ce point nous semble incontestable; dans l'intention du législateur, l'art. 872 n'est que le complément de l'arti

Ce n'est pas ainsi que d'autres arrêts ont entendu cette disposition.

La cour de Toulouse, 18 juin 1855 (Devilleneuve, t. 56, 2o, p. 191), a admis que, par ces mots tribunal du lieu, la loi entendait le tribunal dans le ressort duquel habitent les

époux; qu'ainsi, sur quelque point de la circonscription que le tribunal soit établi, c'est là que la lecture doit être faite, et, comme il est dit sur la question précédente, à peine de nullité.

tellement contraire à l'usage, qu'il est même inutile de s'y arrêter.

Tribunal civil du domicile signifie donc : tribunal dans le ressort duquel l'époux est domicilié. Il est clair dès lors que tribunal de commerce du domicile a nécessairement le même sens, la construction de la phrase suffirait pour le démontrer. Ainsi, lorsque la

La même interprétation se retrouve plus longuement développée dans un arrêt de Bruxelles, 17 déc. 1856 (Journ. de cette cour, 1856, 2, p. 491), et étendue à l'inser-loi ajoute : S'il n'y a pas de tribunal de comtion de l'extrait du jugement. Les mots : tribunal du domicile du mari, signifient donc, d'après cette cour tribunal du res

sort.

:

Quant à nous, il nous semble que cette question est assez facile à résoudre.

D'abord, en ce qui concerne l'insertion qui doit être faite dans la chambre des avoués et des notaires, s'il y en a, il nous parait évident que la loi entend parler ici du lieu où réside le mari, et non de celui où siége le tribunal de première instance, et où il existe toujours des chambres de cette nature.

Ces autres termes, maison commune du domicile du mari, sont encore plus clairs: Il ne peut s'agir là que de la maison commune du lieu qu'il habite.

Mais que faut-il entendre par TRIBUNAL DU DOMICILE DU MARI? Le sens ordinaire de ces mots, remarquons-le tout d'abord, est celuici:tribunal du ressort, et non de la localité. C'est ainsi que l'art. 50 dit que le défendeur sera cité devant le juge de paix de son domicile, et l'art. 61, qu'il sera assigné devant le tribunal de son domicile, etc.

Il serait facile de multiplier les citations de ce genre.

Ce qui fait, dans le cas actuel la raison de douter, c'est que l'art. 872 ajoute immédiatement: et s'il n'y a pas de tribunal de commerce, d'où l'on conclut qu'il s'agit ici de la localité et non du ressort.

Mais on peut répondre qu'il n'existe pas de tribunaux de commerce dans tous les arrondissements, et que c'est dans cette hypothèse que l'article a statué comme nous venons de le voir.

Il suffit d'ailleurs, ce nous semble, de combiner les diverses parties de l'article pour se convaincre que cette interprétation est la seule admissible: « Extrait du jugement... sera inséré dans l'auditoire des tribunaux de première instance et de commerce du domicile du mari. » Cette manière de s'exprimer montre évidemment que la loi entendait donner le même sens au mot de domicile, qu'il s'agit de l'un ou de l'autre de ces tribunaux. Or, est-il possible de soutenir qu'ici tribunal civil veut dire tribunal de la localité ? Mais il en résulterait qu'à défaut de tribunal civil dans la localité, l'insertion ne pourrait être faite; interprétation tellement absurde,

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merce, c'est comme si elle disait : S'il n'y a pas de tribunal de commerce dans le ressort. II ne suffira point, dans ce cas, d'effectuer l'insertion dans l'auditoire du tribunal civil qui en remplit l'office, il faut encore la faire dans la salle principale de la maison commune du domicile du mari. Ces derniers mots, qui ne se trouvaient pas dans le projet primitif, furent ajoutés sur la proposition du tribunat, qui craignait sans doute que, par maison commune, on n'entendit celle dont il était précédemment parlé, c'est-à-dire la maison commune du chef-lieu; mais on voit que cette addition est la principale cause de l'obscurité de l'article et des divergences qui en ont été la suite.

Ce que nous disons de l'insertion, nous le dirons, par les mêmes motifs, de la lecture: l'art. 872 ne se sert plus, il est vrai, de ces mots tribunal de commerce du domicile, mais bien de ceux-ci tribunal de commerce du lieu. Toutefois cette différence nous paraît peu importante. Le lieu comprend en général la circonscription juridictionnelle, et lorsque la loi parle du tribunal du lieu, elle entend parler du tribunal du ressort. D'ailleurs, en remontant à son esprit, on trouve, quoique l'importance de l'insertion soit plus grande que celle de la lecture, que l'objet de ces deux formalités est le même, et l'on ne voit pas pourquoi toutes deux ne s'accompliraient pas devant le même tribuual.]

2947. Comment une femme peut-elle exécuter le jugement de séparation lorsque le mari est en faillite?

En ce cas, la femme ne peut obtenir du mari le payement, qui, suivant l'art. 1444, Code civ., doit être effectué dans la quinzaine; elle ne peut non plus commencer et continuer contre lui les poursuites exigées par le mème article, puisque l'art. 494, C. comm., veut que toutes poursuites contre le failli soient dirigées contre les syndics; enfin, il ne reste à la femme aucune voie d'exécution ordinaire sur les biens, puisque le mari est dépossédé.

Dans cet état de choses, la femme ne peut donc que se pourvoir dans la faillite, en remettant son jugement aux syndics, et en y joignant l'état de ses reprises et ses titres.

[C'est en vertu des mêmes principes qu'il a été jugé par la cour de Bourges, le 24 mai 1826

(Sirey, t. 27, p. 142), que non-seulement la femme devait actionner les syndics concurremment avec son mari, mais encore qu'il lui fallait, s'ils étaient en retard d'accepter, provoquer leur acceptation, et, en cas de refus, en faire nommer d'autres. On conçoit, en effet, que c'est le seul moyen qui lui reste de régulariser les poursuites à fin d'exécution.]

[2947 bis. Lorsque le jugement a été rendu contradictoirement avec les syndics de la faillite au profit de l'épouse, peut-on exiger une liquidation complete et réelle de ses reprises, ou n'est-elle tenue qu'à justifier de ses diligences quant à l'exécution de ce jugement?

négociant, il parait que, dans ce cas, il n'y
aurait pas nullité, parce que l'art. 872, Code
répété la peine.
proc. civ., en dérogeant à celui-là, n'a pas

nullités, vient sans doute appuyer cette obser-
Le principe que l'on ne peut suppléer des
vation de Berriat; mais aussi l'on peut remar-
quer, d'après ces expressions de Mouricault,
il a paru juste de rendre GÉNÉRALES des
formalités qui ne s'observaient que pour
les séparations des femmes des commer-
cants, etc., qu'il a été dans l'intention du
législateur d'exiger aussi rigoureusement pour
les autres séparations l'accomplissement des
formalités dont il s'agit.

Le mari, qui serait assigné en liquidation ne peut commencer l'exécution du jugement D'ailleurs, l'art. 872 portant que la femme de reprises, se trouvant frappé d'impuissance qu'autant que celles qu'il prescrit auront été par le fait même de la faillite, il est évident remplies, il en résulterait que ce commenceque tout ce qu'on peut raisonnablement exiger ment d'exécution serait nul, si l'une d'elles de la femme, c'est qu'elle présente, dans les délais voulus, et avec les titres qu'elle possède àtions relatives à la séparation des femmes des ne l'avait pas été. Quant aux règles et précaul'appui, l'état de ces mêmes reprises à ceux que la loi déclare exclusivement investis du suivants. commerçants, voy. Code de comm., art. 66 et droit de les discuter, et qui peuvent seuls, contradictoirement avec elle, en arrêter la liquidation.

Remarquons, en outre, que le but dominant de l'art. 1444, C. civ., étant de prévenir autant que possible les séparations concertées, toute présomption de fraude s'évanouit du moment que la femme a fait, à l'égard du payement de ses reprises, toutes les diligences qu'il était en son pouvoir de réaliser, et que les syndics, contradictoirement avec lesquels, d'ailleurs, le jugement a été rendu, ne peuvent prétexter cause d'ignorance du péril qu'a couru la dot de la femme, puisqu'ils n'agissent euxmêmes qu'en vertu de la faillite qui a été déclarée.

C'est aussi ce qu'a décidé un arrêt de la cour d'Orléans, du 12 nov. 1817.]

2948. L'insertion de l'extrait du jugement au tableau de l'auditoire du tribunal de commerce doit-elle avoir lieu, encore bien que le mari ne soit pas négociant?

ubi

Oui, parce que l'art. 872 ne fait, relativement à cette formalité, aucune distinction du mari négociant et de celui qui ne l'est pas, et étend ainsi la disposition de l'art. 1445, Code civ., qui ne prescrivait l'insertion dont il s'agit que pour le premier cas. (Voy. Pigeau, supra, chap. 8, et Hautefeuille, p. 490.) Le tribun Mouricault (voy, édit. de F. Didot, p; 316), dans son rapport au corps législatif, a donné la raison de cette dérogation, que Demiau, p. 546, et Delaporte, t. 2, p. 408, n'admettent pas. Mais Berriat, h. t., note 14, fait observer que, l'art.1443, C. civ., n'exigeant pas l'affiche dans l'auditoire du tribunal de commerce, lorsque le mari n'est pas

[Voy. aussi deux arrêts des cours de Caen, 15 juill. 1850, et de Colmar, 30 nov. 1858. l'opinion de Carré.] Nous partageons, avec Thomine, no 1017,

[2948 bis. Est-il nécessaire, à peine de nullité, que le jugement prononçant une séparation de biens soit inséré dans les journaux ?

la raison qu'on prétend tirer de ce que l'art. 92 Non, puisque l'art. 872 ne l'exige pas, et que du Tarif accorde un droit à l'avoué pour faire cette insertion demeure sans force devant le

principe qu'on ne peut suppléer les nullités. C'est aussi ce qu'a décidé un arrêt de la cour de Bordeaux du 30 juillet 1833. (Devilleneuve, t. 54, 2o, p. 56.)]

2949. L'exposition dans la chambre des avoués et des notaires doit-elle durer un an, quoique l'art. 872 ne paraisse exiger ce délai que pour l'exposition dans les tribunaux?

Oui, dit Pigeau, t. 5, p. 118, parce qu'il y a même motif pour l'une et pour l'autre.

nières expressions de l'art. 872, qui, en parC'est, au reste, ce que supposent les derlant aussi du délai d'un an, paraissent le faire rapporter à toutes les formalités que ce même article prescrit.

p. 568, n° 4, l'esprit de l'article: on n'a pas [Tel est, ajoute Pigeau dans son Comm., jugé nécessaire, pour qu'il fût compris, de répéter cette disposition. Thomine, no 1019, adopte avec raison les sentiments de ces au

teurs.]

2950. Si l'exécution du jugement n'était

commencée qu'après la quinzaine de sa prononciation, la séparation serait-elle nulle, conformément à l'art. 1444 du Code civil? [Quid Si le défaut d'exécution dans les délais voulus ne pouvait étre imputé qu'à des circonstances indépendantes de la volonté de la femme?]

ce qu'au tribunal de première instance de Paris, on tient pour maxime constante que le jugement de séparation doit, mème encore aujourd'hui, être exécuté dans la quinzaine de sa prononciation.

Il nous semble assez facile de prouver qu'on doit s'en tenir à cette dernière opinion.

Toute la difficulté tient, en effet, à ces termes C'est demander, en d'autres termes, s'il a de l'art. 872: la femme ne pourra commencer été dérogé à l'art. 1444 du Code civil par l'ar- l'exécution du jugement que du jour où les ticle 872 du Code de proc., qui exige l'accom- | formalités auront été remplies, sans que plissement d'un grand nombre de formalités néanmoins il soit nécessaire d'attendre l'expréalables à l'exécution du jugement de sépa-piration du susdit délai d'un an. ration, et qui paraît supposer que l'on peut commencer cette exécution après la quinzaine, puisqu'il dit qu'il n'est pas nécessaire d'attendre l'expiration du délai d'un an pendant lequel le jugement doit être affiché.

Il faut remarquer en outre que ce même article, au lieu de renvoyer à l'art. 1444 du Code | civil, ne renvoie qu'à l'art. 1445, qui prescrit d'autres formalités à remplir avant la mise à exécution du jugement.

La question fut discutée à la cour de cassation, dans les plaidoiries sur lesquelles intervint un arrêt du 11 déc.1810 (Sirey, t. 11, 1re, p. 77), mais la cour suprême la laissa indécise, parce qu'il s'agissait d'une séparation prononcée en l'an XII, avant la mise en activité du Code de procédure; ce que la cour eut soin de faire remarquer par ces mots : attendu que le jugement qui prononce la séparation de biens est du 4 messidor an XII.

Nous avons donc à traiter, indépendamment de la décision dont nous avions cru pouvoir argumenter, cette question, sur laquelle les cours et les auteurs ne sont pas d'accord.

Premièrement, la cour de Limoges, par arrêts des 24 décembre 1811 (voy. Sirey, t. 14, 2e, p. 12), et 10 avril 1812 (Sirey, t. 14, 2o, p. 15), | a jugé que, l'art. 872 du Code de procédure derogeant implicitement à l'art. 1444 du Code civil, la femme avait eu la faculté de commencer ses poursuites après le délai de quinzaine, et avant le délai de l'année fixé par le premier

article.

Secondement, la cour de Rouen, par arrêt du 27 avril 1816 (Sirey, t. 16, 2o, p. 216), a jugé le contraire, en déclarant qu'il n'y avait aucune contrariété entre les deux objets de la difficulté, et en annulant par ce motif, et conformément à l'art. 1444, une séparation qui n'avait pas reçu de commencement d'exécution dans la quinzaine.

Parmi les auteurs, ceux du Commentaire des Annales du notariat, t. 5, p. 565, sont les seuls qui aient abordé directement la difficulté, pour rejeter le système de dérogation adopté par les arrêts de Limoges. Ils se fondent, 1 sur ce que les dispositions de l'article 1444 sont formelles, au lieu que celles de l'art. 872 sont obscures et équivoques; 2o sur

Or, il est à remarquer que ce délai d'un an est donné pour la durée de l'exposition de l'extrait du jugement de séparation au tableau de l'auditoire.

La section du tribunat fit, au conseil d'État, l'observation qu'il convenait d'empêcher qu'on ne pensût que la femme dût attendre l'expiration de l'année pour commencer l'exécution.

Ce fut sur cette observation, dit Locré, t. 4, p. 107, que l'on ajouta les derniers mots de l'article, et, par conséquent, on doit reconnaî tre qu'ils ne signifient autre chose, si ce n'est que la femme ne doit pas attendre l'expiration du délai pour commencer l'exécution. Ainsi, l'art. 1444 voulant impérieusement que cette exécution soit commencée dans ce délai, il doit encore recevoir son application. Loin que l'article 872 du Code de procédure s'y oppose, sa disposition finale n'a au contraire pour objet que d'empêcher que l'on tire cette conséquence de celles qui la précèdent.

A la vérité, la phrase n'est pas clairement conçue, et ces mots, sans qu'il soit nécessaire, ont pu porter à croire que la femme avait la faculté de ne commencer l'exécution qu'après les quinze jours, pourvu qu'elle ne laissât pas expirer l'année; et c'est aussi ce que semblent admettre les auteurs du Praticien, t. 5, p. 141; mais la raison donnée par la section du tribunat, de l'addition de cette phrase à l'article du projet, lève toute incertitude.

Au surplus, on ne présume point facilement une dérogation à une loi expresse, et celle dont il s'agit eût été trop importante pour que le législateur n'eût pas exprimé d'une manière formelle, dans l'art. 872, celle qu'il eût entendu faire à l'art. 1444. C'est un principe incontestable, en matière d'interprétation, que deux dispositions contraires doivent, autant que possible, produire chacune leur effet, suivant les vues du législateur. Tel est le résultat de l'opinion consacrée par l'arrêt de Rouen.

Combinant, d'après ces observations, les deux articles dont il s'agit, nous concluons que la femme est obligée à commencer l'exécution du jugement dans la quinzaine, conformément à l'art. 1444, sans attendre l'expiration du délai d'un an, qui n'a pour objet que la durée de

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