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séparation, et énoncé dans les qualités que le mobilier et les marchandises du mari étaient sous le coup d'une saisie-exécution, et que celui-ci avait écrit à ses créanciers pour leur demander 75 de remise par 100. D'un autre côté, le tribnual a reconnu dans ses considérants que les immeubles étaient grevés d'hypothèques, et on y répète que le mari était en état de faillite, et avait depuis longtemps cessé ses paye

Mais, en faveur de la solution que nous avons adoptée, on peut consulter un dernier arrêt de la cour de cass. du 13 août 1818 (Sirey, t. 19, 1°, p. 286), qui déclare nulle et sans effet la séparation de biens qui n'a pas été exécutée ou suivie de poursuites dans la quinzaine de la prononciation, attendu que l'art. 872 du Code devait être exécuté par le payement des droits de procédure n'a point dérogé à l'art. 1444 du Code civil.

Disons donc que toutes les formalités préalables qui ont fait l'objet des précédentes questions doivent être remplies avant l'expiration de ce délai; d'où résulte une dérogation à l'article 61 du titre III de la loi du 22 frim. an vII, qui accorde 20 jours pour l'enregistrement du jugement, qui, d'après la solution ci-dessus, doit nécessairement être revêtu de cette formalité avant que l'on puisse entamer les poursuites.

[Cette doctrine n'est plus douteuse, aujourd'hui: adoptée par Thomine, no 1020, qui ne voit, comme nous, dans les art. 1444 et 872, qu'un concours de publicité et d'exécution dont le but est de prévenir toute collusion de la part des époux, elle se trouve définitivement consacrée par un arrêt de la cour de cassation du 11 juin 1833.

Mais, en serait-il de même, si le défaut d'exécution dans les délais prescrits ou l'insuffisance des actes dont on prétend le faire résulter ne pouvaient être imputés qu'à des circonstances tout à fait indépendantes de la volonté de la femme?

Nous ne le pensons pas l'impossibilité où se serait trouvée la femme d'exécuter le jugement, aux termes de l'art. 1444 précité, ou de le faire du moins d'une manière plus complète, devrait la relever, selon nous, de la nullité que prononce cet article; il faudrait, dans ce dernier cas, qu'il fût bien établi qu'elle n'avait pu suppléer, par aucun autre équivalent réalisable, au défaut d'exécution régulière dont on voudrait exciper contre elle; condition de rigueur et qui peut seule légitimer une dérogation pareille aux prescriptions de l'art. 1444. (Voy. notre question suivante.)

C'esi ainsi que l'ont décidé plusieurs cours : Besançon, 30 juin 1809 (Pasicrisie, à cette date), et Grenoble, 24 mars 1855, et c'est aussi ce que pensait Carré, dont nous croyons utile de produire ici l'opinion manuscrite:

« On ne peut imputer à faute à une partie de ne pas avoir rempli les obligations que la loi lui imposait, lorsqu'il est démontré par des faits incontestables qu'elle était dans l'impossibilité de faire les actes exigés d'elle.

» Or, il a été maintenu, lors du jugement de

ments.

» Dans cette situation, le jugement ne pou

la femme; elle était également dans l'impossibilité de commencer des poursuites, aux termes de l'art. 1444.

» En effet, ces poursuites ne peuvent consister qu'en actes d'exécution, tendant au payement des droits et reprises de la femme; mais les meubles étaient saisis; elle n'eût pu que procéder à un récolement; et cette mesure lui était interdite par la loi elle-même, puisque ses droits n'étaient pas liquidés par le jugement qu'elle avait obtenu, et que l'art. 551, C. proc. civ., ne permet de procéder à aucune saisie, si ce n'est en vertu d'un titre exécutoire, et pour chose liquide et certaine ; par la même raison, elle ne pouvait saisir réellement les immeubles.

» Un procès-verbal de carence n'était pas praticable, puisqu'il existait des meubles; en un mot, aucune poursuite à fin d'exécution pour le payement de ses droits, ne pouvait être exercée sur la femme Pihuit.

» On objectera sans doute qu'elle devait du moins faire dresser l'acte authentique qui eût liquidé ses reprises, et qu'à ce moyen elle eût pu faire les poursuites dont on vient de parler; mais on remarquera que cet acte, qui n'eût contenu que cette liquidation sans payement, n'eût pas été l'acte exigé par l'art. 1444, et que d'ailleurs le mari, étant en faillite, avait perdu la capacité de contracter valablement avec sa femme. Elle n'avait donc, pour exécuter le jugement de séparation, qu'à remettre son jugement aux syndics de la faillite, en y joignant l'état de ses reprises et ses titres, comme il est dit au Traité et questions de procédure, no 4110.

>> Dira-t-on que le mari n'était en faillite que par le fait, qu'il n'avait pas déposé son bilan, que la faillite n'était pas déclarée, ni son ouverture fixée?

» On répondra que, dans la circonstance, il était indubitable que cette déclaration de faillite devait être faite, et l'ouverture fixée à l'époque où la femme eût fait liquider ses reprises, par acte passé avec son mari, et que, par conséquent, elle a été suffisamment autorisée à attendre la nomination des syndics. En d'autres termes, puisque, nécessairement, l'ouverture d'une faillite remonte à l'époque de la cessation des payements, il s'ensuit que la femme

doit être considérée, dans cette circonstance, comme si la faillite était déclarée.

>> Telles sont les raisons que la dame Pihuit peut alléguer pour faire maintenir sa séparation, et déclarer qu'elle a fait tout ce qui dépendait d'elle, en se conformant aux dispositions relatives à la publicité qu'elle devait donner à ce jugement. » (Voy. une autre opinion identique de Carré, sous notre Question 663.]

L'affirmative ne nous paraît pas douteuse. Le législateur, nous l'avons déjà dit, ne s'étant proposé qu'un but dans le titre des Séparations, à savoir qu'il n'y eût pas concert entre le mari et la femme pour simuler une séparation de biens dont l'objet serait de préjudicier à des tiers: c'est, en définitive, à la prudence du juge qu'il s'en est remis du soin comme du droit de décider si le jugement de séparation a été suffisamment exécuté.

[2950 bis. Quand y a-t-il exécution suffi-suffisait à la femme de justifier de ses diliOr, nous avons vu qu'il était des cas où il sante du jugement de séparation?

La nature toute spéciale des séparations de biens ne permet pas que le jugement qui les prononce soit soumis, quant à son exécution, aux principes qui régissent en général l'exécution des jugements par défaut. (Amiens, 19 fév. 1824; Sirey, t. 24, p. 84.)

Il suffit, pour s'en convaincre, de rapprocher les art. 1444, C. civ., et 159, C. proc. civ.; en effet, tandis que ce dernier n'attache l'effet d'exécution qu'à certains actes desquels il résulte évidemment ou d'une manière implicite, mais nécessairement, que cette exécution a été connue de la partie défaillante; l'autre, au contraire, se préoccupe exclusivement de mettre à couvert l'intérêt des tiers, en prévenant la fraude ou la collusion des époux c'est là son but unique; ce but diffère évidemment de celui de l'art. 159, puisque, le plus souvent, le jugement qui prononce la séparation de biens est contradictoire.

Il faut donc aller chercher ailleurs que dans cet article les éléments de solution à la question qui nous occupe : c'est l'art. 1444, C. civ., qui nous les fournit.

Les conditions auxquelles l'exécution du jugement de séparation est soumise sont celles-ci :

Payement réel des droits et reprises de la femme exécuté par acte authentique jusqu'à concurrence des biens du mari; ou, tout au moins, poursuites commencées dans la quinzaine du jugement et non interrompues depuis.

Ces conditions sont-elles limitatives?

Quels sont les actes qu'elles comprennent? Que faut-il considérer comme commencement des poursuites?

Et, par exemple, la poursuite en liquidation des reprises sera-t-elle une exécution suffisante, ou faudra-t-il, à peine de nullité, qu'il y ait payement réel des droits et reprises, et que ce payement s'effectue dans la quinzaine du jugement?

En un mot, est-il, en dehors des termes généraux de l'art. 1444, C. civ., des actes dont le caractère évident rentre si bien dans son véritable esprit qu'il soit impossible de leur dénier l'effet confirmatif que les parties ont voulu leur faire produire de bonne foi ? CARRÉ, PROCÉDURE CIVILE.-TOME VI.

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gences, quant à l'exécution du jugement, même par une simple production de titres joints à ce dernier, sans qu'on put exiger d'elle, aux termes de l'art. 1444 précité, la liquida|tion complète et réelle de ses reprises. (Voy. suprà, Quest. 2947, 2947 bis, 2950, et nos observations sur la Quest. 663, § 1er, no 2.)

Il y a donc telles circonstances dont le juge est l'unique appréciateur, où l'on doit nécessairement admettre des équivalents aux actes réguliers d'exécution qu'énumère l'art. 1444 : cela ne peut être contesté.

Concluons, en conséquence, qu'il y aura exécution suffisante du jugement de séparation dans le sens du même art. 1444, toutes les fois qu'à moins de s'être placée sous le coup d'une déchéance dont le juge ne peut la relever, la partie aura fait des actes qui se montreront dépouillés de tout artifice et manifesteront d'une manière non équivoque l'intention formelle d'exécuter le jugement obtenu : ou bien encore, lorsque l'insuffisance de l'acte en luimême se trouvera justifiée et en quelque sorte couverte par l'impossibilité absolue où aura été la partie de lui en substituer un autre plus virtuel et plus complet.

Les questions suivantes vont démontrer la vérité de notre doctrine.]

[2950 ter. Le jugement est-il nul, si le payement des reprises de la femme, qu'il autorise, n'est pas entièrement réalisé dans la quinzaine?

2950 quater. La poursuite en liquidation de ses reprises, exercée par la femme dans la quinzaine du jugement, est-elle une exécution suffisante de ce juge

ment?

La négative ne saurait être douteuse sur la première question : l'art. 1444, comme nous l'avons déjà dit, n'a qu'un but, celui d'empêcher le concert frauduleux des époux. Il veut que les poursuites soient réelles et non fictives; et dès l'instant qu'elles ont reçu un commencement d'exécution franche, les motifs qui doivent leur servir de base se trouvent suffisamment légitimés aux yeux de la loi quelle que puisse être, d'ailleurs, la durée de l'exécution que la nature des circonstances réclame.

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dans la même quinzaine, rend sans effet la séparation. Ici Berriat cité l'arrêt de la cour de cassation du 11 déc. 1810, dont nous avons parlé sur la Quest. 2950.

Ajoutons, avec un arrêt de la cour de cassation du 3 fév. 1854 (Devilleneuve, t. 34, 1, p. 98), qu'il résulte de la saine intelligence de l'article 1444, C. civ., que si les poursuites juri diques de la femme à fin de payement de ses Nous ne voyons pas que l'arrêt dont il s'agit droits, doivent être faites dans la quinzaine du ait quelque chose d'opposé à l'opinion de Pijugement, il ne s'ensuit pas que, dans le cas geau: il décide, au contraire, comme cet auoù il est procédé à l'exécution de la séparation teur, que la signification doit être faite dans la de biens, par le payement réel des droits et quinzaine; mais il ne préjuge pas la question reprises de la femme, effectué par acte authen-que décide affirmativement Pigeau, savoir: si tique jusqu'à concurrence des biens du mari, il soit indispensable, néanmoins, que l'inte gralité du payement ait lieu dans le même délai de quinzaine, ce qui serait le plus souvent impossible.

Préjugée par les mêmes motifs, la seconde question ne peut recevoir, au contraire, qu'une solution affirmative. En effet, la liquidation des droits de la femme est une suite indispensable de la séparation de biens; elle est même absolument nécessaire pour sa validité et son exécution. (Cass., 4 déc. 1815; Sirey, t. 16, p. 65.) Comment ne pas admettre, dès lors, avec la cour de Colmar, 31 août 1811 (Pasicrisie), | que la poursuite en liquidation de ces reprises, lorsque, d'ailleurs, elle a été exercée dans les délais utiles et non abandonnée depuis, constitue une exécution suffisante du jugement de séparation?

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Un arrêt de la cour de Grenoble du 6 juin 1829, prète un nouvel appui à cette opinion, que Berriat, h. t., note 15, adopte sans même la discuter.]

2951. Que doit-on faire pour exécuter le jugement, conformément aux art. 1444, C. civ., et 872 C. proc. civ., lorsque le

mari n'a aucun bien?

Dans cette circonstance, il suffira que la femme fasse dresser, dans la quinzaine, un procès-verbal de carence. (Voy. Pigeau, liv, III, h. t., chap. 9.)

[Cette opinion, qui est également adoptée par Thomine, no 1021, résulte à fortiori de l'arrêt de la cour de cassation du 6 déc. 1850 (Devilleneuve, t. 31, 1, p. 339. Voy. infrà, Question 2955.)).

2952. Peut-on considérer comme un commencement de poursuites la simple signification du jugement?

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la signification du jugement peut elle-mème être considérée comme un commencement de poursuites.

Les autres commentateurs supposent, au contraire, que cette signification ne peut être considérée comme un commencement de poursuites, et telle est l'opinion à laquelle il nous semble très-prudent de se conformer; car, si la signification d'un jugement est nécessaire pour avoir le droit d'en poursuivre l'exécution, elle n'annonce que l'intention de faire ces poursuites, elle n'en est pas une.

[Mais c'est précisément ce qui est en question. Le Code, en exigeant le commencement des poursuites dans la quinzaine de la pronon ciation du jugement et leur continuation sans interruption, n'a pas défini ce qui est un commencement de poursuites, ni quelle peut être l'interruption qui fasse perdre à la femme le bénéfice de la séparation. Il est vrai que la cour de cassation a décidé, le 9 juill. 1828 (Sirey, t. 28, p. 284), que la signification du jugement de séparation, partie intégrante et nécessaire des poursuites auxquelles il pouvait donner lieu, devait être envisagée comme un commencle 1444, C. civ. Jusque-là, cette décision cement de poursuites dans le sens de l'artisemblerait consacrer définitivement l'opinion de Pigeau, que partage Thomine, no 1021, et qui paraît avoir prévalu dans la jurisprudence (Amiens, 17 mars 1826; Sirey`,t. 26, p. 249; Nimes, 23 mars 1850; Bordeaux, 19 mai 1832; et 50 juill. 1855; Nimes. 11 juill. 1859); mais il ressort d'un troisième arrêt de la même cour de cassation, 30 mars 1825 (Sirey, t. 23, p. 553), que la validité de cette signification, en tant qu'on la considère comme un commencement 'de poursuites, tombe exclusivement dans l'apclure d'un pareil conflit, sinon qu'en thèse, la préciation souveraine du juge. Or, que conquestion qui nous occupe n'est pas susceptible d'une solution absolue?

Si l'on ne pouvait ici, dit Pigeau, ubi suprà, considérer comme poursuites que des comman- Et d'abord, prétendre que la simple signifidements, des saisies, etc., le délai de quin- cation ne constitue jamais un commencement zaine serait évidemment beaucoup trop court. de poursuites, ce serait mettre la femme, à Ainsi, la signification du jugement peut être laquelle il ne reste souvent, à cause du désorconsidérée comme poursuite, et, par consé-dre des affaires du mari et de la brièveté des quent, il suffit à la femme qu'elle l'ait fait faire dans le délai de quinzaine, pour qu'elle ne puisse encourir la nullité.

Quoi qu'il en soit, dit Berriat, h. t., note 15, on a jugé que le défaut de cette signification,

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délais, que ce moyen de manifester son intention de poursuivre, ce serait, disons-nous, la mettre dans l'impossibilité d'éviter la déchéance que prononce l'art. 1444. C. civ.; et telle n'a certes pas été l'intention du légista

leur: il suffit, pour s'en convaincre, d'interroger le dernier paragraphe de cet article et d'invoquer la généralité de ses termes. D'un autre côté, vouloir établir en principe que la signification isolée a toujours le caractère d'un commencement de poursuites, c'est faire violence à la nature des actes, en exagéraut leur portée; mais, surtout, c'est favoriser ce que le Code a voulu prévenir avant tout, la fraude et la coilusion des époux au préjudice des tiers; c'est fausser l'esprit de la foi, en ne tenant aucun compte de l'intention des parties, Or, en matière d'exécution d'un jugement de séparation, c'est précisément de cette intention de poursuivre que le législateur s'est préoccupé; c'est elle dont il recherche la sincérité: 1o dans les actes qui ont pour objet de la manifester; 2o dans la suite ou l'interruption qui se fait remarquer entre ces mêmes actes. Voilà pourquoi, dans ce qui a trait à l'exécution de jugements de cette nature, ce n'est plus, selon nous, aux règles ordinaires posées dans les arl. 155 et 159, C. proc. civ., qu'il faut recourir, mais bien aux circonstances, aux faits qui sont de nature à rentrer dans les termes de l'art, 1444, C. civ.; appréciation que le juge seul peut faire en toute connaissance de cause, ainsi que nous l'avons déjà dit, || Quest. 2950 bis.

Cette doctrine nous semble résulter des principes généraux qui régissent la séparation de biens et de la saine interprétation de l'article 1444. En examinant avec attention les nombreux arrêts qui décident la question, on reconnait qu'aucun n'est motivé de manière à pouvoir servir de base à une théorie générale, à un système complet, et que toujours, même dans l'espèce citée de l'arrêt de la cour de cassation du 9 juill, 1828, le juge a été dominé par quelques circonstances particulières de fait qui ont Souverainement déterminé sa conviction en faveur de la validité de la signification.

Nous pensons done que c'est à la prudence des magistrats que le législateur s'en est spécialement rapporté, et qu'il leur appartient, selon l'occurrence, de décider si la simple signification constitue ou non un commencement de poursuites dans le sens de l'artiele 1444.

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Voy. encore nos solutions sur les questions suivantes.]

[2952 bis. La citation en conciliation donnée par la femme à son mari, en exécution d'un jugement de séparation, peut-elle être considérée comme un commencement de poursuites, si elle n'est pas suivie, dans le mois à compter de la non-conciliation, d'une demande en jus

tice?

Non, parce que la citation en conciliation, n'étant que le préliminaire indispensable de

toute action, ne fait seulement qu'en autoriser la poursuite; elle n'en est pas partie intégrante; ses effets demeurent soumis, à peine de nullité, à la production d'un ajournement dans le mois de la non-conciliation ou de la non-comparution (art. 57, C. proc. civ.). Or, cette condition n'étant pas réalisée, il s'ensuit que, non-seulement on doit déclarer qu'il n'y a pas eu interruption de poursuites, mais encore que ces poursuites n'ont jamais légalement existé, puisque le défaut d'ajournement dans le délai prescrit les annulé dans leur principe. C'est ce qui nous paraît aussi résulter de l'opinion emise par Berriat, liv. Ier, sect. 15, note 28, no 6, que confirme un arrêt de la cour de Nîmes du 21 mars 1819.] [2952 ter. Une saisie-arrét constitue-t-elle une mention suffisante du jugement qui prononce la séparation de biens?

Oui, incontestablement, si la procédure n'est pas interrompue; tel est le vœu de l'article 1444, C. civ.; c'est bien là une poursuite faite en vertu du jugement qui prononce la séparation de biens,

Comme nous l'avons dit sous les questions précédentes, l'appréciation du fait relatif à l'interruption rentre dans le pouvoir discrétionnaire du juge.

Ce que nous disons de la saisie-arrêt, qui est considérée par quelques auteurs comme un acte purement conservatiore (voy. notre titre De la Saisie-arrét), nous l'appliquerions aux saisies-exécutions, et même aux saisies immobilières, s'il y avait interruption de poursuites.

Voici le texte d'une consultation de Carré, qu'il nous paraît utile de rapporter :

« Une fois la société conjugale formée, la loi ne veut pas qu'il y soit fait, après le mariage, aucun changement, et cette disposition était nécessaire dans l'intérêt des tiers, qui n'auraient jamais pu avec confiance traiter avec des époux dont la position eut toujours été pour eux incertaine. Cependant elle a permis dans certains cas, et surtout lorsqu'elle a supposé que les droits de la femme pussent être compromis, « que celle-ci pût demander » la séparation de biens qui n'avait point été » stipulée par le contrat de mariage; mais elle » veut, en même temps, que cette demande » soit sérieuse; et, sous peine de la faire con» sidérer comme non avenue, elle exige (ar»ticle 1444) que le jugement qui la prononce » soit exécuté par le payement réel des droits » et reprises de la femme, effectué par acte » authentique, jusqu'à concurrence des biens » du mari, ou au moins par des poursuites » commencées dans la quinzaine qui a suivi » le jugement, et non interrompues depuis. »

» Or, les actes qui donnent lieu à la présente question sont-ils une exécution dans le

sens de l'art. 1444? Le soussigné est loin de le penser.

» La saisie-arrêt n'est point en soi un acte d'exécution; aussi peut-elle se faire sans titre exécutoire, et même sans titre, sur une simple permission du juge. C'est un acte purement conservatoire qui peut et qui doit conduire à l'exécution, mais ce n'est pas encore cette exécution. Le jugement qui la valide ne change pas sa nature; elle n'est encore qu'une saisiearrêt; il n'y a donc, en effet, exécution, que quand les effets saisis ont été vendus ou remis au saisissant, en vertu d'autorité de justice. L'art. 159, C. proc. civ., a défini ce qu'on doit entendre par exécution d'un jugement, et il serait douteux que, même dans le sens de cet article, les actes ci-dessus indiqués constituassent une véritable exécution. Cependant il est facile de soutenir que l'art. 1444, C. civ., exige une exécution plus rigoureuse encore que celle dont parle l'art. 159, C. proc. civ. Dans l'art. 159, le législateur n'a eu qu'un but, c'est que l'individu condamné ait acquis la connaissance non équivoque du jugement rendu contre lui, ce qui ne suffirait pas dans le cas de l'art. 1444. Le plus souvent, en effet, le jugement qui prononce la séparation est contradictoire; le mari est donc présumé le connaître. Ce qu'on a voulu, c'est qu'il n'y eût pas concert entre le mari et la femme, pour simuler une séparation de biens qui n'aurait pour objet que de tromper des tiers; et pour s'assurer, autant que possible, que cette intelligence n'existe pas, la loi veut que la femme use jusqu'à la dernière rigueur du bénéfice du jugement qu'elle a obtenu.

Cela posé, il faut bien reconnaître qu'une simple saisie-arrêt, qui n'est pas suivie de vente des effets ou de remise effective des deniers aux mains du saisissant, n'est pas un acte de véritable exécution légale; elle n'annonce pas dans la femme le besoin de sauver promptement ses droits, en s'emparant, jusqu'à due concurrence, des valeurs appartenant au mari; elle ne peut annoncer que des poursuites commencées, mais qui ont été interrompues depuis. On doit donc décider que le jugement qui a prononcé la séparation est nul et non avenu, aux termes de l'article 1444, C. civ. »]

[2952 quater. Le jugement est-il suffisamment exécuté, dans le sens de l'art. 1444, C. civ., par un commandement dans la quinzaine, suivi d'une cession authentique faite par le mari à la femme, de tout le mobilier garnissant le domicile conjugal, et par la reprise en nature du mobilier propre à la femme, lorsqu'il est constant que le mari possédait des biens immobiliers?

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cédentes doivent nous servir à résoudre celledans un sens négatif. En effet, si le payement réel des droits et reprises de la femme est une des conditions essentielles de la validité de l'exécution prescrite par l'art. 1444, C. civ., il en est une autre affectée comme garantie à cette réalité de payement, à savoir qu'il s'exerce jusqu'à due concurrence des biens du mari. Or, peut-on dire que le vœu de la loi est rempli, lorsque, malgré la reprise en nature du mobilier propre à la femme et la cession que lui a consentie son mari, de tout le mobilier garnissant le domicile conjugal, elle se trouve encore sa créancière de sommes considérables, nonobstant sa renonciation momentanée à l'exercice des droits de poursuite qu'elle conserve toujours sur les biens immobiliers du mari? Évidemment non le juge ne peut voir dans de tels arrangements qu'une manoeuvre coupable, dont le but est d'évincer les tiers intéressés; et il doit prononcer la nullité de cette exécution frauduleuse. C'est aussi ce qu'a fait un arrêt de la cour de Colmar du 30 nov. 1838.]

2953. Quand y a-t-il INTERRUPTION DE

POURSUITES?

La loi, dit encore Pigeau, t. 5, p. 120, n'a pu définir avec précision ce qu'on doit considérer comme interruption de poursuites ; elle s'en rapporte, sur ce point, à la prudence du juge. Cependant nous pourrions répondre, avec cet auteur et Berriat, h. t., note 15, 2o observ., qu'il y a interruption de poursuites lorsque, par mauvaise foi ou intention de frauder les créanciers, on a excédé les délais à l'expiration desquels on a le droit de faire les actes indiqués par la loi pour les diverses exécutions; mais on ne doit pas présumer la mauvaise foi, si on ne les a excédés que de très-peu de temps.

Il faut néanmoins remarquer qu'indépendamment de l'allégation de mauvaise foi, la cour de Poitiers, par arrêt du 9 janvier 1807, a jugé que l'interruption, pendant deux ans, des poursuites qui auraient cependant commencé dans la quinzaine, rendait le jugement de séparation sans effet, encore bien que le créancier qui demandait cette nullité n'eût pas fait lui-même des poursuites à fin de payeavait commencées. C'est qu'en effet une aussi ment avant la reprise de celles que la femme longue interruption peut facilement faire supposer une renonciation de la femme, antéla cour de Poitiers n'a fait, par cet arrêt, rieure à la reprise de ses poursuites. Au reste, qu'user du pouvoir que la loi lui donne, comme le dit Pigeau, de prononcer suivant les circon

stances.

[Thomine se range à cette double manière d'envisager l'interruption des poursuites, lorsLes principes posés dans les questions pré- I qu'il dit (no 1021), que le Code s'en est rapporté

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