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à la prudence du magistrat sur le temps et les circonstances qui peuvent ou excuser cette inaction, ou la faire regarder comme étant l'abus dont il a voulu prévenir le retour.

Cette doctrine n'est que la confirmation des principes que nous avons exposés plus haut sur les Quest. 2950 et 2952.]

[2953 bis. Une séparation de biens judiciaire est-elle nulle, si le jugement qui l'a prononcée a été, dans la quinzaine de son obtention, signifié avec commandement de payer, et suivi, seulement cinq mois après, d'un procès-verbal de carence? La cour de cassation a décidé la négative, 6 déc. 1830 (Devilleneuve, t. 31, 1re, p. 359; Dalloz, t. 51, 1re, p. 16). Mais d'après ce qui vient d'être dit à la question précédente, sa décision ne saurait faire autorité. L'appréciation des faits sera toujours, en dernière analyse, la règle unique du juge, parce qu'elle demeure dans ses attributions, comme le portent les termes mêmes de l'arrêt, et que suivant qu'il y aura eu, ou non, à ses yeux, toute la célérité et la suite réclamées ou permises par les circonstances, dans l'exécution du jugement signifié aux délais de la loi, il sera libre de se décider pour l'affirmative ou la négative. C'est ainsi que la même cour de cassation a jugé, le 2 mai 1831 (Sirey, t. 31, p. 161), contrairement à l'arrêt de la cour de Poitiers, cité à la question précédente, que des pour suites commencées dans la quinzaine du jugement ont pu, quoique suspendues pendant près d'un an, être considérées par une cour royale comme n'ayant pas été légalement interrompues pendant un temps suffisant pour annuler la séparation, sans que son arrêt ait dû, sous ce rapport, donner ouverture à cassation. (Voy. aussi nos Quest. 2952 et suiv.)]

[2953 ter. Une femme séparée de biens estelle censée interrompre les poursuites par elle commencées dans la quinzaine du jugement de séparation, par cela seul qu'ayant à combattre un créancier de son mari, elle cesse d'agir directement contre ce dernier, pour plaider contre le créancier en présence de son mari?

Non, s'il est évident qu'elle ne pouvait parvenir à opérer l'exécution complète de l'article 1444, C. civ., par le payement réel de ses droits, qu'au moyen d'une demande en distraction formée contradictoirement avec un créancier et avec son mari, et suivie sans interruption; c'est ce qui a été jugé par la cour de cassation, dans une espèce où la femme n'avait pu obtenir jugement contre son mari, parce qu'elle s'était trouvée dans la nécessité de se pourvoir contre le créancier qui avait fait saisir les immeubles sur lesquels ses droits étaient hypothéqués. (Cas., 25 mars 1819;

- Voy., du reste, nos

Pasicrisie, à cette date. questions précédentes.)] 2954. Comment exécuter l'art. 1444, si la séparation avait été prononcée dans une espèce où la femme n'eût ni droits ni reprises à exercer?

Dans ce cas, où l'on suppose résolue pour l'affirmative la question encore douteuse de savoir si la séparation pourrait être prononcée, nous estimons que la femme doit se présenter devant un notaire, pour faire dresser acte de sa déclaration de n'avoir aucun droit ni reprise à exercer, pour ledit acte lui tenir lieu de celui que prescrit l'art. 1444 du Code civil. Elle ferait ensuite sommation à son mari de se trouver en l'étude du notaire pour voir passer contradictoirement cette déclaration. Ce n'est pas que nous pensions qu'à la rigueur on ne pût se dispenser de cette sommation : la faire n'est qu'un acte de prudence.

[Thomine, no 1017, pense que, dans ce cas comme dans celui où, ne pouvant espérer aucun recouvrement, elle ne voudrait pas faire de frais inutiles, la femme peut demander acte, par le jugement, de ce qu'elle renonce à prétendre aucun droit sur son mari; et nous estimons avec cet auteur que ce serait, dans l'état des choses, un acte d'exécution suffisant du même art. 1444.]

2955. Comment s'effectue l'exécution du jugement?

L'exécution peut être faite par une cession volontaire des biens du mari à due concurrence des droits et reprises de la femme, pouvu que l'acte soit authentique et sans fraude. (Voy. C. civ., art. 1444 et 1595.)

Elle peut être faite rigoureusement par les voies ordinaires d'exécution, ou, si la créance n'est pas liquide, par des poursuites en règlement de droits non interrompues depuis. (Voy. Thomine, no 874, et pour les développements qu'exigent les différents régimes sous lesquels la femme est mariée, Pigeau, Comm., t. 2, p. 502 à 511.)

evidence, les nombreux arrêts que nous ve[C'est ce qu'établissent, jusqu'à la dernière nons de citer sous les questions précédentes.] (2955 bis. Le défaut d'exécution d'un jugement de séparation de biens dans le délai de quinzaine, entraîne-t-il la nullité, non-seulement du jugement, mais encore de toute l'instance qui l'a précédé? L'affirmative résulte, de la manière la plus explicite, d'un arrêt de la cour de cassation du 11 juin 1823 (Pasicrisie, à cette date), qui a statué que la nullité prononcée par l'art. 1444, C. civ., ne s'applique pas limitativement au jugement de séparation, mais, d'une manière beaucoup plus étendue, à la séparation elle

même, expression qui annonce que le légistateur n'a pas eu seulement en vue le jugement qui la prononce, mais les procédures faites pour l'obtenir, c'est-à-dire l'iùstance introduite par les parties, et que c'est cette instance qu'il a entendu annuler. L'art. 136, C. proc. civ., cité à l'appui de l'opinion contraire, se borne à dire que les jugements par défaut sont réputés non avenus, faute d'exécution dans le délai de six mois. Mais l'art. 1444. C. civ., s'exprime, comme nous venons de le voir, en termes bien plus généraux. Du reste, ni l'art. 156, ni l'art. 397, ne sont d'aucune influence dans les causes de séparation de biens, matière régie par des dispositions spéciales qui, en plusieurs points, dérogent aux règles ordinaires, ainsi qu'il est facile de s'en convaincre par l'examen des diverses dispositions de ce titre.] 2956. Lorsque le jugement de séparation a été attaqué par appel et qu'il est confirmé, les actes faits en exécution des art. 1445, C. civ., et 872, C. proc. civ., doivent-ils avoir leurs effets, ou ne doiton pas les renoureler, en exécution de Parret confirmatif?

Il est de principe, comme nous l'avons dit Quest. 663, qu'en tous les cas où un jugement est confirmé, il reprend toute sa force à l'égard des parties. C'est ce que prouveraient non-seulement l'art. 472, puisqu'il veut que, si le jugement est confirmé, l'exécution appartienne au tribunal dont est appel, mais surtout l'art. 457, en ce qu'il déclare que l'appel n'est que suspensif.

Il résulte, sans contredit, de ces deux articles, que les actes faits en exécution du jugement de séparation sont vivifiés et doivent produire leurs effets, dès que ce jugement reprend lui-même sa force par la cessation de l'obstacle que l'appel avait apporté aux suites ultérieures.

Ainsi, les actes de publicité donnée au jugement confirmé n'ont pas besoin d'être renouvelés.

[Cette opinion est incontestable et ne contrarie pas la solution que nous avons donnée sur la Quest, 1655.]..

2957. Mais si l'exécution n'avait pas eu lieu en conformité de l'art. 1444, C. cir., le délai ne courrait-il pas utilement à partir de l'arrêt confirmatif?.

De ce que l'appel a suspendu les poursuites

(4) [Quoique le législateur se soit servi, dans cet article, du mot tierce opposition, il n'a point entendu parler de la procédure réglée par le litre er du livre IV. Car le créancier est l'ayant cause de son débiteur, et ne peut attaquer le jugement rendu contre ce dernier (voy, notre Quest. 1713); les principes que nous avons développés Quest. 1709, répugneraient à l'admission d'une semblable exception; mais

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qui restaient à faire, conformément à l'article précité, il nous semble que l'on doit conclure qu'elles doivent être consommées dans le délai fixé par cet article, à partir de l'arrêt confirnatif, et que l'on ne peut prétendre qu'elles eussent dû l'être dans le même délai, à compter du jour du jugement, puisque son exécution était arrêtée par l'effet de l'appel interjeté. (Voy. Quest. 1655, et l'arrêt de la cour de cassation du 12 juin 1810; Sirey, t. 10, 2o. p. 317.)

[La solution affirmative de cette question, corollaire de la précédente, nous paraît à l'abri de toute controverse.]

ART. 875. Si les formalités prescrites au présent titre ont été observées, les créanciers du mari ne seront plus reçus, après l'expiration du délai dont il s'agit dans l'article précédent, à se pourvoir par tierce opposition contre le jugement de séparation (1).

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DXLVII. Ce n'est qu'après avoir, pour la publicité du jugement, rempli toutes les formalités dont nous venons de parler, que la femme peut commencer à l'exécuter.

Ce n'est enfin que quand il a été satisfait à toutes les dispositions précédentes que les créanciers sont non recevables à former tierce opposition, et qu'ils ne peuvent plus intervenir sur l'appel que te mari interjetterait (2); car tout doit avoir un terme; et si le créancier en souffre, il ne fait que subir la peine de sa negligence, puisque la loi a épuisé tous ses bienfaits envers lui. (Exposé des motifs.)

[2957 bis. Le mari peut-il opposer la nullité résultant de ce que le jugement de séparation n'a pas été exécuté dans la quinzaine?

La négative ne nous parait pas douteuse : elle résulte de l'ensemble des dispositions légales qui régissent les séparations entre époux. Dans quel but, en effet, le législateur aurait-il établi cette déchéance exceptionnelle, si ce n'est parce qu'il a craint que le jugement de séparation ne fût, pour les époux qui l'invo

ce n'est qu'une opposition permise, dans certains cas, à certaines personnes, comme en matière de faillite; le législateur a cru nécessaire de réglementer le mode spécial de faire tomber une décision particulière, qui était censée rendue en fraude des droits des créanciers de l'une des parties entre lesquelles avait existé la contestation.]

(2) Voy. ci-après, Quest, 2961.

p. 540.)] (2957 quater. Quelle est l'étendue de la faculté qu'ont les créanciers postérieurs du mari d'attaquer le jugement ou son exécution?

quent, une occasion trop fréquente de colluder | la cour de Bordeaux, 22 janv. 1854; Devilleau préjudice des créanciers? Cette interpréta- neuve, t. 34, 2o, tion est d'autant plus vraie que ceux-là mêmes qui combattent notre opinion sont forcés d'avouer que c'est bien là, principalement, l'objet de cette deuxième disposition de l'art. 1444, et qu'ils se retranchent d'une manière exclusive sur la généralité des termes dans lesquels elle se trouve conçue. Mais qu'importe que les expressions dont se sert le Code soient plus ou moins absolues, générales, dans les dispositions qu'elles consacrent, si l'application qu'on prétend faire de ces dernières, fausse ouvertement l'esprit qui les a dictées? Cette considération n'est-elle pas suffisante pour qu'on refuse au mari le droit d'invoquer la nullité résultant du défaut d'exécution?

Il faut donc reconnaître avec la jurisprudence presque unanime des cours, et, notamment, avec un arrêt de la cour de cassation, qui a définitivement consacré notre opinion, que ce bénéfice qu'on voudrait étendre au mari n'a été exclusivement établi que dans l'intérêt des tiers créanciers. (Grenoble, 14 mai 1818; Colmar, 8 août 1820; Sirey, t. 21, p. 266; et 26 déc. 1826; Lyon, 28 mai 1824; cass., 11 avril 1857; Pasicrisie.)

A plus forte raison, la même exclusion doitelle être prononcée contre la fenime, qui ne peut exciper de sa propre négligence, comme l'a décidé un arrêt de la cour de Grenoble, du 8 avril 1855 (Devilleneuve, t. 37, 2, p. 136).

Voy. néanmoins, dans le sens contraire, Amiens, 19 fév. 1824 (Sirey, t. 24, p. 84); Bordeaux, 17 juill. 1835 (Devilleneuve, t. 54, 2, p. 55), et Aix, 50 nov. 1852.]

[2957 ter. La nullité du jugement peut-elle étre proposée sur l'appel, bien qu'elle ne l'ait pas été devant les premiers juges?

Le Code, en traitant des déchéances que peuvent encourir les créanciers du mari, n'a pas distingué entre ceux qui l'étaient lors de la publication du jugement et ceux qui le sont devenus depuis ce même jugement ou son exécution; mais les éléments de solution à la question proposée n'en existent pas moins dans son texte sainement interprété. Et d'abord, en ce qui touche le droit qu'ont les créanciers postérieurs de se pourvoir en nullité du jugement, on peut dire, avec Pigeau, Comm., t. 2, p. 578, et Thomine, no 1022, que s'il a été rendu public, ils ne peuvent l'attaquer. Cette publicité les ayant avertis de la situation du mari, ils ne doivent imputer qu'à eux-mêmes le préjudice qui résulte du traité fait avec le mari. Mais si le jugement n'a pas reçu la publicité requise, les tiers qui auraient traité depuis avec le mari seraient fondés à dire qu'ils l'ont fait dans l'ignorance de cette séparation, ou persuadés qu'elle était devenue caduque et sans effet par le défaut de publicité et d'exécution. D'ailleurs, ajoute Pigeau, le mari peut opposer la nullité résultant du défaut de publicité de la demande (art. 869, C. proc. civ.). Or, comme les créanciers peuvent exercer les droits et actions de leur débiteur, il s'ensuit que tous les créanciers du mari, mème postérieurs à la séparation, penvent se pourvoir contre le jugement, si les formalités prescrites n'ont pas été observées.

Mais, relativement à l'exécution, il n'en est plus de même. Ceux qui ne sont devenus state cette exécution seraient mal venus à se créanciers du mari que depuis l'acte qui conplaindre qu'il a été fait en fraude de leurs Oui, dit Favard, t. 5, p. 106, no 11; là nul- droits, puisque ces droits n'existaient pas enlité résultant du défaut d'exécution du juge- core; inhabiles à l'attaquer en leur nom perment dans la quinzaine n'est pas une simple sonnel, ils ne pourraient le faire valablement nullité de forme qui se couvre si elle n'a pas que comme exerçant les droits et actions de été présentée in limine litis : elle appartient leur débiteur, et par suite seulement dans les a fond du droit, et peut être proposée en cas où le mari en aurait lui-même la faculté, tout état de cause, même pour la première ce que nous avons contesté sous la Quest. fois sur l'appel. Un arrêt de la cour de cassa-2957 bis. C'est encore ce qu'enseigne Pigeau tion l'a ainsi jugé, le 11 juin 1818 (Pasicrisie, à cette date). Et c'est en faisant une saine application des mêmes principes (art. 175, Code proc. civ.), qu'elle a aussi décidé que ni le changement de qualité survenu chez la femme par le décès du mari durant l'instance, ni le fait que la pollite n'a pas été présentée avant loute autre exception, ne pouvaient constituer une déchéance du droit de la proposer. (Arrêts du 11 juin 1818; Sircy, t. 18, p. 286), et du 13 juillet 1830. Voy. aussi un arrêt de

(loco eod.). La sage économie de ces principes se trouve sanctionuée par un arrêt de la cour de Colmar du 26 déc. 1826.]

[2957 quinquies. Le tiers détenteur de L'immeuble grevé de l'hypothèque légale de la femme n'a-t-il, pour former tierce opposition au jugement de séparation de biens, que le délai accordé à tous les créanciers du mari par l'art. 873?

Cette question se réduit à celle de savoir si

l'effet du jugement de séparation est de rendre
le tiers détenteur créancier du mari; or, l'af-
firmative ne peut être douteuse. En effet, l'un
des principaux caractères de la séparation
étant d'attribuer à la femme le montant de ses
reprises, dès l'instant qu'il y a ouverture de
ce droit en faveur de celle-ci, le tiers détenteur
de l'immeuble sur lequel elle a un retour ac-
tuel se trouve évidemment en danger présent
d'éviction. Vainement dirait-il qu'il n'a eu le
droit d'agir comme créancier du mari que du
moment où il a été poursuivi hypothécairement
par la femme, et que, par conséquent, le dé-
lai de la tierce opposition n'a pu courir contre
lui; car peu importe qu'en fait l'exercice
du droit de suite de la femme sur l'immeuble
détenu ne soit venu le frapper que plus tard.
Dès lors qu'il avait un intérêt à intervenir
dans l'instance en séparation pour faire liqui-
der les reprises à leur juste valeur, il devenait
créancier réel du mari; il pouvait exercer
contre lui l'action en garantie en cas d'évic-
tion, et s'il a omis de le faire, il n'en doit ac-
cuser que son incurie et non la rigueur d'une
disposition légale qui se trouve fondée en
raison; car,
dit Pigeau, Comm., t. 2, p. 570,
si, en général, la tierce opposition est accor-
dée à un tiers auquel on oppose un jugement
qui lui préjudicie, et dans lequel il n'a été ni
partie, ni appelé, c'est qu'il est alors vrai de
dire que ce jugement a été rendu sans qu'il en
eût aucune connaissance, sans qu'il put récla-
mer contre la décision à rendre, et défendre
ainsi ses intérêts. Mais, en matière de sépara-
tion de biens, cette règle cesse à l'égard des
créanciers suffisamment avertis par les forma-
lités de cette procédure de l'existence de la
demande, et qui ont eu longtemps la faculté
d'intervenir.

quer le jugement de séparation dans

l'année ?

C'est demander, en d'autres termes, s'ils sont déchus du droit d'attaquer le jugement après l'expiration du délai fixé par l'art. 873. Nous ne le pensons point; en effet, la circonstance toute particulière que, lorsque le mari est tombé en faillite, le jugement de séparation n'avait pas encore reçu une exécution suffisante, et que, dès lors, la femme devait actionner, concurremment avec son mari, les représentants de ses créanciers, les syndics, nous paraît décisive en faveur de l'opinion que nous soutenons. Dira-t-on que les créanciers n'ont qu'un an pour se pourvoir contre le jugement? Mais nous répondrons, avec les nombreuses autorités citées sous la question suivante, que cette déchéance ne peut s'appliquer qu'au cas où les formalités prescrites en matière de séparation ont été remplies, leur action, dans le cas contraire, ne pouvant se prescrire que par trente ans. Or, au nombre de ces formalités, qu'on puise à la fois dans les art. 872, C. proc. civ., et 1444, C. civ., se rencontre celle qui, dans l'espèce, enjoignait à la femme de pratiquer cette série d'actes continus et sincères

pour

de laquelle seule résulte l'exécution suffisante du jugement; cette condition, l'a-t-elle remplie? non sans doute, puisque le mari ne pouvant plus disposer de sa fortune qu'avec le concours de ses créanciers, et la faillite ayant été déclarée quelque temps après la prononciation du jugement de séparation, il devenait indispensable d'y appeler les syndics. En omettant de le faire, en se bornant à suivre l'exécution de la sentence de séparation contre son mari seulement, la femme s'est placée sous le coup de la nullité que prononce Ils seraient mal fondés à prétendre à un bé- l'art 1444; et, par suite, elle a relevé les synnéfice dont ils ont pu jouir et qu'ils n'ont dics de la déchéance portée en l'art. 875, point réclamé. Si, d'ailleurs, il est juste de puisqu'ils peuvent valablement exciper contre pourvoir à leurs intérêts, il faut pourvoir elle de l'inaccomplissement des formalités aussi à l'intérêt de ceux qui, postérieurement, prescrites. C'est là, d'après nous, une conséont contracté sous la foi du jugement de séquence inévitable, forcée, de la nullité proparation.

Concluons donc, avec la cour de Dijon, 6 août 1817 (Pasicrisie, à cette date), qu'il faut résoudre la difficulté proposée dans le sens de l'affirmative, c'est-à-dire assimiler le tiers détenteur de l'immeuble grevé à tous les autres créanciers du mari, relativement à la déchéance que l'art. 873 leur fait encourir.

Voyez cependant, dans le sens contraire, un arrêt de Grenoble, 28 nov. 1852.]

[2957 sexies. Lorsque, pendant une instance en séparation de biens, le mari tombe en faillite et que la femme a omis d'appeler les syndics en cause, ceux-ci | doivent-ils, quoique non appelés, atta- |

venant du défaut d'exécution; et nous pensons que la cour de Bourges, en décidant le contraire, s'est écartée des véritables principes, dans son arrêt du 24 mai 1826 (Sirey, t. 26, P. 410.)]

2958. Les créanciers du mari sont-ils

recevables en tout temps à se pourvoir par tierce opposition, lorsque les formalités prescrites au titre de la séparation n'ont pas été remplies?

La conséquence de l'art. 875, dit Merlin (voy. Nouveau Répert., v° Séparation de biens, sect. 2, § 3, art. 2), est que si les formalités prescrites tant par les art. 866, 867, 868 et 869, que par l'art. 872, n'ont pas été observées, les créanciers du mari sont reçus

en tout temps à se pourvoir contre le juge- | créanciers postérieurs au jugement de séparament de séparation et à le faire rétracter. tion, Pigeau, ubi suprà.)

Cette décision se trouve en harmonie avec ce que nous avons établi sur la Quest. 1725, savoir que la tierce opposition n'est assujettie à aucun délai péremptoire, principe auquel l'art. 873 ne fait d'exception, relativement au jugement de séparation, que pour le cas où toutes les formalités que nous venons d'indiquer ont été remplies.

Il a conséquemment été décidé par l'arrêt de la cour de cassation, du 13 août 1818, déjà cité sous le no 2950, que la fin de non-recevoir prononcée contre les créanciers du mari, qui ne formaient leur opposition que plus d'un an après l'accomplissement des formalités prescrites par l'art. 872, laisse entière l'action en nullité de la séparation pour défaut de poursuites dans la quinzaine du jugement.

[Cette opinion, que nous adoptons, est également enseignée par Favard, t. 5, p. 106; Thomine, no 1004; Demiau, p. 547; Berriat, h. t., no 16, et Boitard, sur l'art. 873; elle s'appuie de l'autorité d'une forte jurisprudence Grenoble, 6 juin 1817, et 11 janv. 1819; Bordeaux, 1er avril 1825, et 22 janv. 1836. et Rennes, 27 août 1812.

Carré, interpellé le 15 sept. 1825 par un avocat de Marseille, si les mots en tout temps de sa Quest. 2958 accordaient trente ans au créancier, a répondu affirmativement, en se fondant sur l'art. 66, C. comm., qui dit : toujours.

Voy. notre question suivante.]

2959. Si le jugement, régulier dans la forme, est injuste au fond, parce qu'il a été rendu en fraude des droits des créanciers, peuvent-ils l'attaquer en tout temps par voie d'opposition?

Oui; car l'art. 1447, C. civ., dispose que les créanciers du mari peuvent se pourvoir contre la séparation de biens prononcée et méme exécutée EN FRAUDE de leurs droits, c'est-à-dire par dol, collusion, etc. Or, cet article ne fixe aucun délai après lequel ce pourvoi ne serait plus recevable, et conséquemment nous estimons qu'il faut appliquer les principes exposés sur la précédente question. (Voy. Pigeau, t. 5, p. 126.)

Cependant Demiau, p. 547, en se fondant sur les dispositions de l'art. 1304, C. civ., borne la faculté de se pourvoir par tierce opposition, en cas de fraude, à dix années du jour de la découverte du dol.

Mais si l'on fait attention que l'article dont argumente cet auteur n'est relatif qu'aux demandes en nullité ou rescision d'une convention, on pensera peut-être, et telle est notre opinion, qu'il n'est pas permis d'étendre sa disposition limitative. (Voy, sur les droits des

[Pigeau, Comm., t. 2, p. 576, et Favard, t. 5, p. 106, no 12, vont plus loin que Demiau; ils pensent que la faculté qu'ont les créanciers d'attaquer le jugement rendu en fraude de leurs droits ne dure qu'un an; et ils se fondent principalement sur ce que ce délai, qui n'a été limité que pour ne pas laisser trop longtemps incertaine la situation respective des époux et les effets de la séparation, est d'ailleurs suffisant pour que tout créancier, à quelque distance qu'il réside, ait la faculté de se pourvoir par la voie de la tierce opposition. Nous ne saurions partager cet avis. En principe, il faut reconnaître que tout ce qui est le résultat du dol ou de la fraude ne peut constituer une possession légitime, un droit inattaquable; il est dans l'ordre de la justice que celui qui a été frustré par cette voie puisse former sa réclamation dès qu'il reconnaît les manoeuvres qui ont été pratiquées contre lui. Or, tel est, quant aux créanciers qui n'y ont point participé (voy. Orléans, 11 nov. 1818), le jugement de séparation qui règle le plus souvent les reprises de la femme, et qui, s'il est frauduleusement obtenu, attribue à cette dernière des droits qu'elle n'avait pas, en l'envoyant en possession des biens de son mari, pour une valeur plus considérable que celle qui lui était due en réalité. Il faut donc reconnaître, avec Thomine, no 1025, et Demiau (loco citato), que, dans ce cas, les créanciers rentrent dans les termes ordinaires du droit, et qu'ils échappent à la limitation posée par l'art. 873. Mais vouloir, comme ces auteurs, restreindre à dix ans la durée de l'action qu'ont les créanciers, c'est se refuser, selon nous, aux conséquences logiques d'un principe adopté, et nous rejetons aussi ce système.

Pourquoi distinguer, en effet, là où la loi ne distingue pas ? Pourquoi, en admettant que ce soit un droit légitime pour celui qui a été victime du dol ou de la fraude d'en poursuivre les auteurs dès qu'il les découvre, l'exercice de ce droit demeurerait-il soumis à une déchéance qui sortirait des règles communes, lorsque aucun texte précis ne lui assigne de délai fatal? Si ces raisons ont paru assez concluantes pour légitimer la prescription décennale, à plus forte raison le deviennent-elles pour appliquer la prescription trentenaire.

Ce qui démontre avec le plus d'évidence le vice du système que nous combattons, c'est que tandis qu'en principe il se fonde sur la publicité qu'a reçue le jugement, pour assimiler les créanciers du mari à des parties réciproquement liées par une convention ordinaire, et, par conséquent, soumises aux mêmes déchéances, d'autre part, il n'en décide pas moins que l'opposition à l'exécution frauduleuse de ce même jugement, bien que cette

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