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Cependant Pigeau refuse à la femme le droit de faire apposer les scellés, attendu que ce droit n'est accordé par l'art. 270, C. civ., qu'à la femme demanderesse en divorce.

Mais qu'importe, puisque l'art. 869 autorise la femme qui poursuit une séparation de biens à faire tous actes conservatoires?

C'est aussi ce qui a été jugé par arrêts de la cour de Brux. du 8 mai 1807 et du 13 août 1812, et Denevers, 1810, supplément, p. 34, affirme que cette opinion a généralement prévalu. Telle est encore l'opinion de Demiau, | p. 575.

Quoi qu'il en soit, la cour de Liége, par arrêt du 13 janv. 1809, et la cour de Bruxelles (roy. Denevers, ubi supra), ont décidé que les tribunaux ne pouvaient ordonner le séquestre des

par exemple, des récoltes pendantes par racines, attendu que le séquestre ne peut être permis que dans les trois cas exprimés dans l'art. 1961, C. civ.

le 29 frim. an XIII (Pasicrisie, à cette date), a jugé que l'abandon du domicile conjugal n'empêchait point la femme de réclamer une provision alimentaire, et la cour de Nîmes, le 26 déc. 1811, a également rendu une décision qui repousse la fin de non-recevoir, mais en se fondant sur des circonstances particulières, et aucun de ces arrêts ne décide la question in terminis. La cour de Paris, le 24 janvier 1826, s'est montrée plus explicite, et nous croyons avec elle que la solution donnée au numéro précédent s'applique, par les mêmes motifs, à celui-ci. Le fait du refus de la femme, quelque blâmable qu'il puisse être, ne touche en rien à la légitimité de sa demande. Le tribunal, pour le faire cesser, peut ordonner telle mesure qu'il juge convenable, par exemple, lui refuser la provision alimentaire, non-objets non susceptibles d'apposition de scellés, obstant l'arrêt d'Aix précité; mais son pouvoir ne va pas plus loin. Il en serait toutefois autrement si, en renvoyant la femme à se pourvoir, le président subordonnait cette condition à la nécessité de réintégrer le domicile conjugal. Celle-ci serait sans doute en droit d'attaquer l'ordonnance par la voie d'appel : mais, faute de le faire, ou en cas de confirmation, elle ne pourrait se dispenser d'obéir, autrement sa demande serait réputée non-avenue.] [2975 ter. De quel moment cesse pour la femme l'obligation d'habiter la maison de Carré est la nôtre, et celle de Favard, t. 5, qui lui a été assignée par le président? p. 113; Dalloz, t. 25, p. 34, et Thomine, Du moment où la séparation de corps est no 1029. Ce n'est pas l'art. 270, C. civ., qu'il prononcée, comme l'a décidé avec raison la faut appliquer à la femme demanderesse en cour de Dijon, le 28 avril 1807 (Pasicrisie, séparation, comme on pourrait l'induire d'un à cette date); au reste, l'effet de l'appel inter- arrêt de Paris, 9 janv. 1825 (Pasicrisie, à cette jeté étant de suspendre l'exécution du juge-date); c'est l'art. 869, C. proc. civ., relatif aux ment (voy. Quest. 2987), nous croyons que demandes en séparation de biens. Il suit de là: l'appelant serait en droit de sommer son 1° Que les tribunaux peuvent ordonner au épouse, qui aurait quitté le domicile assigné, profit de la femme des actes conservatoires aud'y revenir jusqu'à la fin de l'instance; mais tres que ceux qu'autorise l'art. 270, par exemen cas de contestation, c'est à la cour royaleple le dépôt d'une somme de la communauté qu'il faudrait s'adresser pour en connaître.] 2976. La femme demanderesse en séparation de corps peut-elle faire les actes conservatoires permis à la femme demanderesse en séparation de biens? [Le mari défendeur a-t-il le même droit ?]

Nous pensons qu'elle le peut, car elle est demanderesse en séparation de biens, par cela même qu'elle est demanderesse en séparation de corps (1).

En effet, cette séparation entraîne toujours la première, conformément à l'art 311, Code civ. (Voy. notre Quest. 2939.)

Nous considérons ces mesures comme conservatoires, et nous appliquons à ce sujet, à la femme demanderesse en séparation de corps, ce que nous avons dit sur la question précitée, relativement à la femme demanderesse en sé│paration de biens.

général, faire des actes conservatoires, l'opinion [Sur le point de savoir si la femme peut, en

dans la caisse des consignations (Metz, 23 janv. 1819) (2);

subordonne la levée des scellés, offrant toutes 2o Que les conditions auxquelles l'art. 270 bres d'ordonner cette mesure, si le mari s'engaranties à la femme, les tribunaux seraient ligageait à faire inventaire avec prisée, à la charge de représenter les choses inventoriées ou de reproduire leur valeur; mais qu'ils ne seraient nullement astreints à ordonner par cela seul la levée des scellés, et qu'ils ont à cet égard un pouvoir discrétionnaire.

Il importe peu d'ailleurs que les effets à raison desquels la femme demande des mesures

(1)[* Pour que la femme puisse prendre des mesures conservatoires, il faut au moins qu'il y ait une instance en séparation de corps engagée. (Brux., 14 juin 1834; J. de B., 1834, p. 416.)]

(2) [Mais la femme ne peut, par des oppositions, empêcher le mari de toucher les revenus. (Paris, 29 nov. an n.)]

conservatoires lui appartiennent en propre, ou qu'ils fassent partie des biens de la communauté, dont la séparation de corps lui attribue la moitié (art. 1441, C. civ.). Il n'importe pas davantage que la mesure soit prise ou par la femme demanderesse ou par le mari défendeur, car ce dernier peut avoir un intérêt identique à requérir, par exemple, l'apposition des scellés comme l'a jugé un arrêt d'Angers, 16 juill. 1817 (Pasicrisie, à cette date).

peut-elle étre formée et jugée incidemment a un proces existant entre les deux époux, par exemple s'ils plaidaient en séparation de biens?

les cas où il arriverait que, dans le cours du Pigeau, t. 3, p. 135, tient l'affirmative, pour procès, l'un des époux se rendit coupable envers l'autre d'imputations calomnieuses.

Nous sommes bien de cet avis, mais sous la

Alors, dit-il, pourquoi le tribunal ne pourEn ce qui concerne le droit de requérir le rait-il pas, ainsi qu'il se pratiquait autrefois, séquestre, la cour d'Angers, le 27 août 1817 accorder, sur la demande de la femme, la sé(Sirey, t. 18, p. 132), a jugé, comme celle deparation de corps en même temps que la sépaLiége, qu'il n'appartient pas à la femme. Mais ration de biens? nous croyons avec Carré, que cette jurisprudence est fort contestable. Il est, en effet, généralement reconnu par les auteurs que l'art. 1561, C. civ., n'est point limitatif, et que les tribunaux peuvent ordonner le séquestre toutes les fois que l'intérêt des parties semble l'exiger. (Voy. aussi Bourges, 8 mars 1829, et 18 déc. 1826; Pasicrisie.)

Massol, p. 165, se prononce en faveur de cette opinion.]

condition, impérieusement prescrite par l'article 878, de la tentative de conciliation devant le président.

séparation de corps, intentée par le mari après [Il faut aussi remarquer qu'une demande en le jugement en séparation de biens où il était défendeur, ne peut être jointe à l'instance d'appel de cette dernière, même à titre de demande reconventionnelle. (Cass., 26 mars 1828.)

Tel est également l'avis de Massol, p. 96. 2977. Lorsque la femme a fait apposer les Cependant la cour de Lyon, 26 mars 1817, scellés, un créancier porteur d'un titre a jugé que la séparation peut être prononcée exécutoire contre la communauté pour- par une cour royale saisie seulement de l'aprait-il, pour frapper les meubles, deman-pel d'un jugement qui statue sur une demande der et obtenir le lief des scellés?

Oui, parce que l'art. 270, C. civ., qui porte que les scellés apposés par la femme ne seront levés qu'en faisant inventaire avec prisée, n'est point applicable au créancier d'une communauté poursuivant ses droits; il regarde seulement le mari qui voudrait faire lever les scellés apposés sur les effets de cette communauté, à la requête de la femme demanderesse en divorce ou séparation. (Voy. arrêt de la cour de Rennes, du 8 août 1810.)

Dans l'espèce, les scelles avaient été mis, à la requête d'une femme poursuivant la séparation de corps ainsi l'arrêt que nous citons vient appuyer la solution donnée sur la question précédente.

Nous partageons l'opinion de Carré. Ce n'est pas à dire toutefois que les tiers puissent intervenir dans l'instance. (Voy. notre Quest. 2980.)] 2978. La demande en séparation de corps

en provision et sur une demande en nullité du la fois contraire, et au principe des deux demariage. Mais cette décision nous paraît tout à grés de juridiction, et à la nécessité pour les parties, au moins pour le demandeur, de suivre les formes préliminaires tracées par les art. 875 à 878.]

ART. 879. La cause sera instruite dans les formes établies pour les autres demandes, et jugée sur les conclusions du ministère public.

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[1° La femme qui a échoué sur une demande en séparation de biens n'est pas par cela seul non recevable à demander ensuite la séparation de corps, quoique celle-ci entraîne la séparation de biens. (Cass., 25 août 1809; Pasicrisie.)

26 Les tribunaux peuvent apprécier les faits et indices qui doivent produire la séparation de corps ; ils ont à cet égard on pouvoir discrétionnaire à l'abri de la cassation. Rouen, 18 nov. 1825; cass., 2 mars 1808; Pasicrisie; et 25 août 1830.)

3 Un file peut être admis à soutenir pour sa mère

le pourvoi dirigé par elle contre un arrêt qui a prononcé la séparation de corps entre elle et son mari. (Cass., 9 nov. 1850; Devilleneuve, t. 31, 1re, p. 155.) V. notre Quest. 420.

40 On peut, sans contravention aux lois sur le timbre, mettre sur l'expédition d'un jugement prononçant une séparation de corps et de biens, les certificats délivrés par les greffiers, constatant que lecture du jugement a été faite audience tenante (article 867). Ces certificats sont passibles du droit d'enregistrement et du droit de greffe et de rédaction.(Décision de l'administration, 8 fév. 1851.)]

l'égard des demandes en divorce, qui ne sont royale du 16 mai 1835, fopportée au J. dès plus admissibles aujourd'hui, le Code civil Av., t. 48, p. 516, d'après laquelle les deavait organisé une marche particulière de pro-mandes en séparation de corps doivent être cédure (art. 228 et suiv.,) que l'on eût pu eroire, plaidées et jugées en audience ordinaire. si le législateur ne s'en était pas expliqué, devoir suivre dans les poursuites en séparation de corps; mais le Code civil s'est réduit à dire que la demande serait instruite et jugée de la même manière que toute autre action (art. 306 et 307). L'art. 879 reproduit cette disposition. 2979. Une cause en séparation de corps doit-elle étre plaîdée en audience solen

nelle?

Autrement, l'art. 22 du décret du 30 mars 1808 s'applique-t-il aux demandes en séparation?

Il existe, sur cette question, deux arrêts opposés, l'un de la cour de Rouen, du 9 nov. 1808 (Sirey, t. 15, 20 p. 201), qui la décide pour la négative, l'autre de celle d'Angers, du 9 décembre de la même année, qui a jugé l'affirmative. (Voy. Jurisp. sur la procéd., t. 2, p. 382, et t. 3, p. 291.) Coffinières, en rapportant le premier arret, t. 5, p. 415, remarque que, dans l'espèce d'un autre arrêt qu'il rapporte, p. 419, la cour de Paris jugea en audience solennelle.

Quoi qu'il en soit, nous croyons que l'on doit préférer la décision de la cour de Rouen. En effet, celle d'Angers est motivée sur ce que la demande en séparation présente une question d'État, en ce qu'elle tend directement å dissoudre le lien civil. (Voy. C. civ., article 310.)

Nous répondions, sur la Quest. 2747 de notre Analyse, alors que le divorce était autorisé, que la séparation de corps n'était qu'une mesure de bon ordre, pour empêcher, sans recourir au divorce, que l'un des époux ne restat exposé aux emportements et aux effets de l'inconduite de l'autre ; que cette mesure he rompait point le lien conjugal; que même, dans l'avenir, la dissolution du mariage n'en devait point résulter nécessairement; qu'elle ne portait aucune atteinte à la qualité d'époux, et que, conséquemment, le point qu'elle offrait à juger n'était pas du nombre des contestations sur l'état civil auxquelles s'applique l'art. 22 du décret du 30 mars 1808.

Aujourd'hui que le divorce est aboli, le motif de la cour d'Angers n'est d'aucune considération, et, par conséquent, on ne peut élever le moindre doute sur la négative de la question ci-dessus posée.

[Voy. aussi les arrêts de Riom, 9 mars 1808; Cass., 26 mars, 21 et 28 mai 1828; Poitiers, 3 déc. 1855 et 16 janv. 1834; Rennes, 15 mars 1834; Cass., 27 déc. 1831 et 15. janv. 1834 (Devilleneuve, t. 32, 1re, p. 106; t. 34, 1re, p.9; 20, p. 84,665).

La difficulté a été levée par une ordonnance

Billequin, loc. cit., a contesté la légalité de cette ordonnance, qui modifie par voie d'interprétation l'art. 22 du décret du 50 mars 1808, lequel a force de loi, et l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810.

L'argumentation de notre honorable ami nous paraît concluante.

sur la convenance de la décision émanant du Mais nous ne partageons pas son opinion pouvoir exécutif.

Si la séparation de corps ne dissout pas le mariage, elle en paralyse du moins les effets, en autorisant la cohabitation séparée; elle touche en cela par les points les plus essentiels à l'état des époux.]

[2979 bis. Les plaidoiries, en matière de séparation de corps, peuvent-elles avoir lieu à huis clos?

L'affirmative a été adoptée par la cour de cassation, le 13 décembre 1808 (Devilleneuve, t. 2, 1re, p. 613), en matière de divorce, et nous ne voyons pas pourquoi sa décision ne s'appliquerait pas à la séparation de corps, toutes les fois que l'intérêt des bonnes mœurs et les scandales, si abondants quelquefois, dans les causes de cette nature, en feraient impérieusement sentir la nécessité. Toute latitude à cet

égard est laissée aux juges. Les termes mêmes de l'art. 879 tranchent toute espèce de difficulté.]

2979 ter. L'art. 154, qui enjoint aux juges, lorsqu'une demande provisoire est formée, et que la cause est en état de prononcer sur le tout par un seul jugement, est-il applicable dans les causes de séparation de corps?

La cour de Besançon, le 20 déc. 1816, a jugë que si, dans les affaires ordinaires, les juges sont tenus de statuer à la fois sur le provisoire et sur le fond, lorsque tous deux sont en état, il n'en est pas de même dans les procès de séparation, et elle s'est fondée sur l'art. 268, C. civ., au titre du Divorce, qui veut que le tribunal fixe une provision à la femme, sur sa première demande.

Cette manière de raisonner nous paraît fautive de tout point d'abord il n'est pas vrai de dire que la manière de procéder est la mème pour la séparation de corps que pour le divorce. C'est là une erreur matérielle, dont la preuve résulte des art. 879, C. proc. civ., et 307, C. civ., qui veulent que les causes de séparation de corps soient instruites et jugées dans les formes établies pour les autres demandes, et comme celles-ci sont évidemment soumises à la règle générale posée par l'art. 154,

manqué d'ordonner de même l'application de l'art. 871, s'il avait entendu qu'elle dût être faite en matière de séparation de corps.

Mais on demandera quelle sera la ressource des créanciers contre un jugement de séparation de corps, rendu à leur préjudice par suite de quelque manoeuvre frauduleuse de la part des époux. Demiau répond qu'ils auront la voie de tierce opposition à ce jugement, non pas à la vérité, en ce qui peut concerner la séparation de corps, mais, quant à ses effets, relativement à la séparation de biens, comme on en a vu des exemples à l'égard des divorces poursuivis sous l'empire de la loi du 20 septembre 1792, dans la vue de dépouiller des tiers acquéreurs de bonne foi. Il fut décidé alors que le divorce n'aurait aucun effet relativement à eux.

C. proc. civ., il faut, sous peine de violer un texte précis, reconnaître que cette règle s'applique également aux instances en séparation de corps. Mais fùt-il vrai, ainsi que le prétend la cour de Besançon, que la procédure du divorce doit être commune à la séparation de corps, la solution qu'elle donne à la question n'en serait pas moins erronée. En effet, l'article 268, C. civ., qu'elle suppose trancher la difficulté, n'y a aucun trait. Cet article prévoit bien le cas où la femme demandera une provision, et il dispose que le tribunal la lui accordera, s'il y a lieu. Mais il ne dit pas, il ne laisse pas même entendre qu'à l'époque où la provision sera demandée, le fond sera en état; car il parle d'une provision réclamée pendant l'instance. Ainsi donc la condition qui seule aurait donné quelque force à l'argument tiré de cet article ne se rencontrant pas, cela Nous croyons que cette opinion est une consuffirait pour le rendre inapplicable à l'espèce, séquence nécessaire et de la disposition de alors même qu'en principe, il eût pu être l'art. 880, qui ordonne la publicité du jugeétendu du cas de divorce à celui de séparation. ment, et de l'art. 307, qui ne permet pas que Du reste, si le mari a succombé sur une de- la séparation de corps ait lieu par le consentemande incidente en provision, le tribunal n'estment mutuel des époux. (Voy. Berriat, h. t., pas obligé, pour statuer sur les dépens, d'attendre le jugement définitif, et cette décision, qui repose sur d'autres principes, ne fait pas obstacle à celle que nous venons d'émettre. | (Voy. nos observations sur la Quest. 554.)] 2980. Les dispositions de l'art. 871 sontelles applicables à la séparation de

corps ?

note 9.)

[Pigeau, Comm., t. 2, p. 580, persiste dans son opinion. Nous croyons néanmoins que celle de Carré concilie tous les intérêts et tous les droits. C'est aussi dans ce dernier sens que se sont prononcés Favard, t. 5, p. 114; Thomine, no 1055, et Massol, p. 135 (1). Nous ne croyons pas, au surplus, que les créanciers aient le droit de se pourvoir par la tierce opOui, dit Pigeau, t. 3, p. 138, car la sépara-position contre un jugement qui leur est absotion de corps entraînant toujours celle de biens, lument étranger, et dont ils ne peuvent proon doit appliquer à l'instruction de la première voquer l'annulation.] toutes les dispositions de la loi qui ont pour but de garantir les intérêts des tiers dans l'instruction de la séparation de biens.

Ainsi, cet auteur admet et la demande en communication, et l'intervention de la part des créanciers, toutes les fois que les époux ne sont pas déjà séparés de biens.

Demiau maintient au contraire que la négative de la question que nous venons de poser n'est pas douteuse. « Le législateur, dit-il, a accordé le droit dont il s'agit pour la séparation de biens (roy. art. 871, C. proc. civ., et art. 1447, C. civ.); mais il n'en dit rien pour la séparation de corps. Or, ce silence est une dénégation tacite, parce qu'il serait messéant et dangereux que des tiers vinssent s'immiscer dans des contestations domestiques du genre de celles qui font ordinairement l'objet d'une instruction en séparation de corps. »

Telle est aussi notre opinion, fondée sur ce que le législateur a pourvu aux intérêts des créanciers, en ordonnant par l'art. 880, que le jugement de séparation de corps serait publié, ainsi qu'il est dit art. 872 pour le jugement de séparation de biens. Or, il n'aurait pas

2981. De ce que la séparation de corps ne peut avoir lieu par consentement mutuel, s'ensuit-il que l'aveu du défendeur ne puisse faire foi des faits allégués par l'autre?

Oui, sans doute, et cette conséquence se trouve en harmonie avec la disposition de l'article 870 on doit donc recourir nécessairement aux différentes voies indiquées par la loi pour prouver les faits, et ce n'est qu'autant que la preuve est acquise par ces moyens que la séparation peut être prononcée. (Voy. Pigeau, t. 3, p. 156.)

[Thomine, no 1033, reproduit dans des termes presque identiques la décision de Carré. Son exactitude, en thèse générale, n'est pas douteuse. Mais peut-être est-elle exprimée en termes trop absolus. C'est donc plus justement, à notre avis, que Pigeau, Comm., t. 2, p. 580, enseigne que cet aveu ne doit pas être absolument rejeté, et que, s'il n'est pas concerté,

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les juges doivent y avoir tel égard que de raison. Dalloz, t. 25, p. 33, ajoute que c'est là une question d'appréciation, et tel paraît être aussi le sentiment de Favard, t. 5, p. 115. En définitive, la contradiction entre ces divers auteurs n'est qu'apparente : tout se réduit à dire que l'aveu d'un époux n'est, par lui-même, ni tout à fait suffisant, ni complétement nul. (Voy. aussi par induction un arrêt d'Amiens, 6 mai 1826; Journ. de cette cour, t. 4, p. 206), rendu en matière de séparation de biens.)]

2982. Si une enquête est ordonnée, peutelle étre faite sommairement à l'audience?

Elle doit être faite dans la forme des enquêtes en matière ordinaire, c'est-à-dire devant un juge-commissaire (1), etc.; autrement elle est nulle. (Voy. arrêt de la cour de Colmar du 22 avril 1807; Sirey, t. 13, 2o, p. 356.)

[C'est une conséquence de la disposition de l'art. 879, approuvée par Dalloz, t. 11, p. 904. Il résulte encore, de ce que les règles et les formes d'une enquête ordinaire doivent être observées, en matière de séparation :

1° Que les témoins doivent, conformément à l'art. 262, déclarer leur âge et profession, à peine de nullité (Lyon, 18 déc. 1810);

2° Que l'assignation donnée pour assister à l'enquête doit, sous la même peine, contenir l'indication des jour, mois et an de sa signification (Nancy, 27 mars 1827);'

3° Que le défendeur à la séparation ne peut faire déposer, dans la contre-enquête, sur des faits qui n'ont pas été articulés lors du jugement ordonnant l'enquête (Bruxelles, 27 flor. an XIII, 20 frim. an XIV; Poitiers, 21 janv. 1808; Paris, 18 mai 1810 (Pasicrisie, à ces dates);

Comme on le voit, toutes ces décisions sont fondées sur le principe émis en tête de ce numéro, et doivent par conséquent être considérées comme exactes: cependant la cour de Poitiers, 22 fév. 1829, a semblé admettre une dérogation aux règles ordinaires en matière d'enquête, en jugeant que l'époux demandeur peut, après l'annulation d'une première instruction de ce genre, ètre admis à une seconde, en articulant de nouveaux faits. Telle paraît être aussi la manière de voir de Thomine, no 1053, et de Massol, p. 116, à la note, qui n'admettent pas même cette dernière précision, et autorisent dans tous les cas l'époux demandeur à recommencer l'enquête, en se fondant sur ce que l'art. 295, qui établit le contraire dans les cas ordinaires, suppose un dommage appréciable en argent et à raison duquel une action en répétition appartient à la partie contre son avoué ou son huissier; mais lorsqu'il s'agit de séparation de corps, c'est-à-dire de la sûreté, de l'honneur, de la vie peut-être d'un époux, l'impossibilité d'obtenir une semblable sanction démontre assez celle d'appliquer la disposition à laquelle elle se rapporte. Cette remarque nous parait aussi concluante que judicieuse, et nous ne doutons nullement que les magistrats, si une enquête est annulée par le fait d'un officier ministériel, et qu'ils tiennent néanmoins à constater des faits graves qu'elle a fait connaître, ne soient en droit d'en autoriser une seconde, sans distinguer s'il s'agit de faits nouveaux ou précédemment articules.

Une autre dérogation aux principes ordinaires en matière d'enquête se trouve expliquée à la question suivante.]

2983. Les père et mère des époux peuvent

ils être entendus comme témoins? 4° Que les nullités d'enquête doivent être Nous avons dit, sur la Quest. 1057, qu'en proposées avant toutes défenses et exceptions, matière de divorce et de séparation on pouvait sans que des réserves puissent empêcher ees entendre les mêmes parents on alliés en ligne nullités d'être couvertes par la procédure sub- directe des époux, malgré la prohibition porséquente (Paris, 29 fév. et 16 mars 1812; Pasi-tée dans l'art. 268. (Voy. aussi Pigeau, t. 3, crisie);

5° Que les cours d'appel saisies d'une demande en séparation peuvent faire procéder à de nouvelles enquètes. (Cass., 26 mai 1807. Sirey, t. 7, p. 484. Voy. nos précisions, Quest. 1136.)

D'un autre côté, la loi n'exigeant pas, au titre des enquêtes, que les prénoms des témoins soient énoncés dans les citations qui leur sont données, ce fait n'entraîne pas la nullité de leur déposition dans une instance en séparation de corps, ainsi que l'a jugé la cour de Paris, le 11 avril 1812 (2).

p. 136.)

Ici, nous demandons si cette faculté s'éten-. drait jusqu'aux père et mère des époux. Cette question a été jugée affirmativement par arrêt de la cour de Paris, chambres réunies, le 12 déc. 1809 (Sirey, t. 15 1re, p. 202), attendu que l'art. 251, C. civ., est applicable à la sépara❘tion de corps.

[La doctrine et la jurisprudence sont unanimement fixées dans ce sens que les principes généraux sur les reproches des témoins ne sont pas applicables aux demandes en séparation de corps, dont, sans cela, l'instruction serait le

(1) [II en était autrement en matière de divorce. (V. ce titre et arrêt de cass., 22 nov. 1815; Pasicrisie.)]

(2) [Conf. aussi Dijon, 11 fév. 1809; cass., 26 mai 1807 (Sirey, t. 7, p. 484), et Rennes, 24 nov. 1820.]

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