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recourir à un moyen que la loi autorise dans
des cas bienplus graves, notamment lorsqu'il
s'agit d'uneprestation de serment.]
3051. Combien de temps l'insertion prescrite
par l'art. 905 doit-elle durer?

La loi ne s'explique point à ce sujet; mais nous pensons, avec Pigeau, t. 3, p. 37, qu'elle peut être réitérée au bout d'un an, ainsi que l'art. 827 l'a décidé pour l'insertion des jugements de séparation. Il faut remarquer que, d'après l'art. 92 du Tarif, la même insertion doit être faite dans un journal.

[C'est également l'avis de Thomine, no 1064, et le nôtre.]

ART. 904. Le jugement qui admettra au bénéfice de cession vaudra pouvoir aux créanciers à l'effet de faire vendre les biens meubles et immeubles du débiteur: et il sera procédé à cette vente dans les formes prescrites pour les héritiers sous bénéfice d'inventaire.

C. civ., art. 1269.-C. comm., art. 574. — C. proc., art. 936 et suiv., 945, 953. — [Art, 8 de la loi du 2 juin 1841. Notre Comment. du Tarif, t. 2, p. 401, nos 22 et 23 (1).]

3052. Est-il nécessaire de faire nommer un curateur aux biens, si un créancier du débiteur admis a la cession veut en poursuivre l'expropriation? — [Quelle est la marche à suivre dans ce cas ?]

» mandataire pour les représenter, et de la » conduite duquel ils répondront, au lieu » qu'ils ne pourraient répondre des fautes » d'un curateur nommé par la justice. On ne >> voit donc pas quels sont les motifs de cer»tains auteurs qui conseillent encore, sous >> notre nouvelle législation, de nommer par » prudence un curateur. »>

[La question de savoir quelle marche doivent suivre les créanciers, lorsque la cession de biens a été admise, est certainement l'une des plus importantes de la matière. Cependant la jurisprudence, sur ce point, est presque muette. La loi a-t-elle donc prévenu toute difficulté ? Nous ne le pensons pas.

L'art. 904, C. proc., donne bien aux créan ciers pouvoir à l'effet de faire vendre; mais comment les créanciers doivent-ils faire procéder à cette vente? Quant aux formalités à suivre, le mème article trace les règles qui doivent être observées, et qui sont prescrites pour les héritiers sous bénéfice d'inventaire ; mais on n'y voit pas comment devront se réunir les créanciers, pour user du pouvoir que leur accorde le jugement qui admet le débiteur à la cession de biens.

Les créanciers devront-ils nommer des syndics comme en matière commerciale ? C'est le parti que proposent Demiau, p. 608, et Berriat, h. t., note 8; mais comment devront-ils se réunir? En cas de contestation, par qui seront-elles décidées? Si tous les créanciers ne peuvent pas être réunis à l'amiable, comment devront-ils être cités, et pourra-t-on procéder en leur absence?

Le tribunal de première instance de Bor- Ou bien, le créancier le plus diligent pourradeaux avait jugé cette question pour la néga-t-il, en vertu du jugement qui admet la cession tive, par la considération que la cession ne de biens, faire procéder à la vente, en appelant confère point aux créanciers la propriété des à ses opérations les autres créanciers, comme biens du débiteur; mais, sur l'appel, la cour parait l'admettre Thomine, no 1065? n'a pas eu besoin de prononcer sur la question (voy. Sirey, t. 18, p. 66), attendu que le pourvoi avait été interjeté après le délai. Au reste, Toullier, t. 7, n° 268, partage entièrement notre avis (voy. Quest. 5054), et rejette même quelques doutes que nous émettions. « Le tri»bunal, dit-il, pourrait même et devrait peut-union de créanciers, ni qui indique la marche

» être refuser de nommer un curateur, car ce » curateur ne serait pas l'homme des créan» ciers; or, c'est à eux que la loi a donné le » pouvoir de vendre les biens et d'en perce» voir les revenus. S'ils ne veulent pas agir » tous en commun, c'est à eux de nommer un

Nous ne pensons pas que les créanciers puissent nommer des syndics, et suivre la marche tracée en matière commerciale, parce que, dans le Code de procédure, il ne se trouve aucun article qui autorise la nomination d'un juge commis à la surveillance des opérations d'une

à suivre pour une réunion de ce genre; et, si cette union ne comprenait pas tous les créanciers, les opérations ne pourraient-elles point être attaquées par de nouveaux créanciers qui viendraient se plaindre de la clandestinité des opérations?... Nous ne croyons pas non plus

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JURISPRUDENCE.

[10 Le créancier qui poursuit la vente des biens du débiteur qui a été admis au bénéfice de cession, peut, s'il a laissé passer le jour indiqué pour l'adjudication définitive sans y faire procéder, indiquer lui-même le jour de cette adjudication, sans recourir de nouveau au tribunal, pourvu qu'il se conforme au 2e § de l'artiele 964, C. proc. (Bordeaux, 1er juin 1816; Pasicrisie.]

2° Lorsqu'un débiteur se trouve en instance devant un tribunal pour être admis au bénéfice de cession, s'il lui échoit d'autres biens pendant cette instance, ils doivent être compris dans la masse abandonnée aux créanciers, et vendus par licitation devant le même tribunal, encore qu'ils aient été cédés à un tiers. (Cass., 2 déc. 1806; Pasicrisie.)}

qu'il y ait lieu à nommer un curateur, qui ne serait pas l'homme des créanciers, comme le font observer Toullier et Carré, et après eux Dalloz, t. 20, p. 522, no 11, parce qu'on ne peut pas forcer ceux-ci à mettre leurs intérêts entre les mains d'un individu qui n'offre aucune espèce de garantie, comme le sont trop souvent les curateurs; aussi pensons-nous qu'il est nécessaire au créancier le plus diligent de se faire autoriser de justice, et voici comment nous croyons pouvoir raisonner.

Il nous a semblé impossible de concilier avec les intérêts de tous les créanciers qu'un d'eux eût le droit de poursuivre sans nouvelle autorisation la vente des meubles et des immeubles, d'abord, parce qu'il pourrait intempestivement poursuivre cette vente, et qu'ensuite il serait obligé, à chaque opération, pour qu'elle fût régulière, d'appeler tous les créanciers, ce qui entraînerait des frais trop considérables.

La marche la plus simple, et qui nous a paru devoir être suivie, est celle-ci : le créancier le plus diligent assignera devant le tribunal du domicile du débiteur tous les créanciers connus, et il conclura à ce que le tribunal nomme, soit un des créanciers choisi par la majorité, soit lui-même, partie requérante, pour procéder tant aux ventes des biens meubles et immeubles qu'au recouvrement de toutes les créances. (Argument de l'art. 1035, C. civ.) — Ainsi le créancier nommé par nouveau jugement du tribunal aura un pouvoir judiciaire suffisant pour recouvrer et faire déposer à la caisse des consignations tout l'actif du débiteur. — II devra suivre, pour la vente, les formalités prescrites pour les ventes des successions acceptées sous bénéfice d'inventaire. Il assignera devant les tribunaux compétents les débiteurs de celui qui aura été admis au bénéfice de cession. Considéré comme le mandataire de tous les autres créanciers, il sera responsable de sa gestion, et pourra être révoqué sur la demande des autres créanciers; il devra veiller à ce que le prix des meubles et des immeubles, et le montant des créances recouvrées, soient déposés à la caisse des consignations, parce que, si le jugement lui accorde le pouvoir de faire vendre, il n'acquiert pas, pour cela, le pouvoir de toucher le prix et de donner quit

tance.

Lorsque les biens seront vendus, et les créances recouvrées, le mème créancier, ou toute autre partie plus diligente, provoquera un ordre et une distribution par contribution. Il est essentiel de remarquer que les créanciers qui ont accepté la cession sont aux lieu et place du débiteur lui-même, et qu'ainsi, c'est toujours par action principale qu'ils doivent agir contre le tiers, comme l'aurait fait leur débiteur. Ainsi donc, si, outre les créances à

recouvrer, le débiteur a fait cession de biens indivis avec des tiers, le créancier nommé par

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le tribunal, comme nous l'avons dit plus haut, provoquera le partage et toutes les opérations qui peuvent en être la conséquence.

Si, contrairement à la nature de la cession de biens, ou par suite de mésintelligence des créanciers, le débiteur est resté possesseur de ses biens, depuis le jugement qui l'a admis à en faire la cession, nul doute qu'il ne doive rendre compte des jouissances qu'il a perçues, et c'est toujours au créancier mandataire qu'il devra rendre ce compte, conformément aux dispositions des art. 527 et suiv., C. proc. civ.

Néanmoins, en cas de négligence, tout créancier aura le droit de demander la subrogation, et, dans tous les cas, la faculté d'intervenir, à ses frais, pour surveiller les opérations du poursuivant.]

[3052 bis. Le débiteur qui a fait cession de biens doit-il nécessairement être appelé aux opérations préliminaires de la vente?

Lorsque le débiteur était un commerçant failli, la question ne souffrait aucune difficulté, avant la loi du 28 mai 1858, car l'art. 574, C. comm., autorisait expressément les syndics à vendre sans son concours les meubles et les immeubles composant toute sa fortune; pourquoi n'en serait-il pas de même aujourd'hui, à l'égard des débiteurs non commerçants? A la vérité, la cession de biens n'en transfère pas la propriété aux créanciers (voy. Quest. 5034), mais elle confère à ceux-ci le droit absolu de faire vendre, et se réfère, quant aux formes de la vente, à des dispositions dans lesquelles le débiteur ne pourrait puiser aucune analogie avec le droit d'intervention dont il s'agit. Les créanciers ont d'ailleurs tout intérêt à ce que la vente s'élève au plus haut prix possible. (Bourges, 3 mai 1822.)]

3053. Le stellionataire n'est-il déchu du bénéfice de cession qu'à l'égard des seuls créanciers envers lesquels il se serait rendu coupable de stellionat?

La cour de Turin, par arrêt du 21 déc. 1812 (Sirey, t. 16, p. 125; Dalloz, t. 20, p. 522), avait jugé cette question pour l'affirmative. En rapportant cet arrêt, t. 14, p. 4, Sirey fait observer qu'il y a eu pourvoi admis par la cour de cassation; mais Perrin, dans son Traité des Nullités, p. 87, nous apprend que la section civile n'a pas prononcé, parce que les parties ont transigé.

Nonobstant ce préjugé, il embrasse l'opinion de la cour de Turin, par les raisons qu'il développe, pages 84 et suiv. ; nous croyons comme lui que les créanciers contre lesquels le stellionat n'a pas été commis ne peuvent exciper du droit d'autrui. (Voy. Quest. 3055) [avec laquelle celle-ci forme double emploi.]

3054. La cession de biens confère-t-elle aux

créanciers la propriété des biens du débiteur?

D'après l'art. 1269 du Code civil, la cession ne donne aux créanciers que le droit de faire vendre les biens à leur profit, et d'en percevoir les revenus jusqu'à la vente. Ainsi, nous ne croyons pas qu'il soit absolument nécessaire de faire nommer un curateur aux biens, si un créancier voulait en poursuivre l'expropriation forcée, mais il serait prudent peut-être d'en agir ainsi : c'était du moins ce qui se pratiquait autrefois. (Voy. Tr. de la Vente des immeubles.) D'Héricourt, chap. 4, p. 51, et les auteurs du Praticien, t. 5, p. 185, conseillent de se conformer aujourd'hui à cet usage, fondé sur un arrêt du parlement de Paris du 22 fév. 1607.

C'est encore parce que la cession de biens ne confère point la propriété aux créanciers qu'il a été décidé, par arrêt de la cour de cass. du 12 janv. 1809, que les héritiers du débiteur doivent, à sa mort, les droits de mutation, si les biens abandonnés aux créanciers ne sont pas encore vendus.

[Ces principes sont incontestables et reconnus par tous les auteurs. En ce qui concerne la nomination d'un curateur et, en général, la marche à suivre dans l'expropriation, voy. nos observations sur la Quest. 3032.]

ART. 905. Ne pourront être admis au bénéfice de cession, les étrangers, les stellionataires, les banqueroutiers frauduleux, les personnes condamnées pour cause de vol ou d'escroquerie, ni les personnes comptables, tuteurs, administrateurs et dépositaires.

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Il fallait déterminer ces cas d'exception. C'est à quoi l'art. 905 pourvoit. Parmi ceux beaucoup trop nombreux qu'une jurisprudence Jousse, sur le titre X de l'ordonn. de 1675, et très-bigarrée avait introduits (voy. Comm. de le Répert., vo Cession de biens), le législateur a choisi les plus essentiels.

cée que contre les étrangers, parce que la déL'exclusion n'est, en conséquence, pronontention de leurs personnes est la principale et et que d'ailleurs leurs biens, s'ils en ont, ne quelquefois l'unique sûreté de leurs créanciers,

sont pas ordinairement à la portée du créancier français; contre les stellionataires, les banqueroutiers frauduleux, les personnes condamnées pour vol ou escroquerie, parce que leur mauvaise foi étant avérée, ces débiteurs sont évidemment indignes du bienfait de la loi.

Enfin, ce bienfait n'est point accordé non plus aux comptables, tuteurs, administrateurs et dépositaires. Ainsi l'exigent la nature de la dette et la faveur due, soit au trésor public, soit aux pupilles, soit même à toutes autres personnes dont la confiance a été trahie.

3055. La disposition de l'art. 905 peut-elle étre invoquée contre un débiteur par un créancier autre que celui envers lequel ce débiteur se serait rendu stellionataire, ou serait comptable, etc.? En d'autres termes : L'exception fondée sur une des qualités mentionnées en l'art. 905 peut-elle être opposée par tout créancier indistinctement, encore bien que la qualité sur laquelle l'exception serait fondée n'eût rien de relatif au créancier qui entendrait s'en prévaloir?

Nous pensons, avec Pardessus, no 1529, que la disposition de l'art. 905 n'est applicable que dans l'intérêt des personnes envers lesquelles le débiteur serait obligé par des actes qui lui donneraient, relativement à elles, une des qualités que l'article mentionne.

Ainsi donc, si le débiteur trouvait quelques moyens de satisfaire ces personnes, ou si elles gardaient le silence, d'autres créanciers ne pourraient invoquer contre lui la disposition dont il s'agit, et, comme nous l'avons dit cidessus, si ces personnes elles-mêmes n'avaient pas opposé l'exception, lorsque la demande en cession de biens a été instruite et jugée avec elles, elles ne seraient plus recevables à exercer la contrainte.

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JURISPRUDENCE.

[10 La cession de biens faite par un Français et agréée à l'étranger, où il a formé un établissement de commerce, est nulle à l'égard des créanciers français, si elle n'est réitérée en France, conformément aux lois du royaume. (Brux., 8 ayril 1810.)

20 Un jugement étranger qui admet un négociant au bénéfice de cession, n'est pas obligatoire pour les créanciers de France, encore que lui-même soit Français d'origine. (Brux., 8 mai 1810; Pasicrisie).]

Il résulte de cette solution, par exemple, que le créancier d'un compte a seul droit de s'opposer à la cession de biens que demanderait le débiteur comptable envers lui. Il en serait de même du dépositaire, pour la restitution de la chose déposée, du créancier envers lequel le stellionat eût été commis, du propriétaire de la chose volée; mais d'autres créanciers ne pourraient, si ceux-ci gardaient le silence, s'emparer du droit qui n'est établi qu'en leur faveur, pour s'opposer à la cession, si le fait sur lequel l'art. 905 fonde les cas d'exception qu'il établit n'avait pas entaché la masse des opérations du débiteur. On appliquerait alors la maxime Nul ne peut exciper du droit d'autrui. (Foy, la Ques. 3053.)

Thomine, no 1066, reconnaît également que tous les créanciers ont le droit, à raison de l'un des faits énumérés dans l'art. 905, de s'opposer à la cession de biens; la distinction qu'il propose est d'une autre nature : le stellionat, dit cet auteur, peut provenir d'une négligence aussi bien que d'une fraude; c'est là un fait qui dépend de circonstances particulières, qu'il est prudent de laisser à l'appréciation des tribunaux. Pourquoi, si le débiteur stellionataire, comptable, etc., était reconnu de bonne foi, ne serait-il pas admis au bénéfice de cession?

Cette opinion est encore repoussée par les paroles des orateurs du gouvernement que nous rapportions tout à l'heure. Évidemment, l'intention du législateur était d'attacher à tous les faits énumérés par lui un caractère d'exclusion absolu: ainsi, par exemple, l'art. 905 ne repousse pas en termes généraux les banqueroutiers, sauf aux juges à faire la distinction des banqueroutiers simples et frauduleux. Il précise tous ceux qu'il exclut du bénéfice de cession, il leur assimile les stellionataires et il en donne la raison : c'est que, par le seul fait du stellionat, il y a, aux yeux du législateur, mauvaise foi avérée. Cela est peut-être trop rigoureux, mais c'est la loi.]

[L'opinion de Carré est aussi celle de Merlin, t. 2, p. 148, no 4, et de Pigeau, Comm., t. 2, p. 610, et à l'arrêt conforme de Turin, cité sur la Quest. 3033, on peut joindre un autre arrêt de la cour de Montpellier, du 21 mai 1827 (Sirey, t. 28, p. 215). Quelle que soit la force des raisons que l'on peut invoquer en faveur de la doctrine qu'ils consacrent, quelque rigoureuse que puisse paraître l'exclusion dont ne se plaint pas celui qui en a été la victime, nous avions manifesté des doutes, en rendant compte de la première des deux décisions précitées, dans notre J. Av., t. 16, p. 640; il ré-3056. Tous autres que ceux qui sont indisulte, disions-nous, de l'opinion du législateur, qu'on a plutôt considéré la tache dont un stellionataire, un voleur, un escroc étaient à jamais couverts, que l'intérêt individuel du créancier trompé. L'orateur du consulat s'exprimait ainsi : De tels débiteurs sont évidemment indignes du bienfait de la loi. L'orateur du tribunat disait : L'exclusion du bénéfice est prononcée contre les stellionalaires, les banqueroutiers frauduleux, les personnes condamnées pour cause de vol et d'escroquerie, parce que leur mauvaise foi est avérée; contre les personnes comptables, les tuteurs, les administrateurs et les dépositaires, parce qu'ils ont prévariqué.

Dans le système que nous ne croyons pas fondé, il faudrait donc accorder une faveur insigne, un droit introduit seulement pour le malheur et la bonne foi, à un fripon avéré et à un prévaricateur!...

De nouvelles réflexions nous font aujourd'hui persister dans notre premier sentiment. Ce n'est pas dans l'intérêt des particuliers que la loi exclut certaines personnes du bénéfice de la cession de biens, c'est dans un intérêt de morale publique, c'est parce qu'il y a, dans leur position, quelque chose de plus qu'un manquement à des obligations pécuniaires; il y a une sorte de délit que la société doit punir, lors même que les parties qui ont eu à s'en plaindre consentiraient à garder le silence. Tel est aussi l'avis de Delvincourt, t. 8, p. 306, et de Dalloz, t. 20, p. 521.

qués dans l'art. 905 peuvent-ils être admis au bénéfice de cession?

L'art. 905, C. proc., doit être considéré, avec l'art. 575, C. comm., qui en répète les dispositions, comme renfermant les seules exceptions que la loi admette aujourd'hui, et l'on ne saurait en douter, d'après l'explication donnée sur le premier de ces articles par le conseiller d'État Berlier.

C'est par ce motif que la cour d'Aix, par l'arrêt cité sur la Quest. 5043, a décidé, par exemple, que les bouchers et les revendeurs ne sont plus exclus, à raison de leurs professions, du bénéfice de la cession de biens.

D'où nous concluons, avec Pigeau, t. 3, p. 94, qu'à l'exception des personnes désignées dans l'art. 905, tous les débiteurs malheureux et de bonne foi peuvent être admis à ce bénéfice.

Ainsi, tous ceux contre lesquels le Code civil prononce la contrainte par corps, tels que les cautions judiciaires, les cautions des contraignables par corps, les fermiers de biens ruraux qui ont stipulé la contrainte, peuvent le réclamer; il en est de même de ceux qui sont condamnés pour dettes commerciales. (Liége, 17 janv. 1809; Sirey, t. 10, supp., p. 529.)

De même aussi, l'art. 903, C. proc. civ., qui énumère divers cas où l'on ne peut demander la cession de biens, n'est point limitatif : le bénéfice de cession peut être refusé à tout

débiteur qui ne justifie point de ses malheurs et de sa bonne foi, encore qu'il ne soit pas compris dans l'énumération de l'art. 903. (Aix, 50 déc. 1817, et Bordeaux, 30 août 1821; Sirey, t. 18, 2o, p. 556, et t. 22, 2o, p. 60.) D'un autre côté, nous remarquerons que, dans un cas où le débiteur eût été admis au bénéfice de cession, quoique stellionataire, sans opposition de la part de ses créanciers, ceux-ci ne seraient plus recevables à demander contre lui la contrainte par corps, bien qu'il ne soit pas compris dans l'art. 903.

Il suit de ces décisions diverses deux observations générales : la première, que l'art. 905 | n'est point limitatif, mais démonstratif seulement; la seconde, que sa disposition n'est point considérée comme d'ordre public, mais qu'elle est de droit privé et qu'on peut y déroger tacitement, en n'opposant pas contre le débiteur les exceptions qui en dérivent.

[Nous nous sommes déjà expliqué dans la question précédente sur le caractère de l'exclusion portée par l'art. 905 contre certains individus; nous avons soutenu, contrairement à l'opinion de Carré, qu'il s'agissait là, à l'exception des étrangers (pour lesquels il existe du reste des motifs non moins puissants), d'une sorte de flétrissure, dont l'effet est de repousser sans distinction toute demande en cession de biens, de la part de ceux qui la subissent, qui peut, par conséquent, être proposée par tout créancier et mème appliquée d'office par le juge; mais il est évident, qu'en excluant d'une manière absolue ces diverses personnes, la loi n'a pas entendu admettre toutes les autres d'une manière non moins

absolue. Elle considère les premières comme convaincues de mauvaise foi: elle abandonne la conduite des secondes à l'appréciation souveraine des tribunaux; c'est en ce sens qu'il est juste de dire que l'art. 905 n'est pas limitatif au reste, cet avis est consacré par la doctrine et la jurisprudence. (Paris, 17 janv. 1825; Pasicrisie; Brux., 4 fév. et 9 nov. 1826; J. de Brux., 1826, t. 1, p. 47.)

Mais l'art. 903 est limitatif, en ce que nul autre que ceux qu'il énumère ne se trouve atteint de cette présomption juris et de jure, dont nous parlions tout à l'heure, et dont nous avons signalé les effets. Ainsi, comme l'a jugé la cour de Colmar, 17 janv. 1812 (Pasicrisie), celui qui, par suite d'une instruction criminelle, a été condamné à des réparations civiles pour voies de fait, n'est pas par cela seul privé du bénéfice de cession; il en

(1) Voy. Sirey, t. 8, p. 119.

De ce que les étrangers ne sont pas admis au bénéfice de cession contre les Français, il ne s'ensuit pas réciproquement que les Français ne puissent réclamer ce bénéfice contre leurs créanciers étrangers. (Cass.,

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est de même du banqueroutier simple, d'après la cour de Paris, 8 août 1812 (Pasicrisie), dont la décision est approuvée par Pigeau, Comm., t. 2, p. 610; Favard, t. 1. p. 446; Thomine, no 1067, et Dalloz, t. 20, vo Obligation, p. 321.

Il n'est pas moins certain, comme le dit Carré, que c'est au débiteur de prouver sa bonne foi, condition indispensable de l'obtention de sa demande. Ce point ne souffre plus aujourd'hui de controverse. (Paris, 2 avril 20 sept. 1808, et 14 avril 1812; Liége, 17 janv. 1809; Riom, 22 nov. 1809; Bruxelles, 19 nov. 1810; Nimes, 10 janv. 1811; Aix, 30 déc. 1817; Bordeaux, 30 août 1821; Pasicrisie; Bruxelles, 4 fév. 1826; J. de Brux., 1826, t. 1, p. 278; Toulouse, 30 mars 1838. — Voy. aussi la discussion de Pigeau, Comm., t. 2, p. 608.)] 3057. Les étrangers admis à jouir en France des droits civils peuvent-ils récla mer le bénéfice de cession?

Quoique les art. 905, C. proc., et 575, Code comm., paraissent refuser formellement, et sans aucune distinction, le bénéfice de cession aux étrangers, néanmoins nous pensons, comme Pigeau, t. 5, p. 34, et Pardessus, t. 4, p. 337, que ce bénéfice peut être réclamé par 'étranger qui jouit en France des droits civils, par suite des art. 11 et 15, C. civ.

C'est aussi ce que la cour de Trèves, par arrêt du 24 fév. 1808 (Sirey. t. 8, p. 110), a jugé, en faveur d'un négociant étranger ayant un établissement de commerce et des proprietés en France (1).

[Telle est également l'opinion de Berriat, h.t., note 1, de Favard, t. 1, p. 446, et nous la croyons conforme aux véritables principes de la matière; le bénéfice de cession, miserabile auxilium, est certainement un droit civil. A la vérité, dans l'espèce jugée par l'arrêt de Trèves, il ne paraît pas que l'étranger admis à la cession rentrât dans la catégorie à laquelle s'appliquent les art. 11 et 13, C. civ. Mais la propriété d'immeubles et d'un établissement commercial sis en France faisaient disparaître, sous l'empire du Code de commerce de 1808, les motifs qui ont dicté l'exclusion prononcee par l'art. 905.]

3058. Un saisi, établi de son consentement gardien de ses meubles et effets, est-il considéré comme dépositaire judiciaire, et, comme tel est-il, non recevable a réclamer le bénéfice de cession, s'il ne re

19 fév. 1806; Sirey, t. 6, 20, p. 773; Dalloz, t. 20, p. 525.)

[C'est la conséquence des principes développés sur la Quest. 3056.]

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