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lui donner. Quant aux effets de la nullité du compromis souscrit par un curateur non autorisé, cette question se rattache à celle de savoir si la nullité résultant de l'incapacité d'un compromettant est absolue ou relative. Nous l'examinerons sous le numéro suivant.] 3258. Si, d'après la solution donnée sur la précédente question, les parties capables de compromettre peuvent opposer la nullité d'un compromis et de ses suites au curateur d'un absent, s'ensuit-il que l'on doive décider de la même manière relativement à tout autre incapable?

Deux arrêts de la cour de cassation, l'un du 1er mai 1811 (Sirey, t. 11, 1re, p. 244), l'autre du 26 août 1812, ont décidé négativement cette question dans l'intérêt des mineurs.

Par le premier, il a été décidé que l'art, 1125, Code civ., était applicable à un compromis passé entre un majeur et un mineur, ou le tuteur de celui-ci, sans autorisation; en sorte que le majeur ne pouvait opposer au mineur la nullité du compromis à raison de l'incapacité de celui-ci pour compromettre; qu'enfin, le mineur seul serait fondé, à sa majorité, à se plaindre du compromis, s'il se croyait lésé par le jugement arbitral.

Par le second arrêt, la cour souveraine a consacré le même principe dans une espèce analogue, en déclarant que la nullité des com promis passés avec des mineurs n'a été établie que dans l'intérêt de ces derniers,

Ces décisions s'appliquent évidemment à la femme mariée et à l'interdit, parce que leur incapacité n'est que relative; mais on ne pour rait les étendre aux cas où l'incapacité serait absolue et d'ordre public, comme celle d'une commune, d'un établissement public, pour lesquels le maire ou les administrateurs auraient compromis sans autorisation. C'est ce qui résulte de plusieurs arrêts de la cour de cassation, cités par les auteurs du Praticien, t. 5, p. 542: et en effet, ce n'est pas seulement pour leur intérêt que les communes et les établissements publics doivent être autorisés, mais encore pour qu'ils n'inquiètent pas sans raison les particuliers.

On peut demander ici comment concilier les deux arrêts que nous venons de rapporter avec celui sur lequel nous avons motivé la solution de la question précédente. Nous répondons que ces différentes decisions se concilient facilement, parce qu'il y a une grande différence entre le cas d'un absent qui pourrait compromettre lui-même et pour lequel un notaire souscrit le compromis, et la personne

(1) L'opinion que nous émettons ici est d'ailleurs fondée sur la disposition de l'art. 1125, C, civ., qui n'est relative qu'au mineur, à l'interdit et à la femme

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qui agit directement et par elle-même. Dans le premier cas, le notaire est assimilé à un mandataire, qui ne peut compromettre pour le mandant qu'autant qu'il en a pouvoir spécial (1). (Voy, Code civ., art. 1988, et Pigeau, t. 1, p. 59.)

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[Des difficultés graves peuvent s'élever à rents, les mineurs, les femmes, les inter l'occasion d'incapables d'ordres bien diffédits, les communes, les départements, l'État, les condamnés, les curateurs, les séquestres, les morts civilement, les mandataires. Pour développer cette thèse et l'approfondir, il serait nécessaire de discuter les diverses interprétations de l'art. 1125, Code civ., d'examiner les théories si controversées des nullités de droit civil, relatives ou absolues.

Dans le cours de nos travaux sur le Code de procédure, nous avons évité de traiter per transennam des matières se rattachant aux principes du droit civil. Nous laissons donc aux savants auteurs qui écrivent sur celte partie de notre législation, aux Troplong, aux Duvergier, aux Delpech, à doter la science de principes régulateurs, sur des questions si difficiles à résoudre d'une manière satisfai

sante.

Voici seulement le résumé de quelques-uns des systèmes que nous révèlent la doctrine et a jurisprudence,

En ce qui concerne l'incapacité ordinaire, il est aujourd'hui généralement admis que la nullité résultant de ce que l'un des compromettants se trouvait en état de minorité est une nullité relative, qui ne peut être opposée que par le mineur lui-même et dont les autres parties majeures n'ont pas le droit de se préva loir. Aux deux arrêts de cassation cites par Carré, on peut ajouter d'autres arrêts de Paris, 6 juill 1826; Nimes, 17 nov. 1828; Riom, 26 nov. 1828 (Sirey, t, 29, p. 174); Toulouse, 5 mars 1829; Bordeaux, 22 mai 1852 (Devilleneuve, t. 52, 2o, p, 537). La cour de Paris (arrêt précité) a tiré de ce principe la conse quence parfaitement logique que le compromis passé entre deux majeurs ne peut être annulé, sous le prétexte que les intérêts d'un mineur s'y trouveraient compris, tant que celui-ci n'élève aucune plainte,

Ces diverses décisions sont fondées sur l'ar ticle 1125, Code civ., d'après lequel les personnes capables de s'engager ne peuvent opposer l'incapacité du mineur, de l'interdit ou de la femme mariée avec qui elles ont contracté.

D'où il suit que ce n'est pas seulement la

mariée, et non à l'absent; d'où suit qu'à son égard l'on doit décider autrement que relativement aux autres, (Cass., 5 oct, 1808. Sirey, L. 9. 1er p. 71).

nullité résultant de l'incapacité du mineur qui est relative, et que, dans tous les cas où un interdit, une femme non autorisée ont passé un compromis, s'ils n'élèvent aucune plainte, l'annulation ne peut en être prononcée.

Mais en dehors de ces trois classes d'incapables, l'appréciation de la nullité devient fort difficile et donne lieu à une controverse qui est loin, comme nous l'avons dit, d'avoir complétement éclairci la question.

Deux systèmes se sont formulés :

La distinction au moyen de laquelle Carré a prétendu justifier l'arrêt de cassation qui déclarait radicalement nul le compromis fait par le curateur d'un absent, a été plus nettement reprise et développée par Dalloz, t. 2, p. 247, note 2. D'après cet auteur, ce qui rend l'incapacité du mineur en quelque sorte relative, c'est qu'il a contracté un engagement personnel et que de cette convention il résulte une obligation, sinon civile, du moins naturelle, à l'égard des autres contractants. Mais l'incapacité du curateur est d'une nature différente. L'absent, qui n'a pas agi lui-même n'est tenu ni naturellement ni civilement; le compromis est donc radicalement nul, dès lors aucune des parties ne reste obligée.

ad hoc par son mandant, qui, du reste, l'avait implicitement approuvé en comparaissant dans l'instance arbitrale.

Mais ne peut-on pas objecter que, si le lien n'existe point vis-à-vis de celui qui n'a pas souscrit d'engagement, l'incapable non plus n'est pas lié, et que pourtant le compromis qu'il n'attaque point produit tous ses effets entre les parties? Pourquoi n'en serait-il pas de même si celui pour qui agit un tiers ratifie ou se tait? Ajoutons que la jurisprudence ne paraît pas consacrer cette distinction.

Ainsi, les cours de Turin, 19 vent. an XI, et de Poitiers, 22 juill. 1819 (Pasicrisie), ont admis que la nullité était simplement relative dans le cas où le tuteur aurait soumis au jugement d'arbitres une contestation intéressant son pupille. La cour de Toulouse, 8 mai 1820 (Pasicrisie), a décidé de la même manière, dans l'espèce d'un mari traitant pour sa femme sans avoir reçu d'elle un pouvoir spécial.

Distinguera-t-on entre le mandataire d'un incapable et celui d'une personne qui jouit de tous ses droits? Mais puisque son incapacité est fondée sur un défaut de pouvoir n'est-elle point la même dans tous les cas?

Le second système, en germe dans l'arrêt Cette explication, admise par Goubeau, t. 1, de cassation du 5 oct. 1808 (Pasicrisie), et dép. 66, ne nous paraît pas devoir être adoptée. veloppé par Favard, t. 1, p. 196; de VatimesEn supposant qu'en effet il existât une obli- nil, no 124 et 125; Devilleneuve, vo Comgation naturelle entre le mineur et celui qui a promis, no 14 et 15, présente une grande traité avec lui, cette obligation ne pourrait simplicité. En principe, disent ces auteurs, produire un lien civil, et, dans tous les cas, tout contrat synallagmatique qui n'est pas oblil'obligation étant mutuelle, le lien serait réci- gatoire pour une partie ne l'est pas davantage proque. Or, l'art. 1226 déclare la convention pour l'autre. A la vérité, l'art. 1125 déroge à parfaitement valable à l'égard du majeur, sus- cette règle en faveur de la femme mariée, du ceptible par conséquent de produire tous ses mineur et de l'interdit; mais toute dérogation effets civils, nulle au contraire et sans effica- est restrictive donc à l'égard de tout autre cité par rapport à l'incapable. Celui-ci, en un incapable, la nullité sera absolue, et ainsi se mot, est libre, suivant que l'acte qu'il a sou-justifie la doctrine de l'arrêt de 1808, relativescrit améliore ou non sa position, de l'anéantir ment au curateur de l'absent. ou de le conserver: il peut tout, et l'autre rien. Il n'y a point trace dans tout cela d'une obligation naturelle.

Reste l'observation de Carré, fondée sur ce que l'absent ne s'est pas engagé lui-même, que dès lors il n'existe pas de lien à son égard, par conséquent point de contrat. Il suit de là qu'il faudrait distinguer entre la nullité provenant de ce qu'un incapable s'est engagé lui-même, et la nullité provenant de ce qu'il s'est engagé pour un tiers. La femme, le mineur, l'interdit, le mort civilement, etc., rentreraient donc dans la première classe; les mandataires, tuteurs, curateurs, etc., dans la seconde. Pour les compromis souscrits par les premiers, nullité relative, pour ceux qu'auraient faits les seconds, nullité absolue.

Ce système semble adopté par un arrêt de Toulouse du 29 avril 1820 (Pasicrisie), invalidant, de la manière la plus radicale, le compromis passé par un mandataire non autorisé

A ce raisonnement on oppose plusieurs ré ponses:

1o L'art. 1125, C. civ., est-il une exception? A-t-il voulu énumérer certains incapables pour leur attribuer un droit et exclure certains autres? C'est ce que semblent repousser le texte et l'esprit de cette disposition, qui embrasse toutes les personnes dont l'engagement peut être attaqué pour cause d'incapacité.

2o Les auteurs paraissent l'avoir entendu ainsi; si la nullité est fondée sur l'intérêt privé, dit Pigeau, Comm., t. 2, p. 714, l'incapable lésé peut seul la demander.

50 La jurisprudence n'est pas moins explicite; si, en dehors des trois classes d'incapables dont parle l'art. 1123, il n'y avait que nullité absolue, le compromis passé par une commune, un établissement public non autorisé, ne vaudrait à l'égard d'aucune des parties. Or, la jurisprudence récente de la cour de cassation et de Vatimesnil lui-même recon

naissent que la disposition de l'art. 1125 est applicable dans ce cas : tout mandataire serait exclu de son bénéfice, aussi bien que le curateur de l'absent. On cite plusieurs arrêts qui ont implicitement repoussé une telle conséquence.

Peut-être cependant, la distinction que nous examinons ici est-elle incomplète plutôt qu'inexacte. Le principe sur lequel elle repose, le caractère exceptionnel et restrictif des nullités relatives, plus largement appliqué, conduiraient peut-être à la veritable solution.

Ainsi, en considérant la nature des incapacités à raison desquelles a lieu la nullité d'un compromis, on s'aperçoit que, si plusieurs d'entre elles sont établies dans un but de protection et de faveur pour l'une des parties, il en est d'autres qui se fondent sur des motifs différents une impossibilité de fait, une entrave à la libre disposition des biens nécessitée par une position particulière, ou prononcée, à titre de peine, par la loi. ]

3259. Si la partie qui aurait compromis avec un mineur, un interdit ou une femme mariée, ne peut opposer la nullité, s'ensuit-il qu'elle ne puisse, tant que la sentence arbitrale n'est point intervenue, demander que le compromis soit ratifié d'une manière légale ou qu'il reste sans effet?

Nous ne le pensons pas; car il est toujours permis de régulariser une procédure, tant que les choses sont entières. C'est aussi l'opinion des auteurs du Praticien, ubi suprà, p. 343. | [Cette décision est approuvée sans commentaire, par de Vatimesnil, no 126, Devilleneuve, vo Compromis, no 16.

et pour qui personne ne peut donner une rati-
fication. Mais, alors, la partie capable, qui a
lieu de craindre pour la sûreté d'une obliga-
tion témérairement contractée, n'a d'autre ré-
sistance à opposer que celle de l'inertie. Il est
clair que le mineur, l'interdit n'ont point d'ac-
tion en justice pour faire constituer le tribunal
arbitral, pour suivre devant lui la procédure
et assister au jugement. Le compromis se
trouve donc par le fait privé d'efficacité, et
c'est en ce sens qu'il convient encore sur ce
point d'adopter la solution de Carré.]
3260. Est-il des personnes qui ne peuvent
être choisies pour arbitres, parce qu'elles
seraient formellement exclues par la loi?
On ne saurait trouver, dans nos lois actuelles,
aucune disposition spéciale qui ait exigé, pour
remplir les fonctions d'arbitres, certaines qua-
lités d'après lesquelles on puisse décider avec
certitude qu'il y ait des personnes qui soient ex-
clues de ces fonctions Mais nous trouvons dans
la table de Bergognié, au mot Arbitre, t. 1,
la cour de cass., du 7 floréal an v, qui a décidé
p. 44, et dans Sirey, t. 1, p. 104, un arrêt de
qu'on ne pouvait choisir des arbitres que parmi
les personnes qui ont la qualité de citoyen
du tit. 11 de la Constitutionde l'an 111, les ci-
français, attendu que, d'après les art. 10 et 11
toyens français peuvent seuls être appelés aux
fonctions établies par la constitution : quoique
les actes constitutionnels existants à l'époque
où Bergognié a publié son Recueil ne répé-
tassent pas expressément cette disposition, elle
s'y trouve implicitement, disait-il, et consé-
quemment la décision du tribunal de cassation
devrait encore être suivie.

Nous pensons, avec Boucher, p. 115 et suiv., nos 204 et 205, que l'arrêt ci-dessus rapporté ne peut être considéré comme ayant fixé un point de jurisprudence. Le motif qui lui sert de base nous paraît erroné, en ce que l'on argumente du principe que la loi constitutionnelle n'eût appelé à exercer les fonctions qu'elle établit que ceux qui jouissent des droits politiques. Les lois qui se sont succédé, sous le titre de constitutions, n'établissaient point les fonctions d'arbitres : elles ne faisaient que consacrer et garantir le droit naturel, dont tout homme doit jouir, de soumettre son différend à des personnes de son choix, et régu

Il faut remarquer que le compromis forme un contrat dont il n'est permis de se dégager qu'avec l'autorisation de la loi. La partie capable qui l'a souscrit, qui n'a pu méconnaître la portée de son obligation, n'a donc pas le droit, réservé au mineur, à l'interdit, d'en invoquer, d'en faire provoquer la nullité. Mais, d'autre part, il semble injuste, à une époque où le compromis n'a produit encore aucun effet, d'astreindre cette partie à une procédure, à un jugement qui ne seraient obligatoires que pour elle. Lors donc qu'elle se trouve vis-à-vis d'une femme mariée sans autorisation, d'un mandataire sans pouvoir, nul doute, sui-lariser l'exercice de ce droit dans ses rapports vant nous, qu'il ne lui soit permis d'exiger que cette autorisation, ce pouvoir soient donnés par ceux qui ont qualité pour le faire. Ce n'est point là se soustraire au compromis, c'est, au contraire, en assurer les effets. Ainsi, sur ce point, la décision de Carré nous parait incontestable.

avec l'ordre de l'administration de la justice. La charte ne s'explique en aucune manière à cet égard.

Mais il y a plus de difficultés sur la question de savoir s'il faut du moins jouir ou avoir l'exercice des droits civils pour être apte à exercer la fonction d'arbitre.

La difficulté semble plus sérieuse, lorsque le Nous ne trouvons rien, soit dans l'ancienne majeur qui a compromis se trouve vis-à-vis jurisprudence, soit dans la nouvelle, soit dans d'un mineur, d'un interdit, qui ne peuvent, I les auteurs, qui puisse autoriser à résoudre

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queroutiers frauduleux, les sourds-muets, lorsqu'ils savent écrire, les débiteurs détenus pour dettes, et même les serviteurs à gages.

Ce serait nous livrer à un travail aussi long que fastidieux, que de rapporter en détail et de balancer ces diverses autorités. Cela présenterait d'ailleurs peu d'utilité; car il est bien rare que l'on songe à choisir pour arbitres la plupart des personnes que nous venons de désigner.

Nous n'insisterons donc que sur le point de

Une seule chose nous paraît certaine, c'est que les infâmes, tels que les condamnés à des peines afflictives ou infamantes, sont exclus du droit de concourir à un arbitrage (voy. Nouv. Répert., au mot Arbitrage, t. 1, p. 292; Jousse, Traité de l'administration de la justice civile, p. 692; Boucher, no 102); et si l'on avait besoin d'une autorité plus imposante encore que celle des auteurs que nous venons de citer, nous croirions la trouver dans la dis-savoir si les juges, les mineurs et les faillis position de l'art. 28 du Code pénal, qui interdit peuvent être appelés à exercer les fonctions ces condamnés même la faculté d'être ex- d'arbitres. perts; à plus forte raison doit-on leur refuser le droit de rendre une sentence qui doit être revêtue du sceau de la justice, au moyen de l'ordonnance d'exequatur que la loi exige. Nous trouvons dans les ouvrages précités, d'un côté, des autorités d'après lesquelles les juges, les femmes, les filles, les étrangers, les mineurs, les sourds-muets, les faillis, les débiteurs détenus pour dettes, les serviteurs à gages, seraient exclus de l'arbitrage, sans aucune distinction; d'un autre côté, d'autres au torités qui admettent les juges, les femmes d'un rang élevé, les mineurs émancipés, lorsqu'ils ont les connaissances nécessaires pour terminer judicieusement un différend les faillis, lorsqu'ils n'ont pas été condamnés comme ban

Autrefois l'opinion la plus commune était en faveur du juge, mème en Bretagne, où l'art. 17 de la coutume semblait s'y opposer (voy. Duparc-Poullain, t. 8, p. 438); et aujourd'hui l'on ne saurait élever aucun doute à ce sujet, puisque les décrets des 20 prair. et 15 mess. an XIII, concernant l'administration de la justice dans les ci-devant États de Parme et de Plaisance, et dans les départements alors réunis de Gènes et de Montenotte, portent que les juges ne pourront demander aucun salaire ni présents, lorsqu'ils seront choisis pour arbitres : ce qui suppose clairement, dit Merlin (voy. Nouv. Répert., ubi suprà, p. 293), que les juges peuvent aujourd'hui accepter des arbitrages (1).

(1) Quoi qu'il en soit, Pigeau, t. 1, p. 40, se fondant sur la loi 9, ff. de receptis, $ 2, maintient que a les juges naturels de la contestation ne peuvent être arbitres, parce qu'il est des cas où l'on peut se pourvoir contre un jugement arbitral, ou devant le tribunal * qui a rendu l'ordonnance d'exécution, ou devant ⚫ celui d'appel. Or, ajoute Pigeau, les juges qui ⚫ composent ces tribunaux étant revêtus d'une fonction publique, à laquelle ressortit la fonction privée qu'ils acceptent, ils le font mal à propos, puisqu'ils ⚫ ne peuvent juger eux-mêmes leurs propres décisions.>> D'autres tirent argument des ordonnances de 1535 et 1539.

Mais pour écarter toutes ces autorités, il suffit de remarquer :

1o Relativement à la loi de receptis, que cette loi De peut avoir aucune influence sur la question, puisque notre législation actuelle sur la compétence des tribunaux ne contient aucune disposition prohibitive; que, d'un autre côté, l'art. 1041 du Code de proc., abroge toutes les lois, coutumes, usages et règlements relatifs à la procédure civile; ce qui emporte très-explicitement l'abrogation et de la loi dont il s'agit, et des ordonDances de 1535 et 1539.

2 Relativement à ces ordonnances, que la première était faite pour la Provence, la seconde pour le Dauphiné; que l'une et l'autre ne contenaient défenses que pour les présidents et conseillers de ces provinces ; que la seconde n'était pas même suivie au parlement du Dauphiné, en vertu d'un règlement de ce parlement de 1560; que, dans les autres ressorts du royaume, il n'y avait aucune uniformité sur ce point; au parlement de Toulouse, par exemple, les conseillers pouvaient être arbitres avec permission de la cour, etc. En Bretagne, comme nous venons de le dire, malgré la disposition de l'art. 17 de la coutume, qui semblait s'y opposer, on

ne faisait aucune difficulté pour reconnaître la validité d'un compromis qui instituait un juge. (Voy. Traité de l'administ. de la justice par Jousse, t. 2, p. 966, et Duparc, Princ. du droit, l. 8, p. 438.)

Cette variation de jurisprudence et d'usage suffirait pour démontrer l'impossibilité de généraliser, pour tout le royaume, une prohibition qui ne résultait d'aucun texte précis d'une loi générale française, si le silence de notre législation, joint à l'abrogation prononcée par l'art. 1041, ne tranchait pas entièrement la difficulté.

3o Relativement à l'opinion de Pigeau, il importe de remarquer qu'un auteur justement estimé, Berriat, dont Demiau a soutenu la doctrine dans sa thèse du concours pour la chaire vacante par le décès de Pigeau, le combat fortement dans son Cours de proc., p. 42, note 18, 3e alinéa.

On peut ajouter à ces nombreuses autorités le sentiment de Merlin, au Nouv. Répert., vo Arbitrages, p. 593, 3e édit.; celui de Boucher, dans son Manuel des arbitrages, p. 75 à 77; enfin, un arrêt de la cour de Trèves, du 24 juin 1812 (Sirey, l. 13, p. 200).

S'il est maintenant démontré que la qualité de juge n'emporte pas par elle-même une incapacité d'être arbitre, nous ne voyons aucune raison pour décider autrement dans le cas où le magistrat nommé arbitre eût, en sa qualité de juge, commencé à connaître du différend. Loin de là, comme l'ont dit Jousse et l'auteur de l'Ancien Répert., c'est à raison de la faveur due aux accommodements qu'il fut permis, dans le ressort de Paris, à tout officier quelconque, d'être arbitre du procès dont il était le juge. Or, il est de l'intérêt des parties d'avoir pour arbitre un homme qui a déjà pris, dans l'impartialité du magistrat, connaissance du différend.

Il est vrai qu'un arrêt de la cour de cassation du

:

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[Il serait aussi long que fastidieux de suivre tous les auteurs qui ont écrit sur l'arbitrage dans les longs détails où ils sont entrés, à propos d'hypothèses qui se présenteront trèsrarement ou peut-être jamais; il suffit d'indiquer ici, avec l'opinion particulière de chacun, les principes généraux qui doivent, selon nous, résoudre les difficultés élevées sur ce point.

Le mineur est admis comme arbitre par Favard, t. 1, p. 197; Boitard, 64° leçon; de Vatimesnil, no 156; Bellot des Minières, t. 1, p. 211; Souquet, Dict. des temps légaux, vo Arbitrage, 30o tabl., 3o col., no 113, et par Thomine, dans le cas seulement où il aurait atteint sa dix-huitième année : repoussé d'une manière absolue par Pardessus, no 1589; Pigeau, Comm., t. 2, p. 718; Mongalvy, no 22; Goubeau, 1. 1. p. 82; Devilleneuve, vo Arbitrage, no 9.

Quant au mineur, presque tous les auteurs s'accordent à dire qu'il ne peut être arbitre : absurdum est ut alios regat qui se ipsum gerere nequil. Comment des mineurs qui ne peuvent compromettre pourrait-ils juger? Néanmoins, on admettait assez généralement que si un mineur d'une capacité reconnue avait été choisi pour arbitre, sa sentence ne serait pas nulle. (Voy. Jousse, ubi suprà.) Un mineur peut être licencié à dix-neuf ans, docteur à vingt de tels arbitres ne seront-ils pas préférables à la plupart de ceux qu'on pourrait choisir parmi les majeurs d'un autre état ou profession? (Voy. Nouv. Répert., p. 592.) Quant au failli, comme l'état de simple faillite n'imprime aucune tache d'infamie, ne prive la personne ni de la jouissance ni de l'exercice de ses droits civils, et ne la soumet qu'à certaines incapacités mentionnées aux art. 442 et 614 du Code de commerce, nous pensons, par le motif qu'on ne peut suppléer des incapacités, que le failli peut être arbitre. Telle est l'opinion de Boucher, p. 128, no 224, et elle nous paraît avoir été consacrée implicitement par un arrêt de la cour de Rennes du 25 juin 1810, qui a décidé, attendu le silencenil, p. 614, no 165. Goubeau, p. 88 et 90 admet des lois à cet égard, que l'on ne pouvait récuser un tiers arbitre nommé d'office, sur le motif qu'il ne s'était pas réhabilité de l'état de faillite.

A l'égard des autres personnes précédemment indiquées, nous croyons que l'on doit se guider par un principe que nous trouvons énoncé partout, c'est que toute personne peut être arbitre, dit Domat, liv. I, tit. XIV, sect. 2, n° 7, à l'exception de celles qui se trouvent dans quelque incapacité ou infirmité qui ne leur permettrait pas cette fonction.

D'après ce principe, nous exclurions les femmes, les furieux, les sourds-muets, tous ceux enfin qui auraient non pas une incapacité relative dépendante de l'âge, de l'exercice des droits politiques ou de certaines conditions d'études, mais une incapacité absolue d'exercer les fonctions judiciaires. Mais pourrait-on choisir pour arbitre un individu qui ne saurait pas signer? (Voy. nos Quest. sur l'art. 1016.)

L'étranger est rejeté, dans tous les cas, par Thomine, no 1205; Bellot, t. 1, p. 219 ; admis, en arbitrage volontaire seulement, par Goubeau, t. 1, p. 88 et 91, et Souquet, Dict. des temps légaux, vo Arbitrage, 3o tabl., § 6; en toute matière par Boitard, 64° leçon, et de Vatimes

les faillis et les domestiques, que repousse Bellot, t. 1, p. 217 et suiv.; il n'admet pas les infâmes, contrairement à l'opinion de Favard, t. 1, p. 197, et de Boitard, 64o leçon, qui font remarquer, contrairement à l'analogie présentée sur ce point par Carré, qu'il n'y a nul rapport entre l'expert et l'arbitre.

Relativement aux femmes, Goubeau, t. 1, p. 85; de Vatimesnil, p. 615, no 158; Devilleneuve, vo Arbitrage, no 9, les déclarent incapables: tel n'est pas le sentiment de Dupin, Requisit. du 15 mai 1838, et de Souquet, Dict. des temgs légaux, vo Arbitrage, 31° tabl., 1re col., § 2. Pigeau, Comm., t. 2, p. 718, parait hésiter entre les deux autres.

Les ecclésiastiques sont universellement regardés comme capables d'exercer les fonctions d'arbitres (et nous ne comprenons vraiment pas qu'il ait pu s'élever un doute sur ce point), ainsi que les juges et les parents, même les plus proches, des parties.

30 août 1813 (Sirey, t. 15, 1re, p. 207), a décidé que les parties ne pouvaient àutribuer aux tribunaux institués par la loi la faculté de prononcer comme amiables compositeurs; que, d'après l'art. 1019, elles le peuvent à l'égard des arbitres; mais cette décision, fondée sur ce qu'un tribunal créé par la loi pour appliquer ses dispositions, ne peut, sans contravention aux principes du droit public, prononcer tout à la fois comme délégué du prince et comme mandataire des parties, ne saurait fournir un argument contre l'opinion que nous soutenons ici, et qui nous semble d'autant plus certaine, que la législation actuelle accorde à l'arbitrage plus de faveur que l'ancienne.

Aussi voit-on tous les jours les juges de paix choisis pour arbitres, soit des différends qui sont portés en

conciliation devant eux (Colmar, 21 déc. 1813; Sirey, 1.14, 2e, p. 290), soit même de ceux dont ils sont saisis comme juges; et ce choix d'un magistrat, dans ce dernier cas, n'est point contraire à l'arrêt de la cour de cassation que nous venons de citer, parce qu'il est passé un compromis qui dessaisit le juge de paix comme juge de la loi, en sorte que ce n'est plus le délégué du prince, mais l'homme privé qui est institué arbitre, tandis que, dans l'espèce de l'arrêt, c'eût été le magistrat, comme tel, qui eût en même temps prononcé comme arbitre, et sa décision eût été exécutoire comme jugement; au contraire, dans le cas que nous posons, la décision du juge de paix doit être revêtue de l'ordonnance d'exécution.

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