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pu prononcer sur la question de savoir si un enfant était né viable, et s'il avait survécu à sa mère, question de laquelle dépendait la solution de celle de savoir à qui appartiendrait la succession de celle-ci; ce qui était le principal objet du compromis.

Cette cour a considéré, que le différend ne présentait point une véritable question d'état, qui ne s'entend que de l'état civil des personnes; et telle est aussi notre opinion.

On entend, en effet, par état civil, dit Merlin (voy. Nouv. Rép., t. 4, p. 769), la condition d'une personne, en tant qu'elle est enfant naturel ou adoptif de tel père ou de telle mère, légitime ou bâtarde, mariée ou non mariée, divorcée ou non divorcée, vivante ou morte, soit naturellement, soit civilement.

Les questions d'état sont donc celles qui ont pour objet de régler, suivant ces diverses circonstances, la condition civile d'une personne, lorsqu'elle est attaquée dans un état dont elle est en possession, ou qu'elle réclame un état dont elle n'a jamais joui (voy. Denisart, au mot Etat, t. 2, p. 331). Cette explication suffit pour démontrer la justesse du motif sur lequel la cour de Bruxelles a fondé sa décision; car il est évident que la question préjudicielle, sur laquelle les arbitres avaient à prononcer, ne présentait rien de semblable à ce qui caractérise une question d'état.

Mais supposons qu'il soit nécessaire que les arbitres, pour prononcer sur l'objet du compromis, décident préalablement une question qui soit véritablement une question d'état; dira-t-on, comme on le pourrait dans l'espèce ci-dessus, que cette question n'étant pas le fond du procès et du compromis, les arbitres pourraient la juger, parce qu'elle ne serait qu'une question préjudicielle qui leur serait essentiellement soumise comme juges du principal? Non, sans contredit.

Mais ne le pourraient-ils pas, si les parties avaient formellement consenti à ce qu'ils prononçassent sur cette question? Nous croyons qu'il faut distinguer :

1o Le cas où les parties ne leur auraient soumis la question d'état que comme préjudicielle, comme nécessaire à décider pour statuer sur des intérêts pecuniaires qui y seraient liés, et qui seraient l'unique et dernier objet du compromis;

Supposons, par exemple, qu'un individu prétende droit dans un succession, en qualité d'enfant légitime; que cette qualité lui soit contestée par des parents du défunt, qui maintiendraient qu'il ne peut être admis à prendre part qu'en qualité d'enfant naturel reconnu.

Dans cette espèce, l'individu dont il s'agit pourra compromettre sur la portion à lui revenir dans la succession, en déclarant que nonobstant la solution à donner sur la question de savoir s'il est enfant naturel ou légitime, il entend néanmoins se soumettre à ne prendre part que suivant la quotité qui serait fixée par les arbitres.

Il arrivera de là que le jugement arbitral ne sera exécutoire, et ne pourra être opposé à l'individu dont il s'agit, que relativement à la portion qui lui aura été accordée dans la succession, et que conséquemment la question d'état restera tout entière, et pourra être discutée par lui en toute circonstance. (Voy, nos Quest. sur l'art. 1015.)

[Sur ce qu'il faut entendre par question d'état, sur la définition de Merlin et la conséquence qu'en tire Carré, presque tous les auteurs sont d'accord avec ce dernier. (Voy, notamment Pigeau, Comm., t. 2. p. 716; Favard, t. 1, p. 197; Goubeau, t. 1 p. 72; de Vatimesnil, no 134; et Bellot, t. 1, P. 285.)

Dalloz, t. 2, p. 268. note 1, tout en approu vant l'arrêt de la cour de Bruxelles, critique néanmoins la définition de Merlin, comme trop large: En effet, dit-il, si la condition d'une personne, en tant qu'elle est vivante ou morte, constitue sous un rapport son état civil, la question de savoir si elle était vivante ou morte à telle époque n'est-elle pas aussi une question d'état?

La loi a établi des formalités particulières pour constater les décès et leur date, et ces actes n'appartiennent-ils pas essentiellement à l'état civil?

On répond à cette objection que Merlin n'a voulu dire autre chose, comme il est facile de s'en convaincre, sinon que le fait de l'existence ou de la mort d'une personne peut constituer une question d'état civil, comme si, par exemple, on oppose un prétendu acte de décès à celui qui se présente pour jouir des droits de père, d'époux, d'enfant dans une famille.

Il n'y a question d'état que lorsque la qua2o Celui où cette question leur aurait été défé- lité d'un individu, comme membre de la farée, pour rendre même à son égard une décision mille, est contestée. Dans l'espèce jugée par la qui devrait avoir tous les effets d'un jugement. cour de Bruxelles, il s'agissait uniquement Nous estimons que le compromis serait va- d'une question de succession: la preuve de lable dans le premier cas, parce qu'il est tou- viabilité n'était là que ce que sont ailleurs les jours permis de transiger sur des intérêts pé-présomptions de survie, le moyen d'établir la cuniaires, et que la solution donnée sur la successibilité. La décision de cette cour nous question d'état ne pourrait préjudicier à l'état parait donc irréprochable. de la personne, ni lui être opposée ; mais, dans la seconde hypothèse, le compromis serait nul, conformément à l'art. 1004.

Le point de savoir si les arbitres peuvent juger une question d'état préjudiciellement, et afin de statuer sur des intérêts pécuniaires dont

la valeur dépend de sa solution, a soulevé une | controverse beaucoup plus vive.

ruiné le seul argument qui vienne étayer son système.

Supposons d'ailleurs que la sentence arbitrale soit frappée d'appel, la cour royale, en fixant la portion de chacune des parties, ne jugera-t-elle pas implicitement cette question d'état, qui n'aura pas même été soumise à un premier degré de juridiction?

La doctrine de Carré doit donc être repous

Mongalvy, no 189, et Dalloz, t. 2. p. 269, note 2, approuvent la distinction de Carré et reconnaissent avec lui, que, si les arbitres n'ont mission de juger la qualité de l'enfant que pour déterminer la somme qui lui revient, le compromis est valable aussi bien que le ju- | gement arbitral. Goubeau, t. 1, p. 77, admet en droit l'exac-sée. Il est toutefois certain que des arbitres titude de ce système. Il fait seulement observer, peuvent statuer sur un intérêt pécuniaire, déque la question se présentera très-rarement en terminé par la qualité des parties, lorsque jurisprudence, puisqu'elle suppose qu'une par- cette qualité n'est pas contestée; attribuer, tie qui, en faisant juger sa qualité par les tri- par exemple, à l'une des parties qui plaident bunaux, obtiendrait toutes les conséquences devant eux sur la valeur d'une succession, la qui en découlent, préférera traiter sur ces part qui lui revient comme enfant légitime : ce conséquences, c'est-à-dire sur l'accessoire, et point n'est susceptible d'aucune difficulté. ] negligera le principal. [3267 bis. La nullité résultant de ce qu'il

Enfin, Favard, t. 1, p. 196, et de Vatimes nil, no 133, repoussent de la manière la plus absolue la distinction de Carré, que semble désapprouver aussi Bellot, t. 1, p. 184, et que la cour de Bastia, 22 mars 1831 (Devilleneuve, t. 52, 2, p. 579), a implicitement rejetée, en annulant pour le tout la sentence portant à la fois sur une question d'état et sur des droits successifs en litige.

Nous nous rangeons à cette dernière opinion par une raison qui nous paraît déterminante; c'est qu'un tel compromis ne peut qu'être illusoire.

Les arbitres qui ont à déterminer les droits d'un enfant dont la légitimité est contestée (pour conserver l'exemple de Carré), se décideront évidemment, d'après cette considération, qu'il est légitime ou naturel.

a été compromis sur les objets énumérés dans l'art. 1004 est-elle absolue ou relative?

C'est évidemment une nullité absolue, puisqu'elle provient, non de l'incapacité de la personne, comme celles que prononce l'art. 1005, mais de la nature mème des droits soumis au compromis. Il suit de là que toutes les parties peuvent attaquer cet acte et demander son annulation devant les tribunaux.

Nous ne connaissons d'exception à cette règle qu'en ce qui concerne la dot d'une femme mariée. Les biens composant cette dot ne sont point, de leur nature, inaliénables; ils ne le sont que par la prévoyance de la loi, et dans l'intérêt de la femme elle-même si donc celleci ne se plaint pas, lorsque, sur des contestaMais puisque la question d'état n'est point tions elevees à cet égard, sont intervenus un tranchée par leur décision, si les tribunaux compromis et, par suite, une sentence arbicivils ont plus tard à en connaître, sur la récla-trale, ceux qui ont traité avec elle ne sont pas mation de l'une ou de l'autre des parties, croiton que l'enfant légitime, à qui les arbitres ont fixé une part d'enfant naturel, ou que les adversaires de l'enfant naturel, gratifié des avantages attachés à la qualité d'enfant légitime, ne reciameront pas leurs droits veritables, les droits inhérents à leur titre?

Pour que cette sentence pût tenir, il faudrait que les parties, en se soumettant au compromis, eussent renoncé à leur état et aux droits qu'il confère; mais en repoussant luimême cette conséquence exorbitante, Carré a

recevables à invoquer la nullité résultant de ce fait. C'est ce qu'a jugé avec raison la cour de Toulouse, les 3 juin 1828 et 5 mars 1830.]

ART. 1005. Le compromis pourra être fait par procès-verbal devant les arbitres choisis (1), ou par acte devant notaire, ou sous signature privée.

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(1) Arbitres choisis, auxquels les parties déclarent qu'elles les constituent juges des différends qu'elles expliquent, ou qui sont développés dans leurs actes ou mémoires respectifs.

(2)

JURISPRUDENCE.

[1 Un notaire peut retenir l'acte de compromis daus lequel il est nommé arbitre (Toulouse, 17 juill. 1826; Sirey, t. 27. p. 70; Lyon. 9 février 1836; et Toulouse, 18 août 1827; conf., Souquet, Dict. des temps

légaux, vo Compromis, 62e tabl., 5e col., no 4). 20 Les arbitres ne sont pas censés valablement nommés lorsqu'ils ne justifient pas de la procuration en vertu de laquelle le mandataire d'une des parties aurait concouru à les nommer. L'énoncé de leur nomination avec simple mention de la procuration serait insuffisant pour la constater (cass., 8 frim. an xп; (Pasicrisie).

3 L'enonciation dans l'original d'un compromis déposé avec la minute d'un jugement arbitral, que ce

DXCIX. Après avoir désigné, dans les deux articles précédents, les personnes qui peuvent compromettre et les matières qui peuvent faire l'objet d'un compromis, la loi énonce ici les formes dans lesquelles cet acte peut être rédigé, et les clauses dont il est susceptible; à cet égard, il laisse aux parties la liberté la plus entière.

Et d'abord, toutes les formes dans lesquelles peuvent être passés une convention, un contrat ordinaire, conviennent au compromis; authentique ou sous signature privée, il est également valable.

3268. Si, au lieu de passer un compromis, les parties fournissent de part et d'autre, à des tierces personnes, des blancs seings que celles-ci derront remplir d'une transaction, cette transaction sera-t-elle considérée comme un jugement arbitral, et quels en seront les effets?

Il est bien certain qu'une remise de blanc seings ne peut équivaloir à un compromis, et que conséquemment la transaction rédigée par les tierces personnes auxquelles ils ont été remis ne peut être considérée comme un jugement arbitral.

C'est ce qu'atteste Duparc, t. 8, p. 443, no 4; « Quand les parties, dit-il, veulent que leurs contestations soient terminées sans jugement, par amiable composition, elles remettent aux arbitres des blancs signés qu'ils remplissent d'une transaction. Cet usage a toujours été approuvé par le parlement; mais lorsque les parties ont été appelantes de ces blancs seings remplis, le parlement a décidé que la voie de l'appel n'était pas admissible, et qu'on ne pouvait les attaquer que par voie de rescision, fondée sur les mêmes moyens qui sont nécessaires pour faire rescinder les transactions, » (Voy. Actes de notoriété recueillis par le même auteur, p. 12, et par Devolant, p. 247.)

Rodier, des Sentences arbitrales, à la fin du Comment. sur le titre XXVI de l'ordonnance, et Denisart, au mot Transaction, t, 4, p. 78, n° 9, disent la même chose des transactions faites par des arbitres en vertu de procuration. De telles transactions ne peuvent être considérées comme sentences arbitrales, lors même qu'il y serait dit que les procurateurs arbitres auraient transige, tant en vertu des pouvoirs qui leur auraient été donnés, que de la remise à eux faite de tels et tels actes, mémoires et instructions, et des aveux respectivement donnés par les parties, sur des faits jusqu'alors

inconnus; ce qui, dit Rodier, sentait bien la sentence arbitrale.

Mais on peut demander si ce que nous venons de dire, d'après Duparc, relativement à la validité des transactions faites par des tierces personnes sur des blancs seings qui leur ont été remis, doit être observé dans notre droit actuel.

Il faut remarquer que l'opinion de Duparc n'était fondée que sur la jurisprudence du parlement de Bretagne, et que Dareau, rédacteur de l'article Blanc seing, inséré dans la première édition du Répertoire, blåmait l'usage qui était autorisé par cette jurisprudence, et se prononçait contre le sentiment de ceux qui maintenaient la validité de la transaction,

Mais Merlin, dans la deuxième édition du même ouvrage, t. 1, p. 725, s'exprime ainsi : << Sur quel fondement prétendrait-on annuler » ces engagements? Aucune loi ne les con» damne; ils sont donc permis; on peut donc >> contracter par blancs seings. Qu'il soit de » l'essence des contrats, que chaque partie > connaisse la nature et la force des engage»ments qu'elle souscrit; mais celui qui sou» scrit un blanc seing ne sait-il pas qu'il s'en » remet à la libre volonté de celui auquel il en » confie l'usage? Qu'il puisse résulter des abus » graves, j'en conviens encore; mais c'est au » legislateur à y pourvoir, et tant qu'il ne » l'aura pas fait, le devoir du jurisconsulte sera de reconnaître pour valable et celui du magistrat sera de confirmer ce que le législateur n'a pas jugé à propos de déclarer » nul. >>

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A cette opinion de Merlin, nous avons entendu opposer que la nullité de la transaction sur blanc seing résulterait de ce qu'elle a été faite par suite d'arbitrage, et que l'art. 1006, C, proc. civ., exigeant que le compromis designe, à peine de nullité, les objets en litige et le nom des arbitres, cette condition, sans laquelle nul ne peut statuer comme arbitre, n'est point remplie par la remise des blancs seings.

Nous répondons qu'on ne peut tirer contre l'usage de cette remise aucune induction de l'article dont on argumente, non-seulement parce qu'avant la publication du Code de procédure, le même défaut de désignation de l'objet de l'arbitrage et du nom des arbitres entraînait également la nullité, ce qui n'empêchait pas d'admettre l'usage des blancs seings ( voy. Pigeau, t. 1, p. 59); mais encore parce que le compromis ayant pour objet d'investir des tiers du droit de juger un différend, il faut

compromis a été fait en triple, doit prévaloir sur la simple assertion contraire d'une partie. Rennes (15 déc. 1809.

40 Un compromis est nul, lorsqu'il y a eu dol el fraude de la part d'un des compromettants. (Cass.. 3 fév, 1807; Sirey, t. 7, p. 254.)]

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Nous concluons de ces observations que l'usage de la remise des blancs seings peut être suivi sous l'empire de nos lois actuelles, comme l'a décidé la cour de Rennes, par arrêt du 28 av. 1825, et que la transaction dont les blancs seings sont remplis est soumise aux principes établis au tit. XV, liv. III, C. civ. (voy. les notes de Pigeau, t. 1, p. 35 et suiv.), et ne peut être attaquée que dans les cas mentionnés aux articles 2032 et suiv. de ce Code.

|

les juges sont en droit, pour apprécier si les
arbitres n'ont pas excédé leurs pouvoirs, de re-
chercher toutes les circonstances propres à
déterminer le moment où ils sont entrés en
fonctions. (Cass., 24 août 1829.)]
3270. Le compromis doit-il être nécessaire-
ment constaté par un acte [et faut-il que
cet acte soit] séparé du jugement arbitral?
On pourrait le croire, d'après les termes de
l'art. 1005, qui exige qu'il soit donné ou par
un procès-verbal devant les arbitres choisis,
ou par acte devant notaire, ou sous signature
privée.

Quoi qu'il en soit, il y a des auteurs, disait Prost de Royer, qui prétendent que le pouvoir des arbitres est suffisamment constaté par la mention faite dans la sentence arbitrale d'un compromis verbal, ou même par la remise des actes; il ajoute que quelques parlements du royaume rejetaient cette opinion, mais que d'autres l'ont adoptée.

[Telle est également l'opinion de Mongalvy, n° 129; de Vatimesnil, no 36; de Devilleneuve, v° Compromis, no 65. Goubeau, t. 1, p. 108, critique le passage de Merlin rapporté par Carré; mais comme, en définitive, cet auteur se borne à soutenir qu'un tel acte ne peut être Nous croyons que l'on se conformerait sufficonsidéré comme un compromis, et que le ju- samment au vœu de l'art. 1005, si les arbitres gement auquel il donne lieu n'est pas un juge- constataient en tête de la sentence le pouvoir ment arbitral, opinion que Merlin et Carré qu'ils auraient reçu des parties, à l'effet de adoptent également, on voit que nulle contra- régler tel différend, et si les parties souscridiction réelle n'existe sur ce point. Goubeau vaient cet acte avec eux, car ce ne serait autre blame seulement l'usage des blancs seings, chose qu'un procès-verbal; mais nous ne qu'il considère avec raison comme très-dange- croyons pas que la simple remise des actes reux. Mais le peu d'exemples qu'offre la juris-puisse équivaloir aujourd'hui à un compromis: prudence nouvelle de ce mode de procéder, la disposition de l'art. 1005 paraît s'y opposer prouve assez que le danger est compris et que formellement. les parties ne s'y exposent pas volontiers.] 3269. La partie qui a remis des blancs seings à une tierce personne peut-elle les retirer, malgré l'opposition de l'autre partie?

Nous avons sous les yeux une consultation donnée à Rennes, le 18 fév. 1756, par trois anciens avocats, Perron, Boudoux et Martigné-Pepin, qui attestent qu'une partie a toujours le droit de retirer des blancs seings des mains de ceux auxquels elle les a confiés, en les sommant de les remettre, ou en declarant, sur leur refus, qu'elle les révoque dès ce moment. Ces tierces personnes ne peuvent passer outre; autrement la transaction serait nulle.

[Cette décision nous paraît incontestable.] [3269 bis. Le compromis doit-il étre daté, à

peine de nullité?

La date est nécessaire pour établir le point de départ de l'instance et fixer la durée du pouvoir des arbitres. On ne peut donc douter que l'art. 1007 ne suppose implicitement l'accomplissement de cette formalité; mais comme elle n'est sanctionnée par aucune peine, il est impossible de se montrer plus rigoureux que la loi.

Du reste, il est évident qu'à défaut de date,

[La solution de Carré embrasse deux points qu'il nous semble important de ne pas con

fondre la convention en elle-même et sa preuve.

Quant à la convention, Boitard, sur l'article 1005, fait observer avec raison que la rédaction par écrit prescrite par l'art. 1005, est, non la condition de sa validité, mais la preuve de son existence : les conditions de la validité de tout contrat sont énumérées dans les articles 1108 et suiv. du C. civ., et l'écriture, n'est prescrite, comme l'atteste la rubrique du chapitre 6, tit. III, liv. III du même Code, que pour attester l'existence des obligations. C'est ainsi que l'art. 1582, C. civ., disposant que la vente peut être faite par acte authentique ou par acte sous seing privé, n'entend dire autre chose sinon que la vente ne pourra être prouvée que par l'un ou l'autre de ces moyens ; car, pour sa validité intrinsèque, elle dépend du simple consentement des parties, comme le déclare l'art. 1583. Il n'y a pas de raison pour qu'en matière de compromis il en soit autrement, et que, contrairement aux règles générales du droit, la validité de cet acte dépende d'un écrit, comme celle de quelques contrats solennels, tels qu'hypothèques, donations et

testaments.

Un compromis verbal n'est donc point nul

en lui-même comme paraissent l'admettre, avec Carré, Mongalvy. no 125, et de Vatimesnil, no 29, et comme l'a jugé la cour de Bruxelles, le 28 mars 1821. Si donc les parties s'accordaient pour reconnaître son existence, les objets en litige et le nom des arbitres, il nous paraît évident qu'aucune d'elies ne pourrait se sonstraire aux obligations qui lui seraient imposées par cet acte. N'est-il point d'ailleurs reconnu, comme nous le verrons bientôt, que les nullités de forme du compromis sont couvertes par une libre exécution?

De même, si l'une des parties déférait à l'autre le serment décisoire sur le point de savoir s'il existe un compromis, celle-ci ne pourrait refuser de le prêter, sans s'exposer aux consé quences ordinaires de ce refus.

Quant à l'objection prise contre ce système, de ce que l'art. 1006 exige, à peine de nullité, que le compromis indique le nom des arbitres et l'objet du compromis, il est facile de répondre que cette disposition s'applique uniquement au cas où le compromis est rédigé par écrit, et que d'ailleurs elle n'a jamais été entendue à la rigueur, puisque l'on convient que son inobservation est couverte par l'exécution mutuelle, qui suppose et démontre un accord verbal préexistant.

Mais ce qui résulte de l'art. 1005, c'est qu'à défaut d'aveu des parties, nul autre moyen que | ceux qu'il indique ne peut être invoque par les personnes qui ont intérêt à prouver l'existence du compromis. Ainsi la preuve testimoniale, quelque minime que soit l'objet du débat, ainsi encore le commencement de preuve par écrit doivent être rejetés par le juge. Nous sommes sur ce point d'accord avec Thomine, no 1186, et Boitard, loco citato. Toutefois la cour de cassation, le 3 janv. 1821 (Pasicrisie), a jugé que la representation materielle du compromis n'est pas indispensable. En conséquence, elle a admis comme suffisante la preuve tirée, 1o de la transcription au jugement arbitral (ce qui confirme la dernière décision de Carre. adoptée du reste universellement); 2o de la présence des parties et des conclusions par elles prises devant lesdits arbitres; 3o enfin de la preuve de l'enregistrement du compromis.

Tous les auteurs (1) approuvent cette décision, ce qui démontre qu'il ne faut pas, comme nous l'avons dit, entendre à la rigueur les articles 1005 et 1006; seulement Mongalvy fait remarquer avec raison qu'un simple extrait d'enregistrement ne serait pas une preuve suf

fisante de l'existence et surtout de la validité du compromis, puisqu'il n'atteste autre chose sinon que tel jour un acte a été présenté au receveur de l'enregistrement, lequel a qualité pour percevoir un droit fiscal, mais non pour donner aux actes qu'on lui présente un caractère d'authenticité.

Quant à la remise des pièces aux arbitres, à la mention d'un compromis verbal dans la sentence arbitrale, ce sont là sans nul doute des présomptions, mais non des preuves de son existence. Ces faits peuvent provenir d'une tout autre cause, et, à moins qu'il n'intervienne un aveu ou l'exécution, qui est un aveu implicite, nous pensons avec tous les auteurs qu'ils sont insuffisants pour établir la volonté de compromettre.].

3271. Le compromis peut-il être constaté par d'autres actes que ceux mentionnés dans l'art. 1005?

Nous croyons, contre le sentiment des auteurs du Praticien, t. 3. p. 359, qu'il peut l'être par le procès-verbal du juge de paix tenant le bureau de conciliation, lorsque les parties defèrent à l'invitation que la loi lui ordonne de leur faire, de soumettre leur différend à des arbitres. (Voy. Demiau, p. 675; loi du 22 frim., dite Constitution de l'an vii, et C. proc., art. 54.)

Nous pensons en outre que les parties compromettent valablement, lorsque, déclarant se désister d'une instance introduite devant le juge ordinaire, elles lui demandent et obtiennent acte de ce désistement et, en même temps. de leur déclaration de soumettre le différend à des arbitres qu'elles désignent. Le jugement forme et constate évidemment le compromis (2).

[Ces solutions impliquent, comme on le voit, que les formes prescrites par l'art. 1005 n'ont rien de restrictif, et que toutes celles que leur substituent les parties, pourvu qu'elles soient rédigées par écrit et qu'elles contiennent d'ailleurs les énonciations exigées à peine de uullité, remplissent suffisamment le vœu de la loi. Un tel principe est exact et n'est point contraire à celui que nous avons émis sous la question précédente. L'art. 1003 est limitatif, en ce sens qu'une rédaction par écrit est nécessaire; mais il ne prescrit pas impérieusement la forme de cette rédaction. La constatation du compromis par consentement donné en justice, est d'autant plus licite que l'art. 53, C. comm., l'autorise en matière d'arbitrage forcé. Il n'y a

(1) [Devilleneuve, vo Compromis, no 60, enseigne pourlant d'une manière générale que la preuve du compromis doit résulter complétement d'un acte écrit, et sans le secours d'une preuve accessoire; mais cet auteur se préoccupe ici surtout d'empêcher la preuve testimoniale, que nous croyons ainsi que lui inad

missible en cette matière: il s'est seulement exprimé en termes trop absolus.]

(2) Ce n'est point la police d'assurance qui forme le compromis, mais l'acte ou le jugement qui nomme les arbitres et détermine les points en litige. (Brux., 5 juillet 1837; J. de Br., 1837, p. 339.)

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