Page images
PDF
EPUB

ont l'honneur d'ajouter que, d'après leur conviction, les débats devant le Tribunal gagneront sans aucun doute, relativement au fond et à la forme, si un laps de temps nécessaire s'est écoulé entre la fin de l'instruction et le commencement des plaidoiries, dont la grande valeur pour l'éclaircissement approfondi de l'affaire en litige ne saurait être mise en doute. Les débats sont aussi indispensables que l'instruction écrite, savoir l'échange réciproques des mémoires, actes ou documents, entre les Parties en litige. Toutefois il est à désirer que cet échange ait lieu avant la réunion du Tribunal dans des termes fixés par les Puissances signataires du compromis.

Partant les soussignés émettent le vœu :

Que l'instruction de l'affaire arbitrale soit achevée avant la réunion du Tribunal compétent à la juger dans l'ordre et les délais fixés par le compromis, et

Que l'interruption des débats par la nécessité d'un échange des mémoires, actes ou documents ne soit admise qu'en cas de force majeure et de circonstances absolument imprévues.

II.

Les trois Conseils du Vénézuéla, dans une Note du 3 Septembre 1903,1 adressée aux Membres du Conseil administratif, ainsi qu'aux Membres du Tribunal d'Arbitrage, attirent leur sérieuse attention sur les inconvénients de la nomination des Membres de la Cour permanente d'Arbitrage, comme Délégués ou Conseils auprès du Tribunal d'Arbitrage.

Les Représentants du Gouvernement vénézuélien présument que les relations personnelles existant entre les Membres de la Cour permanente d'Arbitrage pourraient avoir une certaine influence sur la marche et l'issue finale du procès. L'autorité scientifique d'un Membre de la Cour permanente d'Arbitrage pourrait lui créer une position prédominante dans le cas où il est chargé de représenter devant le Tribunal d'Arbitrage son Gouvernement. De plus comme le membre de la Cour permanente d'Arbitrage qui représentait dans une affaire son Gouvernement, en qualité d'Agent, pourrait dans une autre cause agir comme Arbitre, la crainte pourrait surgir que l'impartialité des Arbitres et de la sentence à prononcer ne fût sérieusement compromise, parce que celui qui était hier conseil et obtint une sentence favorable pourrait sièger aujourd'hui en qualité de juge et le juge d'hier parait devant lui comme conseil.

Telle est l'argumentation de la Note Vénézuelienne ciannexée contre le choix par les Gouvernements en litige de leurs agents, conseils ou avocats dans la liste des Membres de la Cour permanente d'Arbitrage.

Cette argumentation trouva un fort appui de la part du

1 Voir Annexe I.

Gouvernement de Sa Majesté Britannique. Sir Henry Howard, par une Note 30 Septembre 1903, adressée à Monsieur le Secrétaire Général de la Cour permanente d'Arbitrage, posa catégoriquement la question: si les membres de la Cour permanente d'Arbitrage pourraient être admis comme agents, conseils ou avocats devant un Tribunal d'Arbitrage? Le Gouvernement Britannique résolut sans hésitation cette question dans le sens négatif, ne pouvant pas admettre que "les Membres de la Cour permanente puissent continuellement être appelés à fonctionner comme juges à l'égard des intérêts de ceux qui étaient dans un passé non lointain leurs clients ou pourraient devenir leurs clients dans un avenir prochain?"

En vertu de ses instructions le Ministre d'Angleterre protesta formellement contre la nomination par le Gouvernement de la République française de M. Louis Renault, Membre de la Cour permanente d'Arbitrage, comme son agent auprès du Tribunal d'Arbitrage, constitué en vertu des Protocoles du 7 Mai 1903, signés à Washington. La protestation du Gouvernement du Vénézuéla ne pouvait avoir en vue que le même cas.

Le Gouvernement de la République française n'accepta point ni les protestations, ni l'argumentation des Gouvernements Britannique et Vénézuélien. Par la Note du 3 Novembre 19032 il déclara catégoriquement que la désignation de M. Renault, comme son agent devant le Tribunal d'Arbitrage, est conforme à son droit et que personne, surtout parmi "les autres plaideurs n'a qualité pour la contester." Le Gouvernement de la République française affirma "en toute confiance qu'en désignant M. Louis Renault comme son agent qu'il n'a pas exercé seulement un droit absolu et qu'il ne s'est nullement écarté des intentions exprimées par ceux des négociateurs de la Convention de La Haye qui auraient voulu dans une certaine mesure établir des incompatibilités."

Les Arbitres soussignés n'avaient aucune compétence pour trancher ce conflit d'opinions. Ils ont pris connaissance des Notes ci-annexées, mais ils n'avaient aucun mandat pour prendre une décision dans cette question vu que ni la Convention de La Haye du 29 Juillet 1899, ni les Protocoles du 7 Mai 1903 ne contiennent aucune prohibition aux Parties en litige de faire librement leur choix pour la nomination des agents, conseils ou avocats. Au contraire, ils se croient obligés de constater qu'à la Conférence de La Haye de 1899, M. Holls, délégué des États-Unis d'Amérique, en soulevant la question des incompatibilités, rédigea lui même sa proposition dans les termes suivants: "Aucun Membre de la Cour permanente d'Arbitrage ne pourra, pendant la durée de son mandat, accepter les fonctions d'agent, avocat ou conseil d'un Gouvernement autre que le sien propre ou celui qui l'a nommé membre de la Cour." 3

1 Voir Annexe II.

2 Voir Annexe III.

3 Conference Int. de la Paix, IVme Partie, F. 198; Ir: Partie, p. 133.

Enfin, pendant la discussion de l'Article VIII. de la Convention de La Haye, les partisans de l'incompatibilité générale entre les fonctions de Membre de la Cour permanente d'Arbitrage et celle d'agent spécial on avocat près cette Cour, ont fait spécialement exception, "pour le cas ou il s'agit, pour un membre de la Cour, de représenter comme avocat ou agent spécial le pays qui l'a nommé."

Dans ces conditions les soussignés, après avoir exposé impartialement l'état de la question soulevée, constatent le droit illimité des Puissances en litige relativement au choix de leurs agents, conseils ou avocats auprès des Tribunaux d'Arbitrage issus de la Cour permanente d'Arbitrage de La Haye. Ce n'est que par voie diplomatique et en suite d'un nouvel accord formel que ce droit pourrait être limité ou aboli.

Toutefois, les soussignés émettent l'opinion,

Que les Puissances signataires de la Convention de La Haye du 29 Juillet 1899, prennent en sérieuse considération la question ci-dessus traitée en tenant compte de la grande différence existant entre le cas où les fonctions d'agent, conseil ou avocat se cumulent avec les fonctions de Membre de la Cour permanente d'Arbitrage au bénéfice de l'État qui l'a nommé, et l'autre cas où ses fonctions d'agent de conseil ou d'avocat sont acceptées par un Membre de la Cour permanente au profit d'un État étranger.

III.

En vertu de l'Article XXIX. de la Convention de La Haye, "les frais du Bureau International de La Haye seront supportés par les Puissances signataires dans la proportion établie pour le Bureau Internationale de l'Union postale." Les ressources qui, conformément à cet article sont mises à la disposition du Bureau International suffisent strictement pour couvrir les dépenses ordinaires du Bureau et de son personnel. Mais il n'a aucun fonds de réserve pour faire face aux dépenses extraordinaires et non prévues dans son budget annuel. Cependant chaque recours des Puissances à la Cour permanente afin de constituer un Tribunal d'Arbitrage occasionne des dépenses imprévues.

L'Article LVIII. de la Convention de La Haye impose à chacune des Parties en litige de supporter ses propres frais et une part égale des frais du Tribunal. Ces frais de l'arbitrage sont réglés à la fin de la procédure arbitrale conformément à l'article ci-dessus où bien en exécution de la sentence arbitrale prononcée.

Cependant, il y a des dépenses — quelquefois même très considérables-qui s'imposent, tant avant que pendant le procès, et pour lesquelles le Bureau International qui, d'après l'Article

22 de la Convention, sert de greffe au Tribunal d'Arbitrage, ne dispose d'aucunes ressources.

Ainsi, la question de l'opportunité de publier régulièrement des compte-rendus sténographiés des plaidoiries s'est elle préentée cette fois avec insistance et les soussignés sont da'vis qu'il aurait été très désirable que les débats eussent été sténographiés en anglais et en français.

Certaines Parties avaient, à la vérité engagé des sténographes pour leur compte et elles ont bien voulu faire part de ces rapports aux Membres du Tribunal, mais ces communications ont ét forcément incomplètes et irrégulières.

Il est évident que cet état de choses est peu digne du Tribunal d'Arbitrage et très peu convenable pour les Arbitres et même les Parties intéressées.

En vue de ces considérations les soussignés émettent le

vœu :

Qu'avant la signature du compromis, par lequel le litige est référé au jugement du Tribunal d'Arbitrage, le Puissances en litige fixent une certaine somme qui sera immédiatement mise à la disposition du Bureau International pour couvrir les dépenses nécessitées par la marche de l'arbitrage.

Il est évident que cette somme devrait être incluse dans les frais du Tribunal d'Arbitrage, dont la répartition aura lieu en vertu du compromis ou de la Convention de La Haye du 29 Juillet 1899.

Tels sont, Monsieur le Ministre les quelques vœux et observations que nous avons l'honneur de soumettre à Votre haute appréciation avec la respectueuse demande de les faire parvenir à toutes les Puissances signataires de la Convention de La Haye pour le réglement pacifique des conflits internationaux. Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de notre très haute considération.

(Signé) N. MOURAWIEFF.

H. LAMMASCH.
MARTENS.

A Son Excellence Monsieur le Baron MELVIL DE

LYNDEN, Ministre des Affaire Étrangères des
Pays-Bas, President du Conseil Administratif
de la Cour permanente d'Arbitrage à La Haye.

6. OFFICIAL CORRESPONDENCE AS TO JUDGES OF THE HAGUE COURT ACTING AS ADVOCATES IN CASES BEFORE IT, ETC.

THE HAGUE, September 3, 1903.

GENTLEMEN,—Our great anxiety to render any service in our power to the continued usefulness of the High Tribunal whose administrative business has been confided to your hands, and our conviction that such usefulness is in great danger of being inadvertently imperilled, is our excuse for addressing to you this communication. As Venezuela has no diplomatic representative at the Court of Her Majesty, the Queen of the Netherlands, we are obliged to address this communication directly to you. If Venezuela were so represented, we should, of course, address you through the usual diplomatic channel.

Your Excellencies are well aware, without any representations from us, of the very great interest taken by all the American Republics in the Court for whose successful administration you have become responsible. While the South American Republics were not invited to attend the Conference, they have acted with great promptness in availing themselves of the privilege the Powers afforded to them; and in pursuance of their uniform political history since they attained their independence they are, we feel sure, extremely anxious that this Court should fulfil the high expectations entertained of it as a great international court of arbitration and of peace. To succeed in attaining that most desirable end, we beg to submit with the greatest respect and deference to Your Excellencies that it will be necessary to preserve unimpared the right of all independent nations, wishing to invoke the good offices of this High Court, to declare for themselves in what manner they are willing to avail themselves of such offices. It follows, therefore, that the stipulations into which they enter as between themselves and which they make obligatory as to adhering parties, must be regarded as final and conclusive, and must consequently be duly respected.

It is not necessary that we should point out to Your Excellencies how fatal it would be to the future usefulness of this Tribunal if, after the parties proposing to invoke its good offices have themselves defined the conditions upon which those offices are invoked, they find on arriving at The Hague that their stipulations have been disregarded. In saying this we, of course, disclaim the slightest intention to impute any want of good faith to anybody, and our only desire is to guard against such misadventure as might result from an insufficient attention to the provisions of the protocols submitting the cause for arbitration.

You will permit us the liberty of saying that entertaining

« PreviousContinue »