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La commission vous propose de rédiger l'article 392 de la manière suivante :

Sera puni de la reclusion celui qui, par aliments, breuvages, médicaments, violences ou par tout autre moyen, aura, à dessein, fait avorter une femme sans son assentiment.

Si les moyens employés ont manqué leur effet, l'art. 66 sera appliqué.

ce dernier cas, si les moyens employés ont manqué leur effet.

6. ART. 395 (349 du code). L'article 317 était-il applicable à celui qui a causé l'avortement par des violences volontaires, mais sans intention de le produire ?

4. ART. 393 (350 et 351 du code). Ce texte, dont la commission a modifié la rédaction, a pour objet le second terme de la distinction fondamentale de toute cette matière. Le consentement de la femme à l'avorte-sures, ment diminue la gravité du fait. Une peine correctionnelle atteint seulement les délinquants. Contrairement à l'art. 392, la tentative n'est pas punie en l'art. 393, ainsi qu'il a été expliqué sous la rubrique de l'article précédent.

C'était un point controversé. Un commentateur soutient que la disposition rigoureuse de cet article est générale, et qu'il en doit être de ce cas comme de celui de l'homicide produit par des violences volontaires et sans intention de donner la mort. Cette opinion est contraire au principe de notre nouveau droit criminel. Aussi le projet prévoit-il le cas. Il ne se borne pas à le rejeter au chapitre des coups et blesmais il l'érige en délit sui generis et le punit de peines correctionnelles, inférieures à celles qui frappent l'avortement prémédité, et supérieures à celles édictées d'après le droit commun en matière de violence (art. 444 du projet revisé; 598 du code). Dans l'application, il distingue si le prévenu a agi avec ou sans préméditation, avec ou sans connaissance de l'état de la femme, et, suivant ces nuances, modifie la pénalité. Il est à remarquer que si les violences ont été telles, qu'elles emportent par elles-mêmes une Enfin, d'accord avec ce qu'elle a décidé pour l'ar-peine plus forte que celle édictée par l'art. 395, c'est ticle précédent, elle reporte le deuxième paragraphe de l'art. 392 à un numéro spécial (394).

Au minimum de cent francs d'amende porté par le projet, la commission adopte la substitution du chiffre de cinquante francs, proposé par M. le ministre de la justice.

cette peine supérieure qui est applicable. L'art. 395 ne déroge qu'à l'art. 444.

La disposition de l'article 395 ne concerne que les violences physiques et non les violences morales. Ceux qui, par imprévoyance ou défaut de précaution, ont involontairement causé l'avortement, tombent sous le coup de l'art. 469 du projet (420 du code), Des lésions corporelles involontaires. C'est l'article 470 (421 du code) qui punirait l'avortement causé involontairement par des substances nuisibles.

Votre commission a cru devoir renfermer dans le corps du présent article la disposition insérée à l'article 395 du projet. Il avait paru juste de frapper la femme qui se fait avorter spontanément ou qui consent à faire usage des moyens qui lui sont indiqués, si l'avortement s'en est suivi, de la même peine qui atteint l'agent dans l'art. 394 (du projet). Nous avons complété cette pensée en réunissant les deux articles en un seul. Est-il nécessaire de faire remarquer que, On remarque dans le code français de 1832, sous pas plus que dans le premier paragraphe de ce nouvel l'art. 317, relatif à l'avortement, une nouvelle dispoarticle, il ne peut être ici question d'incriminer le sition générale destinée à frapper ceux qui auront délit manqué et encore moins la tentative propre-occasionné des maladies en administrant volontairement dite. Il s'agit, au surplus, d'un fait qualifiément des substances qui, sans être de nature à donner délit. (Art. 67.)

Telle serait donc la rédaction définitive de la disposition actuellement en discussion :

La peine sera un emprisonnement de deux à cinq ans et une amende de cinquante francs à cinq cents francs, si la femme a consenti au délit.

La même peine sera prononcée contre la femme qui se sera volontairement fait avorter.

5. ART. 394 (553 du code). Le législateur de 1810 édictait des peines plus sévères à l'égard des personnes tenues par profession à plus de réserve. Ce principe est maintenu et les personnes sont limitativement désignées par le projet. C'est encore la distinction entre le cas où la femme n'a pas consenti et celui où elle a consenti à l'avortement qui forme la base de l'aggravation. Au premier cas, les personnes ci-dessous indiquées sont punies des travaux forcés; au second cas, de la reclusion. Le fait, dans cette dernière hypothèse, est devenu criminel par la seule qualité de l'agent. Toutefois, la tentative n'en est pas punie comme dans la première hypothèse. Les raisons que nous avons données sous l'art. 392 expliquent cette sorte de dérogation aux principes généraux.

L'art. 394, composé des deux seconds paragraphes des anciens art. 392 et 394 du projet revisé, est donc ainsi rédigé :

Si le coupable est médecin, chirurgien, accoucheur, officier de santé, pharmacien ou sage-femme, il sera puni des travaux forcés de dix ans à quinze ans dans le cas de l'art. 392, et de la reclusion dans le cas prévu par le premier paragraphe de l'article 393, sans qu'il puisse y avoir lieu à poursuite pour tentative d'avortement, dans

TOME III.

la mort, sont nuisibles à la santé (art. 317, §§ 4, 5 et 6). Le code de 1810 ne prévoyant que l'empoisonnement ou la tentative d'empoisonnement, le législateur de 1832 comblait ainsi partiellement une lacune. Mais l'introduction de ces paragraphes, réglant incidem ment une matière générale, à la place toute spéciale réservée au crime d'avortement, a été justement critiquée. Les auteurs du projet belge ont rejeté, à la rubrique Des lésions corporelles volontaires, les dispositions correspondantes (art. 450 et suiv.; 402 et suiv. du code). En ce qui concerne les faits qui, sur ce point, se rapportent à l'avortement, l'acte incriminé pourra constituer l'avortement manqué (art. 392; 348, § 2, du code) et le délit qui vient d'être indiqué et qui est prévu aux art. 450 et 451, et l'on appliquera celle des peines concurrentes qui serait la plus forte.

Le texte de l'art. 395 du projet (395) ne subit d'autres changements que ceux relatifs au chiffre de l'amende et proposés par M. le ministre de la justice. Dans le premier paragraphe, l'amende serait de vingt-six à trois cents francs et dans le second, de cinquante francs, à cinq cents francs.

Lorsque l'avortement a été causé par des violences exercées volontairement, mais sans intention de le produire, le coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs.

Si les violences ont été commises avec préméditation ou avec connaissance de l'état de la femme, l'emprisonnement sera de six mois à trois ans et l'amende de cinquante francs à cinq cents francs.

7. ART. 396 (552 et 353 du code). Il peut arriver 9

LIVRE II.

que les moyens employés pour procurer l'avortement causent la mort de la femme sans que l'agent se soit proposé ce résultat extrême; c'est le cas du dolus eventualis, pour parler le langage de l'école. Ici encore le code revisé arbitre les peines suivant la double distinction qui domine cette matière. L'application de cet article est tout à fait indépendante du succès des moyens employés pour procurer l'avortement. Le principe général de la pénalité est inscrit à l'art. 452 du projet (404 du code).

On se demande s'il est juste, dans le cas où la femme a consenti à l'avortement, de frapper l'agent d'une peine encore fort sévère (la reclusion)? Jusqu'à quel point peut-il porter la responsabilité de la mort de la femme? Quelques législations ont reculé devant cette conséquence et ont passé ce fait sous silence. Le projet n'a pas partagé cette hésitation non justifiée.

clusions qu'un premier débat s'engagea au sein de la chambre. Il parut résulter de la discussion que, dans l'esprit de plusieurs membres de la commission, celleci avait, au contraire, cru admettre ces principes nouveaux et rigoureux du projet. Ce malentendu amena, le 11 mai 1859 (Comment. IV, no 33), un nouveau rapport de la commission, qui, cette fois, à la majorité de cinq voix contre une, émit formellement l'avis d'adopter les incriminations proposées primitivement, avec une légère modification dans les termes, et cette rédaction est devenue l'art. 397, que nous allons examiner.

ART. 397 (354 du code). L'art. 349 du code pénal ainsi remplacé punissait ceux qui auront exposé ET délaissé... » Le simple fait de l'exposition d'un enfant au-dessous de l'âge de sept ans ne tombait pas sous l'application de la loi lorsqu'il n'était pas accompagné du délaissement. L'acte de délinquer est complexe, dit RAUTER, il consiste dans l'exposition et le délaissement combinés. » L'un ou l'autre fait est isolément incriminé aujourd'hui par le projet. Le législateur

(1) Le projet a trouvé dans le code de 1810 les mots: tout autre moyen, et cette expression revient souvent quand il s'agit d'analyser les dispositions pénales relatives à l'avortement. Le législateur de 1832 les a maintenues dans le code français, saus tenter de les pré-entend par exposition l'acte de placer l'enfant dans un ciser davantage. Parmi ces moyens, la médecine légale signale les odeurs fortes, la course, les secousses, et l'on ne peut nier que les termes de la loi n'admettent ces moyens physiques comme fondement d'une accusation d'avortement, quoique extrêmement délicats à établir et à soutenir. Ce n'est pas tout la doctrine enseigne que ces moyens de procurer volontairement l'avortement peuvent être moraux et immatériels aussi bien que physiques et matériels, et ce principe, qui n'est pas contredit, rend plus élastiques, plus vagues et partant plus redoutables les dispositions maintenues dans le projet. On cite l'exemple d'une terreur subite, comme moyen d'avortement susceptible d'incrimination. Déjà on aperçoit le danger de la théorie si l'intention, cet élément essentiel du crime, n'est tout d'abord clairement et manifestement révélée. On conçoit avec quelle sobriété de pareilles poursuites doivent être intentées, lorsque la partie publique n'est pas en présence de l'un des moyens formellement indiqués au texte : aliments, breuvages, médicaments, etc.

L'article ne reçoit de changement que la substitution, dans le second paragraphe, des expressions sera puni au mot subira : le reste comme au projet.

CHAPITRE II.-DE L'EXPOSITION ET DU DÉLAISSEMENT

D'ENFANTS.

8. La mansuétude dont est généralement animé le nouveau législateur ne devait assurément pas l'empêcher de combler les lacunes qu'il rencontrait dans notre système pénal. Ainsi, plusieurs des dispositions que nous allons analyser incriminent des faits qui jusqu'ici avaient échappé à des mesures répressives. Parmi ces actes, on devait même comprendre le dépôt des enfants dans les tours, si le projet de la commission d'élaboration avait prévalu dans son esprit primitif.

Le système du code est profondément modifié en ce chapitre. Aussi y a-t-il peu d'articles du projet qui aient soulevé plus d'oppositions. Dans son rapport du 21 janvier 1859 (Comment. III, no 6), la commission de la chambre expose qu'elle repousse l'inculpation des nouveaux faits ci-dessous indiqués (exposition ou délaissement séparé), par le motif principal que la législation en vigueur est suffisante. C'est sur ces con

(1) Les observations qui forment l'alinéa qui va suivre se réfèrent à l'art. 392 (348 du code) plus qu'à l'art. 396. (G. N.)

lieu, public ou non, autre que celui où se trouvent habituellement les personnes qui sont obligées de le soigner. Le nouveau code n'adopte pas la définition de MM. CHAUVEAU et HÉLIE, qui enseignent que le lieu doit être public. Par délaissement, on entend l'acte d'abandonner l'enfant sans s'être assuré qu'il a été ou qu'il va être recueilli immédiatement. Il peut arriver que le délit ait pour but une suppression d'état, mais il faut, pour constituer ce dernier crime, une intention formelle. Le législateur ne peut donc prendre içi cette éventualité pour base et mesure de la peine à infliger. La même observation s'applique à l'hypothèse où le délaissement aurait pour cause exceptionnelle une intention homicide. Cette tentative de meurtre ou d'infanticide ne doit pas davantage servir de mesure à la pénalité générale du délaissement.

Le code de 1810 distingue si l'enfant a été exposé et délaissé dans un lieu solitaire ou dans un lieu non solitaire. Cette distinction continue à faire la base de la gradation des peines. Cette solitude elle-même est relative, elle dépend des circonstances. La loi ne peut donner aucune explication bien précise à cet égard. Telle est l'infirmité commune à la législation et à tant d'autres créations de l'homme, que le code est souvent réduit à abandonner une infinie variété de circonstances à l'appréciation du juge. Il y a pourtant cette, nouvelle différence entre le système du code et le système du projet, quant à cette distinction, qu'elle n'a plus d'importance qu'à propos du délaissement. En effet, en matière d'exposition, l'agent ne s'éloigne qu'après s'être assuré que l'enfant qu'il vient d'exposer a été recueilli, qu'il n'y a pas eu intermittence de soins; dès lors, il importe assez peu que celui-ci ait été exposé dans un lieu solitaire ou non solitaire. Aussi verrons-nous, à la différence du code pénal, le mot délaissement seul employé dans les articles qui prévoient le cas du délit commis en un lieu solitaire et ceux où, faute d'avoir été recueilli ou soigné immédiatement, l'enfant est mort ou a été mutilé ou estropié.

9. La question des tours se présentait tout naturellement à l'esprit, à l'occasion de ce chapitre. Sous le code pénal, on partait du principe qui exigeait la réunion de l'exposition et du délaissement pour que les peines établies pussent recevoir leur application, et l'on jugeait que le fait d'avoir déposé un enfant dans le tour de l'hospice ne présente pas les caractères du délit, si la personne qui l'a déposé ne s'est retirée qu'après avoir entendu la gardienne prendre l'enfant dans le tour, et cela malgré le décret du 19 janvier

1811. La commission d'élaboration (Comment. II, n° 15) et la commission de la chambre des représentants (Comment. III, no 6) entendent le nouveau texte dans le sens d'une condamnation de ce cas. Il y a toutefois, entre ces deux commissions, cette différence essentielle que la seconde combat d'abord l'incrimination proposée par la première. Mais, plus tard, la commission de la chambre se prononça également de son côté pour la répression du fait indiqué ci-dessus. Un vœu fut émis dans le sein de la commission parlementaire d'ajourner cette interprétation du présent article à l'époque de la discussion de la question si agitée des tours, mais cette proposition fut écartée par la majorité de la commission.

C'est ainsi entendu et conformément aux conclusions de la commission d'élaboration que le projet fut de nouveau soumis à la chambre en 1860. Mais cette interprétation de l'art. 397 ne fut plus acceptée par les orateurs qui prirent part à la discussion publique. On déclara positivement que le dépôt dans les tours n'était pas incriminé par la loi nouvelle et ne tombait pas, malgré la disjonction de l'exposition et du délaissement, sous l'application de la disposition qui nous occupe en ce moment. (Comment. IV, nos 8 et 37). Le motif de cette opinion, rigoureusement conforme du reste à la lettre même de l'art. 397, est que dans le tour l'enfant est déposé et non exposé ni délaissé. Il y a, en effet, une différence entre l'exposition proprement dite et le dépôt d'un enfant dans un établissement qui a précisément pour mission de recevoir des enfants et de leur donner des soins. Ce dépôt n'est donc pas plus compris dans le texte que dans la pensée du législateur ainsi expliquée. Mais, à cet égard, on n'entend nullement préjuger les dispositions d'une loi spéciale future.

10. Si l'on considère uniquement la charge laissée aux communes ou bien la contravention aux lois de l'état civil pour l'exposition ou le délaissement, il faut convenir que la peine est réellement hors de proportion avec le délit. Remarquez, en effet, que cette peine est, quant au maximum (un an de prison), la même que celle comminée par le code pénal contre l'exposition et le délaissement réunis. Au surplus, le projet comme le code ne s'occupe pas seulement ici des enfants nouveau-nés, mais de tout enfant âgé de moins de sept ans. Aussi faut-il chercher ailleurs la base de la punition.

Le péril de l'enfant serait-il, dans l'espèce, le fondement du droit de punir? Evidemment non, en tant qu'il s'agisse d'atteindre le délit simple, le premier degré de l'exposition ou du délaissement. Car le dommage sérieux éprouvé par l'enfant est l'objet d'une pénalité distincte et plus grave, d'une pénalité spéciale et sui generis. La peine très-sévère édictée contre le simple fait d'exposition et de délaissement, par les art. 397 et 401 du projet, suffirait déjà pour écarter cette opinion.

Prendrait-on, au contraire, pour base de la répression, l'oubli des sentiments paternels, la violation d'un devoir sacré? Cette manière de voir paraît plus rationnelle, mais en l'adoptant ne s'expose-t-on pas à voir crouler la base de l'incrimination dans tous les cas d'extrême misère, d'indigence absolue des parents qui, ne pouvant nourrir eux-mêmes leurs enfants, seraient contraints de les abandonner? On sait, en effet, que les hospices ne sont, à la rigueur, ouverts légalement qu'aux orphelins et aux enfants trouvés et abandonnés. La qualité naturelle des délinquants élève d'ailleurs la criminalité du fait (art. 398 et 402 du projet revisé) et la notion du délit doit comprendre toute personne, même étrangère, qui ayant l'enfant entre les mains, s'en va l'exposer ou le délaisser.

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Quelque avis que l'on adopte sur ce point fondamental, il y aura toujours, dans la variété des exemples, des raisons particulières qui viendront combattre la théorie générale qui aura inspiré le législateur. Le projet qui vous est soumis est parti de cette idée que l'élément interne ou moral des délits dont nous parlons est l'intention de se soustraire aux soins qu'exige l'entretien ou la garde de l'enfant. (Rapport de la commission d'élaboration.)Voilà, bien précisé, le degré de gravité que la nouvelle législation attache au fait qu'elle saisit dans l'hypothèse la plus fréquente, et qu'elle généralise d'après les procédés de la science du droit argumentant de eo quod plerumque fit, qu'il s'agisse de lieux solitaires ou de lieux non solitaires. Le projet compte sur l'admission des circonstances atténuantes pour corriger, dans l'un ou l'autre cas, la rigueur des peines à l'égard des infractions qui accuseraient chez leurs auteurs une intention moins coupable que celle qu'il leur a supposée en principe général. Parmi ces faits exceptionnels, s'écartant de cet ordre principal d'idées, il faudrait évidemment ranger le cas ci-dessus cité, de misère absolue des parents de l'enfant exposé ou délaissé.

11. Le délit, tel qu'il est défini, exige pour sa perpétration un acte formel, positif. Le projet, pas plus que le code, n'incrimine ici le fait négatif de ne pas donner des secours à un enfant délaissé. La loi punit sous une autre rubrique celui qui, ayant trouvé un enfant nouveau-né, ne l'aura pas remis à l'officier de l'état civil (art. 405).

à

Le code pénal établissait une complicité rigoureuse l'égard de ceux qui ont donné l'ordre d'exposer et de délaisser des enfants en un lieu solitaire. L'article 549 n'exigeait pas la réunion des conditions requises par l'art. 60 du code pénal pour la complicité en général. Il ne faut ni abus de pouvoir, ni d'autorité, etc., de la part du complice, pour être puni. On le considère plutôt ici comme coauteur que comme complice. Mais cette complicité spéciale et d'un caractère exceptionnel ne s'étendait pas aux délits commis dans des lieux non solitaires. La nouvelle législation, plus sévère ici que l'ancienne, a placé sous ce rapport les deux faits sur la même ligne, quant à la complicité.

M. le ministre de la justice a proposé de changer les mots si ce mandat a été exécuté en ceux-ci : si cette mission a été exécutée. Le mot mission, déjà employé dans la première partie de la phrase, avait lui-même prévalu sur le mot ordre adopté par le code. Cette dernière expression supposait, en effet, une hiérarchie parmi les délinquants, et paraissait exclure la complicité d'individus non subordonnés, contrairement à la pensée du législateur. Cette modification, avec le retranchement des mots accomplis (2o ligne) et ainsi (3o ligne), est le seul changement que la commission vous propose d'introduire dans le texte.

Ceux qui auront exposé et ceux qui auront délaissé en un lieu solitaire un enfant au-dessous de l'âge de sept ans; ceux qui auront donné la mission de l'exposer ou de le délaisser, si cette mission a été exécutée, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de vingt-six francs à cent francs.

12. ART. 398 (356 et 357 du code). Votre commission a reporté à la fin du chapitre, pour les réunions en un seul article, les dispositions prévues aux articles 398, 399 § 2, 400 § 2 et 402, et relatives à l'aggravation de la peine par la qualité des délinquants.

Le nouvel art. 398 comprendrait les dispositions insérées à chacun des premiers paragraphes des articles 399 et 400. Il s'agit ici du délaissement seulement. L'enfant n'a pas été recueilli immédiatement, l'agent ne s'est pas occupé de veiller s'il était à l'abri de tout péril. Il est résulté de cette incurie soit des blessures

graves, soit même la mort de l'enfant. Y a-t-il lieu de faire peser sur l'agent la responsabilité de ces événements?

Le code pénal se taisait sur le premier point dans l'hypothèse posée en ce moment (lieux non solitaires). Fallait-il conclure de ce silence qu'il y avait une lacune dans la loi ou que ce silence était fondé en raison? Quelques criminalistes ont adopté cette dernière opinion et l'ont justifiée par des motifs tirés de la nature toute spéciale du délit accompli en un lieu et dans des circonstances où l'on devait moins redouter des accidents pour l'enfant. Le projet n'a pas partagé de scrupule et il a édicté la première disposition de l'article ci-dessus, qui aggrave l'ancienne législation.

Le code pénal n'avait pas non plus de disposition spéciale pour le cas de mort de l'enfant dans un lieu non solitaire. Le fait pouvait être qualifié comme un homicide involontaire, aux termes de la disposition générale de l'art. 319 du code pénal. Il y a donc aggravation par la disposition empruntée au projet et figurant maintenant au second paragraphe de l'article 398. La peine de l'emprisonnement est d'un an à trois ans. Celle édictée par l'article général 468 (qui remplace l'art. 319 du code pénal) est de trois mois à deux ans.

L'art. 598 rencontre donc le cas où l'enfant a été mutilé ou estropié et celui où il est mort.

Qu'il s'agisse de lieux solitaires ou de lieux non solitaires, la loi n'a pas prévu les hypothèses où l'enfant, sans mourir ni rester mutilé ou estropié par suite du délaissement, a cependant été blessé ou malade. N'y aurait-il pas lieu d'édicter pour ce cas une pénalité particulière? Le projet ne l'a pas pensé. On a cru que, dans les limites du maximum et du minimum, le juge trouverait une échelle pour proportionner la répression à la gravité des conséquences du délit.

Le délaissement étant par lui-même un délit, la punition doit être plus forte lorsqu'il a eu des accidents pour résultat que lorsqu'il s'agit d'un fait non délictueux par lui-même, qui entraîne à sa suite des blessures involontaires. Tel est le motif de la responsabilité plus rigoureuse que l'on signale dans l'article 598. Il y a, en effet, de la part de l'agent, deux faits répréhensiblos un dol et une faute.

La commission arrête ainsi la rédaction de l'article 398 :

Si, par suite du délaissement, l'enfant est demeuré mutilé ou estropié, les coupables seront punis d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs.

Si le délaissement a causé la mort de l'enfant, les peines seront un emprisonnement d'un an à trois ans et une amende de cinquante francs à trois cents francs.

13. ART. 399 (358 du code). Le projet aborde la seconde catégorie des délits qui forment l'objet de ce chapitre. Il s'agit du délaissement d'enfants dans un lieu solitaire, et par conséquent de faits plus graves que ceux dont votre commission vous a entretenus sous les deux articles précédents. A la vérité, la plus grande partie des observations générales qui ont été présentées à l'occasion de l'art. 397 s'appliquent également à l'art. 399, mais le principe de l'aggravation, tel qu'il est exposé par Monseignat, ne peut être admis sans réserve. Ce n'est pas parce que l'abandon dans un lieu isolé ou solitaire dénote l'intention de détruire jusqu'à l'existence de l'être infortuné, destiné à perdre la vie par un crime,» que la loi prononce ici une peine plus rigoureuse, mais qui ne dépasse pas cependant, à l'art. 399, les limites de la juridiction correctionnelle. Si ce dessein criminel était constaté, le fait changerait de caractère et de qualification légale.

L'intention est plus perverse et plus impitoyable en raison de la solitude du lieu et de l'absence de secours, sans s'élever cependant au degré de méchanceté présumé, d'une façon trop absolue, par l'orateur du gouvernement.

Les changements dans la mesure de la peine de l'emprisonnement apportés à la législation présente consistent en l'élévation du maximum de deux ans à trois ans. La gravité du fait a justifié cette sévérité. L'article est donc ainsi rédigé :

Ceux qui auront délaissé en un lieu solitaire un enfant au-dessous de l'âge de sept ans; ceux qui auront donné la mission de le délaisser ainsi, si cette mission a été exécutée, seront condamnés à un emprisonnement de six mois à trois ans et à une amende de cinquante francs à trois cents francs.

14. ART. 400 (360 du code). Si, par suite du délaissement en un lieu solitaire, l'enfant est demeuré mutilé ou estropié, le code considère l'action comme blessures volontaires faites à l'enfant par celui qui l'a délaissé; et si la mort s'en est suivie, l'action est considérée comme meurtre.

Le dol véritable existe en ce qui concerne le délit de délaissement. Mais quant au résultat, l'agent n'est responsable que d'une faute grave, d'un dol éventuel qu'il est injuste d'assimiler à un dol proprement dit.

Quoique l'auteur ait prévu le mal occasionné par son fait, il n'a pas voulu ce mal. » (Rapport de la commission d'élaboration, Comment. II, n° 20.) Voilà l'idée mère des dispositions qu'il s'agit d'instituer ici.

Remarquons d'abord que dans le système du projet de code revisé, le meurtre est l'homicide commis avec l'intention de donner la mort. Cette définition, qui s'écarte du système du code pénal, rendrait donc déjà elle-même impossible le maintien de la seconde disposition de l'article 551 du code pénal. La chambre a admis dans ce cas la peine des travaux forcés de dix à quinze ans, et elle a comminé la reclusion si l'enfant est demeuré mutilé ou estropié.

Votre commission a cru pouvoir vous proposer d'abaisser ces peines.

Sur la première partie de l'article, elle accueille les conclusions de la commission de la chambre des représentants, lesquelles n'ont pas été adoptées par cette assemblée. Elles tendaient à frapper les coupables d'un emprisonnement de deux à cinq ans, si, par suite du délaissement, l'enfant est demeuré mutilé ou estropié.

Ce premier paragraphe a donné lieu à une controverse au sein de la chambre. Il est très-vrai que dans la plupart des cas l'enfant qui sera resté mutilé ou estropié éprouverait une incapacité de travail de plus de vingt jours, et dès lors la législation nouvelle est la même que celle du code pénal. La peine est la reclusion dans les deux cas (art. 509 du code pénal).

Mais il peut se présenter tel événement où l'enfant blessé et mutilé ne sera pas empêché de travailler pendant un terme de vingt jours. Que décider en pareil cas sous l'empire du code?

Suivant les uns, on n'appliquait que la peine prononcée contre les blessures volontaires n'entraînant pas une incapacité de travail de plus de vingt jours (art. 511 du code pénal), c'est-à-dire une peine correctionnelle. Si cette interprétation est exacte, il est hors de doute que la disposition du premier paragraphe du nouveau code qui vous est soumis et qui commine indistinctement une peine criminelle est plus rigoureuse que l'ancienne législation. Mais, suivant d'autres interprètes, le code n'ayant fait aucune distinction, c'est dans tous les cas la reclusion qu'il fallait appliquer. Cette opinion ne trouverait donc aucune aggravation dans le droit nouveau.

Le premier avis ne prévaudrait très-vraisemblable- cinq ans et à une amende de deux cents francs à cinq ment pas sous le code, à peine de prêter au législateur cents francs. une contradiction manifeste.

Le fait simple de délaisser et d'exposer en un lieu solitaire est puni, par le code, de six mois à deux ans d'emprisonnement (art. 349 du code pénal). Viennent s'adjoindre à ce premier degré de criminalité les circonstances aggravantes de mutilation; la peine, au lieu d'être logiquement augmentée, serait diminuée et réduite aux proportions de l'art. 311 du code pénal, c'est-à-dire à un emprisonnement d'un mois à deux ans. Il se trouverait que, de circonstances aggravantes, les mutilations seraient devenues des circonstances atténuantes. Or, cette réduction à l'absurde, pour parler comme les géomètres, ne permet pas de prêter aux rédacteurs du code une pareille intention.

Si le délaissement a causé la mort, ils seront punis de la reclusion.

15. ART. 401 (359 du code). Il est des personnes tenues à des devoirs plus étroits par la nature ellemême ou par la confiance dont elles sont investies soit par la loi, soit en vertu de la loi, soit par ceux sous la surveillance desquels l'enfant était placé. La violation de ces devoirs entraîne l'aggravation de la peine. Sous l'empire de l'art. 350 du code pénal, cette aggravation s'applique-t-elle indistinctement aux père et mère de l'enfant exposé, qu'ils soient ou non légalement revêtus de la tutelle? La cour de cassation de France, enchaînée par le texte précis de cette disposition, avait formellement décidé qu'elle ne s'applique aux père et mère que pour autant qu'ils soient légalement revêtus de la tutelle. Or, on ne peut admettre en droit d'autres tuteurs que ceux qui sont chargés d'une tutelle ouverte, et nullement comme telle la qualité et les pouvoirs de père et mère pendant le mariage. Cependant la même cour, frappée de la discussion au conseil d'Etat (séance du 12 novembre 1808), parut plus tard pencher vers l'opinion contraire. Il est certain que les mêmes motifs d'aggravation s'appliquent aux père et mère, et le législateur procédant à la révision doit écarter les difficultés de texte qui ont contrarié cette opinion sous l'ancienne législation. La commission d'élaboration a déjà fait disparaître les termes limitatifs de l'art. 350 du code pénal et les a remplacés par une formule générale qui comprend tous ceux à qui l'enfant était confié. Mais elle exprime l'avis que les père et mère non légalement revêtus de la tutelle échappent à l'aggravation indiquée. Tel n'est pas le sentiment de la commission de la chambre, qui entend au contraire leur appliquer dans ce cas l'aggravation comminée par notre article en termes généraux. De façon que le projet est arrivé au sénat avec deux interprétations contraires, sans même que le juge puisse invoquer une discussion pour décider de l'opinion qui a prévalu dans l'esprit du législateur. Un amendement ne peut être évité sur ce point et votre commission vous propose d'introduire dans le texte les mots les père et mère.

Mais, abstraction faite de la lettre du code de 1810, y a-t-il lieu de maintenir encore la peine de la reclusion, seule portée par l'ancienne législation, comme nous croyons l'avoir établi par des raisons de texte? La commission de la chambre a fait observer avec raison, selon nous, que cette pénalité est trop sévère. Il existe d'ailleurs un motif spécial de l'abaisser. Le code avait assimilé la mutilation produite par le délaissement à des blessures faites volontairement. Or, ces blessures, dans le cas même où il en résulte des mutilations, ne sont punies, par l'art. 446 du projet, que d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de deux cents francs à cinq cents francs, lorsqu'il n'y a pas de préméditation. L'abaissement de la peine dans un cas doit nécessairement l'entraîner dans l'autre. Que l'on veuille bien, en effet, se reporter à la présentation du projet de code pénal revisé, et l'on verra que l'assimilation du code pénal a été maintenue par les auteurs de la nouvelle législation. La peine de la reclusion est comminée dans les deux nouveaux articles qui portaient alors les nos 419 et 464 (403 et 446 du projet revisé). Or, la discussion parlementaire ayant fait abaisser la peine dans le dernier cas, il en pourrait être de même dans le premier. Les peines de la responsabilité des accidents en un lieu solitaire ont été mises et doivent continuer à rester en rapport avec celle des coups et blessures. Il s'agit donc simplement de rétablir ici une harmonie qui a été brisée sans motif suflisant. Cette pénalité échappe à la critique faite plus haut et relative à la proportion entre les art. 349 et 351 du code pénal. En effet, les nouveaux articles correspondants du projet que nous vous soumettons: l'art. 399 qui commine un emprisonnement de six Les autres modifications apportées à la pénalité par mois à trois ans, et l'art. 400 qui édicterait un empri- le changement général de la rédaction et par la nousonnement de deux ans à cinq ans, présenteraient, velle disposition des articles de ce chapitre nous ont entre le délit simple et le délit aggravé, une diffé-paru se justifier par la proportion véritable entre les rence de peines suffisante pour satisfaire la raison et l'équité.

Votre commission vous propose également d'abaisser d'un degré la peine criminelle portée par le deuxième paragraphe du projet. Le peine des travaux forcés inscrite aux art. 419 et 465 du projet primitif (articles 403 et 447 du projet revisé) a disparu dans l'épreuve parlementaire, au moins quant au dernier article, avec lequel le premier doit être mis en rapport. Un même motif et une raison d'humanité commandent également l'abaissement de la peine dans ce cas. I importe de ne pas retomber dans la rigueur justement reprochée au code pénal sur ce point.

Ce n'est pas, d'ailleurs, avec le dernier paragraphe (préméditation) de l'art. 447 que notre article doit étre comparé.

L'art. 400 serait donc ainsi rédigé :

Si, par suite du délaissement prévu par l'article précédent, l'enfant est demeuré mutilé ou estropié, les coupables seront condamnés à un emprisonnement de deux ans à

De son côté, M. le ministre de la justice a proposé de changer les mots à qui l'enfant avait été confié, en ceux ci à qui l'enfant était confié. Cette modification a été adoptée.

délits divers et la qualité naturelle des délinquants. Nous étendons cette aggravation à la responsabilité des accidents qui résultent du délaissement en un lieu solitaire opéré par des personnes tenues à des obligations plus rigoureuses (art. 403 du projet revisé).

Il en sera à l'avenir de ce cas comme de tous ceux prévus en ce chapitre, contrairement à l'exclusion dont il est l'objet dans le projet revisé. La modération relative des peines que nous substituons en l'art. 403 du projet (400) nous a permis de faire cesser cette exception. Nous proposons, en conséquence, de rédiger en ces termes l'art. 401 qui se trouvera ainsi en rapport avec les art. 421 et 426, en élevant dans la même proportion le minimum des peines comminées:

Le minimum des peines portées par les articles précédents sera élevé aux quatre cinquièmes du maximum, si les coupables sont les père et mère ou des personnes à qui l'enfant était confié.

16. ART. 402 et 403. Ces articles sont repris dans les précédents.

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