Page images
PDF
EPUB

TITRE VII. Des crimes et des délits contre l'ordre des familles et contre la moralité publique.

III

CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS.

Session de 1858-1859.

RAPPORT fait, dans la séance du 21 janvier 1859, au nom de la commission,
par M. LELIEVRE (1).

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

De l'exposition et du délaissement d'enfants.

6. La commission propose de ne punir que l'exposition suivie du délaissement de l'enfant.

7. Abandon de la distinction établie par le code de 1810 entre l'exposition dans un lieu solitaire et l'exposition dans un lieu non solitaire. Maintien de cette distinction pour le délaissement.

8. Art. 413 (354 du code). Dépôt d'un enfant dans le tour d'un hospice. Sens des mots : donné la mission.

9. Art. 414, 415 et 416 (355, 556 et 357 du code). Conséquences funestes du délaissement. Bases de la responsabilité de l'agent.

10. Art. 417, 418 et 419 (558, 359 et 560 du code). Délaissement dans un lieu solitaire.

Des crimes et des délits tendant à empêcher ou à détruire la preuve de l'état civil de l'enfant.

11. Art. 420 (361 du code). Déclaration de naissance. Personnes dispensées de cette obligation.

12. La déclaration doit-elle comprendre le nom de la mère? 13. Art. 421 (362 du code). Enfant trouvé. Remise à l'officier de l'état civil.

14. Art. 422 (363 du code). Suppression, substitution et supposition de part.

13. Art. 425 (364 et 365 du code). Enlèvement et recélé d'enfant. 16. Art. 424 (366 du code). Dépôt à l'hospice d'un enfant dont on a la garde.

17. Art. 425 (567 du code). Défaut de représentation d'un enfant dont on a la garde.

De l'enlèvement des mineurs.

18. Modifications introduites par le projet en cette matière. 19. Art. 426 (368 du code). Enlèvement par violence, ruse ou

menaces.

20. Art. 427 (369 du code). Circonstance aggravante. Age de la jeune fille enlevée.

21. Art. 428. Supprimé par la commission.

22. Art. 429 (370 du code). Enlèvement d'une fille qui a consenti à suivre son séducteur.

23. Art. 430. Supprimé par la commission.

24. Art. 431 (371 du code). Suspension des poursuites quand le ravisseur a épousé la fille qu'il a enlevée.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

De la prostitution ou corruption de la jeunesse.

33. Base des incriminations comprises dans ce chapitre. 34. Art. 439 (379 du code). Excitation habituelle à la débauche de jeunes gens âgés de moins de vingt et un ans et de plus de quinze ans.

35. Art. 440 (379 du code). Excitation à la débauche de jeunes gens âgés de moins de quatorze ans.

36. Art. 441 (380 du code). Circonstance aggravante. Enfant àgé de moins de onze ans.

37. Art. 442. La disposition de cet article est comprise dans les art. 439 et 441 du projet de la commission (379 du code). 38. Art. 443 (381 du code). Circonstances aggravantes personnelles au coupable.

39. Art. 443 et 444 (382 du code). Peines accessoires.

(1) La commission était composée de MM. DOLEZ, président, J. LEBEAU, Lelièvre, Moncheur, Pirmez, de MueleNAERE et DE LUESEMANS.

Des outrages publics aux bonnes mœurs.

40. Condition essentielle des délits prévus par ce chapitre : publicité.

41. Art. 445 (383 du code). Écrits, images contraires aux bonnes

mœurs.

42. Art. 446 (384 du code). Reproduction de ces objets. 43. Art. 447 (385 du code). Outrage public à la pudeur. 44. Art. 448 (386 du code). Peine accessoire.

De l'adultère et de la bigamie.

45. Art. 449 (387 du code). Adultère de la femme.

46. Art. 450 (388 du code). Complice de la femme. Preuve de l'adultère.

47. Art. 451 (389 du code). Adultère du mari.

48. Art. 452 (390 du code). Poursuite du délit. Nécessité d'une plainte.

49. Art. 453 (391 du code). Bigamie.

Messieurs,

TEXTE DU RAPPORT (4).

1. L'examen du tit. VII, liv. II, du code pénal a donné lieu, au sein de votre commission, à différentes observations sur lesquelles nous appelons l'attention de la chambre.

Le chap. Ier de ce titre traite de l'avortement. Sous l'empire du code pénal de 1810, cette matière donnait lieu à de vives controverses.

Les auteurs enseignaient, d'une voix unanime, que la tentative d'avortement n'était jamais punissable et que l'article 317 du code ne s'appliquait qu'au crime consommé (2).

La jurisprudence française, au contraire, décidait que la tentative d'avortement ne devait rester impunie que dans le cas où elle était commise par la femme enceinte; mais qu'émané de tout autre individu, ce fait tombait sous l'application de la loi pénale.

Notre cour de cassation, par arrêt du 21 décembre 1847 (3), sur la plaidoirie de notre honorable collègue M. Dolez, admit un autre système. Elle pensa, avec raison, que les termes restrictifs de la loi, l'exposé des motifs du code et les discussions qui l'ont précédé, démontraient à l'évidence qu'on n'a jamais voulu punir la simple tentative en cette matière.

Le rapport fait au corps législatif sur l'art. 317, était, en effet, clair et précis sur la question.

Ce crime, disait le rapporteur, porte souvent sur des craintes, et quand il n'est pas consommé, outre que la société n'éprouve aucun tort, il est fort difficile de constater légalement une intention presque toujours incertaine, une tentative trop souvent équivoque, surtout dans la supposition de l'impuissance de la cause et de la nullité de ses résultats.

Les auteurs du projet, appelés à se prononcer sur cette difficulté, l'ont résolue de la manière suivante : Quand la femme a consenti à l'avortement, la tentative n'est jamais punie, parce qu'en ce cas l'intention ne peut être constatée que difficilement, et presque toujours la poursuite resterait sans résultat.

Mais si la femme n'a pas donné son consentement à l'avortement, les mêmes inconvénients ne se présentent pas; il est possible de démontrer, en ce cas, l'existence de la tentative par diverses circonstances qui permettent de l'atteindre. D'ailleurs, le fait de tenter de procurer un avortement sans le consentement de la femme est trop grave pour rester sans répression. Il existe en cette occurrence un attentat

(1) Annales parlementaires, 1838-1859, p. 480.

(2) LegraverenD,. t. ler, p. 121; CARNOT, t. II, p. 63; | BOURGUIGNON, t. III, p. 292; RAUTER, t. II, p. 458; CHAUVEAU et HÉLIE, nos 2603 et suiv.; MORIN, vo Avortement; DALLOZ, eodem verbo, no 11. Voir, dans le même sens, arrêt de la cour d'assises de la Meurthe, du 7 mai 1858 (SIREY, 1858, 2, 349 et suiv.).

coutre la personne même de la femme, et ce fait compromettant l'ordre public, doit être frappé d'une juste répression.

Ces motifs expliquent la disposition de l'art. 408 du projet (348 et 353 du code). La peine qu'il prononce est celle de la reclusion, à raison de la gravité du fait. Si celui-ci est commis par un médecin, chirurgien, etc., la peine est plus élevée, parce qu'en ce cas le coupable viole les devoirs de sa profession, en abusant d'un art qu'il doit employer à conserver et non à détruire (4).'

Il est à remarquer que la tentative n'est punie que quand l'agent a employé tous les moyens propres à réaliser l'exécution. C'est, en un mot, le crime manqué qui seul est atteint par l'art. 408. En conséquence, le simple commencement d'exécution n'est pas puni par cette disposition.

2. ART. 409 (349 du code). La commission rédige l'article en ces termes :

Lorsque l'avortement a été causé par des violences exercées volontairement, mais sans intention de le produire, le coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs.

Cette disposition concerne le cas où il a été exercé des violences qui ont amené l'avortement, sans toutefois que l'agent eût voulu le produire. En cette occurrence, le coupable a exercé des violences volontaires, mais, relativement à l'avortement, il n'a commis qu'une faute et non point un véritable dol.

Notre article prononce contre lui une peine correctionnelle assez élevée, à raison de la gravité des résultats qu'ont produits les actes de violence.

Cette disposition apporte une dérogation heureuse au système du code pénal de 1810, qui imputait à un individu toutes les conséquences d'une action qu'il commettait, comme si elles étaient entrées directement dans son intention.

Le projet apprécie les choses plus équitablement, et nous ne pouvons qu'applaudir à la pensée qui l'a dicté.

Du reste, il est à remarquer que, pour l'application de notre article, le ministère public ne doit pas établir que le délinquant connaissait la situation où se trouvait la femme victime des voies de fait; la peine est plus sévère uniquement à raison de l'importance des résultats des actes de violence. Le coupable, relativement aux conséquences du fait, a commis, au

(3) Pasicrisie, 1848, p. 85; Jurisprudence du xixe siècle, 1848, part. 1, p. 125. Voir aussi arrêt du 29 janvier 1852 (Journal du palais, 1855, part. 1, p. 251).

(4) Sous le gouvernement des Pays-Bas, le candidat, avant d'être proclamé docteur en médecine, prêtait serment de ne jamais procurer l'avortement d'une femme enceinte, nec gravidæ abortum procuraturum.

moins, une faute grave qui justifie l'élévation de la peine.

La commission a supprimé la phrase: sans préjudice des peines plus fortes auxquelles ces violences pourront donner lieu d'après les autres dispositions du projet, parce que, à l'occasion d'un autre article, il a été entendu qu'il serait, à cet égard, inscrit, dans le nouveau code, une disposition générale s'appliquant à tous les cas analogues et décrétant le principe énoncé dans les expressions finales de notre article.

répréhensible que soit le fait commis, il est certain que l'agent n'a pas eu l'intention de donner la mort à la femme; il suffit donc que dans ce cas on élève d'un degré les peines prononcées par les articles 408 et 410.

Du reste, la commission s'est réservé de statuer sur la peine à prononcer dans le cas de l'art. 470; c'est ce qui a motivé un changement de rédaction relativement aux expressions finales de notre disposition.

Du reste, nous avons cru devoir réduire la durée CHAPITRE II. de la peine d'emprisonnement prononcée par le projet. Il nous a paru qu'un emprisonnement de trois mois à deux ans est suffisant, dans l'espèce, pour satisfaire aux nécessités de la répression.

3. ART. 410 (550 et 355 du code). La commission rédige l'article en ces termes :

Celui qui, par aliments, breuvages, médicaments ou par tout autre moyen, aura fait avorter une femme qui y a consenti, sera condamné à un emprisonnement de deux ans à cinq ans et à une amende de cent francs à cinq cents francs.

Si le coupable est médecin, chirurgien, accoucheur, officier de santé, pharmacien ou sage-femme, il subira la peine de la reclusion.

Dans les cas prévus par les paragraphes précédents, il ne pourra y avoir lieu à la poursuite pour tentative d'avortement, si les moyens employés ont manqué leur effet.

Cet article consacre le système de la cour de cassation, qui a décidé qu'en aucun cas la tentative d'avortement ne devait être punie. Il en sera ainsi dans l'espèce du § 1er de notre article, par cela seul qu'il ne s'agit que d'un simple délit dont la tentative n'est punissable qu'en vertu d'une disposition formelle de la loi.

Toutefois, la commission a pensé devoir exprimer sa pensée en termes généraux qui s'appliquent aux deux paragraphes de notre disposition.

Nous avons, du reste, été d'avis, avec le gouvernement, que si l'avortement a eu lieu du consentement de la femme, le fait est suffisamment réprimé par une peine correctionnelle; mais s'il est commis par un homme de l'art, qui méconnaît les devoirs de sa profession et foule aux pieds toutes les règles de l'honnêteté, nous avons cru devoir le maintenir au rang des crimes, à raison de sa gravité particulière en semblable occurrence.

4. ART. 411 (551 du code). La femme qui se fait avorter doit encourir la peine appliquée à l'agent, dans le cas prévu par le premier paragraphe de l'article 410. Il s'agit du même fait, c'est-à-dire d'une grave violation des lois naturelles et civiles, sous le rapport de l'enfant.

5. ART. 412 (352 du code). La commission rédige l'article en ces termes :

Lorsque les moyens employés dans le but de faire avorter la femme auront causé la mort, celui qui les aura administrés dans ce but sera condamné à la reclusion, si la femme a consenti à l'avortement; et aux travaux forcés de dix à quinze ans, si elle n'y a point consenti, sans préjudice, dans ce dernier cas, s'il y a lieu, de la peine prononcée par l'art. 470.

La commission a pensé que la peine prononcée par l'article du projet est trop sévère. En effet, quelque

DE L'EXPOSITION ET DU DÉLAISSEMENT D'ENFANTS.

6. Des dérogations importantes au code pénal de 1810 sont introduites par le projet. Sous le régime en vigueur, le simple fait d'exposition d'un enfant audessous de l'âge de sept ans n'est pas réprimé, il doit être accompagné du délaissement qui consiste à abandonner l'enfant dans certain lieu, privé de toute assistance.

Ainsi l'on décide que le fait d'avoir déposé un enfant dans le tour d'un hospice ne présente pas les caractères d'un délaissement, si la personne qui l'a déposé ne s'est retirée qu'après avoir entendu la religieuse préposée à ce service, prendre l'enfant dans le tour (1). Il en est de même si, par le fait du dépôt dans le tour de l'hospice, il est certain que l'enfant recevra immédiatement tous les soins nécessaires (2). Les auteurs du projet estiment que le délit existe dans tous les cas où il y a exposition. Ils pensent que le délaissement seul, même non accompagné d'exposition, doit être frappé d'une peine, par la raison que ces deux faits sont contraires à l'ordre public et sont de nature à compromettre l'existence de l'enfant.

La commission a été d'avis que l'on ne devait pas aggraver, sous ce rapport, les dispositions du code pénal qui ont toujours été considérées, en Belgique, comme suffisantes pour réprimer efficacement les faits dont il s'agit. Nous n'avons pas pensé qu'il existât des motifs assez puissants pour introduire, à cet égard, un régime plus sévère que celui en vigueur.

L'exposition ne sera donc punissable que dans le cas où il y aura en même temps délaissement de l'enfant.

7. Le code pénal de 1810 laissait en cette matière une lacune qu'il est important de combler. Il ne s'occupait pas des résultats fâcheux que pouvait produire l'abandon de l'enfant dans un lieu non solitaire. Le projet a cru devoir décréter sur ce point des dispositions qui préviennent les conséquences funestes de semblable fait.

1

Des auteurs qui se sont occupés de nos lois criminelles ont émis l'avis qu'on ne pouvait admettre la distinction établie, par la législation en vigueur, entre l'exposition dans un lieu solitaire et celle qui s'est effectuée dans un lieu non solitaire (3).

Mais nous avons cru pouvoir maintenir, en ce qui concerne le délaissement, la distinction dont nous venons de parler, parce qu'elle est réellement fondée sur la nature même des choses, et qu'elle sert à établir une juste proportion entre la peine et le délit, d'après la gravité des divers faits. Il ne faut pas, du reste, se méprendre sur la portée du projet sous ce rapport. La solitude du lieu, dans le sens des dispositions de

(1) Arrêt de cass. de France du 7 juin 1834 (SIREY, 1835, 4, 80); | 1, 87); arrêt de la cour d'Orléans du 4 juin 1841 (Journal du arrêt de la même cour du 30 avril 1855 (SIREY, 1835, 1,667); CAR-palais, 1841, part. 2, p. 207). NOT, t. II, p. 138; CHAUVEAU et HÉLIE, no 2991 (2o édit, belge annotée); arrêt de cass. du 19 juillet 1858 (SIREY, 1858, 1, 750). (2) Arrêt de cassation du 16 décembre 1845 (SIREY, 1844,

TOME III.

(5) DESTRIVEAUX, Essais sur le code pénal, p. 133; THOMAS, Dissertatio de infantium expositione, défendue à l'université de Louvain, le 7 août 1826, p. 26 et suiv.

[ocr errors]

LIVRE II.

de notre chapitre, est purement relative et dépend des circonstances. Un lieu tel qu'il soit n'est pas solitaire, dès qu'il est à présumer que l'enfant peut y trouver des secours. Il le devient, s'il faut croire que l'enfant ne doit en trouver aucun (1).

Il est impossible, disait l'orateur du gouvernement (Rapport sur l'art. 549 du code pénal), que la loi donne une explication précise à cet égard; elle s'en rapporte aux juges, car le lieu le plus fréquenté peut quelquefois être solitaire, et le lieu le plus solitaire être trèsfréquenté. Cela dépend des circonstances.

On ne peut donc, sur ce point, tracer des règles positives, et il faut bien se rapporter à l'appréciation des magistrats qui décideront, d'après les faits particuliers à chaque affaire, si le lieu dans lequel le délaissement s'est effectué doit être considéré comme solitaire. C'est ainsi que le délaissement, fait de nuit, peut, à raison de cette circonstance, être considéré comme effectué en un lieu solitaire (2), tandis qu'il n'aurait pas ce caractère s'il était commis le jour. C'est en ce sens que la commission comprend les dispositions du projet qu'elle soumet à la sanction de la chambre. Or, il est incontestable qu'ainsi interprétés, les différents articles du chapitre en discussion se justifient au point de vue des principes généraux du droit criminel et des nécessités de la répression.

Ces explications données, nous abordons l'examen des articles.

8. ART. 413 (354 du code). La commission rédige l'article en ces termes :

Ceux qui auront exposé et délaissé en un lieu non | solitaire un enfant au-dessous de l'âge de sept ans accomplis; ceux qui auront donné la mission de l'exposer ainsi, si cet ordre a été exécuté, seront punis d'un empri- | sonnement d'un mois à un an et d'une amende de vingtsix francs à cent francs.

Comme nous l'avons dit, le seul fait d'exposition n'est pas puni, il doit y avoir en même temps délaisse

ment.

En conséquence, tant que les tours seront tolérés chez nous, le dépôt d'un enfant dans l'un de ces tours ne sera pas atteint par notre disposition, pourvu qu'il n'y ait pas eu, de la part de la personne qui en est l'auteur, cessation de soins et de surveillance jusqu'au moment où l'enfant est recueilli par les gens de la maison (3).

Nous avons remplacé l'expression ordre, insérée dans le projet, par le mot mission, afin d'indiquer plus clairement qu'il comprend tout mandat quelconque d'exposer et de délaisser l'enfant. On ne doit pas en restreindre la portée à l'injonction donnée par un supérieur à son inferieur (4). Cela se conçoit; celui qui, ayant l'enfant à sa disposition, le fait exposer par une autre personne quelle qu'elle soit, est en réalité l'auteur du délit, alors même que la mission n'aurait pas été donnée à un subordonné.

Il ne faut pas perdre de vue la nature spéciale du fait dont il s'agit. Pour le réprimer efficacement et empêcher que la loi ne puisse être éludée, l'on doit atteindre tous ceux qui, par l'effet d'un mandat quelconque suivi d'exécution, out concouru à l'exposition. Toutefois, un simple conseil ne suffirait pas pour la culpabilité (5).

9. ART. 414 (555 du code). Il est évident que le

(1) Exposé des motifs du code penal de 1810, tome XXX, page 485; CHAUVEAU et HÉLIE, no 2989 (2o édit. belge annotée).

(2) DESTRIVEAUX, Essais sur le code pénal, p. 135.

(5) Arrêt de la cour de cassation de France du 27 janvier 1820 (SIREY, 1820, 1, 146); arrêt de la même cour du 16 dé

|

délit est plus grave lorsqu'il est commis par des personnes à qui l'enfant était confié, soit par la loi même, soit en vertu de tout autre acte légal; en ce cas, les délinquants ont violé des devoirs spéciaux, circonstance qui aggrave naturellement le fait d'exposition et de délaissement.

Non-seulement les père et mère, même non tuteurs, mais aussi les gouverneurs ou gouvernantes, auxquels les enfants seraient confiés, sont compris dans les termes de notre disposition (6).

ART. 415 (356 du code). La commission rédige l'article en ces termes :

Si, par suite du délaissement, l'enfant est demeuré mutilé ou estropié, les coupables seront punis, dans le cas prévu par l'art. 413, d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs; dans le cas de l'art. 414, d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs.

Si le délaissement a produit les conséquences funestes énoncées en notre article, le délinquant qui a occasionné ces résultats, par sa faute, doit être frappé d'une peine plus élevée à raison des suites fâcheuses qu'il pouvait prévoir.

Nous avons toutefois pensé qu'on pouvait, sans inconvénient, réduire le minimum de la peine prononcée par le projet.

ART. 416 (357 du code). La commission rédige l'article en ces termes :

Si le délaissement occasionne la mort de l'enfant, la peine sera, dans le cas de l'art. 413, un emprisonnement de six mois à trois ans et une amende de cinquante francs à trois cents francs; dans le cas énoncé à l'art. 414, un emprisonnement d'un an à quatre ans et une amende de cent francs à cinq cents francs.

Le coupable est au moins en faute en ce qui concerne l'homicide, et ce délit, joint à celui de délaissement volontaire, justifie l'application d'une peine plus grave. Nous avons toutefois pensé que celle énoncée au projet est trop sévère, et qu'on doit la réduire dans de justes limites. Tel est l'objet des changements admis par la commission.

10. ART. 417 (358 du code). La commission propose de rédiger l'article dans les termes suivants :

Ceux qui auront délaissé, en un lieu solitaire, un enfant au-dessous de l'âge de sept ans accomplis; ceux qui auront donné la mission de le délaisser ainsi, seront punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de cinquante francs à deux cents francs.

Le délaissement dans un lieu solitaire révèle une intention plus perverse que s'il s'agissait de l'abandon dans tout autre lieu; semblable fait compromet d'ail leurs l'existence de l'enfant sous ces rapports, la peine doit être plus élevée.

Toutefois, la commission a pensé que les pénalités prononcées par le projet sont trop sévères; elles excèdent même notablement celles édictées, en semblable matière, par l'art. 349 du code pénal.

Nous estimons que l'article, tel que nous en proposons l'adoption, satisfait à toutes les exigences légitimes.

ART. 418 (559 du code). La commission rédige l'article en ces termes :

L'emprisonnement sera d'un an à trois ans et l'amende

cembre 1843 (SIREY, 1844, 1, 527); arrêt de Grenoble du 5 mai 1838 (Journal du palais, 1838, part. 2, p. 601).

(4) L. 152, § 2, D., de regulis juris.

(5) CARNOT, t. II, p. 457.

(6) CARNOT, t. II, p. 158; MAGNIN, Traité des minorités, t. II, no 1957.

de cinquante francs à quatre cents francs, contre les personnes à qui l'enfant, délaissé par elles ou par leur ordre, a été confié.

Nous avons pensé que la peine énoncée au projet pouvait être réduite sans inconvénient dans les termes de la disposition que nous proposons.

L'amende est prononcée dans les limites tracées par l'art. 350 du code pénal de 1810.

ART. 419 (360 du code). La commission rédige l'article en ces termes :

Si, par suite du délaissement prévu par les articles précédents, l'enfant est demeuré mutilé ou estropié, les coupables subiront un emprisonnement de deux ans à cinq

ans.

Si la mort s'en est suivie, ils seront condamnés aux travaux forcés de dix à quinze ans.

L'art. 351 du code pénal de 1810 considère, en ce cas, les blessures comme faites volontairement. Si la mort s'en est suivie, le même article envisage l'homicide comme volontaire.

C'est aller trop loin, pensons-nous; en effet, le fait délictueux ne constitue un dol qu'en ce qui concerne le délaissement. Relativement au résultat, l'agent n'a commis qu'une faute grave qu'il n'est pas juste d'assimiler à un dol caractérisé.

Ces considérations ont engagé la commission à réduire d'un degré les peines énoncées au projet. A l'unanimité, moins une voix, elle a pensé que les pénalités qu'elle arrête satisfont à tout ce qu'on peut convenablement exiger.

Ne perdons pas de vue qu'en ce qui concerne les blessures, le projet se montre plus sévère que le code pénal de 1810, dont les dispositions sont fondées sur une présomption de dol, contraire aux principes du droit criminel. L'article que nous proposons est plus conforme aux règles de la matière, et il satisfait d'ailleurs aux nécessités de la répression.

CHAPITRE III. - DES CRIMES ET DES DÉLITS TENDANT A EMPÊCHER OU A DÉTRUIRE LA PREUVE DE L'ÉTAT CIVIL DE L'ENFANT.

11. ART. 420 (361 du code). La commission rédige l'article en ces termes :

[ocr errors]

Toute personne qui, ayant assisté à un accouchement, n'aura pas fait la déclaration, à elle prescrite par les art. 55, 56 et 57 du code civil, sera punie d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs, sans préjudice, | toutefois, de ce qui sera dit en l'art. 539, en ce qui concerne les médecins, chirurgiens, officiers de santé et sagesfemmes.

Cet article modifie d'une manière convenable l'article 346 du code pénal en vigueur, dont la disposition est du reste trop sévère. Il est la sanction de l'art. 56 du code civil. Or, l'on sait que les personnes, en cette dernière disposition, ne sont pas teuues cumulativement de déclarer la naissance. A défaut du père, l'obligation de faire la déclaration est imposée aux gens de l'art, et, en définitive seulement, à la per

(1) Arrêt de la cour de cassation de Liége du 16 mai 1829 (SANFOURCHE-LAPORTE, t. II de 1829, p. 152); arrêt de la cour de cassation de France du 19 juillet 1827 (SIREY, 1827, 2, 243); arrêt de la même cour du 2 août 1844 (Bulletin, no 281); arrêt de la cour d'Angers du 29 avril 1842 (SIREY, 1843, 2, 119).

(2) Arrêt de la cour de cassation de France du 2 septembre 1843 (SIREY, 1843, 1, 805); arrêt de la même cour du 2 août 1844 (SIREY, 1844, 1, 671).

sonne chez laquelle l'accouchement a eu lieu. Ce système a été adopté par divers arrêts, qui ont décidé que les individus désignés à l'art. 56 du code civil ne sont appelés à obéir à la loi que dans un ordre successif (1). Par conséquent, nul doute que notre article, qui se réfère aux art. 55, 56 et 57 du code civil, dont il assure l'exécution, ne doive avoir la même portée.

Il est du reste certain que la déclaration est obligatoire, même dans le cas où l'enfant est mort-né, la loi ne faisant aucune distinction à cet égard. On conçoit, en effet, que des considérations d'ordre public exigent que l'on constate le fait qui s'est produit et qui peut toucher à de graves intérêts (2).

Au surplus, la pénalité n'atteint, d'après les termes exprès de notre article, que celui qui a assisté à l'accouchement. En conséquence, on a décidé que le père, qui n'a pas fait à l'officier de l'état civil la déclaration de naissance de son enfant, n'est pas punissable, s'il n'a pas assisté à l'accouchement (5).

La mère d'un enfant nouveau-né n'est pas du pombre des personnes auxquelles l'obligation dont il s'agit soit imposée (4).

12. La législation en vigueur a fait naître une difficulté sérieuse.

On a demandé si les personnes qui font la déclaration à laquelle elles sont obligées par la loi peuvent refuser de faire connaître le nom de la mère. En est-il ainsi de celles qui, par leur profession, sont obligées de garder les secrets qu'on leur confie, tels que les médecins, chirurgiens, etc.? Cette difficulté, qui a reçu, en Belgique, une solution que n'admet pas la jurisprudence française, a été, de notre part, l'objet d'un examen attentif (5).

La commission, à la majorité de trois voix contre une abstention, a été d'avis que s'il faut imposer, en général, aux personnes tenues de déclarer la naissance, l'obligation de faire connaître le nom de la mère, des motifs sérieux exigent qu'on établisse, à cet égard, une exception en faveur des chirurgiens, médecins, etc., et c'est pour exprimer cette idée que nous avons rédigé l'article tel qu'il est ci-dessus énoncé.

Notre opinion est fondée sur une pensée morale dont on doit reconnaître la justesse. Le médecin est appelé à un accouchement par la confiance qu'inspire l'art merveilleux qu'il exerce. C'est sous la foi de cette confiance, dont le secret est une condition indispensable, qu'il connaît le nom de la mère à laquelle il donne ses soins.

Comment est-il possible de l'obliger à une révélation incompatible avec le caractère sacré que lui confère la société dans l'intérêt de la santé publique?

Le médecin est, comme le prêtre, un confident obligé. Il doit tout oublier après avoir tout entendu. L'obligation du secret est, dès lors, pour lui un devoir impérieux auquel la loi doit imprimer sa sanction.

Le système contraire aurait, d'ailleurs, pour conséquence de placer la mère, si elle avait intérêt à

(4) Arrêt de la cour de cassation de France du 10 septembre 1847 (SIREY, 1847, 1, 763).

(5) Pasicrisie, 1854, p. 10; arrêt de la cour de cassation de Belgique du 10 juillet 1855 (Pasicrisie, 1855, part. 1, p. 303-309); arrêt de cassation de France du 16 septembre 1843 (SIREY, 1843, 1, 915) ; arrêt du 1er juin 1844 (Sirey, 1844, 1, 670); arrêt du 1er août 1845 (SIREY, 1845, 1, 840); arrêt de la cour d'Angers du 18 novembre 1850 (SIREY, 1851, 2, 280); CHAUVEAU et

(3) Arrêt de la cour d'Amiens du 2 janvier 1857 (Journal du | HÉLIF, no 2983, 3o (2o édit. belge annotée). palais, t. XXXVII, part. 1, p. 551).

« PreviousContinue »