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à un sentiment d'indignation très-légitime, à une irritation fort naturelle en présence de faits révoltants. Si c'étaient des faits faux, des faits méchamment inventés, le coupable ne mériterait pas de pitié. Si c'était un outrage public, je concevrais encore la punition, alors même que la vérité aurait été respectée; mais quand les faits peuvent être réels, que rien n'en prouve la fausseté et qu'ils ont été consigués seulement dans des lettres particulières, je crois qu'il est trop sévère de faire tomber cette imputation sous l'application d'une loi pénale.

Le projet punit également comme calomniateur celui qui a adressé à un autre, par lettre, un fait déshonorant vrai ou faux, lorsque la lettre a été communiquée par l'auteur à deux ou trois personnes. Il y a là, à mon avis, tout au plus, une injure à punir. Un homme vous aura dépouillé ou escroqué de l'argent, vous lui écrivez pour lui faire voir que vous avez découvert le tort qu'il vous a fait; deux personnes que vous avez consultées ont vu la lettre et c'est vous, la victime, qui serez puni.

On dira que pour être puni il faut avoir agi mé chamment, mais comment prouverai-je que je n'ai pas agi par méchanceté, sí je ne puis pas faire la preuve ordinaire et si le fait n'est pas constaté par acte authentique?

On va jusqu'à punir celui qui vous dénoncerait l'infidélité d'un de vos domestiques dont il aurait la preuve en main, par une lettre qu'il vous aurait écrite. Il vous aurait rendu le service de vous mettre en garde contre un domestique voleur, et ce domestique, si on ne le livre pas aux tribunaux, aurait le droit de le faire déclarer calomniateur.

Tout cela me paraît un système beaucoup trop rigoureux.

J'admets, je le répète, qu'on punisse comme diffamation l'imputation, même vraie, de faits déshonorants énoncés en public et dont on ne peut pas faire la preuve par acte authentique, mais je n'admets pas qu'on puisse punir, même comme diffamation, l'imputation de faits vrais, alors que ces faits n'ont pas eu une publicité véritable. Quand les faits déshonorants ont réellement existé, le blâme des honnêtes gens est un frein utile. Je ne vois pas qu'il faille prendre tant de soins pour rassurer les hommes pervers contre ce danger.

Si vous pouviez ne punir que le mensonge, je ne trouverais pas que vous allez trop loin, mais dès que Vous êtes obligés de confondre le mensonge et la vérité, alors je dis que vous allez trop loin dès que vous ne vous restreignez pas dans les bornes de la nécessité, c'est-à-dire d'une publicité véritable.

Voilà sur quoi porteraient mes objections si l'on trouve qu'une discussion peut avoir lieu utilement. Je n'ai pas en ce moment d'amendements rédigés. Hier on s'était arrêté, je crois, avant l'art. 300; je ne m'attendais pas à ce qu'en moins d'une heure on arriverait à l'art. 514.

M. VAN HUMBEECK Messieurs, la discussion qui surgit actuellement prend déjà des proportions auxquelles nul de nous ne devait s'attendre, parce que nous devions prévoir que le débat se renfermerait dans le texte des amendements proposés par la commission, de commun accord avec le gouvernement; mais ne pourrait-on pas, pour cet objet, prendre la mesure que la chambre a adoptée pour les articles relatifs à la liberté de la chaire; et ne pourrait-on pas agir de même pour tous les autres articles du code pénal qui soulèveraient un débat important?

Continuous à examiner tous les articles qui ne pourraient donner lieu à une discussion importante et écartons toutes les questions qui pourraient donner |

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lieu à des débats un peu longs, jusqu'à la fin de la révision du code pénal.

Ainsi, la question de la liberté de la chaire, la question qui se présente actuellement et toutes celles qui exigeraient des développements un peu étendus pourraient être réservées, et nous continuerions, pour le moment, à nous occuper des articles qui ne comporteraient pas une longue discussion.

Ce serait le moyen de ne pas noyer des discussions sérieuses dans un examen de détail et de rendre notre travail de révision tout à fait efficace.

M. PIRMEZ Messieurs, le chapitre qui fait l'objet de ce débat a été soumis une première fois à l'examen de la chambre, lorsque les autres chapitres du titre VIII ont été adoptés.

L'honorable M. Lelièvre, qui faisait alors partie de l'assemblée, a présenté le rapport de la commission. Les observations qui se sont produites dans la discussion ont porté la chambre à soumettre ce chapitre à une nouvelle étude, et à surseoir au vote jusqu'à ce que ces observations aient été appréciées par la commission. Le chapitre est revenu devant la chambre avec un nouveau rapport de M. Lelièvre.

De nouvelles critiques se sont encore élevées sur différents articles. J'ai été alors nommé rapporteur, et je crois que j'ai fait successivement trois ou quatre rapports sur les nombreuses propositions renvoyées à la commission. Dans tout le code qui nous occupe, il n'y a pas une matière qui ait donné lieu à autant de débats et surtout à autant de renvois en commission que celle-ci.

M. COOMANS Plus on examine, plus on trouve de motifs d'examiner.

M. PIRMEZ: D'après l'honorable M. Coomans, plus on se livre à l'examen d'une chose, plus il y a lieu d'examiner; de manière que quand nous aurons encore ouvert et clos trois ou quatre débats, il y aura plus de raisons qu'aujourd'hui de recommencer à discuter.

M. COOMANS Quand il y a discussion, c'est qu'on n'est pas d'accord et qu'il y a lieu de discuter encore. M. PIRMEZ L'honorable M. Coomans ne sera jamais embarrassé de soulever une discussion.

Je reconnais, du reste, qu'il n'y a pas de matière plus difficile et qu'il soit plus difficile de résoudre d'une manière satisfaisante que celle qui nous occupe. Aussi je demande une chose: c'est que, si l'on reprend le débat, ceux de nos collègues qui croiront devoir critiquer le système du projet, veuillent bien nous présenter leur théorie rédigée en article de loi. M. TESCH, ministre de la justice : C'est évident.

:

M. PIRMEZ Je suis convaincu que le projet tel qu'il est formulé prête à des critiques fondées, mais je suis convaincu aussi que quel que soit le système auquel on se ralliera, on n'arrivera à rien de parfait, à rien qui ne donne lieu à des reproches aussi mérités.

Ainsi, messieurs, sur le point qui avait appelé particulièrement l'attention de l'honorable M. Devaux, une quantité de systèmes ont été présentés. Celui de notre législation actuelle, que le nouveau code a aussi adopté, considère les imputations comme fausses jusqu'à ce qu'elles soient légalement prouvées. L'auteur de l'imputation échappe à la peine en rapportant la preuve légale du fait qu'il impute; mais si cette preuve n'est pas rapportée, le fait est considéré comme faux, et la calomnie proclamée.

Il n'est donc pas exact de dire, comme paraît le croire l'honorable M. Devaux, que l'on sera toujours dans l'incertitude sur le point de savoir si les faits sont vrais ou faux.

M. DEVAUX Et quand il n'y a pas de preuve légale? M. PIRMEZ Lorsque les faits sont graves et vrais,

on peut d'ordinaire obtenir cette preuve; mais si, dans certains cas, elle n'est pas possible, c'est un inconvénient auquel il est difficile de remédier sans tomber dans des inconvénients plus graves.

Le système adopté protége donc ici, en règle générale, la réputation de celui contre qui sont dirigées les imputations portant atteinte à la réputation ou à l'honneur, par la déclaration de la fausseté des faits qui ne sont pas établis.

Prenons le système contraire, celui de la loi française il ne déclare jamais faux les faits articulés. N'annihile-t-il pas la réparation?

On me reproche un fait infamant, un délit, ou un crime dégradant dont je suis parfaitement innocent; je ne pourrai dans aucun cas obtenir contre le coupable, une condamnation de calomnie, mais un simple jugement de diffamation. Serai-je lavé, serai-je vengé d'une imputation qui aura compromis mon honneur?

Voilà les deux systèmes qui sont en présence. L'un fait pencher la balance en faveur de celui qui se trouve en butte aux imputations diffamatoires; il les proclame calomnieuses jusqu'à preuve contraire; l'autre incline vers celui qui s'est permis les imputations et ne les déclare jamais fausses. Voilà l'alternative dans laquelle on se trouve.

Je sais bien qu'il y aurait un système exempt de ces deux inconvénients. Ce serait de permettre dans tous les cas la preuve des faits avancés. Mais je me demande si ce système serait possible.

M. TESCH, ministre de la justice: Il est foncièrement impossible.

sonnes. Cette disposition a été admise par une raison particulière.

On a décidé (à tort ou à raison, je ne discute pas cette question) que le duel sera défendu. Si l'on punit le duel, il faut réprimer les causes du duel; le calomniateur doit être frappé ; si l'on repousse la répression des armes, il faut admettre celle de la loi.

La provocation en duel, d'ailleurs, est punie; mais n'y aurait-il pas une iniquité révoltante à infliger une peine à celui qui a reçu cette lettre calomnieuse, colportée méchamment avant qu'elle lui parvienne, si, obéissant plus à l'usage qu'à la loi, il provoque le calomniateur, alors que celui-ci, le véritable agresseur cependant, serait à l'abri de tout châtiment?

L'honorable M. Coomans me paraît avoir versé dans une erreur flagrante lorsqu'il nous a dit qu'il fallait modérer la sévérité des peines portées contre la calomnie dans les pays qui jouissent de la liberté de la presse; que les peines devaient en quelque sorte se réduire en raison directe de l'extension de cette liberté.

Je crois que c'est une erreur complète; la liberté de la presse oblige, au contraire, aux lois répressives, et la calomnie est d'ailleurs, Dieu merci, bien étrangère à la liberté de la presse.

Sous le premier empire français, il n'y avait pas de liberté de la presse; une autorisation était nécessaire pour avoir une imprimerie. Le gouvernement interdisait ainsi la publication de tout ce qu'il ne voulait pas; il avait entre les mains tous les éléments de publicité, ayant fait en quelque sorte de chaque imprimeur un fonctionnaire public. Avait-il à craindre les délits de presse? Evidemment il pouvait parfaitement se passer de législation pénale.

M. PIRMEZ C'est donner au premier venu le moyen, en produisant une imputation contraire à l'honneur d'un individu, de diriger contre celui-ci, sous prétexte de preuve, la plus odieuse des inquisitive tions, de fouiller les plus intimes secrets de sa vie privée et de jeter le tout en pâture au public.

Je comprends ce système, il est logique, théoriquement admissible; mais qui ne reculera devant son adoption? En le rejetant, on tombe dans l'un des deux autres systèmes que j'ai indiqués et qui tous deux ont des inconvénients sérieux.

L'honorable M. Devaux pense que le projet a été trop loin en punissant la calomnie qui n'a pas été faite dans les conditions d'une publicité absolue. Il croit qu'à cet égard nous aggravons considérablement la législation existante.

Cette législation, messieurs, pas plus que la législation française de 1819, n'est entrée dans les distinctions du nouveau projet sur les degrés de la publicité. Mais on a reconnu sous ces différentes législations que lorsque la loi punit la calomnie commise dans des lieux publics, elle n'exige pas que ces lieux aient un caractère de complète, d'absolue publicité, telle que celle dont parle le projet pour y appliquer la peine la plus sévère.

Ainsi, par exemple, il a été très-souvent jugé que des imputations calomnieuses proférées dans un lieu où un certain nombre de personnes ont le droit de se réunir, dans une société particulière, par exemple, devaient être considérées comme ayant été produites dans un lieu public.

Le projet distingue divers degrés de publicité, mais ne fait guère que diviser ce qui était indiqué par un seul texte interprété largement; bien loin d'aggraver, il abaisse la peine, lorsque la publicité, quoique existante, est cependant limitée.

Une disposition a particulièrement frappé l'honorable M. Devaux, c'est celle qui punit celui qui adresserait à quelqu'un une lettre contenant une imputation calomnieuse, après l'avoir montrée à différentes per

M. COOMANS: Mais c'est la peine de mort prévenpour la presse.

M. PIRMEZ Permettez, ce n'est pas une répression, mais une mesure préventive. Si le gouvernement peut empêcher tout ce qui ne lui convient pas, le pouvoir répressif est beaucoup moins important que quand les moyens préventifs n'existent pas. M. COOMANS: C'est clair.

M. PIRMEZ: Or, comme notre constitution dépouille le pouvoir de toute espèce de moyens préventiss, il est évident qu'il doit y avoir des moyens répressifs.

Les moyens répressifs, en d'autres termes, sont la conséquence de l'absence de moyens préventifs. D'où la conséquence que dans les gouvernements qui ont la liberté de la presse il faut une législation pénale, et qu'il n'en faut pas dans les gouvernements qui ne jouissent pas de cette liberté.

Aussi, messieurs, voyez! Sous l'Empire il n'y avait en quelque sorte pas de législation pénale de la presse. Lorsque la Restauration a apporté en France cette précieuse liberté, elle a dû faire une nouvelle loi, celle de 1819.

Sous le gouvernement des Pays-Bas, on a reconnu la même nécessité; nous avons eu une législation sur la matière. Et quand le congrès national eut proclamé la liberté de la presse avec toutes les autres libertés dont il nous a dotés, il n'a pas voulu se séparer sans adopter une loi pénale remplaçant les lois du gouvernement hollandais.

Vous voyez donc, messieurs, que c'est une erreur de croire qu'il ne faille pas des dispositions répressives des abus de la presse dans les pays libres comme le nôtre.

M. COOMANS: Je n'ai pas dit qu'il n'en fallait pas. M. PIRMEZ: Non; mais votre système de proportion vicieuse de la répression et de la liberté tend à nous faire approcher de ce résultat.

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Mais, messieurs, l'honorable M. Coomans me paraît commettre une autre erreur non moins grave, lorsqu'il rattache à la liberté de la presse des articles qui ne concernent que la calomnie.

Quelle que soit l'extension que puisse avoir cette liberté, elle ne comportera jamais le droit de calomnier. Quelle licence ne serait-ce pas que de tolérer qu'on peut nous ravir, et cela au nom de la liberté, notre honneur et notre considération par de fausses imputations? Qui pourrait revendiquer comme droit la faculté de noircir la vie privée d'un homme, de le livrer au mépris de ses concitoyens?

un

M. COOMANS Mais qui donc demande rien de semblable?

M. PIKMEZ: Vous avez rattaché à la liberté de la presse les dispositions relatives à la calomnie.

M. COOMANS : J'ai dit qu'il ne fallait pas de peines trop fortes.

M. PIRMEZ C'est un point de détail à examiner; mais je réponds à la partie de votre discours où vous avez dit que les dispositions répressives de la calomnie ne sont pas en rapport avec la liberté de la presse. Or, je tiens beaucoup à constater que les dispositions relatives qui protégent les biens qui sont les plus chers à l'homme d'honneur, n'ont rien de commun avec cette grande garantie des institutions libres. Les peines de la calomuie sont une protection pour l'individu, la liberté de la presse est un contrôle tutélaire de la chose publique.

Messieurs, la commission ne s'est jamais opposée à ce que la chambre revînt sur des articles qu'elle a déjà votés. Pour ma part, je suis prêt à recommencer un quatrième ou un cinquième examen des dispositions du code; mais je répéterai, en terminant, ce que j'ai dit en commençant : Je supplie les honorables membres qui voudraient modifier le projet, de nous présenter un système complet, harmonieux, clairement rédigé, que nous puissions discuter, sur lequel nous puissions nous prononcer en connaissance de cause et qui puisse être inscrit dans nos lois pénales, s'il vaut mieux que celui que vous avez adopté.

M. LE PRÉSIDENT: Je reviens à la proposition de M. Van Humbeeck, tendante à ce que le chapitre V soit tenu en réserve et que l'examen en soit renvoyé après le second vote du second livre.

M. TESCH, ministre de la justice: Si l'on veut tenir le chapitre V en suspens, je ne m'y oppose pas, à la condition que la discussion en ait lieu demain. D'ici là, chacun pourra formuler les amendements qu'il jugera utile de présenter

Il est inutile, je pense, de prononcer un ajournement plus long.

M. VAN HUMBEECK Je me rallie à cette proposition.

M. LE PRÉSIDENT: Ainsi, le chapitre est renvoyé à demain.

Séance du 28 mai 1862 (Ann. parl., p. 1415).

Présidence de M. VERVOORT.

Rapport de M. E. PIRMEZ, sur les nouveaux amendements proposés au chapitre V, et textes modifiés en conséquence de ces amendements, comparés à ceux adoptés au premier vote (1).

83. Messieurs, dans votre dernière séance, M. Devaux a présenté des observations contre la qualification de calomnie donnée par le projet aux imputations portant atteinte à l'honneur et à la considération des personnes.

L'honorable membre a fait parvenir à la commission un amendement consacrant les idées qu'il a émises cet amendement a été examiné; il n'a pas été adopté ; mais votre commission vous soumet un système qui tient compte des vices reprochés au projet et lui paraît concilier les différentes exigences qui se trouvent en présence.

Aucune partie de la législation pénale n'offre tout à la fois plus d'importance et plus de difficultés que la matière des infractions portant atteinte à l'honneur et à la considération des citoyens.

Les biens à protéger et les méfaits à punir appartiennent à l'ordre moral: ils échappent ainsi bien plus facilement aux définitions et aux principes exacts que les faits de l'ordre matériel. Les nuances les plus délicates se présentent, et si le législateur ne peut les prévoir toutes, il doit au moins tracer au juge avec plus de précise vérité que partout ailleurs, les grandes démarcations des infractions.

Mais dans cette matière si difficile, aucun point n'a donné lieu à des systèmes plus variés, plus différents, plus contradictoires même que la détermination de la nature et de la qualification des faits punissables.

Le but qui se montre d'abord comme devant être poursuivi, est la réparation de l'offense aussi complète qu'elle puisse être, sans dépasser la répression qu'elle mérite.

Mais comment connaître ce point précis sans entrer pour chaque prévention dans une série d'investigations non-seulement sur l'existence de l'imputation, mais sur l'exactitude même du fait imputé ? Comment déterminer la réparation sans constater tout d'abord si le prévenu a respecté la vérité ou s'il est coupable de mensonge?

Mais est-il possible d'admettre la preuve de toutes les imputations que la méchanceté et la haine peuvent suggérer? Il serait donc libre au premier venu de faire porter les investigations de la justice sur les faits les plus secrets, sur les détails les plus intimes de la . vie privée d'un citoyen, de pénétrer au sein d'une famille pour livrer à la curiosité malveillante du public, la conduite de chacun de ses membres, de soumettre au tribunal de la foule disposé à toujours condamner, à transformer des actes de légèreté en faute, à ériger des fautes en crimes, même la vertu de l'épouse et de la jeune fille, pour lesquels un pareil conjugement serait déjà une souillure, et une souillure, d'après nos mœurs, que rien n'ell'ace!

82. CHAP. VI. ART. 538 (457 du code.) Dans les cas prévus par les articles précédents, la patente du coupable lui sera en même temps retirée, et il ne pourra en obtenir une autre pendant la durée de son emprisonne

ment.

Il pourra de plus être condamné à l'interdiction, formément à l'art. 44.

Le jugement de condamnation sera inséré dans les journaux, imprimé par extrait et affiché dans les lieux désignés par le tribunal.

Adopté.

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Notre législation a toujours proscrit ces investigations dangereuses, et l'on est à peu près d'accord pour ne pas demander de changement sous ce rapport.

ments parlementaires, p. 1415, où il est précédé de l'intitulé : Séance du 28 mai 1868. C'est ce dernier texte, plus correct que le premier, qui est ici reproduit. (G. N.)

Mais en maintenant dans les limites actuelles la faculté de prouver la vérité des imputations, deux systèmes sont encore en présence: celui du code de 1810 et celui de la loi française de 1819.

D'après le premier de ces systèmes, toute imputation qui n'est pas légalement prouvée est réputée fausse, et l'auteur de cette imputation condamné du chef de calomnie. La preuve ne peut résulter, en ce qui concerne les personnes privées, que d'un acte authentique ou d'un jugement.

Ce système part de ce principe incontesté de droit criminel, qu'il faut présumer l'innocence jusqu'à preuve du contraire il proclame donc fausse toute imputation déshonorante dont la preuve n'est pas rapportée, et par une déclaration de calomnie il répare l'atteinte portée à l'honneur.

Ce système serait irréprochable si la preuve était toujours admissible de la part du prévenu; mais comme elle lui est très-souvent interdite et avec raison, il en résulte que, dans tous les cas où la preuve est rejetée, il se trouve puni comme ayant menti, sans pouvoir établir qu'il a dit vrai.

On le voit, cette théorie, par l'extension exagérée qu'elle donne à la présomption d'innocence à l'égard de l'offensé, arrive à l'oublier complétement à l'égard de l'offenseur; parce que l'un est réputé innocent, l'autre est préventivement déclaré coupable.

On arrive ainsi à flétrir du nom de calomnie ce qui peut n'être que la simple divulgation d'un fait vrai.

Ce système a été souvent combattu. M. Haus l'a énergiquement attaqué dans le rapport si complet dont cette partie du projet est accompagnée, et si la commission extra-parlementaire n'a pas accueilli les idées du savant professeur, c'est surtout parce qu'il proposait d'étendre la faculté de faire la preuve des imputations.

Au sein de la chambre, les mêmes critiques ont été formulées par M. Guillery d'abord, par M. Devaux tout récemment.

Les vices de cette législation ont été reconnus en France, où la loi de 1819 a fait disparaître le délit de calomnie.

Comme il arrive presque toujours, la législation française de 1819, qui était une réaction contre le système du code impérial, a versé dans un excès complétement opposé.

Ainsi, tandis que le code actuel veut, dans tous les cas, la réparation de l'atteinte portée à l'honneur ou à la considération et proclame d'avance, et la plupart du temps sans examen, la fausseté de l'imputation, la loi de la Restauration ne se prononce jamais.

Quelque évidente que soit la calomnie, cette loi ne condamne jamais l'auteur de l'imputation comme étant un calomniateur. En sorte que, si cette législation évite de condamner un homme qui a dit vrai, comme coupable de mensonge, elle tombe dans l'inconvénient non moins grave de ne jamais réparer l'atteinte faite à la réputation.

Et, en effet, quelle réparation obtient celui à qui on a imputé un acte déshonorant, lorsqu'il ne peut faire que la justice proclame qu'il n'a pas commis ce fait déshonorant?

La réparation est bien plus dans la déclaration de la fausseté de l'imputation que dans la peine qui en atteint l'auteur.

L'honorable M. Devaux a présenté un système qui, ainsi que nous venons de le dire, se rapproche du système français. Il n'en diffère guère qu'en un point, c'est que la législation française qualifie de diffamation l'atteinte portée à l'honneur ou à la considération de quelqu'un, tandis que l'honorable M. Devaux s'abstient de donner une qualification quelconque au délit.

Dans son système, on prononcerait la peine, mais sans donner de dénomination particulière à l'infraction commise.

Voici le texte qui, d'après cet amendement, remplace les art. 514 et 515 du projet.

Quiconque, soit dans des lieux ou réunions publics, soit dans des écrits imprimés ou non, des images ou des emblèmes qui auront été affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, aura méchamment imputé à une personne un fait précis, de nature à l'exposer au mépris public ou à porter atteinte à son honneur, et dont la preuve légale n'est pas rapportée, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de cent francs à deux mille francs. Vous le voyez, à la qualification près, le système de l'honorable membre est le système français.

Votre commission s'est donc trouvée en présence de deux systèmes complétement opposés : le système qui, partant de la présomption d'innocence en faveur de celui qui est offensé, proclame toujours, jusqu'à preuve légale du contraire, que l'offenseur est un calomniateur; le système français qui, partant du même principe appliqué au prévenu, ne le déclare jamais coupable que de diffamation.

Votre commission n'a pas pensé que le second système fût préférable au premier; elle a rejeté l'amendement de M. Devaux par quatre voix contre une.

Mais elle s'est demandé alors si l'on ne pourrait pas prendre dans ces deux systèmes ce qu'ils ont d'incontestablement bon, c'est-à-dire d'appliquer à l'infraction, lorsque la fausseté de l'imputation est reconnue, la qualification de calomnie et de lui donner, dans le cas contraire, la qualification de diffamation.

Cette distinction se fait naturellement lorsqu'on parcourt les différentes hypothèses qui peuvent se présenter.

Si déjà un jugement a déclaré non établis les faits qu'on reproche à quelqu'un, il est conforme à tous les principes de la raison et de la législation de proclamer coupable de calomnie celui qui, malgré l'autorité de la chose jugée, maintient l'accusation. Quand les tribunaux se sont prononcés sur la nou-existence du fait, il ne doit pas appartenir à un particulier d'aller à l'encontre de la vérité de la sentence et de condamner celui que la justice a acquitté.

Dans ce cas, il ne paraît pas qu'il y ait aucune difficulté à rendre la réparation entière en déclarant l'imputation calomnieuse.

Il est une autre hypothèse qui ne paraît pas offrir plus de difficulté : à l'égard des fonctionnaires publics, la preuve des imputations est toujours permise lorsque les faits articulés se rattachent à leurs fonctions; le prévenu a donc le droit d'établir ce qu'il a imputé à un fonctionnaire; s'il ne fait pas cette preuve, les faits doivent être tenus pour faux; pourquoi ne serait-il pas condamné comme calomniateur?

Il en est de même encore quand le fait imputé est punissable d'après nos lois, et que la poursuite en est encore actuellement recevable. Le prévenu peut provoquer, soit par une plainte, soit par une dénonciation, les investigations de la justice, appeler les tribunaux à se prononcer sur l'existence de ce fait; et si, par suite de cette dénonciation, le fait n'est pas établi, n'est-il pas encore juste que l'auteur de l'imputation soit condamné comme coupable de calomnie?

Evidemment, dans ces trois cas, en rendant la répa- · ration complète par la déclaration de la calomnie, le législateur ne risque pas de tomber dans le défaut reproché au code actuel, de condamner pour calomnie un individu qui n'a pas établi la vérité de ce qu'il a dit.

ÉLÉMENTS DU COMMENTAIRE.

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Mais une situation toute différente se présente pour d'autres hypothèses. Lorsque le fait imputé est un délit qu'on ne peut plus poursuivre parce que la prescription le couvre, ou un acte de la vie privée qui ne constitue pas une infraction, aucune espèce de preuve ne peut être faite; le doute absolu plane sur la vérité ou la fausseté de l'imputation; la présomption d'innocence milite à la fois pour la partie lésée et pour le prévenu. Dans ce doute, il est sage de s'abstenir et de cesser de juger la nature du délit, lorsque les lumières légales cessent de l'éclairer.

Votre commission propose d'adopter pour ces cas la qualification de diffamation.

Ce système nouveau ne touche donc pas à la répression; il ne porte que sur la qualification de l'infraction. Le délit constituera la calomnie quand il pourra être statué sur la vérité du fait imputé; il constituera la diffamation quand cette recherche ne sera pas possible. Nous prendrons dans notre législation ce qu'elle a de juste quant à l'efficacité de la réparation, et dans la législation de la France ce qu'elle a de sage dans son abstention de qualifier un fait dont elle ignore la nature.

Nous ne devons pas omettre de dire que le projet punit aussi, dans certains cas, l'imputation d'un fait vrai; il donne à cette infraction le nom de diffamation; comme ce terme s'appliquera dans le nouveau système au cas où aucune preuve ne sera possible, votre commission vous propose d'appeler divulgation méchante, l'articulation d'un fait infamant dont la preuve est rapportée.

Les imputations pourront donc constituer trois infractions la calomnie, quand le fait est reconnu faux; la diffamation, quand on ignore si le fait est vrai ou faux, et la divulgation méchante, quand il est constaté que le fait est vrai.

Ce système a été adopté par trois voix contre une et une abstention.

Voici comment la commission propose de formuler

Projet adopté, au premier vote, par la chambre des représentants.

Art. 514 (443 du code). Est coupable du délit de calomnie celui qui, dans les cas ci-après indiqués, a méchamment imputé à une personne un fait précis digne du mépris public ou qui serait de nature à porter atteinte à l'honneur de cette personne, et dont la preuve légale n'est pas rapportée.

Art. 515 (444 du code). Le coupable sera condamné à un emprisonnement de deux mois à deux ans et à une amende de cent francs à deux mille francs, lorsqu'il aura fait des imputations calomnieuses soit dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits imprimés ou non, des images ou des emblèmes, qui auront été affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public.

Art. 516 (444 et 445 du code). Sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à un an et d'une amende de cinquante francs à mille francs :

Celui qui, par des écrits non rendus publics, mais adressés à différentes personnes, aura répandu des imputations calomnieuses;

Celui qui aura adressé, par écrit, des imputations calomnieuses à la personne dont l'individu contre lequel elles sont dirigées est le subordonné;

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la distinction entre la calomnie et la diffamation, dans l'art. 514:

Est coupable de calomnie ou de diffamation celui qui, dans les cas ci-après indiqués, a méchamment imputé à une personne un fait précis digne du mépris public ou qui serait de nature à porter atteinte à l'honneur de cette personne, et dont la preuve légale n'est pas rapportée. Le délit est qualifié calomnie lorsque le fait imputé a été judiciairement déclaré non établi, et lorsque le prévenu est admis par la loi à provoquer ou à faire la preuve du fait imputé.

Dans les autres cas, le délit est qualifié diffamation. Ce changement dans l'article principal entraîne des modifications de rédaction dans les articles subséquents. La chambre pourra apprécier ces changements par la comparaison des deux textes qui sont imprimés à la suite de ce rapport.

L'honorable M. Coomans propose d'abaisser les peines édictées contre la calomnie.

L'art. 515 porte un emprisonnement d'un mois à deux ans. M. Coomans propose de le réduire au maximum d'un an; toutes les autres peines subiraient une diminution proportionnelle.

L'honorable membre a présenté diverses considérations à l'appui de cette réduction; la principale est que dans un pays où l'on jouit de la liberté de parler et d'écrire, les imputations calomnieuses sont moins à craindre que dans les pays où cette liberté n'est pas complète; la faculté de répondre est une puissante garantie; l'énergie individuelle a aussi en son pouvoir un moyen efficace de repousser les attaques à la considération et à l'honneur, moyen qui rend la répression pénale moins nécessaire.

La commission a adopté les réductions proposées par M. Coomans. Elle s'est déterminée surtout par cette considération, qu'en matière de calomnie il est un mode de réparation très-efficace, souvent employé et parfois sévèrement appliqué, c'est la demande de dommages-intérêts.

Cet abaissement des peines, qui porte sur tous les articles du chapitre, est indiqué dans la nouvelle rédaction qui est soumise à la chambre.

Propositions de la commission.

Art. 514. Est coupable de calomnie ou de diffamation celui qui, dans les cas ci-après indiqués, a méchamment imputé à une personne un fait précis digne du mépris public ou qui serait de nature à porter atteinte à l'honneur de cette personne, et dont la preuve légale n'est pas rapportée.

Le délit est qualifié CALOMNIE lorsque le fait imputé a été judiciairement déclaré non établi, et lorsque le prévenu est admis par la loi à provoquer ou à faire la preuve du fait imputé.

Dans les autres cas, le délit est qualifié DIFFAMATION. Art. 515. Le coupable sera condamné à un emprisonnement d'un mois à un an et à une amende de cent francs à deux mille francs, lorsque les imputations auront été faites, soit dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits imprimés ou non, des images ou des emblèmes qui auront été affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public.

Art. 516. Sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de cinquante francs à mille francs :

Celui qui par un écrit non rendu public, mais adressé à différentes personnes, aura répandu des imputations calomnieuses ou diffamatoires;

Celui qui aura adressé, par écrit, de semblables imputations à la personne dont l'individu contre lequel elles sont dirigées est le subordonné ;

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