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(des Voies d'exécution, I, page 24): « En un mot, écritil, je serais porté à voir dans le nexum un engage<< ment des services corporels du débiteur lui-même « et de ses enfants, et, en même temps, une fiducie << relativement aux biens, qui, d'ailleurs, seraient restés << en la possession du débiteur jusqu'à ce qu'il y eût << défaut de paiement à l'échéance >

Par ce moyen, et grâce à la fiducie, le débiteur, en empruntant, transfère le dominium de ses biens à son créancier, et celui-ci étant propriétaire est pleinement garanti à l'encontre de tout nouveau créancier. Il n'y a pas, en ce cas, de concours possible entre créanciers.

Dès que le nexus a, par son travail, acquitté sa dette il recouvre sa liberté et ses biens, et, désormais, ce n'est plus pour le créancier qu'il cultivera son ager comme un esclave « ita ut simus conservi nostrorum << mancipiorum bello captorum. »

Ce qui a frappé les historiens et, il faut bien le dire aussi, l'esprit des jurisconsultes dans cette institution du nexum c'est l'état dégradant et misérable auquel se trouve réduit le nexus. Mais si l'on songe, d'une part, à ce qui a été dit ci-dessus du sort fait à l'addictus, et, d'autre part, que c'est à l'occasion des prêts d'argent que se présente cet engagement de la personne, on se convaincra aisément que cette forme de contrat ne devait être usitée que par les débiteurs eux-mêmes pour éviter les horreurs de l'esclavage de droit, et qu'elle a dû marquer dans les mœurs un certain acheminement vers l'amélioration du sort des débiteurs.

Mais le procédé était encore bien barbare, et les auteurs ne sont pas d'accord pour fixer les limites de

cette barbarie, puisque les uns y voient, comme M. Bonjean, une véritable mancipation du débiteur, entraînant un capitis deminutio immédiate, alors que d'autres comme Niebuhr retardent cette capitis deminutio jusqu'à ce que, par suite de non-paiement, le débiteur soit adjugé à son créancier par le magistrat comme esclave, et alors que d'autres enfin, comme MM. Savigny et Giraud, enseignent que le nexus engageait, sans capitis deminutio, son travail à l'acquittement de sa dette. Cette dernière opinion paraît seule admissible, en présence de la définition qui nous a été laissée par Varron: « Liber qui suas operas in ser<< vitutem pro pecunia quam debet dat, dum solveret, << nexus vocatur ut ab oere oboratus > (1).

Quoi qu'il en soit, la loi des Douze-Tables donnait force exécutoire à l'obligation de ceux qui contractaient sous la forme solennelle du nexum, et les historiens nous rapportent que la plèbe romaine opprimée par les créanciers ne connaissait plus la liberté.

En 386 de Rome, les tribuns Sextius et Licinius. protestent éloquemment, s'écriant : « An placeret << fœnore circumventam plebem..... corpus in nervum « ac supplicia dari .... et repleri vinctis nobiles domos; « et ubicunque patricius habitet, ibi carcerem privatum < esse? » (Tite-Live, VI, 26.)

Il faut lire la page éloquente consacrée par Tite-Live à l'histoire du jeune Publilius, dont l'infortune ameuta le peuple et donna ainsi naissance à la célèbre loi Publilia ou Petelia, en 429 de Rome. « Eo anno, s'écrie « l'historien, plebi romance velut aliud initium liber

(1) De lingua latina, VII, § 103.

<< tatis factum est quod necti desierunt..... victum eo << die ingens vinculum fidei, ajoute Tite-Live avec << regrets; jussique consules ferre ad populum, ne quis << nisi qui noxam meruisset donec poenam lueret, in << compedibus aut in nervo teneretur; pecuniæ creditæ << bona debitoris, non corpus obnoxium esset. Ita nexi « soluti: cautumque ne in posterum necterentur. »

Ce texte mérite d'être rapproché de tous ceux qui, se référant même à des époques antérieures, énoncent que les créanciers dépouillaient leurs débiteurs de leurs biens il s'agit là, non d'une voie d'exécution sur les biens proprement dite, mais de l'accomplissement naturel et logique de la convention de nexum, laquelle, comme on l'a vu, portait engagement des biens du débiteur au créancier. Mais, quant à un droit de saisie accordé aux créanciers, il est sans appui dans les textes.

Avec la loi Poetelia, le nexum devient une voie. d'exécution conventionnelle portant exclusivement sur les biens, et non plus sur la personne; et, grâce au pacte de fiducie, le créancier n'agit pas comme saisissant, mais comme propriétaire : il a le dominium des biens de son débiteur.

La saisie est, par excellence, le mode de mise en pratique du procédé de déconfiture. A-t-elle existé à cette première période du droit romain?

Les textes citent la pignoris capio, comme l'une des legis actiones; il faut reconnaître que cette legis actio est bien une voie d'exécution réelle, mais aussi que son champ d'application est limité et que, dans les textes, il n'en est fait mention que pour certaines créances regardées comme particulièrement favorables et dignes de protection.

Mais ce serait faire une pure conjecture, que de généraliser ce procédé. Outre que le silence des textes serait alors fort difficile à expliquer, en présence surtout des développements que Gaïus consacre à cette legis actio, il y aurait lieu de se demander si le besoin s'en faisait sentir, alors que les voies d'exécution sur la personne imposaient, comme nous l'avons expliqué et démontré ci-dessus, au débiteur, comme une absolue nécessité, de réaliser lui-même ses biens, et dans les meilleures conditions pour échapper à l'esclavage.

Dès lors, la pignoris capio apparaît surtout, dans cette période du droit, comme la mise en œuvre et l'apanage de certains droits privilégiés. Le droit et la possibilité d'en user constitue en effet pour les créanciers un privilège véritable, c'est-à-dire un moyen de se faire payer à l'exclusion des autres créanciers, par l'occupation et sans doute même la prise effective de certains biens du débiteur.

Elle n'était autorisée, d'après Gaïus (IV, § 26 à 29), que dans des cas déterminés soit par la coutume, soit par la loi « Per pignoris capionem lege agebatur de « quibusdam rebus moribus, de quibusdam lege ». Elle aurait ainsi été admise pour l'os militare, l'œs equestre, l'œs hordearium, pour le recouvrement de certaines créances ayant un lien étroit avec les pratiques du culte, et, en vertu d'une loi Censoria, pour la garantie des publicains ou fermiers des impôts.

La pignoris capio était donc un droit que la qualité de la créance seule donnait au créancier. Il est, par suite, impossible d'y voir une application un peu courante du système de la déconfiture.

En résumé, quand à cette époque un débiteur était insolvable à Rome, celui-là était désintéressé parmi ses créanciers qui le premier parvenait à obtenir paiement. Il n'y avait pas alors de moyen connu pour rétablir l'égalité ainsi violée. Mais si le débiteur se refusait à payer à l'amiable, la procédure de la manus injectio devenait nécessaire et permettait aux autres créanciers, au moins depuis la loi des Douze-Tables, d'être facilement renseignés et de venir en partage avec le premier poursuivant c'est ainsi du moins que nous entendons le célèbre texte de la tabula tertia, qui permet sans aucun doute d'étendre au patrimoine lui-même la cruelle disposition qu'il édicte en propres termes pour la personne physique du débiteur commun: partes secanto.

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