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tués de toute importance juridique dans notre droit moderne. Sans doute le développement de l'institution du notariat, la création des officiers de l'état civil sont venus restreindre le rôle qu'ils pouvaient jouer autrefois et en diminuer la rédaction; mais il y a cependant des cas dans lesquels leur utilité pratique peut se faire sentir. Notre Code civil en parle, quatre articles leur sont consacrés (1); cela suffit pour justifier une étude spéciale sur leur rôle juridique dans notre législation.

Du peu que nous dit la loi, du peu que nous trouvons dans la jurisprudence, nous allons essayer de dégager les principes généraux qui doivent servir de guide à l'interprète quand il se trouve par hasard en face de registres et papiers domestiques. Dans une première partie, nous rechercherons les caractères distinctifs que la loi attribue à ce mode de preuve, dans quelle mesure enfin on peut le considérer comme tel, quel est exactement son degré de force probante. Dans une seconde partie, nous examinerons quel est au juste le rôle que jouent ces papiers domestiques en matière de preuve de l'état civil et de filiation.

1. Art. 1331, 1415, 46, 324.

PREMIÈRE PARTIE

DES REGISTRES ET PAPIERS DOMESTIQUES

Généralités. - - Que doit-on entendre par registres et papiers domestiques? La loi ne les définit pas, ce qui qui fait qu'on éprouve une sérieuse difficulté à en donner une signification exacte et complètement satisfaisante. Les jurisconsultes se divisent sur ce point:

Toullier dit qu'on peut comprendre dans le mot papiers domestiques, les cahiers, carnets, livres, tablettes dont une personne à l'habitude de se servir pour se rendre compte de ses affaires, de ses revenus, de ses dépenses, de ses dettes, de ses achats, toutes sortes de notes enfin qui, sans constituer des registres proprement dits, s'en rapprochent néanmoins par une destination semblable. Mais il exclut formellement les feuilles volantes, quand bien même ces feuilles seraient écrites et signées par celui à qui on entendrait les opposer. La raison que Toullier donne de cette exclusion, c'est que ces papiers ne présentent pas le même caractère de fixité et de stabilité que les livres ou registres. (Toullier, Comm. du Code civil, t. 8, n°399).—- Cela ne nous explique pas pourquoi le législateur a cru devoir mettre le mot papiers à la suite du mot registre.

M. Larombière (1) adopte l'opinion de Toullier, mais les raisons qu'il donne à l'appui, nous paraissent encore moins satisfaisantes. D'après lui, le mot registre qui précède celui de papiers, doit servir à en déterminer et à en limiter le sens. C'est une solution, mais non une explication.

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Demolombe qui suit le même système, nous paraît plus exact dans les explications qu'il nous en donne. Pour lui, le mot papiers domestiques exprime la même idée que le mot registres. Cette terminologie est une reproduction de notre ancien droit; ces deux mots historiquement, sont toujours réunis par une sorte de redondance ou de synonymie et ils paraissent avoir toujours eu ensemble un sens identique. M. Demolombe fait remarquer aussi, que Pothier intitule son paragraphe 5 : des papiers domestiques et qu'il a grand soin de les distinguer des feuilles volantes. (Poth. Tr. des oblig.; part. IV, chap. I, no 725).

D'autre part, il fait observer que si on ouvre le Glossaire de droit français et si on cherche le mot: papiers domestiques, on y trouve la définition que voici :

Papiers domestiques: registres sur lesquels les particuliers inscrivent leurs recettes et leurs dépenses. (Instit. cout. de Loysel, édit de MM. Dupin et Laboulaye, t. II, p. 479).

Quoiqu'il en soit, nous ne croyons pas devoir adopter l'opinion et l'explication de Demolombe. Rien ne uous indique en effet que le législateur ait entendu suivre à cet égard l'ancien droit, et donner une portée aussi res

1. Larombière: Traité des Obligations, sur l'art. 1331, no 1.

treinte aux expressions en question. La loi ne nous dit rien et nous devons, nous ses interprètes, nous attacher aux termes mêmes qu'elle emploie, termes qui comprennent par leur généralité et dans leur accep-. tion usuelle, toutes les écritures ou notes réunies en liasses ou portées sur des feuilles volantes, signées ou non, rédigées par une personne qui n'y était obligée, avec l'intention de les conserver pour fixer le souvenir des faits juridiques ou d'évènements quelconques.

Les feuilles volantes peuvent être assimilées à des registres et papiers domestiques s'il apparaît clairement qu'elles tenaient lieu de livres pour celui qui les a écrites. On ne voit pas en effet pourquoi on ne leur accorderait pas la même force probante qu'aux registres, s'il est constant par exemple, qu'il entrait dans les habitudes du propriétaire de prendre ses notes de cette façon. Le juge devra donc tenir compte, dans l'appréciation qu'il sera appelé à faire, des habitudes de celui qui les a écrites et des circonstances de la cause. C'est ce que reconnaît d'ailleurs Demolombe qui donne cependant, nous venons de le voir, en principe, un sens restreint à l'expression papiers domestiques; il prétend qu'en cette matière le caractère particulier du fait peut acquérir une grande importance, et qu'il peut y avoir des cas exceptionnels où le juge devra tenir compte des notes inscrites par le père de famille même sur des feuilles volantes. (Demolombe, t. 29, no 619; Bonnier, Traité des preuves, t. II, n° 744. Marcadé, art. 1331, no 4; Garnier, Répertoire périodique de l'Enregistrement, 1863, t. X, p. 48, art. 1712. Cass., 9 nov, 1842; Dev. 1843, I, 704).

La jurisprudence récente paraît bien être conforme à notre opinion. C'est ainsi qu'il a été jugé et bien jugé par un arrêt de la Cour d'appel de Dijon, en date du 19 février 1873 qu'une note sur feuille volante trouvée dans les papiers d'un individu, écrite par lui-même sans signature, pouvait être considérée comme un papier domestique faisant foi contre lui, lorsqu'elle énonçait formellement un paiement reçu. Les termes de cet arrêt sont explicites à cet égard: nous ne pouvons mieux faire que d'en citer les principaux considérants :

« Considérant que l'art. 1331 est formel et que d'après son texte précis les registres et papiers domestiques font pleine foi contre celui qui les a écrits, lorsqu'ils énoncent formellement un paiement reçu; qu'en vain voudrait-on prétendre que dans l'espèce, la mention du paiement se trouve sur une simple feuille volante; qu'évidemment les écrits de cette nature se trouvent compris dans l'expression générale de papiers domestiques que l'art. 1331 a ajoutés aux registres proprement dits; que la loi a certainement voulu admettre comme éléments de preuve non seulement les livres réguliers sur lesquels un particulier porte au jour le détail de ses comptes, mais encore les feuilles détachées sur lesquelles il a constaté quelques opérations importantes dont il voulait conserver le souvenir; que tel était bien le sens dans lequel Pothier entendait cettte expression de papiers domestiques qui lui a été empruntée par le code civil; qu'il ne met pas en doute en effet la valeur de l'écrit sur feuille volante, constatant la libération, lorsque cet écrit est retrouvé parmi les papiers du créancier, et qu'il se de

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