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jorit des députés de la noblesse ferme tout accès à la conciliation, « considérant qu'il est de son de>> voir de se rallier à la constitution, et voulant don» ner l'exemple de la fermeté, elle déclare que la dé>> libération par ordres, et la faculté d'empêcher, que >> les ordres ont tous divisément, sont constitutifs de » la monarchie. »

Une première conférence a ieu entre les commis- 30 mai. saires des trois ordres, réunis aux commissaires du roi. Elle commence par de très-minutieuses altercations sur la convenance d'en établir le procès verbal, et sur les formalités à suivre dans sa confection; elle se prolonge par des citations, des documens sur la manière dont se vérifièrent les pouvoirs dans les précédens états généraux. La discussion met en évidence la dissemblance des usages à cet égard, leur histoire montrant le jugement des pouvoirs exercé tantôt par le conseil du roi, tantôt par les chambres, ainsi que le défaut de règles positives.

Dans une deuxième conférence entre les mêmes 3 juin. commissaires, la signature du procès verbal de la première conférence est d'abord refusée par les commissaires de la noblesse, parce que les commissaires du tiers état donnent à leur ordre le titre de communes. Ces derniers soutiennent que le mot communes indique la nation, moins le clergé et la noblesse; que le mot tiers état est un signe ordinal n'exprimant que le rang de la partie la plus nombreuse, relativement à la préséance du clergé et de la noblesse; mais que le tiers état est le peuple ou les communes; que, dans les discours prononcés par les orateurs dans les états généraux précédens, il avait été souvent qualifié par l'un

4 juin.

et l'autre nom; enfin, que le texte positif des cosmunes se trouve dans le rapport fait au roi, et annexé à son ordonnance du 27 décembre dernier. Au sujet de la division des ordres, les citations historiques remontent non-seulement aux temps antérieurs à l'introduction des communes dans les états par Philippe le Bel, mais à la seconde, à la première race, et même aux usages des Germains rapportés par Tacite. Les commissaires de la noblesse ne cessent de dire : « Il y a long-temps que cela est, donc cela doit toujours être. » Cependant plus on cite, moins on voit d'uniformité dans les anciennes coutumes: tout y est confus, incertain, enveloppé de nuages, contradictoire; tout montre que la constitution française est un problème historique. La conférence se termine sans conclusion.

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Dans la troisième conférence, la noblesse et le tiers état se maintenant en pleine opposition, le clergé se faisant ordre expectant sous le titre de conciliateur, les commissaires du roi proposent de laisser à chaque ordre le soin des vérifications respectives, qui seront communiquées aux deux autres ordres, de porter les contestations, s'il en survient, à l'examen d'une commission composée des trois ordres; de faire rectifier leur opinion réunie par les chambres respectives; et, en cas d'opposition dans les décisions des ordres, de s'en référer au roi, qui rendrait un jugement final; qu'au reste, ces conventions sur la vérification des pouvoirs ne préjugent rien sur la grande question de la délibération par tête ou par ordre...

Dans la quatrième conférence, le clergé accède au projet provisoire de conciliation. La noblesse, s'en référant à son arrêté du 26 mai, insiste sur le droit de

juger seule les contestations sur la validité des pouvoirs de ses députés particuliers, consentant à ce qu'il puisse être statué d'une manière uniforme, dans les trois chambres, sur les difficultés relatives aux députations entières, et à ce qu'en cas de non conformité, l'on s'en remette à l'arbitrage du roi. Le tiers 'état a résolu d'attendre, pour délibérer avec une plus grande maturité et une meilleure instruction, dans une circonstance si importante, la fin des conférences et la clôture dé leur procès verbal. Cette quatrième conférence laisse encore tout en suspens.

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La cinquième conférence se réduit à l'approbation 9 juin. du procès verbal des précédentes conférences, avec réserve du clergé touchant le mot communes, et avec protestation de la noblesse contre cette qualification.

Les députés du tiers état, qui persistent à s'in- to juin. tituler députés des communes, décident qu'ils ne peuvent plus attendre dans l'inaction le concours des classes privilégiées, sans sé rendre coupables envers la nation. Ils adressent aux députés du clergé et de la noblesse une dernière invitation de venir dans la salle générale, assister et prendre part à la vérification des pouvoirs respectifs, déclarant en outre qu'il sera procédé à cette vérification, tant en présence qu'en l'absence des députés des classes privilégiées.

Les députés du clergé et de la noblesse ne se ren- 13 juin. dent pas à l'invitation que les députés du tiers leur ont adressée l'avant-veille. Ceux-ci s'établissent pour la vérification des pouvoirs, tant des absens que des présens. Ce jour commence le procès verbal de l'as

semblée.

Trois curés du Poitou commencent la défection 13 juin.

du clergé, et vont siéger avec les députés des com

munes.

15 juin. La chambre de la noblesse transmet au roi un arrêté

16 juin.

par lequel elle n'adopte qu'avec des restrictions le plan que viennent de proposer les ministres, afin de concilier les différens des deux premiers ordres avec le tiers état, sur la vérification des pouvoirs en commun (V. 6 mai). Réponse du roi : « J'ai examiné l'arrêté » de l'ordre de la noblesse. J'ai vu avec peine qu'il » persistait dans les réserves et les modifications qu'il >> avait mises au plan de conciliation proposé par mes >> commissaires. Plus de déférence de la part de l'ordre » de la noblesse aurait peut-être amené la conciliation » que j'ai désirée. »

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Le projet de conciliation des commissaires royaux, accepté par le clérgé, repoussé par la noblesse, et sur lequel le tiers état ne s'est point expliqué (V. les 4,6), a reçu l'approbation définitive du roi. « Je désap>> prouve, dit ce prince dans une lettre au tiers, l'ex» pression répétée de classes privilégiées que le tiers » état emploie pour désigner les deux premiers ordres. » Ces expressions inusitées ne sont propres qu'à en» tretenir un esprit de division absolument contraire à » l'avancement du bien de l'état, puisque ce bien ne » peut être effectué que par le concours des trois or>> dres qui composent les états généraux, soit qu'ils » délibèrent séparément, soit qu'ils le fassent en com» mun. La réserve que l'ordre de la noblesse avait » mise dans son acquiescement à l'ouverture de con»ciliation faite de ma part, ne devait pas empêcher » l'ordre du tiers de me donner un témoignage de dé»férence. L'exemple du clergé, suivi par celui du tiers, >> aurait déterminé sans doute l'ordre de la noblesse à » se désister de sa modification. Je suis persuadé que

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plus l'ordre du tiers état me donnera de marques de >> confiance et d'attachement, et mieux ses démarches >> représenteront les sentimens d'un peuple que j'aime » et dont je ferai mon bonheur d'être adoré. »

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De tous les Français qui influent sur les destinées de l'empire, et désirent sa régénération avec ardeur et sincérité, le souverain est celui qui paraît s'y porter dans l'abnégation de ses intérêts particuliers, dans le renoncement à ses jouissances personnelles. Les chefs de la majorité du clergé, les chefs de la majorité de la noblesse sont plus jaloux de conserver les attributs de leur prépondérance avec leurs prérogatives exclusives, que de concourir aux améliorations que réclame l'avantage et même le salut de la patrie commune. Parmi les députés qui dominent l'opinion de leurs collègues du tiers état, Mirabeau, Syeyès, quelques affidés du duc d'Orléans, conçoivent déjà le dessein d'entretenir les troubles du royaume, pour satisfaire leur ambition, leur cupidité ou leur orgueil blessé; d'autres, Bailly, Lafayette, Thouret, Barnave, Grégoire, emportés par des idées abstraites de bien public, séduits par des systèmes généraux de rénovation politique, se montrent empressés d'en faire l'application sur une nation dégradée et corrompue depuis tant de siècles par un mauvais gouvernement, comme s'il suffisait de présenter à cette nation la robe de l'innocence, pour lui redonner cet état. ·

Mais, entre tous les ennemis de la chose publique ou ceux qui l'envisagent sous de faux rapports, il n'en est pas de plus dangereux que les courtisans de Versailles avec leurs subordonnés ou leurs complices à Paris harceler, fatiguer par d'innombrables difficultés de détails, semer les intrigues, disposer de petits piéges; voilà leur talent particulier et leur

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