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blement s'est présenté samedi aux portes de Chartres; on ne l'a empêché d'y entrer qu'en lui promettant de vous députer des commissaires. Voici un procès-verbal rédigé par un lieutenant de la gendarmerie nationale dans la ville de Brou, le 21 novembre. Il constate qu'un rassemblement de mille à douze cents personnes est entré dans cette ville, en déclarant que son intention n'était pas de commettre de violences, mais qu'il venait taxer le blé et les denrées de première nécessité; qu'il y avait un décret de l'assemblée législative qui les autorisait à cette démarche. Comme on les assurait que ce décret n'existait pas, ils ont répondu que Duval, maître de la verrerie de Montmirail, leur avait montré une lettre de Duval, son frère, député de l'assemblée législative, par laquelle il lui marquait l'existence de ce décret. Or, il faut que vous sachiez que ces Duval, au nombre de quatre frères, sont parvenus à se populariser d'une manière étrange; l'un est propriétaire d'une verrerie où il occupe et endoctrine quatre mille hommes; un autre préside une administration; un troisième un tribunal; le quatrième était député.

» Je demande que vous ne décidiez rien sur la pétition des députés de Loir-et-Cher, avant d'entendre les députés arrivés cette nuit de Chartres. >>

L'admission décrétée, les députés se présentent à la

barre.

L'orateur de la députation. « La tranquillité publique est menacée dans le département d'Eure-et-Loir; des rassemblements armés parcourent les marchés et taxent les denrées; les magistrats du peuple sont fidèles à leur devoir, mais la loi est sans énergie et sans vigueur.

» Le prix du pain est inaccessible aux facultés du pauvre. La misère est à son comble, et si la cherté se maintient plus long-temps, il peut arriver les plus grands malheurs. C'est pour les prévenir que les administrateurs de Chartres nous députent vers la convention nationale; ils attendent de votre sagesse et de votre amour pour la tranquillité de la république entière, des mesures promptes et efficaces. C'est en

prononçant le nom de la convention nationale que nous avons vu la confiance se ranimer et la sérénité reparaître sur les visages. Nos concitoyens nous ont pressés de partir; ils attendent votre réponse; prononcez. »

Le président fait à cette députation les mêmes questions qu'à la précédente.

L'orateur. « Il y a des blés dans le département; mais les marchés ne sont point fournis. Le recensement a été fait dans quelques paroisses; mais plusieurs communes n'ont point encore envoyé leur tableau. Les agitateurs profitent de la circonstance pour empêcher les laboureurs d'apporter leurs grains aux marchés. D'un autre côté, ils taxent les comestibles, et forcent les citoyens qu'ils rencontrent de marcher avec eux. Les magistrats de Chartres les ont invités, au nom de la paix, à respecter la loi. Ils leur ont déclaré qu'ils pouvaient disposer de leur vie, mais non les forcer à faire un pas au-delà de la loi. Je dois rendre, à ceux à qui j'ai tenu le même langage, la justice de dire qu'ils se sont jetés à mon cou, et nous nous sommes mutuellement embrassés.

» Ainsi, cette scène, que nous craignions devoir être désastreuse, a produit un tableau touchant. Cependant j'ai cru devoir leur faire observer qu'il ne suffisait pas de dire qu'on voulait la loi, qu'il fallait le prouver par des faits;

que

la loi prononçait la peine de mort contre les magistrats qui souffriraient la taxe des grains; que nous ne la souffririons jamais. Ils ont fini par convenir avec nous que, puisque la loi était telle, nous aurions recours à la sagesse de la convention nationale. »

Châles. «Il est une cause de disette à laquelle on ne vous a point fait faire assez d'attention; c'est que les fermiers des ci-devant nobles et prêtres ont des relations avec les ennemis du dehors et du dedans, et sont payés pour ne pas battre leurs grains jusqu'à la dernière extrémité. Depuis huit mois les blés n'ont point été battus. Ce qui augmente encore cette disette, c'est la rareté de la farine pour les endroits où on en fait une grande consommation. » ..

"

Barrère. « Je demande que vous chargiez le ministre de l'intérieur de faire rentrer dans Paris tous les commissaires du pouvoir exécutif, autres que ceux qui sont envoyés pour la force militaire, et ceux qui ont été arrêtés par les autorités constituées ; que vous défendiez au pouvoir exécutif d'envoyer des commissaires, sans un ordre de la convention nationale; en troisième lieu, que pour parer aux malheurs qui viennent de vous être dénoncés, vous envoyiez des commissaires pris dans le sein de la convention, pour rétablir dans les départements la circulation des grains, et prendre connaissance des causes qui l'ont arrêtée. Je demande, quatrièmement, que vous organisiez une commission, exclusivement chargée d'examiner la manière dont on agite le peuple. Enfin, que nous reprenions tous les jours, excepté ceux consacrés à l'affaire du ci-devant roi, la discussion sur les subsistances.» (On applaudit.)

Sergent. « Je demande la question préalable sur le premier article. »

Lidon. « Je ne suis pas étonné de voir demander la question préalable; mais moi, qui arrive de la commission, je puis vous attester que le trouble est en partie dû aux commissaires du pouvoir exécutif et de la commune de Paris. Nous avons des procès-verbaux qui le prouvent. »

Après quelques débats, les propositions de Barrère sont décrétées en ces termes :

La convention nationale décrète ce qui suit :

« Art. 1°. Le conseil exécutif est chargé de rappeler sur-le-champ les commissaires envoyés par lui dans les départements, à l'exception de ceux qui ont été envoyés pour le service militaire, et de ceux qui auront été retenus par les autorités constituées. Il est chargé aussi de rendre compte du nombre de ceux qui ont été retenus, et des causes de leur détention.

» 2. Le conseil exécutif sera tenu de rendre compte de la conduite desdits commissaires dans les divers départe

ments.

» 3. Il est interdit au conseil exécutif d'envoyer des commissaires civils dans les départements, sans l'autorisation de la convention nationale.

4. Il sera nommé dans le sein de la convention nationale neuf commissaires, dont trois se transporteront dans chacun des départements de Loire-et-Cher, d'Eure-etLoir et de la Sarthe, pour y rétablir la libre circulation des grains, rechercher les motifs qui l'ont arrêtée, et qui ont empêché l'exécution des lois rendues à ce sujet, et faire connaître à la convention nationale les causes et les auteurs des agitations et des troubles qui ont eu lieu dans ces départements.

» Lesdits commissaires nationaux sont autorisés à décerner des mandats d'amener et d'arrêts. »

Brézé. « Si l'assemblée m'accorde la parole quand elle discutera l'objet des subsistances, je lui prouverai par des faits que la disette qui existe dans quelques départements n'est qu'apparente; que dans le département du Nord et dans plusieurs autres, il y a un tel engorgement de cette denrée, que les cultivateurs sont au désespoir de ne pouvoir la vendre. A Romorantin, qui n'est qu'à quelques lieues d'Orléans, on paie le pain sept à huit sous la livre, tandis qu'à Orléans il ne coûte que deux sous et trois deniers ; pourquoi ? parceque les citoyens d'Orléans ne veulent pas laisser sortir les grains qu'ils ont en surabondance. Vous voyez donc que tout le mal vient des entraves que l'inquiétude populaire oppose partout à la liberté du commerce et de la circulation des grains. C'est de la publicité de ces vérités que nous devons principalement attendre le retour de l'ordre et la diminution du prix des comestibles. >>

N.... Les observations mêmes du préopinant vous prouvent combien il importe que les agitateurs, que les fauteurs des inquiétudes et des erreurs populaires soient punis. Je demande que Duval soit traduit à la barre, pour qu'il ne puisse pas, par de nouvelles intrigues, continuer à égarer le peuple. »

Charlier. « Il n'y a contre lui que des allégations ; vous ne pouvez mettre ce citoyen en état d'arrestation, sans porter atteinte à la liberté individuelle. »

L'assemblée est consultée sur la proposition de la traduction à la barre.

Le président prononce qu'elle est adoptée.

De vives réclamations s'élèvent d'une partie de l'assemblée. On demande l'appel nominal.

Couthon reproduit les observations de Charlier. Il ajoute que la mesure proposée est inconvenante, eu égard aux circonstances; il en demande l'ajournement jusqu'après le rapport des commissaires de la convention.

Châles, Danton et Marat demandent à ajouter de nouvelles observations en faveur de Duval.

La discussion est fermée.

SÉANCE DU VINGT-SEPT NOVEMBRE.

Indemnité accordée à la commune. de Voucq. Subsistances. Réunion de la Savoie.

Le Pelletier donne lecture d'une adresse des amis de la république, d'Auxerre. Les nations, disent ces citoyens, sont dans l'attente du jugement que vous allez rendre sur les crimes de Louis XVI; qu'il soit terrible, qu'il soit prompt, qu'il fasse frémir les tyrans de la terre, et que le sang du plus scélérat des conspirateurs expie sans délai ses forfaits.

Sur la motion de Bourbotte, la mention honorable de cette adresse est décrétée.

Mallarmé propose, et la convention adopte le projet de décret suivant:

«La convention nationale, après avoir entendu son comité des finances sur la pétition de la commune de Voucq, dis

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