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LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,

à l'Ambassadeur de France à Berlin.

Paris, le 15 mars 1878.

Monsieur le Comte, les informations qui vous ont été données et que vous m'avez fait l'honneur de me transmettre, au sujet de l'accueil favorable qu'ont reçu dans les différents Cabinets de l'Europe nos réserves touchant les délibérations du futur Congrès, sont entièrement d'accord avec les indications qui me sont parvenues à moi-même. A Saint-Pétersbourg, à Vienne, à Rome, à Londres comme à Berlin, l'on a reconnu que nos observations étaient justes. L'assentiment général est ainsi acquis, dès à présent, à nos suggestions. Je ne doute donc pas que le Cabinet de Berlin, qui se chargera d'adresser aux Puissances l'invitation de se réunir dans la capitale de l'Empire, ne trouve en temps opportun une formule donnant pleine satisfaction à l'idée qui inspirait nos réserves et que tous les Gouvernements ont agréée. Je me suis expliqué confidentiellement avec le Prince de Hohenlohe dans un récent entretien, sur le prix que nous attachons à cette constatation officielle de l'accord établi pour bien limiter le champ de discussion du Congrès. Agréez, etc.

Signé : WADDINGTON.

P. S. Cette dépêche était écrite quand j'ai reçu la visite du Prince de Hohenlohe il venait m'entretenir de la proposition de son Gouvernement de réunir à Berlin une Conférence préparatoire composée des seconds Plénipotentiaires des Puissances et chargée de tracer le programme du Congrès en déterminant, d'une part, les questions qui devraient lui être soumises, d'autre part, celles qui seraient exclues de ses délibérations. La Conférence n'aurait, d'ailleurs, aucune qualité pour préjuger en quoi que ce soit la solution des questions réservées au Congrès; mais elle réglerait à l'avance les formalités à suivre pour la tenue de cette Assemblée, notamment pour la constitution de la

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Présidence, au cas où le Prince de Bismarck serait empêché de l'exercer lui-même. J'ai répondu à M. l'Ambassadeur d'Allemagne que, moment où la Conférence préparatoire n'aurait pas d'opinion à exprimer sur la solution des questions pendantes et n'en préjugerait aucune, je n'avais pas à première vue d'objection à ce que la France y fût représentée; j'ai cependant réservé la décision du Conseil, consulterai demain.

que je

Le Ministre des Affaires ÉtrangÈRES,

à l'Ambassadeur de France à Berlin.

(TÉLÉGRAMME.)

Paris, le 16 mars 1878.

Ainsi que je vous l'ai mandé dans ma dépêche d'hier que vous allez recevoir aujourd'hui, j'ai consulté le Conseil sur la proposition faite par le Prince de Hohenlohe et je viens de répondre à peu près en ces termes à M. l'Ambassadeur d'Allemagne.

Le Gouvernement adhère à la proposition du Cabinet de Berlin à deux conditions:

1° Que les travaux de la Conférence préliminaire n'auront qu'un caractère purement préparatoire et qu'elle ne préjugera aucune solution, sauf pour les questions de forme et de présidence;

2o Que les réserves formulées par la France et déjà acceptées par tous les Cabinets seront formellement admises dans le programme qui sera élaboré par la Conférence.

Le Gouvernement est au surplus d'avis que ce programme devra être accepté à l'unanimité pour que le Congrès puisse se réunir utilement, et que la Conférence elle-même n'atteindrait pas son but si toutes les Puissances n'y étaient représentées.

Vous pouvez vous exprimer dans le même sens avec M. de Bülow. Je pense que la même communication a été faite aux autres Gouvernements intéressés, mais je ne connais pas encore leur réponse. Dans le cas où le projet de Conférence préliminaire aboutirait, vous

recevrez en temps utile des pleins pouvoirs et des instructions détaillées.

Signé : WADDINGTON.

L'AMBASSADEUR DE FRANCE à Vienne,

au Ministre des Affaires étrangères.

(TÉLÉGRAMME.)

Vienne, le 19 mars 1878.

Le Cabinet de Vienne a accepté la Conférence préliminaire à la condition qu'elle fût également acceptée par toutes les Puissances.

Signé : VOGUE.

Le Prince GORTCHACOW, Chancelier de l'Empire de Russie, au Prince ORLOFF, Ambassadeur à Paris.

(DÉPÊCHE REMISE À M. WADINGTON, LE 22 MARS.)

Saint-Pétersbourg, le 6-18 mars 1878.

J'ai l'honneur de transmettre à Votre Excellence deux exemplaires du Traité de paix préliminaire signé, le 19 février (3 mars), à SanStefano, par les Plénipotentiaires de la Russie et de la Turquie, et dont les ratifications ont été échangées à Saint-Pétersbourg, le 5-17 mars.

Vous êtes autorisé à remettre l'un de ces deux exemplaires entre les mains de M. le Ministre des Affaires étrangères, en y joignant la carte qui l'accompagnc.

Recevez, etc.

Signé : GORTCHACOW.

TRAITÉ PRÉLIMINAIRE DE SAN STEFANO.

Sa Majesté l'Empereur de Russie et Sa Majesté l'Empereur des Ottomans, animés du désir de rendre et d'assurer à leurs pays et à leurs peuples les bienfaits de la paix, ainsi que

de prévenir toute nouvelle complication qui pourrait la menacer, ont nommé pour leurs Plénipotentiaires à l'effet d'arrêter, conclure et signer les préliminaires de la paix :

Sa Majesté l'Empereur de Russie d'une part - le Comte Nicolas Ignatiew, aide de camp général de Sa Majesté Impériale, lieutenant général, membre du conseil de l'Empire, décoré de l'ordre de Saint-Alexandre Nevsky en diamants et de plusieurs autres ordres russes et étrangers, et le sieur Alexandre Nélidow, chambellan de la Cour Impériale, conseiller d'État actuel, décoré de l'ordre de Saint-Anne de 1 classe avec les glaives et de plusieurs autres ordres russes et étrangers,

Et Sa Majesté l'Empereur des Ottomans de l'autre - Savfet-Pacha, Ministre des Affaires étrangères, décoré de l'ordre de l'Osmanié en brillants, de celui du Medjidié de 1 classe et de plusieurs ordres étrangers, et Sadoullah-Bey, Ambassadeur de Sa Majesté près la Cour Impériale d'Allemagne, décoré de l'ordre du Medjidié de 1 classe, de celui de l'Osmanié de 2o classe et de plusieurs ordres étrangers,

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Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants:

ARTICLE PREMIER.

Afin de mettre un terme aux conflits perpétuels entre la Turquie et le Monténégro, la frontière qui sépare les deux pays sera rectifiée conformément à la carte ci-annexée, sauf la réserve ci-après, de la manière suivante :

De la montagne de Dobrostitza, la frontière suivra la ligne indiquée par la Conférence de Constantinople, jusqu'à Korito, par Bilek. De là, la nouvelle frontière ira à Gatzko (Métochia-Gatzko appartiendra au Monténégro) et vers le confluent de la Piva et de la Tara, en remontant au Nord par la Drina, jusqu'à son confluent avec le Lim. La frontière orientale de la Principauté suivra cette dernière rivière jusqu'à Prijepoljé et se dirigera par Rostraj à Sukha-Planina (laissant Bihor et Rostraj au Monténégro), en englobant Rugovo, Plava et Gusinje; la ligne frontière suivra la chaîne des montagnes par Shlieb, Paklen et le long de la frontière de l'Albanie du Nord par la crête des monts Koprivnik, Baba-Vrh, Bor-Vrh jusqu'au sommet le plus élevé de Prokleti. De ce point la frontière se dirigera par le sommet de Biskaschik et ira en ligne droite au lac de Ijiceni-Hoti. Partageant ljiceni-Hoti et IjiceniKastrati, elle traversera le lac de Scutari pour aboutir à la Boyana, dont elle suivra le thalweg jusqu'à la mer. Niksitch, Gatzko, Spouje, Podgoritza, Zabliak et Antivari resteront au Monténégro.

Une Commission européenne, dans laquelle seront représentés la Sublime Porte et le Gouvernement du Monténégro, sera chargée de fixer les limites définitives de la Principauté, en apportant sur les lieux, au tracé général, les modifications qu'elle croirait nécessaires et équitables au point de vue des intérêts respectifs et de la tranquillité des deux pays, auxquels elle accordera de ce fait les équivalents reconnus nécessaires.

La navigation de la Boyana, ayant toujours donné lieu à des contestations entre la Sublime Porte et le Monténégro, fera l'objet d'un règlement spécial qui sera élaboré par la même Commission européenne.

ART. 2.

La Sublime Porte reconnaît définitivement l'indépendance de la Principauté du Monténégro.

Une entente entre le Gouvernement Impérial de Russie, le Gouvernement ottoman et la Principauté du Monténégro, déterminera ultérieurement le caractère et la forme des rapports entre la Sublime Porte et la Principauté, en ce qui touche notamment l'institution

d'Agents monténégrins à Constantinople et dans certaines localités de l'Empire ottoman, où la nécessité en sera reconnue, l'extradition des criminels réfugiés sur l'un ou l'autre territoire et la soumission des monténégrins, voyageant ou séjournant dans l'Empire ottoman, aux lois et aux autorités ottomanes, suivant les principes du droit international et les usages établis concernant les monténégrins.

Une convention sera conclue entre la Sublime Porte et le Monténégro pour régler les questions se rattachant aux rapports entre les habitants des confins des deux pays et aux ouvrages militaires sur ces mêmes confins. Les points sur lesquels une entente ne pourrait être établie seront résolus par l'arbitrage de la Russie et de l'Autriche-Hongrie.

Dorénavant, s'il y a discussion ou conflit, sauf les cas de nouvelles réclamations territoriales, la Turquie et le Monténégro abandonneront le règlement de leurs différends à la Russie et à l'Autriche-Hongrie, qui devront statuer en commun, arbitralement.

Les troupes du Monténégro seront tenues d'évacuer le territoire non compris dans la circonscription indiquée plus haut, dans le délai de dix jours à partir de la signature des préliminaires de paix.

La Servie est reconnue indépendante.

ART. 3.

Sa frontière, marquée sur la carte ci-jointe, suivra le thalweg de la Drina, en laissant le Petit-Zvornik et Zakar à la Principauté et en longeant l'ancienne limite jusqu'aux sources du ruisseau Dezevo près de Stoîlac. De là, le nouveau tracé suivra le cours de ce ruisseau jusqu'à la rivière Raska, et puis le cours de celle-ci jusqu'à Novi-Bazar. De Novi-Bazar, remontant le ruisseau qui passe près des villages Mekinje et Trgoviste jusqu'à sa source, la ligne frontière se dirigera par Bosur-Planina dans la vallée de l'Ibar et descendra le ruisseau qui se jette dans cette rivière près du village Ribanic. Ensuite, elle suivra le cours des rivières Ibar, Sitnitza, Lab, et du ruisseau Batintze jusqu'à sa source (sur la GrapachnitzaPlanina). De là, la frontière suivra les hauteurs qui séparent les eaux de la Kriva et de la Veterniza, et rejoindra, par la ligne la plus courte, cette dernière rivière à l'embouchure du ruisseau Miovatzka pour remonter celui-ci, traverser la Miovatzka-Planina et redescendre vers la Morava, près du village de Kalimanci. A partir de ce point, la frontière descendra la Morava jusqu'à la rivière Vlossina, près du village Staïkovtzi, en remontant cette dernière ainsi que la Liuberazda et le ruisseau Koukavitze, passera par la Sukha-Planina, longera le ruisseau de Vrylo jusqu'à la Nisava et descendra ladite rivière jusqu'au village de Kroupatz, d'où elle ira rejoindre, par la ligne la plus courte, l'ancienne frontière serbe au SudEst de Karaoul-Baré, pour ne plus la quitter jusqu'au Danube.

Ada-Kalé sera évacué et rasé.

Une commission turco-serbe établira sur les lieux, avec l'assistance d'un commissaire russe, le tracé définitif de la frontière, dans l'espace de trois mois, et réglera définitivement les questions relatives aux îles de la Drina. Un délégué bulgare sera admis à participer aux travaux de la commission, lorsqu'elle s'occupera de la frontière entre la Servie et la Bulgarie.

ART. 4.

Les musulmans qui possèdent des propriétés dans les territoires annexés à la Servie, et qui voudraient fixer leur résidence hors de la Principauté, pourront y conserver leurs immeubles en les faisant affermer ou administrer par d'autres. Une commission turco-serbe, assistée d'un commissaire russe, sera chargée de statuer souverainement, dans le courant de deux années, sur toutes les questions relatives à la constatation des propriétés immobilières, où des intérêts musulmans seraient engagés. Cette commission sera également

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