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nement français ne pouvait s'associer officiellement à la démarche faite par l'Angleterre à Saint-Pétersbourg; j'ai ajouté toutefois que l'influence morale dont nous pouvions disposer officieusement était tout entière acquise à la cause de la paix. Vous n'aurez donc aucune communication à faire; mais je vous prie de vous diriger d'après cette donnée générale dans vos entretiens avec le Prince Gortchacow. Vous exprimerez l'espoir que, pour arrêter l'effusion du sang et surtout pour prévenir les complications qu'amènerait un dissentiment plus grave avec l'Angleterre, la Russie ne fera rien qui puisse froisser inutilement les susceptibilités anglaises.

Fidèles à nos sentiments d'amitié pour les deux Puissances, nous tenons au Cabinet de Londres un langage analogue, en ce qui concerne la Russie. »

Tels sont les termes de mon télégramme au Général Le Flô.

J'y insiste sur la nécessité de ménager les susceptibilités anglaises; mais la même recommandation n'a pas moins d'opportunité à Londres, en ce qui concerne la Russie, et il importe, selon nous, essentiellement que le Gouvernement anglais évite, soit dans l'attitude, soit dans le langage, tout ce qui pourrait paraître de la hauteur ou de la défiance. Je m'en repose sur votre tact pour seconder toutes les pensées d'apaisement autour de vous.

Signé: WADDINGTON.

M. le Général LE FLô, Ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, au Ministre des Affaires étrangères.

(TÉLÉGRAMME.)

Saint-Pétersbourg, le 28 janvier 1878.

Le Prince Gortchacow vient de me lire les instructions relatives à

l'armistice et aux préliminaires de paix qui avaient été envoyées aux Commandants en chef. En voici les points principaux :

La Bulgarie devient Province autonome avec une administration nationale et une milice indigène, mais restera tributaire. Les limites de la Province seront fixées ultérieurement en prenant pour base la majorité des populations bulgares dans les diverses localités; la Porte n'y pourra entretenir de troupes en dehors de quelques points à déterminer.

Les Principautés de Monténégro, de Servie et de Roumanie, seront déclarées indépendantes et recevront, les deux premières, une augmentation de territoire, la troisième, un dédommagement territorial. L'augmentation du Monténégro devra être équivalente au territoire conquis et occupé actuellement par ses troupes.

La Bosnie et l'Herzégovine, ainsi que les autres Provinces chrétiennes, recevront une administration particulière.

L'Empereur et le Sultan conviendront de s'entendre sur les meilleures mesures à prendre au sujet des Détroits et des intérêts de la Russie y relatifs. (Le Prince Gortchacow a fait observer en passant qu'il ne tenait nullement, quant à lui, à la liberté des Détroits.)

La Russie se réserve de réclamer des indemnités soit pécuniaires, soit territoriales, en dédommagement des sacrifices qu'elle a dû s'imposer.

Ces bases préliminaires acceptées, les Généraux en chef régleront eux-mêmes, selon les principes de la guerre, les clauses de l'armistice et indiqueront les forteresses turques qui devront être préalablement évacuées.

Le Général Ignatiew est chargé de s'entendre à Andrinople avec les Commissaires turcs pour le règlement définitif et la rédaction des articles de la convention.

L'avis officiel et direct de la signature de l'armistice, retardé sans doute par la difficulté des communications et la rupture des fils télégraphiques, n'est pas encore parvenu à l'Empereur.

Signé : LE FLO.

L'AMBASSADEUR DE FRANCE à Londres
au Ministre des Affaires étrangères.

(TÉLÉGRAMME.)

Londres, le 29 janvier 1878.

Lord Derby semble disposé à laisser faire aux Russes tel acte militaire et telle négociation avec le Sultan, qu'ils voudront, protestant contre tout arrangement contraire aux Traités et nuisible aux intérêts européens. L'Autriche prend la même attitude et Lord Derby espère que la France imitera ces deux Puissances.

Signé : D'HARCOurt.

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

à l'Ambassadeur de France à Londres.

Paris, le 30 janvier 1878.

Monsieur le Marquis, Lord Lyons est venu ce matin m'entretenir du point de vue auquel se place son Gouvernement pour apprécier les négociations directes suivies entre la Russie et la Porte Ottomane. Son langage a été semblable à celui que vous a tenu Lord Derby et dont votre télégramme d'hier soir me rendait compte. L'Ambassadeur d'Angleterre a laissé entre mes mains une note exposant la manière de voir du Cabinet de Londres; je m'empresse de vous adresser ci-jointe une traduction de ce document.

Agréez, etc.

Signé WADDINGTON.

NOTE COMMUNIQUÉE

PAR LORD LYONS, AMBASSADEUR D'ANGLETERRE À PARIS, AU MINISTRE

DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.

(TRADUCTION.)

Paris, le 30 janvier 1878.

Tout en reconnaissant comme obligatoires entre les deux belligérants les arrangement faits par les Délégués russes et turcs à Kezanlik, pour la conclusion d'un armistice et la fixation des bases de la paix, le Gouvernement de Sa Majesté Britannique déclare que, en tant que ces arrangements tendraient à modifier les Traités européens et à affecter les intérêts généraux ou ceux de la Grande-Bretagne, il ne pourra leur reconnaître aucune valeur, à moins qu'ils ne deviennent l'objet d'un accord formel entre les Puissances parties au Traité de Paris.

Cette manière d'envisager la question est fondée entièrement sur les Traités, et plus particulièrement sur le Traité de Londres du 13 mars 1871. Le Gouvernement de Sa Majesté Britannique espère donc qu'elle recevra l'assentiment de la France et de chacune des autres Puissances.

Le Comte ANDRÁSSY, Ministre des Affaires étrangères d'AutricheHongrie,

au Comte de WIMPFFEN, Ambassadeur à Paris.

(TELEGRAMME COMMUNIQUÉ PAR M. LE COMTE DE WIMPFFEN.)

Vienne, le 3 février 1878.

L'Autriche-Hongrie, en sa qualité de Puissance signataire des Actes internationaux qui ont eu pour objet de régler le système politique en Orient, a réservé, en présence de la guerre actuelle, sa part d'influence sur le règlement définitif des conditions de paix future.

Le Gouvernement Impérial de Russie auquel nous avons fait part de ce point de vue, l'a pleinement apprécié.

Aujourd'hui que des préliminaires de paix viennent d'être signés entre la Russie et la Turquie, le moment nous semble être venu d'établir l'accord de l'Europe sur les modifications qu'il deviendrait

nécessaire d'apporter aux Traités susmentionnés. Le mode le plus apte à amener cette entente me paraît être la réunion d'une Conférence des Puissances signataires. Nous espérons que le Chancelier de l'Empire nous saura gré de prendre l'initiative en cette circonstance. Votre Excellence est donc autorisée à inviter le Cabinet français à vouloir bien participer à la Conférence des Puissances signataires.

La nature particulièrement amicale de nos relations réciproques nous permet d'espérer que le Gouvernement français n'aura pas d'objections contre la réunion de la Conférence à Vienne.

Votre Excellence voudra bien prier M. Waddington de nous faire connaître sa réponse le plus tôt possible.

Aussitôt que l'acceptation en principe de notre invitation par les Cabinets invités nous sera connue, nous nous empresserons de leur proposer le mode et la date de la réunion.

Signé: ANDRÁSSY.

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

à M. le Marquis DE VOGUE, Ambassadeur de France à Vienne.

(TÉLÉGRAMME.)

Paris, le 4 février 1878.

M. le Comte de Wimpffen m'a fait la communication dont le Baron Orczy vous a parlé. Elle porte que le Cabinet de Vienne, ayant réservé sa part d'influence dans le règlement définitif des conditions de la paix et sachant que ce point de vue est pleinement apprécié par le Gouver nement russe, juge le moment venu d'établir l'accord de l'Europe sur les modifications qu'il deviendrait nécessaire d'apporter aux Traités. Le Cabinet austro-hongrois propose à cet effet la réunion d'une Conférence et espère que la Russie lui saura gré de prendre cette initiative. Le Comte de Wimpffen m'a demandé si le Gouvernement français était disposé à accueillir les ouvertures de l'Autriche. Je lui ai répondu,

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