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nimés aux centres: Oui! oui!....) je prendrai les ordres du roi. Nous réclamerons de vous les moyens de finances nécessaires, c'est-à-dire, des douzièmes provisoires, et le crédit extraordinaire de 200 millions; nous demanderons au pays son vœu définitif, et nous jurons, Messieurs, qu'il sera obéi, et que la majorité qu'il présentera sera écoutée et respectée. (Mouvements en sens divers.) Le gouvernement s'appuiera sur elle, il y aura cette harmonie que vous souhaitez entre tous les pouvoirs constitutionnels. Dans l'intervalle, nous prenons l'engagement de garder intact le dépôt des lois, de les faire respecter toutes, et de réprimer impitoyablement et avec la dernière rigueur toute tentative, quelle qu'elle soit, contre nos institutions et la tranquillité publique.

J'aurai l'honneur de vous faire connaître demain les ordres du roi. » (Sensation prolongée.)

La discussion était réellement close par cette déclaration, que M. Laffitte répéta encore à la fin de la séance. Cependant M. Guizot reparut à la tribune pour se justifier de quelquesuns des reproches que le président du conseil lui avait adressés. Il repoussa celui d'avoir imputé tout le mal au pouvoir, et quant au remède, il prétendit l'avoir indiqué:

Il y en avait deux, dit M. Guizot; on pouvait, c'est ma conviction, on pouvait marcher avec cette Chambre, on pouvait fonder sur elle un gouvernement véritablement national. C'est cette première épreuve que Ja Chambre a tentée, ou plutôt c'est dans cette attente que la Chambre est depuis six mois. Ce remède n'a pas été employé, on n'a pas su l'employer. Il y en avait un autre, la dissolution; c'est celui que la Chambre invoque, c'est celui que M. le président du conseil vient de nous promettre. Je n'ai donc pas été aussi silencieux qu'on le dit sur le remède. J'ai indiqué le remède applicable pendant que la Chambre était là, et le remède applicable quand on voudra la renvoyer. »

Parmi les orateurs que la Chambre entendit encore, nous ne mentionnerons que M. de Lafayette, qui vint donner quelques explications sur le programme de l'Hôtel-de-Ville, et sur le tróne environné d'institutions républicaines. Si la formule de ce programme avait paru à M. Guizot l'illusion de quelques esprits généreux, la France, disait l'orateur, ne devait pas étre fâchée d'apprendre qu'au nombre de ces esprits se trouvait le roi-citoyen qu'elle avait porté sur le trône. Suivant M. de Lafayette, c'étaient des institutions républicaines que tout un peuple armé en gardes nationales, que le principe de souveraineté nationale appliqué, non-seulement à la France, mais à la défense des autres nations contre l'intervention étran

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gère, que le trône fondé par la nation, et que le choix d'un prince, non par des motifs de quasi-légitimité, de quasi-restauration, mais parce qu'il offrait les antécédents d'un patriote de 89 et la garantie de ses vertus domestiques. Ce n'étaient plus des institutions républicaines que le refus aux communes d'élire leurs magistrats, que l'exclusion des deux tiers des citoyens dans la nomination des conseils municipaux. Après avoir rappelé que sa vie entière le dispensait d'un profession de foi contre l'anarchie, M. de Lafayette ajoutait :

« On nous parle beaucoup, Messieurs, de modération et de juste milieu; j'ai moi-même des amis qui sont, non-seulement imprégnés, mais furieux de modération. Qu'entend-on par ces mots? Est-ce cette modération qui consiste à se tenir au centre de deux points variables; qui, lorsqu'on dit que quatre et quatre font huit, et qu'un exagéré prétend que cela fait dix, se croit la plus raisonnable en soutenant que quatre et quatre font neuf. Je ne serais pas étonné qu'il y ait eu des hommes de l'exécrable époque de la terreur, qui, lorsqu'on assassinait cinquante innocents par jour (et tout est innocent lorsqu'il y a jugement arbitraire), se croyaient modérés en disant qu'il ne fallait en assassiner qu'un petit nombre. Messieurs, la vraie modération consiste à chercher ce qui est vrai, ce qui est juste, à s'y tenir fermement. Et quant au juste milieu, Messieurs, il y a deux ans qu'il souriait dédaigneusement en entendant parler à cette tribune de la souveraineté du peuple français, et d'un peuple armé tout entier en gardes nationales nommant leurs officiers. Il y est aujourd'hui, mais j'en demande pardon à ce juste milieu, qui n'aime pas les déplacements, le moment n'est pas éloigné où il faudra qu'il se place plus avant dans la carrière des institutions nationales. »

Arrivant au point capital du débat, la dissolution de la Chambre, M. Lafayette ne doutait pas qu'elle ne fût ajournée après le vote de la nouvelle loi électorale, qui devait élargir de beaucoup le cercle des électeurs et il demandait que le rapport de cette loi fût présenté le lendemain: M. de Corcelles demanda qu'il le fût séance tenante; mais M. Bérenger, rapporteur, déclara que son travail ne pourrait être soumis à la Chambre que le surlendemain.

Enfin la clôture de cette longue et mémorable discussion fut mise aux voix et prononcée: évidemment son résultat le plus positif avait été de prouver que, avant de chercher à rétablir l'harmonie dans l'État, le ministère devait tâcher de raniener l'ordre dans ses éléments, de raffermir sa hiérarchie. Deux

ordonnances royales, datées du 21 février, nommèrent M. le comte de Bondy, membre de la Chambre des députés, préfet de la Seine, et M. Vivien, procureur général en la cour royale d'Amiens, préfet de police, en remplacement de MM. OdilonBarrot et Baude, dont la double destitution n'étonna personne. D'ailleurs elle n'avait rien de rude dans ses formes : M. Odilon-Barrot, conseiller d'État en service extraordinaire, était appelé au service ordinaire; M. Baude reprenait également le même service.

Nous allons voir ce que le ministère crut devoir faire encore, conséquemment aux avis qu'il avait reçus et aux résolutions qu'il avait annoncées.

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CHAPITRE IV.

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Présentation du budget de 1831.-Présentation d'une loi pour la perception de quatre douzièmes provisoires. — Loi pour la formation d'une légion étrangère. — Présentation d'un projet de loi relatif aux théâtres. -Loi tendant à autoriser la ville de Paris à ouvrir un emprunt. - Loi relative à la liquidation de l'ancienne liste civile. Loi relative à l'ouverture d'un crédit extraordinaire de deux millions pour les pensions militaires. — Objets divers. — Communication aux Chambres relative à l'élection du duc de Nemours au trône de Belgique. Chambre des pairs : loi qui met à la charge de l'État les frais du culte israélite. - Autorisation d'exercer la contrainte par corps contre le vicomte Dubouchage. — Retrait du projet de loi sur l'instruction primaire. - Loi sur la garde nationale. — Chambre des députés : loi électorale. Loi relative à la création de deux cents millions d'obligations du trésor. Loi qui abrège la procédure pour les délits de la presse.-Troubles à Paris, La dissolution de la Chambre des députés paraissait imminente: cependant, pour qu'elle pût s'effectuer, il fallait qu'au préalable une loi électorale fût votée, et que le ministère obtint, soit un budget régulier, soit une nouvelle allocation de fonds provisoire. Déjà, par la loi du 12 décembre précédent, les Chambres l'avaient autorisé à percevoir les quatre premiers douzièmes de l'exercice 1831.

Dans la séance du 11 février, le président du conseil des ministres avait soumis à la Chambre des députés le budget des recettes et des dépenses pour ce même exercice. Voici quel était, d'après M. Laffitte, l'aperçu de la situation financière. Les dépenses ordinaires s'élevaient à 957,377,335 fr., les dépenses extraordinaires à 219,773,700. L'évaluation des recettes était portée à 973,101,894 fr., ce qui donnait un excédant de 15,724,559 fr. sur les dépenses ordinaires. Pour faire face aux autres dépenses, M. Laffitte demandait, dans un projet de loi distinct et séparé, un crédit facultatif de 200 millions, en obligations du trésor, remboursables avec le produit de 300 mille hectares de bois, aliénables en cinq années. Il est à remarquer que, sur les dépenses ordinaires, les réductions opérées de

puis la révolution de juillet, et provenant, soit de l'abolition de certains abus politiques, soit de réformes administratives, ne dépassaient pas une somme de 44 millions environ, et que, d'une autre part, il y avait eu augmentation, soit forcée, soit utile, d'une somme de 24 millions; en sorte que la réduction effective pour les dépenses ordinaires se bornait à la somme de 19,198,044 francs.

Le jour où, pressé par la force des événements, et pour répondre au vœu tout à coup manifesté de la Chambre élective, le président du conseil déclara qu'il prendrait les ordres du roi pour sa dissolution, aucune des deux lois de finances u'était discutée, ni sur le point de l'être. M. Laffitte se vit done contraint de venir, dès le lendemain (21 février), demander l'autorisation de percevoir quatre nouveaux douzièmes. A ce mot, des marques non équivoques de surprise et de mécontentement interrompirent le ministre, qui se hàta d'ajouter qu'il ne croyait pas cette demande exagérée, parce qu'il faudrait que la nouvelle Chambre, une fois convoquée, pût examiner, discuter et délibérer le budget de 1831. Du reste, la manière dont la Chambre accueillit M. Laffitte dut lui faire pressentirqu'elle ne lui pardonnait pas de l'avoir, pour ainsi dire, mise en demeure de demander elle-même la dissolution, et qu'il y aurait un nouveau ministère encore plus tôt qu'une nouvelle Chambre.

Ce même jour (21 février), la Chambre des députés achevait la discussion d'un projet de loi relatif à la formation d'une légion étrangère. Aux termes du second paragraphe de l'article 13 de la charte de 1830, aucune troupe de ce genre ne pouvait être admise au service de l'État qu'en vertu d'une loi. En présentant le projet (4 février), le ministre de la guerre annonçait qu'il avait d'abord pour objet de régulariser la position des différents corps composés de naturels du pays et affectés au service des colonies ou à celui des contrées occupées par les troupes françaises : de ce nombre était le corps des Zouarés, qui avait été fort utile à l'armée d'Afrique. Un autre but essentiel que le gouvernement se proposait d'at

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