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leurs montagnes et chassèrent ses troupes de Calamata, où ils se vengèrent en quelque sorte par le pillage de cette ville qui n'en était pas cause, de la destruction de Poros. Le président renforça son armée pour se porter contre eux; mais les troupes françaises, dans le voisinage, s'emparèrent de la ville, afin d'empêcher les partis d'en venir aux mains. Une flottille de petits vaisseaux hydriotes, qui avait secondé les opérations des Maïnotes, était dans le golfe de Coron. Une frégate française qui s'y trouvait aussi ne leur avait opposé aucune résistance; mais l'amiral russe vint les sommer de se rendre. Au lieu d'obéir aux ordres de l'étranger, les Hydriotes firent sauter leurs vaisseaux les plus forts, et poussèrent les autres à la côte, à l'exception d'un seul qui réussit à s'échapper.

Dans le cours de ces tristes dissensions, les Russes furent sans cesse les auxiliaires actifs du président. Les commandants anglais et français s'efforcèrent en vain d'interposer leur médiation; l'obstination du comte Capo-d'Istria, jointe à la violence de ses alliés, accréditèrent l'opinion qu'il y avait ici un intérêt russe en jeu.

Depuis le commencement de ces troubles, et surtout depuis la levée de boucliers des Maïnotes, dont le bey Mavromichalis était toujours détenu à Nauplie, différentes fois le président avait reçu l'avertissement que sa vie était menacée. Il le méprisa, et le crime fut commis. Georges et Constantin, l'un fils et l'autre frère du bey captif, vinrent à Nauplie dans le dessein d'assassiner le comte. Le 9 octobre, ils l'attendirent à la porte de l'église, où ils avaient appris qu'il devait se rendre. Dès qu'il parut sur le seuil, ils le frappèrent d'un coup de pistolet à la tête et d'un coup de poignard dans le bas-ventre. Le président ne vécut pas une minute de plus. L'un des assassins, Constantin, fut massacré sur la place par les assistants; Georges se réfugia dans la maison du consul français, qui refusa de l'abandonner à la rage des soldats et du peuple, mais promit de le livrer sur une demande régulière des magistrats. Il

fut condamné dans la suite a être fusillé, et mourut avec toute l'intrépidité du fanatisme.

Ce forfait paraît avoir été le résultat d'une vengeance privée, plutôt qu'un acte politique. Le sénat établit aussitôt une commission de gouvernement, composée de Colocotroni, Coletti et Augustin Capo-d'Istria, frère du président assassiné. Il fut placé à la tête de cette commission, et, comme son prédécesseur, il se trouva bientôt en butte, de la part d'adversaires irréconciliables, à des inimitiés et à des obstacles qui ne permirent pas de présager une longue durée à son nouveau pouvoir.

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CHAPITRE VII.

ITALIE. SUISSE. Insurrection de la campagne de Bâle.

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Convocation d'une assemblée constituante à Berne. Rentrée de la diète fédérale. — Elle s'interpose dans les troubles de Bâle. Préparatifs militaires. Réponses des diverses puissances à la déclaration de la diète sur la neutralité de la Suisse. Nouvelles constitutions cantonales. L'insurrection se rallume dans le canton de Bâle.

de la diète. Troubles de Neufchâtel, État du

PIEMONT.-Mort du roi Charles-Félix.

pays.

Intervention

Le prince de Carignan lui

succède.- Espérances et réformes qui suivent son avénement.

ROMAINS.

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-

ÉTATS MODÈNE. PARME. Le cardinal Capellari est élu pape. - Insurrection à Modène, dans l'État pontifical, à Parme. Inutiles efforts des insurgés pour soulever les autres États de l'Italie.Le pape, le duc de Modène et la duchesse de Parme demandent des secours à l'empereur d'Autriche. Négociations à ce sujet avec la France. Invasion d'une armée autrichienne dans les duchés de Parme et de Modène. - Réaction à Modène. - Les Autrichiens entrent dans les légations. Rétablissement de l'autorité du Saint-Siége. — Les Autrichiens se retirent. - Réformes administratives et judiciaires dans les États pontificaux. — Conclusion d'un emprunt. — État des choses à la

fin de l'année.

-

DEUX-SICILES. État des finances.- Changement de ministère. — Fiançailles d'une princesse de Naples avec un infant d'Espagne.

On sait avec quelle rapidité une partie des peuplades suisses s'était soulevée en 1830, réclamant des réformes administratives et des droits politiques qu'elle avait obtenus, pour la plupart, dès l'année dernière.

A Bâle, centre d'une aristocratie marchande qui tenait les campagnes sous le joug, l'affranchissement avait marché d'un pas moins prompt. Cependant, à l'instar de ce qui était arrivé dans les autres cantons, elles avaient demandé hautement le redressement des griefs dont elles avaient à se plaindre. Le principal de ces griefs consistait dans la composition actuelle du grand conseil où les intérêts des districts extérieurs n'étaient pas représentés dans une juste proportion : en effet, ce

grand conseil se composait de 154 membres, dont go étaient choisis dans la ville et 64 seulement dans la campagne; de plus, ces membres étaient à vie, et les nouvelles nominations se faisaient au sein même du conseil.

Sur les premières réclamations des campagnes, et vu l'état de fermentation de tous les esprits, le grand conseil avait compris qu'il était temps de céder quelque chose: dans une assemblée extraordinaire du 9 décembre, il avait établi en principe qu'après la révision de la constitution, révision dont il chargeait une commission spéciale, les campagnes auraient 79 représentants au grand conseil, et la ville de Bâle qui paie à elle seule les trois quarts des contributions, 75; que les pouvoirs des membres élus seraient désormais temporaires; que les renouvellements se feraient dans une assemblée électorale.

Ces concessions ne paraissaient point manquer de justice; mais, soit que les districts extérieurs n'aient considéré l'institution d'une commission de révision que comme un moyen dilatoire, soit qu'ils n'aient pas été satisfaits de ce qui leur était accordé, soit qu'ils aient cédé à des instigations séditieuses, toujours est-il que les paysans se réunirent de nouveau le 3 janvier, au nombre d'environ huit mille, pour soutenir leurs prétentions à main armée. S'appuyant du chiffre de la population qui est de 40,000 âmes dans la campagne, et seulement de 16,000 dans la ville, ils demandaient pour eux les cinq septièmes de la représentation cantonale.

Les insurgés organisèrent un gouvernement provisoire à Liestal, formèrent une garde nationale et se préparèrent pour l'attaque de la ville. Ici les portes étaient fermées, les canons braqués sur les remparts, et les citoyens sous les armes. Après d'inutiles tentatives de négociations, on en vint aux mains le 15 janvier : les paysans assaillis par les troupes de Bâle, ayant huit pièces d'artillerie, se mirent promptement en déroute. Liestal fut occupé, le gouvernement insurrectionnel avait disparu, et les villages firent leur soumission l'un après l'autre.

Berne se trouvait, à la même époque, dans une crise non moins dangereuse en apparence. L'enrôlement secret, par les patriciens, d'un bataillon de suisses rouges qui étaient hébergés sous divers prétextes dans des maisons particulières, avait exaspéré au plus haut point les mécontents de la ville et de la campagne. Les bailliages de l'Emmenthal et de l'Oberland annonçaient l'intention de marcher sur la ville. C'est alors qu'à la suite d'une séance orageuse du grand conseil, les deux conseils réunis, forcés d'obtempérer aux exigences du peuple, et de renoncer pour eux-mêmes au droit de modifier la constitution, décrétèrent l'élection d'une constituante; en outre, ils se déclarèrent gouvernement provisoire, jusqu'à l'époque où la nation se serait prononcée dans les assemblées primaires, sur la forme du nouveau gouvernement cantonal.

Une lutte se préparait aussi dans le canton de Schwitz, entre le chef-lieu et les districts extérieurs: ceux-ci voulaient sortir de l'état de vasselage où ils étaient retenus. Cette lutte dès l'origine prit, des deux parts, un caractère d'opiniâtreté qui fit craindre que les dissentiments ne s'effaçassent pas plus facilement ici qu'à Bàle et qu'à Neufchatel, où le parti helvétique et le parti prussien étaient également dans une scission complète.

Cependant la diète avait repris ses séances le 5 janvier, à Lucerne, sous la présidence de M. Amrhyn. Ayant reçu communication des événements qui avaient troublé la paix du canton de Bâle, elle pensa que le moment de l'intervention fédérale était arrivé; elle résolut que deux commissaires y seraient envoyés, pour inviter les partis à rentrer dans l'ordre, en attendant avec calme la formation de l'assemblée constituante et le résultat de ses travaux. Mais ce ne fut pas sans quelque difficulté que la diète obtint de la ville de Bâle quelle accèderait à ses invitations, discontinuerait les démonstrations militaires et accorderait une amnistie aux insurgés. Tout semblait apaisé, et la diète put s'occuper avec une sage énergie des mesures propres à faire respecter l'indépen

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