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. Nous sommes instruits par lui de tous les événements; il ne nous a rien appris au sujet de ces ordres et de ces papiers prétendus.

On a parlé des armements de l'Espagne: les bruits qui s'étaient répandus à cet égard avaient éveillé toute l'attention du gouvernement. Nous avons déclaré au cabinet de Madrid que, dans le cas où ces armements se raient réels, il fallait qu'il s'expliquât, afin que la France pût prendre de son côté toutes les précautions que commanderaient les circonstances. • Les explications les plus nettes et les plus précises ont été données. Aucun armement n'avait eu lieu : nous en avons exigé l'assurance et la preuve. (Marques de satisfaction.)

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On a dit que la guerre était inévitable, que tous les cabinets étaient prêts, que de nombreux armements nous pressaient de toutes parts. Notre devoir, Messieurs, est de vous déclarer que nous n'aurons la guerre que parce que nous l'aurons voulu. (Sensation.) Sans doute les armements du nord ont été considérables, et la France ne s'y est pas montrée insensible. La France a positivement déclaré que si une armée russe mettait le pied en Prusse, en Saxe ou en Allemagne, elle regarderait le statu quo comme rompu, et ne prendrait conseil que de son honneur. (Ássentiment général.)

Des explications franches et positives ont été adressées à Paris, et je dois ajouter qu'elles ont précédé les événements de Pologne. (Sensation.) De tous côtés nous recueillons les assurances les plus pacifiques. On objecte à cela que les paroles diplomatiques n'engagent pas, que les promesses de cette nature sont vaines: Messieurs, nous leur attribuons un peu plus de valeur. Toutefois, nous n'hésitons pas à le reconnaître, nous serions coupables si, sur la foi des promesses, nous nous endormions dans une indolente sécurité; mais, Messieurs, la France, qui veut la paix, est prête à la guerre: son gouvernement n'a point sommeillé. »

Cette courte et précise réplique, accueillie par des applaudissements, couronna la discussion. Depuis quelque temps la Chambre sentait le besoin d'y mettre un terme, et elle adopta la clôture pure et simple, proposée par le président, à la presque unanimité.

Des débats de cette nature ne pouvaient avoir qu'un effet moral : le ministère avait réussi à détruire en partie les préventions qui l'entouraient relativement à la question belge; les dernières explications de M. Sébastiani trouvèrent de l'assentiment dans la Chambre et hors de la Chambre. Cependant la question n'en restait pas moins entière : le lendemain du jour où se terminait à Paris cette longue et grave conversation politique, on commençait en Belgique la délibération sur le choix du chef de l'état : nous aurons à mentionner, ailleurs quelle en fut l'issue. (Voyez l'Histoire étrangère, chap. 1.) Arrêtons-nous un instant pour jeter un coup d'ail sur l'état

de la capitale, qui, depuis les journées de décembre, se reposait des grandes émeutes, mais que de temps en temps agitaient des troubles légers, partiels, soulevés au moindre prétexte. La jeunesse des écoles n'avait pas cessé d'être travaillée par des individus étrangers à ses études. Dans le commencement du mois de janvier, M. Barthe, ministre de l'instruction publique, crut devoir lui rappeler, dans un avis, les termes d'une ordonnance du 5 juillet 1820, portant défense aux étudiants, soit d'une même faculté, soit de diverses facultés de différents ordres, «de former entre euxaucune associa«tion, et d'agir ou d'écrire en nom collectif, comme s'ils for<«maient une corporation ou association légalement recon«nue.» Une protestation contre cet avis fut rédigée et insérée dans le journal la Tribune. Par un arrêté du 15 janvier, le conseil royal de l'instruction publique renvoya devant le conseil académique les élèves signataires de la protestation. Le 22, le conseil académique s'était réuni à la Sorbonne pour juger cette affaire. Un nombreux attroupement se forma dans la rue de Sorbonne; des menaces, des cris se firent entendre: ils redoublèrent à la vue de M. Barthe et de M. Persil, procureurgénéral. Pendant la délibération du conseil, la foule grossit, et le désordre augmenta à tel point, que les portes furent forcées, et que plusieurs individus, qu'on ne reconnut pas pour des étudiants, pénétrèrent jusque dans la salle des séances, que les membres du conseil venaient de quitter. Les siéges, les tables furent renversés, et les registres lancés par les croisées : M. Barthe, accompagné de M. Persil, se présenta pour parler aux groupes et les calmer; mais on ne leur laissa pas le temps de prendre la parole: de la boue, des œufs, des pierres même furent lancées contre eux. M. Barthe eut à peine le temps de regagner sa voiture, dont les glaces furent brisées : le domestique qui était derrière fut atteint d'une pierre. Les instigateurs présumés de ces scènes déplorables furent arrêtés, et devinrent l'objet d'une instruction judiciaire.

L'émeute étant à l'ordre du jour, dans plusieurs colléges les

élèves se portèrent à des excès assez graves, tantôt pour obtenir le renvoi d'un chef, d'un professeur, tantôt, comme dans le college de Henri IV, pour obtenir le rappel de quelques jeunes gens congédiés à raison de fautes contre la discipline. Pour achever de caractériser l'esprit de l'époque, il est un fait important à rappeler. Tous les jours des adresses des villes, communes et gardes nationales du royaume arrivaient au pied du trône. Celle de la ville de Gaillac, département du Tarn, fut présentée le 29 janvier; elle était ainsi conçue:

SIRE,

Liberté, ordre public, tels sont la devise et le besoin de la France régénérée. En vous élevant sur le pavois, la nation était sûre d'obtenir ces deux biens inséparables. Le duc de Chartres, le duc d'Orléans, lui répon daient de Louis-Philippe. Éloignée de la cité des miracles patriotiques, la ville de Gaillac s'est associée à tous les généreux mouvements de la population parisienne. Nous avons arboré avec enthousiasme et fierté ce drapeau tricolore qui rappelle et promet tant de gloire; et aujourd'hui, après des désordres arrêtés par la sage énergie de la garde nationale, le puissant exemple du vétéran de la liberté et le concours de tous les bons citoyens, nous venons déposer à vos pieds le tribut de notre amour, et vous faire part des douces émotions qu'éprouvent nos cœurs français à l'aspect des vertus civiques de décembre. Au dehors, la France veut être indépendante de l'étranger; au dedans, elle veut être indépendante des factions; et ce que la France veut, personne au monde n'a le pouvoir de l'empêcher.

Nés dans une contrée agricole, dont un hiver rigoureux a compromis pour long-temps la prospérité, nos concitoyens ne savent pas désespérer de la Providence: ils attendront sans impatience le fruit de leur travail, comme ils se reposent sur le gouvernement de Votre Majesté, qui êtes notre providence politique, du soin d'assurer le développement des conquêtes de juillet. Ces sentiments animent le peuple, la garde nationale et les membres du conseil municipal de la ville de Gaillac. C'était un besoin pour eux de vous les exprimer : ils sont tout prêts à répondre à l'appel que vous leur feriez pour la défense de la patrie, celle de nos lois et de votre dynastie populaire. »

Voici la réponse que Sa Majesté fit à cette adresse :

Si les besoins de la patrie me mettaient dans le cas d'appeler les gardes nationaux et tous les citoyens à défendre notre indépendance contre une agression étrangère, je ferais cet appel avec une pleine confiance. Mais j'espère que cette nécessité n'existera pas. Nous ne devons pas seulement chérir la paix, nous devons encore éviter tout ce qui pourrait provoquer la guerre. Il n'y a que l'honneur national, il n'y a que les intérêts nationaux qui puissent nous porter à la faire. Mais nous parviendrons à l'éviter, et la France pourra jouir en paix des avantages qu'elle a si glorieusement conquis. Toutefois, il faut s'entendre sur ces avantages. Il ne faut pas croire qu'ils consistent dans une extension de toutes les libertés, au-delà des bornes que l'ordre public et l'esprit de nos institutions ont

posées. Sans doute la révolution de juillet doit porter ses fruits; mais cette expression n'est que trop souvent employée dans un sens qui ne répond ni à l'esprit national, ni aux besoins du siècle, ni au maintien de l'ordre public. C'est pourtant cela qui doit nous tracer notre marche. Nous chercherons à nous tenir dans un juste milieu, également éloigné des excès du pouvoir populaire et des abus du pouvoir royal. Ami de la liberté, patriote sincère, je l'ai toujours chérie, et j'ai déploré les désordres qu'ont entraînés les mouvements révolutionnaires; je suis venu avec le désir, avec l'intention d'en préserver mon pays, aussi-bien que de tous les abus de l'arbitraire dans l'exécution des lois.

Sans doute on a remarqué dans les dernières lignes de la réponse royale l'expression de juste milieu, employée par le roi dans le sens le plus clair, le plus raisonnable: cependant les partis extrêmes s'en emparèrent et s'en servirent désormais en attachant à ce mot une idée de réprobation, de raillerie, de flétrissure contre le système politique adopté par Louis-Philippe et suivi par son cabinet. Notre histoire, depuis quarante aus, est pleine de ces sobriquets que les partis se donnent mutuellement, dans la fureur de leurs passions politiques, et dont les temps calmes font justice.

CHAPITRE III.

Loi municipale.- Troubles à l'occasion de l'anniversaire de la mort du

duc de Berri. — Dévastation de l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois et de l'Archevêché. Suppression des fleurs de lis dans le sceau de

l'État. — Explications demandées au ministère.

Lorsque, sous le ministère de M. de Martignac, le gouvernement de la restauration sembla vouloir resserrer son alliance avec le pays, en lui garantissant quelqu'une de ses libertés, en lui accordant quelqu'une des institutions toujours promises et toujours ajournées, deux projets de loi sur l'organisation municipale et départementale furent présentés simultanément à la Chambre des députés. On n'a pas oublié comment une grave dissidence, survenue entre le ministère et la majorité de la Chambre, d'abord sur la priorité que, malgré le ministère, la majorité voulut donner à la discussion de la loi départementale, ensuite sur la suppression des conseils d'arrondissement, que cette même majorité fit prononcer, détermina le brusque retrait des deux projets de loi, porta un coup mortel au ministère qui les avait conçus, et par suite à la royauté, qui marcha dès lors d'un pas rapide à une catastrophe inévitable.

En présentant les deux projets de loi, dont il était loin de prévoir la destinée, M. de Martignac avait déclaré un nouveau système d'organisation municipale, d'autant plus nécessaire que le système actuel était entaché d'illégalité. La révolution de 1830 rendit cette nécessité plus évidente, plus pressante: aussi la nouvelle Charte promettait-elle des institutious municipales, fondées sur un système électif. Mais, en attendant ces institutions, beaucoup de communes se refusaient à recevoir les officiers municipaux nommés par les préfets; l'administration se trouvait entravée ; il y avait donc un besoin à satifaire,

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