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On a beaucoup parlé, disait-il ensuite, d'une réforme radicale par laquelle on entend le suffrage universel et le vote au scrutiu secret; quant à moi, je trouve la réforme radicale tout entière dans le présent bill. Son plus grand défaut est d'avoir fondé la représentation sur la base incertaine et dangereuse de la population; il en résultera que la réforme et les changements ne finiront jamais. Plus je considère le bill, plus je suis convaincu qu'il donnera une immense prépondérance aux intérêts démocratiques; qu'il s'en suivra une guerre à mort contre les grandes proprietés, contre le droit d'ainesse, et, en définitive, contre la dette publique..

5 et 6 octobre. A mesure que cette discussion vive et parfois orageuse s'avançait, les intentions hostiles au bill se dessinaient avec plus de franchise et de force. L'assemblée de Birmingham et toutes les démonstrations populaires de ce genre avaient exaspéré plutôt qu'intimidé les anti-réformateurs. Ils attaquèrent sans détour ces réunions et ces associations; ils signalèrent le refus de l'impôt comme un acte de trahison.

Le bill, qui souvent semblait disparaître au milieu de toutes ces questions incidentes, continuait à être critiqué amèrement comme devant conduire à une démocratie qui engloutirait la pairie et la royauté (lord Dudley). Il était injuste, disait-on encore, parce qu'il dépouillait les citoyens de leurs droits acquis; il était inconstitutionnel, parce qu'il renversait toutes les institutions du pays (le marquis de Londonderry). Necker, suivant le noble marquis, avait été cause de la révolution française, et il espérait que le comte Grey ne serait pas le Necker de l'Angleterre. Non moins contraire que les préopinants au bill actuel, le comte d'Haddington, qui appuyait son opposition de plusieurs passages des discours de M. Canning, n'allait pourtant pas jusqu'à soutenir que toute réforme fût superflue. Le comte de Falmouth disait qu'il fallait agir franchement et rejeter le bill tout d'un coup au lieu de l'attaquer en détail dans le comité. Tel était aussi l'avis du comte de Carnavon, qui prétendait que la mesure de réforme ne plaisait à personne. «Il ne faut pas, ajoutait-il, céder à l'intimidation; les ministres peuvent être effrayés, mais à coup sûr VV. SS. ne le sont pas. Ce n'est pas dans un moment d'agitation que des mesures aussi importantes peuvent être adop

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tées. Travaillons d'abord à calmer le pays, et laissons au peuple le temps de la réflexion. >>

D'un autre côté, on signalait l'inconséquence des antagónistes du bill, en faisant remarquer que, quoiqu'ils reconnussent la nécessité d'une réforme, ils refusaient de publier leurs plans; que la nation avait droit de se plaindre, puisque ceux qui étaient les médecins de l'État devaient donner leurs ordonnances et ne pas l'abandonner au charlatanisme du comte Grey (le marquis de Lansdown). On prouvait aussi que la demande d'une réforme parlementaire n'était pas nouvelle; elle remontait plus haut que la révolution française (lord Goderich). «Cette révolution, disait ensuite l'orateur, a été causée, non par Necker, mais par la corruption de la cour, la dégradation et les priviléges exclusifs de la noblesse et l'esclavage du peuple. Les maux qui en sont résultés doivent nous servir de leçon, pour nous apprendre à les éviter.» On ne gagnerait rien en rejetant le bill; avant six mois il faudrait adopter une mesure semblable, et il n'est pas sage de céder à l'importunité ce qu'on dénie à la raison (lord Plunkett).

n'aurait

7 octobre. Persuadé que le bill ne tendait qu'à détruire les institutions du pays, lord Wyndford déclara que son invariable détermination était de le repousser. Il soutint que l'on pas dû dissoudre le parlement dans un moment de si grande agitation. L'état de l'esprit public ne permettait pas que la Chambre usât dans toute leur étendue de ses justes priviléges. « Le parlement a été dissous, disait-il, aux cris de la réforme mêlés à ceux de la misère qui accable le peuple. presse a prêté son influence à la plus mauvaise des causes, et des pétitions ont été présentées à la Chambre, dans lesquelles noms après noms sont écrits par la même main.» S. S. ne demandait pas mieux que de voir accorder des droits politiques à ceux qui étaient capables de les exercer; elle avouait la justice des droits du peuple; mais elle ne croyait pas que ce peuple pût les apprécier convenablement dans l'irritation où il se trouvait.

La

rien offrir de nouveau à relever, si ce n'est l'attitude hostile ou favorable au bill que prirent quelques pairs, dont l'opinion empruntait de leur position politique un caractère plus remarquable. C'est ainsi que lord Lyndhurst, ex-lord chancelier, lord Tenterden, grand-juge de la cour du banc du roi, et l'archevêque de Cantorbéry se prononcèrent contre le bill.

Les orateurs, dans les deux partis, s'étaient souvent adressés au banc des évêques, dont le vote en cette circonstance pouvait décider du sort de la mesure. Jusqu'alors une sorte d'incertitude avait régné sur la détermination que prendraient les révérends prélats. Mais le discours de l'archevêque de Cantorbéry présageait que l'appui des lords spirituels manquerait aussi à la réforme.

Deux frères du roi s'exprimèrent ensuite dans des sens contraires le duc de Sussex pour, et le duc de Glocester contre le bill. Enfin lord Grey vint clore cette longue discussion, en repoussant avec énergie les arguments de l'opposition, dont plusieurs membres avaient combattu le bill, à ce qu'il lui semblait, moins dans le but de le faire échouer, que de chasser ses défenseurs du ministère.

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Ne vous abusez pas, Milords, dit S. S., le rejet du bill jettera un mécontentement profond dans le peuple. J'espère que, malgré ses souffrances, il n'ira pas jusqu'à troubler la paix publique, et que surtout il n'aura pas recours à cette résistance passive que ses ennemis lui conseillent; je veux dire le refus de l'impôt; car rien ne serait plus contraire à la constitution du pays.

« On a dit que, dans des circonstances pareilles, si j'abandonnais le ministère, ce serait de ma part un abandon coupable du roi. J'aurai alors à voir ce que je devrai faire, et vous pouvez être sûr que je n'abandonnerai pas le roi aussi long-temps que je pourrai lui être utile. Je n'ai jamais désiré le pouvoir : il m'a été offert comme un devoir auquel ne devait pas se soustraire un homme qui a d'aussi grandes obligations que moi à son souverain. Je ne demande que la retraite et l'obscurité de la vie domestique au sein de ma famille; mais, je le répète, tant que le parlement, le pays et le roi ne me retireront pas leur confiance, je resterai au ministère, et, quoi qu'il arrive, j'en sortirai avec la conscience de n'avoir rien négligé pour servir mon roi et mon pays. »

Des applaudissements prolongés suivirent ces paroles du ministre, mais plutôt comme un hommage rendu à un grand talent, que comme signe d'un changement opéré dans les con

victions de la majorité, ainsi que le prouva la division qui se it le 8 octobre, à six heures du matin. Elle donna pour résultat:

Contre la seconde lecture du bill

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Ainsi la majorité des pairs n'avait tenu aucun compte de l'opinion publique, si généralement favorable à la réforme; l'opinion publique à son tour tint bon contre le vote de la Chambre haute. Ni l'enthousiasme pour le bill, ni l'espérance de le voir tôt ou tard passé en loi du pays ne diminuèrent d'un seul degré de toutes parts, dès le premier moment, ce fut un cri unanime pour que le ministère réformateur ne se reti

rất pas.

10 octobre. A l'ouverture de la séance de la Chambre des communes, le lundi suivant, lord Ebrington proposa de déclarer, 1o que la Chambre avait vu avec un extrême regret le rejet du bill de réforme, conçu et discuté avec tant de soin et de maturité, demandé et accepté universellement par la nation;

qu'elle conservait l'intime conviction de la nécessité de la réforme, fondée sur les principes du bill de lord John Russel, et qu'elle était déterminée à soutenir les ministres actuels dans leur lutte pour faire triompher la mesure.

Jamais, dit lord Ebrington, je n'ai senti aussi fortement la terrible

(1) Tous les évêques, au nombre de 21, avaient voté contre la seconde lecture, à l'exception de ceux de Chichester et de Norwich. L'archevêque ¿'York et six autres évêques, y compris celui de Londres, s'étaient abs

tenus.

situation du pays que dans le moment actuel; mais ce n'est pas sur cette situation, que vous connaissez aussi bien que moi, que je viens vous parler. Ce que j'ai à vous proposer est tout simplement la confirmation de ce que vous avez déja fait. Vous avez adopté un bill, reconnaissant que la représentation dans cette Chambre exige des changements (applaudissements). Quoique le bill n'ait pas été aussi loin que je l'aurais désiré, cependant il va plus loin qu'aucune mesure que qui que ce soit aurait pu proposer (écoutez!). Il aurait satisfait aux vœux d'une grande partie de la société, et aux besoins de la communauté; je ne puis m'empêcher d'après cela de regretter le résultat. Les ministres en place ont beaucoup fait pour tranquilliser la société, qui était fort agitée au moment où ils sont entrés au ministère. En moins d'un an ils ont aboli plusieurs impôts importants; ceux entre autres sur la chandelle, les cotons imprimés et le charbon; ils ont amendé les lois sur la chasse à la satisfaction de tous les hommes moraux (1) (applaudissements) D'un autre côté, les plaideurs à la cour de la chancellerie n'ont-ils rien gagné par le nettoiement de ces étables d'Augias (grands applaudissements? Les efforts gigantesques de mon noble et savant ami ont fait des miracles; il a déployé des forces presque au-dessus de l'humanité. Il est cependant douloureux de penser que le gouvernement soit tombé entre deux opinions, et qu'il ait essayé de concilier des personnes qui ne pourraient ja, mais se concilier avec un gouvernement libéral. Il y a eu des péchés d'omission aussi bien que d'action, et sous ce rapport les ministres viennent de recevoir une leçon assez sévère. J'espère que le noble lord Grey nous sera conservé à la tête du gouvernement, et qu'il évitera a l'avenir ce qui lui a été si fatal. Quant à moi, je continuerai à soutenir l'administration, mais jamais je n'y accepterai une place. Je me flatte qu'elle sentira la né cessité d'agir différemment et d'une manière plus décidée à l'avenir. Elle jouit de la confiance du pays, et je ne doute pas que sous peu elle ne réussisse dans une mesure sans laquelle il n'y a point de tranquillité à espérer, Elle passera, pourvu que le peuple reste calme et le gouvernement ferme. Rien ne saurait l'empêcher de passer. (Applaudissements.)

Plusieurs orateurs prirent ensuite la parole pour appuyer la motion, s'accordant tous à déclarer que le maintien du ministère, dans l'état actuel des choses, pouvait seul assurer la tranquillité publique, et que la démission des ministres, en trompant toutes les espérances de la nation, la jetterait dans un abime d'anarchie et de confusion. La constitution serait suspendue de fait, toutes les autorités seraient méconnues, les sommations des percepteurs d'impôts méprisées, les propriétés

(1) Ceci est une allusion à un bi!l récemment adopté par les Chambres et sanctionné par le roi, pour détruire le privilége sur la chasse, dont jouissait seule la haute noblesse. En vertu de ce bill, qui a passé inaperçu, malgré son importance, au milieu des discussions sur la réforme, chacun désormais pourra chasser sur son terrain.

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