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CHAPITRE VII.

Des principales définitions géographiques.

On a recherché, dit M. Walckenaer, et on a décrit avec soin les plus petits animaux, les plantes les plus humbles; mais on n'a point encore considéré le globe terrestre en luimême, et comme le corps de la nature le plus digne d'attention, le plus important à connaitre et à décrire. Des mots sans nombre ont été inventés pour peindre par la parole les signes et les formes des plus petites parties des minéraux, des végétaux et des animaux, et la géographie n'en a point encore pour dessiner plusieurs des grands traits que présentent les continens et les mers, pour exprimer convenablement la configuration si variée des côtes, les formes si diverses des montagnes, les lignes sinueuses et compliquées des fleuves et des rivières; pour caractériser enfin toutes les différences principales que le sol présente dans ses convexités et ses enfoncemens, sa composition, sa nature et son aspect. Il est vrai que dans ces derniers temps on a essayé de remplir ces lacunes, et Malte-Brun, Ritter, Walckenaer et les savans continuateurs de l'Encyclopédie méthodique ont proposé plusieurs termes aussi justes que convenables pour atteindre ce but; mais il reste encore beaucoup à faire pour y atteindre entièrement. Notre cadre ne nous permettant pas de donner tous les termes techniques de la géographie, nous nous sommes borné à n'offrir dans ce chapitre que ceux qui sont les plus indispensables pour l'étude de cette science et pour l'intelligence des relations de voyages. Nous les avons partagés en deux classes dis tinctes: termes qui appartiennent à la géographie physique, et termes qui appartiennent à la géographie politique. Nous commencerons par ceux de la première classe.

En jetant les yeux sur un globe terrestre, ou sur un planisphère, on est frappé d'abord de l'espace immense occupé par la masse d'eau continue nommée océan, receptacle de la plus grande partie des eaux du globe, dont elle couvre environ les trois quarts de la surface. Au milieu de l'océan se montrent différentes portions de terre, toutes séparées les unes des autres. Les parties de terre ainsi environnées d'eau se nomment iles.

Parmi ces portions de terre, trois se font remarquer au premier coup-d'œil par leur grandeur, et doivent être nommées continens. La plus considérable est appelée AncienContinent, parce que c'est le premier dont nous ayons eu connaissance; elle comprend l'Europe, l'Asie et l'Afrique; la seconde est nommée Nouveau-Continent, parce qu'elle a été découverte beaucoup plus tard; on l'appelle aussi Amérique; enfin, la troisième, qui est incomparablement plus petite que les deux premières, a reçu le nom impropre de Nouvelle-Hollande, nom que depuis quelque temps on remplace généralement par celui de Australie, et auquel nous donnerons, par analogie avec les deux précédens, le synouyme de Continent-Austral. Toutes les autres terres qui s'élèvent au-dessus du niveau des eaux sont regardées comme des iles. Les contours des continens et des îles qui baignent les eaux de l'océan et de ses subdivisions, se nomment cotes.

Les circonstances différentes de position absolue ou relative dans laquelle se trouvent les iles, ont engagé les géographes à leur donner différentes dénominations. Nous croyons que dans l'état actuel de la géographie on pourrait s'arrêter aux distinctions suivantes :

Ile proprement dite, est toute terre, environnée de tous côtés par l'eau, quelle que soit son étendue; le géographe n'admet que trois seules exceptions, qui sont les trois continens que nous avons nommés. Les plus grandes iles du globe sont: Bornéo, la Papouasie (Nouvelle-Guinée), le Groënland, Sumatra, Madagascar, Niphon, Cuba, la Grande Bretagne, etc., etc.

Un petit nombre d'îles placées à peu de distance les unes des autres, ou bien une ile principale environnée de plusieurs autres incomparablement moins étendues qu'elle, forine un groupe; le groupe de Malte, en Europe, et le groupe de Sumatra, dans l'Océanie, peuvent servir d'exemple.

Plusieurs iles, de différente étendue, tantôt assez rapprochées entre elles pour être en vue l'une de l'autre, tantôt mème à de plus grandes distances, forment un archipel Presque tous les archipels se composent de la réunion de plusieurs groupes. Tout le monde connait l'archipel grec, que par antonomase on appelle l'Archipel. Nous citerous en outre Yarchipel des Antilles, en Amérique, et l'archipel de Sumbava-Timor, dans l'Océanie.

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Nous proposons d'étendre la dénomination d'Attole ou Attolon, que depuis longtemps l'usage a employée pour désigner les groupes qui forment l'archipel des Maldives, à toutes les réunions d'iles qui offrent le même caractère. Ce sont de petites îles basses, groupées sur d'étroits plateaux madréporiques, qui ceignent un bassin oval ou circulaire et présentent des coupures plus ou moins accessibles aux pirogues ou aux navires. Toutes les les de l'archipel de Pomotou (Dangereux) et de l'archipel Central (Mulgrave, etc.), sont des citolons. Des attolons servent aussi quelquefois de ceintures à des îles fort élevées, et plus importantes; ainsi les îles d'Hogoleu, dans l'archipel des Carolines, celles de Borabora et de Maupiti, dans l'archipel de la Société, sont entourées par des attolons, sans lesquels elles n'auraient pas de bons ports. L'Amérique nous offre sous les dénominations de Kers, de Caves, de Jardins et d'Arrecifes, de véritables attolons dans l'archipel de Babama et près des côtes de la grande île de Cuba. L'Afrique en offre aussi dans le grand archipel, que nous avons proposé de nommer archipel de Madagascar, et dont les Seychelles font partie.

The portion de terre qui avance dans la mer, et qui ne tient au continent ou à l'ile dont elle dépend que par un terrein étroit, se nomme presqu'ile ou péninsule; comme la Motée, la Crimée, etc. La portion resserrée de terre qui l'empêche d'être entièrement catourée d'eau est un isthme, comme celui de Corinthe qui joint la Morée à la Livadie, de Precap qui réunit la Crimée au reste du gouvernement de la Tauride. La plus grande de toutes les péninsules du globe est l'Afrique, qui ne tient à l'Asie que par l'isthme de Sse. Un autre isthme célèbre est celui de Panama, qui joint l'Amérique du Nord à l'Amérique du Sud. L'usage classe depuis long-temps parmi les péninsules l'Espagne avec le Portugal, l'Italie, la Turquie d'Europe au sud du Danube, l'Asie-Mineure, l'Arabie, Vlade, et l'Indo-Chine, etc., malgré la largeur du côté qui les unit au corps du continent. Nous ne ferons point de difficulté à accorder cette qualification à l'Espagne avec le Portugal, et a l'Italie moyenne et méridionale, à l'Asie-Mineure, à l'Arabie entre la mer Rouge et le golfe Persique, à l'Inde au sud de la Nerbouddah, etc., etc.; mais il nous semble que eetle qualification devient tout-à-fait impropre en l'appliquant sans aucune restriction aux pays que nous venons de nommer. Nous pensons avec M. Walckenaer qu'il conviendrait fappeler ces péninsules et tant d'autres qu'offre le globe presqu'iles ouvertes, parce que le pus souvent elles ne tiennent au continent que par leur côté le plus large, comme l'Inde, -Chine et l'Italie.

L'extrémité d'une terre qui s'avance dans la mer d'une manière bien prononcée se we promontoire ou cap, comme le Cap-Nord dans la Laponie, le Cap-de-BonneLiperance à l'extrémité de l'Afrique australe, etc. Les saillies les moins considérables et Yu devees s'appellent pointes. Ces deux distinctions ne sont pas toujours employées avec Laut le discernement desirable. Le mot promontoire, comme synonyme de cap, appartient au style élevé et désigne plus particulièrement l'extrémité d'un continent dans une direc1 remarquable.

Les montagnes sont les éminences les plus considérables de la terre, et qui en mème emps ont une pente rapide, ou du moins sensible. Il faut les distinguer des plateaux, qui xat de grandes masses de terre élevées, formant d'ordinaire le noyau des continens ou des , mais qui ont des pentes moins rapides et plus étendues. Un plateau peut renfermer de montagnes, des plaines et des vallées; il y en a qui sont assez inclinés pour laisser ter les eaux qui se rassemblent à leur surface; il y en a d'autres qui conservent penfast un long espace le même niveau, et où les rivières ne trouvent point de débouché: rencontre des plateaux de cette dernière espèce en Europe, principalement en Croatie a Carniole, mais ils ont de petites dimensions; pour les voir en grand, il faut visiter la Tartarie, la Perse, et l'intérieur de l'Afrique et de l'Amérique. Ces plateaux ont un niveau qural plus élevé que le reste des continens; ils semblent être les plus anciens massifs de arre, et comme les noyaux autour desquels les terreins nouveaux se sont accumulés. Le plus vaste et le plus célèbre de tous les plateaux est celui de l'Asie moyenne. Les pentes des plateaux et les monts qui les soutiennent et par où l'on y monte, se nomment leurs cerpemens. Les anciens n'ont pas su distinguer les plateaux des montagnes, ou plutôt ils designaient toujours les plateaux par le nom de montagnes, ce qui a causé beaucoup de rprises, surtout à l'égard de la chaine du mont Taurus.

Quelquefois, sur un sol entièrement uni et loin de toute grande chaîne, s'élève une montagne ou un amas de rochers, qui supportent une plaine fertile et arrosée de sources, semblable à une île verdoyante suspendue au milieu des airs. Cette espèce de montagne est assez commune dans l'Abyssinie où on les nomme ambas; nous proposons d'étendre ce nom à toutes les hauteurs de ce genre. Après l'Abyssinie c'est le Congo, l'Indoustan, la Chine et le nord de l'Amérique méridionale, qui sont les régions où on les rencontre. Les ambas sont comme disposés par la nature à recevoir des forteresses; aussi y a-t-on construit celles de Gwalior et de Doulatabad dans l'Inde, celle de San-Salvador dans le Congo. Les plus célèbres ambas de l'Abyssinie sout l'amba Geshen, où l'on renfermait les membres de la famille impériale; l'ambacel qui servait au mème usage, l'amba Gideon, l'amba Sanet, etc. Konigstein, Lilienstein et Sonnenstein en Saxe, rappellent les ambas de l'Asie et de l'Afrique.

On distingue dans un mont ou une montagne, sa base ou le pied, qui est l'endroit où elle commence à se séparer de la plaine; le flanc, qui forme la pente; la croupe, qui surmonte le flanc; le sommet, qui repose sur la croupe; la cime, qui couronne le sommet ; et le point culminant, qui est l'extrémité de la cime. Les montagnes, au lieu de s'élever de la base au sommet par une pente insensible, sont souvent taillées en gradins réguliers qui se nomment assises. Quand le sommet d'une montagne est conique ou pointu, on le nomme pic, piton ou puy; un mont se trouve souvent désigné par la forme de son sommet: c'est ainsi qu'on dit le Pic de Ténériffe et le Puy de Dome. Un sommet prismatique ou anguleux, comme dans les Alpes, prend le nom d'aiguille, de dent ou de corne; s'il est détaché on le nomme brèche; telle est la brèche de Roland dans les Pyrénées. Un sommet arrondi, comme on en trouve plusieurs dans la chaîne des Vosges, s'appelle ballon. Si un sommet a une forme cylindrique, il prend le nom de cylindre, comme le cylindre de Marboré, dans les Pyrénées; s'il est aplati, comme la montagne du Cap de-Bonne-Espérance et le fameux Mont-Thabor, on le nomme table ou plateau.

On nomme volcan toute montagne qui vomit des flammes, des laves, etc., etc., quelles que soient son élévation et sa position.

Les montagnes sont isolées, ou assemblées en chaines, groupes ou systèmes. Une chaine peut être définie par une suite de montagnes dont la base se touche; un groupe est l'union de plusieurs chaines, et un système est l'ensemble de plusieurs groupes. Le point où des chaines de montagnes se réunissent s'appelle nœud. Indépendamment de ces deux grandes divisions des montagnes, il existe des groupes de plusieurs chaines irrégulières, qui semblent ne suivre aucun ordre dans leur direction, et dont aucune ne peut être regardée comme la chaîne principale. On peut ranger dans cette classe les montagnes de la Perse, et celles de l'Asie-Mineure.

On regarde comme chaine principale d'un groupe, ou d'un système de montagnes, celle des revers ou des points culminans de laquelle dérivent les grands cours d'eau, considérés relativement à un grand réservoir, tel que l'Océan et les Méditerranées. Les deux grandes faces d'une chaîne principale, d'un chainon, d'un contre fort, etc., sont appelées versans, flancs ou revers. Un chainon, embranchement, ou chaine secondaire est une série irrégulière, mais assez suivie, de hauteurs, qui, se détachant de la chaîne principale, prend, à plus ou moins de distance de son point de départ, une direction qui tend au parallélisme, et forme les grandes vallées longitudinales, ou légèrement inclinées sur l'axe de la chaîne: c'est ainsi qu'on peut considérer les Apennins.

Le contre-fort ne differs du chainon qu'en ce qu'il a moins d'étendue; que sa direction, par rapport à l'axe de la chaine, s'approche plus de la perpendiculaire; qu'il n'accompagne et n'alimente pas toujours un grand cours d'eau, et qu'il se termine ordinairement, soi en s'abaissant dans une vallée longitudinale ou d'une manière abrupte sur la côte.

Les subdivisions latérales ou terminales des chaînons et des contre-forts qui ont quelque étendue, et qui forment les vallons de la vallée principale, se nomment rameaux. Les rameaux se subdivisent en collines, entre lesquelles se trouvent les sources de ruisseaux.

Les rochers coupés à pic qui bordent les côtes de la mer reçoivent le nom de falaises it on appelle dunes les monticules sablonneux qui longent les rivages.

Le nom d'aréte est appliqué à l'intersection obtuse ou aiguë des plans que forment le

ex versans d'une chaîne, ligne qui détermine le partage des eaux des deux revers opposés : st le faite de la montagne.

Le mot de crête est employé pour désigner l'arête ou le faîte du contre-fort.

Col est ordinairement le point où l'arête paraît faire une inflexion, et qui offre un pasd'un versant à l'autre, d'une tête de vallée à celle de la vallée opposée; c'est le sunt de partage des eaux. Ce même passage est appelé port dans les Pyrénées, et pertuis dans le Jura. La double rencontre des rameaux sur les chainons et contre-forts produit a des cols sur leur crète, aux têtes des vallons; mais ce nom appartient plus particurement aux passages de la chaîne.

Le defilé diffère du col en ce qu'il peut se trouver au pied des hauteurs, et que c'est usage toujours resserré entre deux escarpemens, par lesquels il est encaissé ou supporté. Pasieurs cols et défilés sont célèbres, dans la géographie ancienne, sous le nom de

des Nations, faisant allusion au rôle qu'ils jouaient relativement à la vallée qui Permait la petite nation indépendante qui y demeurait. Telles étaient les portes du Case, les portes Caspiennes, celles de Suse ou de la Perside, les Thermopyles, les Farches Caudines, etc., etc.

Os donne le nom de gorge à une partie de vallée très étroite; c'est l'intervalle resserré tre deux contre-forts, qui se trouve plus ordinairement voisin de leur point d'attache a la chaine, et qui y sert de couloir plus ou moins fortement accidenté à un torrent. Quand la gorge a une certaine étendue, sans prendre trop d'évasement, quoique sa pente diminue, elle prend le nom de val.

Qdk val se prolonge et s'élargit, il donne naissance à une vallée, qui prend quelqueles son nom, même à son origine, lorsqu'elle y est large et à berges adoucies. On distingue par la dénomination de vallée principale celle qui sert de berceau à un grand cours d'eau, qui, partant de la chaîne et suivant entre deux contre-forts le plan de la

generale, à moins qu'il ne soit détourné par une contre-pente, comme le Rhône est par le chainon de l'Ardèche, se rend au récipient principal, vers lequel verse ce plan de pente. La vallée est dite secondaire, quand elle prend son origine sur les flancs d'un on ou d'un contrefort et qu'elle est berceau d'un cours d'eau qui est affluent de d'ane vallée principale. La vallée est longitudinale, lorsqu'elle a pour l'une de ses erges les flanes mèmes de la chaine ou du chainon d'où elle descend, ou qu'elle en reçoit es afluens; telle est la vallée du Rhône jusqu'au lac Léman ou de Genève. Elle est traversale, lorsque sa direction approche de la perpendiculaire à l'axe de la chaîne o da chainon, et qu'elle a pour berges les flancs correspondans de leurs contre-forts ou rameaux, ou que ses affluens en descendent.

Après ce que nous venons de dire en parlant des plateaux et des vallées, nous définirons les plaines en disant que l'on appelle ainsi les différentes parties des continens ou des iles dont la surface est horizontale, unie, ou simplement sillonnée de légères ondulations pen profondes, larges et étendues, et bien distinctes des vallons ou des vallées. Elles sont Farement d'une horizontalité parfaite; la rondeur de la terre rend cela impossible à l'égard de toutes les plaines d'une étendue considérable; presque toujours elles sont inclinées vers quelques points de l'horizon. Les plaines se rencontrent dans les différentes sortes de terrems, à toutes les hauteurs au-dessus du niveau de la mer, sous tous les climats, et présenient tous les degrés de fertilité, depuis l'inépuisable fécondité du Delta égyptien, i la stérilité indestructible du sable des déserts.

La hauteur absolue ou relative des montagnes ayant des conséquences très importantes dans la détermination des climats physiques, dans celle des stations des végétaux et des animaux, et dans les révolutions politiques qu'offre l'histoire des peuples anciens et moderes, les géographes et les naturalistes ont proposé quelques dénominations relatives à leur classification. Aucun principe fixe n'ayant guidé jusqu'à présent ceux qui s'en sont sccupés, nous croyons pouvoir provisoirement donner la préférence à celle qu'a proposée M. Ritter. Ce savant géographe regarde comme de simples collines toutes les hauteurs qui ne dépassent pas 2,000 pieds; il appelle montagnes basses, ou de premier ordre, celles dont Televation va depuis 2,000 jusqu'à 4,000 pieds; il nomme montagnes moyennes, ou de se cond ordre, celles dont la hauteur est comprise entre 4,000 et 6,000 pieds. Les pointes qui selevent de 6,000 à 10,000 pieds sont pour lui des monts alpins (alpengebirge); il range enfin

parmi les montagnes gigantesque (riesen gebirge) tous les sommets qui dépassent ces limites. C'est toujours relativement au niveau des mers qu'on évalue les hauteurs respectives des montagnes. Les plus hautes que l'on ait mesurées jusqu'à présent se trouvent dans l'Himmalaya, en Asie, et dans les Andes, dans l'Amérique-Méridionale.

La surface du globe offre plusieurs vastes espaces incultes, dont le sol, quoique fécond, n'est pas propre dans son état naturel à la production de grandes forêts, est dépourvu de montagnes et s'étend en vastes plaines. Ces grandes solitudes different beaucoup entre elles par leur aspect général, par leurs produits et par le caractère de leur végétation. On les nomme steppes dans l'empire russe, djengle dans l'Inde, karrous dans l'Afrique la plus méridionale, savanes, llanos et pampas dans l'Amérique. Des solitudes semblables, mais infiniment moins étendues, se trouvent dans l'Europe occidentale, où on leur donne les noms de landes ou de bruyères en France, comme les landes de Bordeaux, entre les embouchures de la Garonne et de l'Adour; d'arendal dans la Nouvelle Castille, en Espagne; de haiden, dans le nord de l'Allemagne, etc. Comme ces solitudes, que la plupart des voyageurs et des géographes confondent avec les véritables déserts, qui en different entièrement, n'ont pas encore reçu de dénomination générale, nous pensons qu'on pourrait étendre celle de steppe à toutes les solitudes du globe qui présentent la réunion des caractères propres à ces vastes plaines. Quelques-unes des steppes de l'Asie sont sablonneuses et n'offrent que des touffes de gazon clair semées et de buissons rabougris; d'autres se couvrent d'herbes; d'autres se parent de plantes salines toujours vertes, grasses et articulées; un grand nombre brillent au loin d'efflorences muriatiques qui se cristallisent en forme de lichen sur un sol glaiseux, semé de taches blanches et semblable à de la neige nouvellement tombée; pendant la saison sèche, tout y parait brûlé, et les pluies seules y ramenent la verdure. Les karrous de l'extrémité méridionale de l'Afrique out, pendant la saison des pluies, un plus grand nombre de cours d'eau que les steppes de l'empire Russe et du Turkestan-Indépendant; mais ils présentent aussi un aspect stérile, et sont formés par une terre glaiseuse, parsemée de pierres. Les savanes de l'Amérique-du-Nord sont au contraire couvertes d'herbes hautes et abondantes ; il en est de même des llanos de la Colombie; situées dans la zone torride, leur aspect change deux fois chaque année à des époques régulières, et ces vastes plaines sont, tantôt arides et stériles comme les karrous de l'Afrique, tantôt verdoyantes et fertiles comme quelques steppes d'Asie. Les immenses pampas de Buenos-Ayres sont entrecoupées de bosquets de palmiers. Les djengles de l'Inde sont des espèces de fourrées de bois, de hautes herbes et de roseaux.

C'est ici également qu'il nous paraît plus convenable de classer ces vastes plaines de la côte de Guinée, où l'herbe, dite de Guinée, s'élève de dix à treize pieds de hauteur, et forme pour ainsi dire d'immenses forêts herbacées; et ces vastes espaces qui paraissent formés par alluvion, et dont le sol, composé de sable ou de terre fine, ne contient pas une seule pierre. On en trouve dans le royaume de Benin, dans la Basse-Guiane, dans le bassin de l'Orénoque et dans celui de l'Amazone. Ceux de ce dernier, dits pampas del Sacramento, sont les plus grands de tous; les sauvages nomades qui y demeurent parcourent souvent de 800 à 1,100 milles, sans rencontrer une seule pierre; leurs idiomes manquent mèrve d'expression pour désigner ce minéral.

Les déserts proprement dits sont des espaces, quelquefois d'une étendue immense, absolument stériles, où les végétaux ne peuvent croître, où les hommes et les animaux ne peuvent subsister. Ces affreuses solitudes privées d'eau et de verdure, dévorées par un soleil brûlant, n'offrent que des plaines sablonneuses, des montagnes encore plus arides, sur lesquelles l'œil se fatigue vainement à chercher quelque indice de vie.

Souvent un vent embrasé s'élève, suffoque les hommes et les animaux, soulève et roule des colonnes et des montagnes de sable, qui engloutissent tout sur leur passage, et eusevelissent des caravanes et des armées entières. Au milieu de ces océans de sable se trouvent des espaces resserrés, arrosés par des sources, ombragés par des arbres bienfaisans, où la nature développe souvent avec une surprenante fécondité ses productions les plus précieuses; ces terres heureuses, placées au milieu des déserts comme les îles au milieu des mers, se nomment oasis. L'Afrique et l'Asie offrent les déserts les plus vastes du globe. Celui de Sahara en Afrique jouit depuis des siècles d'une terrible célébrité; c'est le plus vaste que l'on connaisse.

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