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rant sa fille Radegonde, il laissa aussi des fils dont nous parlerons dans la suite. Hermanfried avait une femme méchante et cruelle, nommée Amalaberge, qui semait la guerre civile entre les frères. Un jour son mari, se rendant au banquet, trouva seulement la moitié de la table couverte, et comme il demandait à sa femme ce que cela voulait dire : « Il convient, dit« elle, que celui qui se contente de la moitié d'un << royaume, ait la moitié de sa table vide. » Excité par ces paroles et d'autres semblables, Hermanfried s'éleva contre son frère, et envoya secrètement des messagers au roi Théodoric, pour l'engager à l'attadisant : « Si tu le mets à mort, nous partagerons << par moitié ce pays. » Celui-ci, réjoui de ce qu'il entendait, marcha vers Hermanfried avec son armée; ils s'allièrent en se donnant mutuellement leur foi, et par tirent pour la guerre. En étant venus aux mains avec Baderic, ils écrasèrent son armée, le firent tomber sous le glaive, et après la victoire, Théodoric retourna dans ses possessions. Mais ensuite Hermanfried, oubliant sa foi, négligea d'accomplir ce qu'il avait promis au roi Théodoric, de sorte qu'il s'éleva entre eux une grande inimitié.

quer,

Gondebaud étant mort, son fils Sigismond fut mis en possession de son royaume, et édifia avec une soigneuse industrie le monastère de Saint-Maurice', où il construisit des bâtimens d'habitation et une basilique. Après avoir perdu sa première femme, fille de Théodoric, roi d'Italie, dont il avait eu un fils

I En 517.

2 Monasterium Agaunense, dans le diocèse de Sion en Valais, aq pied du Saint-Bernard.

nommé Sigeric, il en épousa une autre qui, selon l'ordinaire des belles-mères, commença à prendre son fils très-fort en haine, et à élever des querelles avec lui. Il arriva qu'en un jour de cérémonie, le jeune homme, reconnaissant sur elle des vêtemens de sa mère, lui dit, irrité de colère : « Tu n'étais pas digne de porter << sur tes épaules ces habits que l'on sait avoir appar« tenu à ma mère ta maîtresse. » Elle alors transportée de fureur, excita son mari par des paroles trompeuses, en lui disant : « Ce méchant aspire à posséder << ton royaume, et quand il t'aura tué, il compte l'é<< tendre jusqu'à l'Italie, afin de posséder à la fois le « royaume de son aïeul Théodoric en Italie et celui«< ci. Il sait bien que, tant que tu vivras, il ne peut ac«< complir ce dessein, et que si tu ne tombes, il ne sau<«<rait s'élever. » Poussé par ce discours et d'autres du même genre, et prenant conseil de sa cruelle épouse, Sigismond devint un cruel parricide, car voyant l'après-midi son fils appesanti par le vin, il l'engagea à dormir; et pendant son sommeil, on lui passa derrière le cou un mouchoir, qu'on lia au-dessous du menton; deux domestiques le tirèrent à eux chacun de son côté, et ils l'étranglèrent. Aussitôt que cela fut fait, le père, déjà touché de repentir, se jetá sur le cadavre inanimé de son fils, et commença à pleurer amèrement. Sur quoi, à ce qu'on a rapporté, un vieillard lui dit : « Pleure désormais sur toi qui, par de mé«< chans conseils, es devenu un très-barbare parricide; car pour celui-ci que tu as fait périr innocent, << il n'a pas besoin qu'on le pleure. » Cependant Sigismond s'étant rendu à Saint-Maurice y demeura un grand nombre de jours dans le jeûne et les larmes, à

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prier pour obtenir son pardon; il y fonda un chant perpétuel, et retourna à Sion, la vengeance divine le poursuivant pas à pas. Le roi Théodoric épousa sa fille.

La reine Clotilde parla cependant à Clodomir et à ses autres fils, et leur dit : « Que je n'aie pas à me re«< pentir, mes très-chers enfans, de vous avoir nourris << avec tendresse; soyez, je vous prie, indignés de « mon injure, et mettez l'habileté de vos soins à ven«ger la mort de mon père et de ma mère. » Eux, ayant entendu ces paroles, marchèrent vers la Bourgogne, et se dirigèrent contre Sigismond et son frère Gondemar. Vaincu par leur armée, Gondemar tourna le dos; mais Sigismond, cherchant à se réfugier au monastère de Saint-Maurice, fut pris avec sa femme et ses fils par Clodomir, qui, les ayant conduits dans la ville d'Orléans, les y retint prisonniers. Les rois s'étant éloignés, Gondemar reprit courage, rassembla les Bourguignons, et recouvra son royaume. Clodomir, se disposant à marcher de nouveau contre lui, résolut de faire mourir Sigismond. Le bienheureux Avitus, abbé de Saint-Mesmin, prêtre renommé de 'ce temps, lui dit : « Si, dans la crainte de Dieu, tu te «< ranges à de meilleurs conseils, et ne souffres pas qu'on tue ces gens-là, Dieu sera avec toi, et là où tu << vas, tu obtiendras la victoire; mais, si tu les fais «< mourir, tu périras de même, livré entre les mains de << tes ennemis, et il en sera fait de ta femme et de tes « fils comme tu feras de la femme et des enfans de Sigismond. >>

Mais le roi méprisant son avis, lui dit : « Je regarde «< comme la conduite d'un insensé, quand on marche

« contre des ennemis, d'en laisser d'autres chez soi. « Car ainsi, ayant l'un à dos, les autres en tête, je me « précipiterais entre deux armées; la victoire sera plus (( complète et plus aisée à obtenir, si je sépare l'un de « l'autre. Le premier mort, je pourrai beaucoup plus aisément me défaire du second. » Et aussitôt il fit mourir Sigismond avec sa femme et ses fils, en ordonnant qu'on les jetât dans un puits près de Coulmiers, bourg du territoire d'Orléans, et marcha en Bourgogne, appelant à son secours le roi Théodoric. Celui-ci, ne s'inquiétant pas de venger l'injure de son beau-père, promit d'y aller, et s'étant rejoints près de Véseronce, lieu situé dans le territoire de la cité de Vienne, ils livrèrent combat à Gondemar. Gondemar ayant pris la fuite avec son armée, Clodomir le poursuivit, et comme il se trouvait déjà assez éloigné des siens, les Bourguignons, imitant le signal qui lui était ordinaire, l'appelèrent en lui disant : « Viens, viens « par ici, nous sommes les tiens. » Il les crut, alla à eux, et tomba ainsi au milieu de ses ennemis qui lui coupèrent la tête, la fixèrent au bout d'une pique, et l'élevèrent en l'air. Ce que voyant les Francs, et reconnaissant que Clodomir avait été tué, ils recueillirent leurs forces, mirent en fuite Gondemar, écrasèrent les Bourguignons et s'emparèrent de leur pays. Clotaire, sans aucun délai, s'unit en mariage à la femme de son frère, nommée Gontheuque, et la reine Clotilde,

Près de ce bourg se trouvait en effet un puits nommé, dans quelques anciennes chartes, puits de Saint-Sigismond, ou par contraction, de Saint-Simond. Sigismond fut placé au nombre, non seulement des saints, mais des martyrs, d'après l'usage de ce temps qui honorait du titre de martyrs tous les innocens massacrés sans raison.

⚫ Selon d'autres, Voiron en Dauphiné.

les jours de deuil finis, prit et garda avec elle ses fils, dont l'un s'appelait Théodoald, l'autre Gonthaire et le troisième Clodoald. Gondemar recouvra de nouveau son royaume.

Après cela, Théodoric, qui n'avait point oublié le parjure d'Hermanfried, roi de Thuringe, appela à son secours son frère Clotaire, et se prépara à marcher contre Hermanfried, promettant au roi Clotaire sa part du butin, si la bonté de Dieu leur accordait la victoire. Ayant donc rassemblé les Francs, il leur dit : «< Ressentez, je vous prie, avec colère, et mon injure, << et la mort de vos parens; rappelez-vous que les

Thuringiens sont venus attaquer violemment nos « parens, et leur ont fait beaucoup de maux ; que « ceux-ci, leur ayant donné des ôtages, voulurent en«<trer en paix avec eux; mais eux firent périr les ôtages << par différens genres de mort, et, revenant se jeter «< sur nos parens, leur enlevèrent tout ce qu'ils pos« sédaient, suspendirent les enfans aux arbres par le « nerf de la cuisse, firent périr d'une mort cruelle plus << de deux cents jeunes filles, les liant par les bras au «<cou des chevaux, qu'on forçait, à coups d'aiguillons « acérés, à s'écarter chacun de son côté, en sorte

qu'elles furent déchirées en pièces; d'autres furent «< étendues sur les ornières des chemins, et clouées <«<en terre avec des pieux; puis on faisait passer sur «<elles des chariots chargés; et leurs os ainsi brisés, << ils les laissaient pour servir de pâture aux chiens et « aux oiseaux. Maintenant Hermanfried manque à ce « qu'il m'a promis, et semble tout-à-fait l'oublier. << Nous avons le droit de notre côté; marchons contre

* En 528.

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