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GRÉGOIRE DE TOURS.

saints monastères. Sur son rivage est bâtie une ville nommée Babylone, mais qui n'est pas cette Babylone dont nous avons parlé plus haut. Joseph y fit construire des greniers d'un travail étonnant, et bâtis en pierres carrées et en moellons. Ils sont spacieux dans le bas et resserrés dans le haut, de telle sorte qu'on y jette les grains par un petit trou. On voit encore aujourd'hui ces greniers. Ce fut de cette ville que le roi partit avec une armée de guerriers en char, et un grand nombre de fantassins pour poursuivre les Hébreux. Le fleuve ci-dessus nommé, venant de l'orient, va se jeter à l'occident dans la Mer Rouge. A l'occident, s'avance un étang ou un bras de la Mer Rouge qui va contre l'orient, et a environ cinquante milles de long et dix-huit de large. A l'extrémité de cet étang, une ville, nommée Clysma, a été bâtie non en raison de la fertilité du lieu, car il n'en est pas de plus stérile, mais à cause du port. Les vaisseaux qui arrivent de l'Inde s'y arrêtent à cause de la commodité de ce port. Les Hébreux ayant marché par le désert vers cet étang, s'avancèrent jusqu'à la mer, et, ayant trouvé de l'eau douce sur le rivage, ils y établirent leur camp. Ils s'arrêtèrent dans ce lieu resserré entre le désert et la mer, comme le rapporte l'Écriture: « Pharaon, appre<< nant qu'ils étaient embarrassés en des lieux étroits et « renfermés par le désert 3,» et qu'ils n'avaient aucun chemin pour s'échapper, mareha vers eux pour les poursuivre. A son approche, le peuple s'adressa à grands cris à Moïse. Celui-ci, par l'ordre de Dieu, ayant étendu

2

C'est le Caire.

Grégoire de Tours veut parler sans doute des Pyramides. 3 Exode, chap. 14, v. 3.

sa baguette sur la mer, elle se divisa : et les Hébreux passant à pied sec, et, comme dit l'Écriture, « entourés << des eaux comme d'un mur '; » et, ayant Moïse à leur tête, arrivèrent sains et saufs à l'autre rivage, qui est vis-à-vis le mont Sinaï, tandis que l'armée des Égyptiens fut submergée. J'ai dit plus haut qu'il y avait beaucoup de récits de ce passage; mais nous avons appris la vérité par le témoignage des hommes savans qui sont allés sur les lieux mêmes, et c'est ce que nous insérerons ici. Ils disent que les sillons qu'avaient faits les roues des chars subsistent encore aujourd'hui, et qu'on les aperçoit dans le fond de la mer, autant que la vue peut percer. Si quelque mouvement de la mer vient à les couvrir un peu, lorsqu'elle s'apaise par la volonté de Dieu, ils reparaissent comme ils étaient auparavant. D'autres disent que les Israélites, après avoir fait dans la mer un tour peu étendu, revinrent à la même rive d'où ils étaient partis; d'autres affirment qu'ils passèrent tous par un seul chemin, et quelques-uns qu'un chemin s'ouvrit pour chaque tribu, à l'appui de quoi ils apportent le témoignage du psaume: «< Ila séparé la Mer Rouge en sentiers; » il faut entendre ces mots selon l'esprit et non selon la lettre; car il y a dans ce monde, qu'on appelle figurément une mer, un grand nombre de sentiers; tous les hommes ne peuvent pas passer à la vie éternelle au même moment ni par un seul chemin. Les uns passent à la mière heure; ce sont ceux que le baptême a fait renaître, et qui peuvent persister jusqu'à la fin de la vie terrestre sans aucune souillure de la chair: d'autres passent à la

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troisième heure; ce sont ceux qui se convertissent dans un âge plus avancé : d'autres à la sixième heure; ce sont ceux qui répriment la passion de la débauche; et à ces diverses heures, comme dit l'Évangéliste, ils travaillent, selon leur propre foi, à la vigne du Seigneur. Tels sont les sentiers par lesquels on passe cette mer. Quant à ce que, étant allés jusque dans la mer, les Israélites revinrent où ils s'étaient arrêtés d'abord au

près de l'étang, c'est que Dieu dit à Moïse: «< Qu'ils « retournent et qu'ils campent devant Phihahiroth, qui est entre Magdala et la mer, vis-à-vis de Beelse«< phon. » Il est hors de doute que ce passage de la mer et la colonne de nuée sont l'image de notre baptême, puisque le saint apôtre Paul dit : « Or vous ne devez pas «< ignorer, mes frères, que nos pères ont été tous sous << la nuée, qu'ils ont tous été baptisés sous la conduite << de Moïse dans la nuée et dans la mer. » La colonne de feu est l'image du Saint-Esprit.

Depuis la naissance d'Abraham jusqu'à la sortie des Israélites de l'Égypte ou le passage de la Mer Rouge, qui arriva la quatre-vingtième année de Moïse, on compte quatre cent soixante-deux ans.

De là les Israélites demeurèrent quarante ans dans le désert où ils reçurent des lois, furent éprouvés et vécurent d'une nourriture céleste; ensuite, après avoir reçu la loi, ils passèrent le Jourdain avec Josué, et prirent possession de la Terre promise.

Après la mort de Josué, les Hébreux, méprisant les préceptes divins, furent souvent réduits en servi

Exode, chap. 14, v. 2.

2 Ire Épît. de S. Paul aux Corinth., chap. 10, v. 1, 2,

tude par les nations étrangères. Mais, lorsqu'ils se convertissaient et gémissaient, Dieu leur donnait des hommes courageux dont le bras les délivrait. Ensuite demandant au Seigneur un roi, à l'exemple des autres nations et par l'entremise de Samuel, ils en reçurent d'abord Saül, et ensuite David.

Depuis Abraham jusqu'à David on compte quatorze générations, Abraham, Isaac, Jacob, Juda, Pharès, Esron, Aram, Aminadab, Naasson, Salmon, Booz, Obed, Jessé et David, qui eut Salomon de Bersabée. Salomon fut élevé au trône par le prophète Nathan, son frère et sa mère.

A la mort de David, Salomon ayant commencé à régner, le Seigneur lui apparut, et lui promit de lui accorder ce qu'il demanderait. Le roi, méprisant les richesses terrestres, préféra la sagesse. Cette demande plut tellement au Seigneur qu'il lui dit : « Parce que << vous n'avez point desiré que je vous donnasse, ni un grand nombre d'années, ni de grandes richesses, <«< ni la vie de vos ennemis; mais que vous m'avez « demandé la sagesse,, pour discerner ce qui est « juste, j'ai déjà fait ce que vous m'avez demandé, «<et je vous ai donné un cœur si plein d'intelligence, << qu'il n'y a jamais eu d'homme avant vous qui vous «< ait égalé, et qu'il n'y en aura point après vous qui «< vous égale '; » ce qui fut confirmé par le jugement que le roi rendit sur ces deux femmes qui se disputaient un enfant. Salomon bâtit, au nom du Seigneur, un temple admirable, orné de beaucoup d'or, d'argent, d'airain et de fer, en sorte que quel

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ques-uns disent qu'il n'y a jamais eu dans le monde un semblable édifice.

Depuis la sortie des fils d'Israël de l'Égypte jusqu'à la construction du Temple, qui eut lieu la septième année du règne de Salomon, on trouve quatre cent quatre-vingts ans, comme l'atteste l'histoire des Rois.

Après la mort de Salomon le royaume fut divisé en deux parties, à cause de l'iniquité de Roboam. Il resta à Roboam deux tribus, ce qui fut appelé royaume de Juda; et Jéroboam en eut dix, qui furent appelées royaume d'Israël. Ensuite ils s'adonnèrent à l'idolâtrie, et ne purent être rappelés ni par les oracles de leurs prophètes, ni par leur mort, ni par les désolations de la patrie, ni par la ruine même de leurs rois ; tant qu'enfin le Seigneur, irrité contre eux, suscita Nabuchodonosor qui les emmena captifs en Babylone, avec tous les ornemens du temple. Le prophète Daniel, qui resta sain et sauf parmi des lions affamés, et les trois jeunes hommes qui demeurèrent couverts de rosée au milieu des flammes, subirent cette captivité, pendant laquelle prophétisa Ézéchiel et naquit le prophète Esdras.

Depuis David jusqu'à la ruine du Temple et la captivité en Babylone, on compte quatorze générations, c'est-à-dire David, Salomon, Roboam, Abias, Asa, Josaphat, Joram, Ozias, Joatham, Achaz, Ézéchias, Manassé, Amon, Josias. Pendant ces quatorze générations on trouve trois cent soixante-un ans.

Les Israélites furent délivrés de cette captivité par Zorobabel, qui ensuite rétablit le temple et la ville. Cette captivité est, je crois, l'image de la captivité où est retenue l'ame pécheresse, et qui la fera vivre dans

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