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C'est ainsi que nous l'avons écrit dans le livre des miracles de saint Julien.

Cependant les ennemis assiégèrent le château de Volorre', et tuèrent misérablement devant l'autel de l'église le prêtre Procule, de qui saint Quintien avait eu à se plaindre; et ce fut, je crois, à cause de lui que le château, qui s'était défendu jusqu'à ce jour, fut livré entre les mains de ces impies, car les ennemis ne pouvant l'emporter, se disposaient à retourner chez eux; ce qu'ayant appris les assiégés furent pleins de joie; mais ils furent trompés par leur sécurité, selon ces paroles de l'apôtre : « Lorsqu'ils diront : nous voici « en paix et en sûreté, ils se trouveront surpris tout « d'un coup par une ruine imprévue?; » et comme ils ne se tenaient plus sur leurs gardes, le serviteur de Procule les livra aux ennemis. Au moment où, après avoir dévasté le château, ils emmenaient les habitans captifs, il descendit du ciel une pluie abondante, refusée depuis trente jours.

Le château de Merliac3 fut ensuite assiégé. Ceux qui l'habitaient se rachetèrent de la captivité par une rançon; ce qui fut un effet de leur lâcheté, car le château était naturellement fortifié. Au lieu de murs, un rocher taillé l'entourait à la hauteur de plus de cent pieds; au milieu se trouvait un étang d'eau trèsagréable à boire; il y avait aussi des fontaines abondantes, et par une de ses portes coulait un ruisseau d'eau vive. Ses remparts renfermaient un si grand espace que les habitans cultivaient des terres dans l'intérieur des murs, et en recueillaient beaucoup de

* Près de Thiers.

2 Ire Épît. de S. Paul aux Thessalon. chap. 5, v. 3.

3 Près de la ville de Mauriac.

fruits. Fiers de la protection de leurs remparts, les assiégés étaient sortis pour faire quelque butin, comptant se renfermer de nouveau dans les murs de leur forteresse. Ils furent pris par leurs ennemis au nombre de cinquante, et conduits sous les yeux de leurs parens, les mains liées derrière le dos et le glaive levé sur leur tête. Les assiégés consentirent, pour qu'on ne les mît pas à mort, à donner quatre onces d'or pour la rançon de chacun.

Théodoric ayant quitté l'Auvergne, y laissa pour la garder son parent Sigewald.

Il y avait en ce temps, parmi les hommes chargés d'appeler les Francs à la guerre, un certain Litigius qui tendait de grandes embûches à saint Quintien ; et lorsque le saint évêque se prosternait à ses pieds, loin d'accéder à ce qu'il lui demandait, il racontait à sa femme, en s'en raillant, ce qu'avait fait le saint. Mais celle-ci, animée d'un meilleur esprit, lui dit : « De «< cette manière, le jour où tu seras abattu tu ne te « releveras plus. » Il arriva le troisième jour des envoyés du roi qui l'emmenèrent lié avec sa femme et ses enfans, et depuis il ne revint jamais en Auvergne.

Munderic, qui se prétendait parent du roi, enflé d'orgueil, dit : « Pourquoi Théodoric est-il mon roi? << Le gouvernement de ce pays m'appartient comme à « lui; j'irai, j'assemblerai mon peuple et lui ferai prê¬ « ter serment, afin que Théodoric sache que je suis << roi tout comme lui. » Et étant sorti en public, il commença à séduire le peuple en disant : « Je suis << prince, suivez-moi, et vous vous en trouverez bien.»> La multitude du peuple des campagnes le suivit donc, en sorte que, par un effet de l'inconstance humaine,

il en réunit un grand nombre qui lui prêtèrent serment de fidélité et l'honorèrent comme un roi. Théodoric l'ayant appris, lui envoya un ordre portant: « Viens à moi, et, s'il t'est dû quelques portions des « terres de notre royaume, elles te seront données. >> Théodoric disait cela pour le tromper, afin de le faire venir à lui et de le tuer; mais lui ne voulut pas y aller, et dit : « Reportez à votre roi que je suis roi aussi bien « que lui. » Alors le roi, en colère, ordonna de faire marcher une armée afin de le punir lorsqu'il l'aurait vaincu par la force. Munderic, en ayant été instruit, et n'étant pas en état de se défendre, se réfugia dans les murs du château de Vitry1 où il travailla à se fortifier, y renfermant tout ce qu'il possédait et tous ceux qu'il avait séduits. L'armée qui marchait contre lui entoura le château et l'assiégea pendant sept jours. Munderic la repoussait à la tête des siens et disait : << Tenons-nous fermes et combattons jusqu'à la mort, <<< et les ennemis ne nous vaincront pas. » L'ennemi tout à l'entour lançait des traits contre les murs, mais cela ne servait à rien: on le fit savoir au roi, qui envoya un des siens, nommé Arégésile, et lui dit : « Tu « vois que ce perfide réussit dans sa révolte; va, et << engage-le sous serment à sortir sans crainte, et, « lorsqu'il sera sorti, tue-le, et efface son souvenir de << notre royaume. » Celui-ci y étant allé fit ce qu'on lui avait ordonné; mais il convint d'abord d'un signal avec ses gens, et leur dit : « Lorsque je dirai telles et << telles choses, jetez-vous aussitôt sur lui et le tuez. » Arégésile étant donc entré, dit à Munderic: « Jusques

'Château fort près de Brioude en Auvergne; ou, selon Valois et dom Bouquet, Vitry-le-Français en Champagne.

«à quand demeureras-tu ici comme un insensé? Tu «< ne peux long-temps résister au roi; voilà que tes « provisions finies, vaincu par la faim, tu sortiras, te livreras entre les mains de tes ennemis et mourras «< comme un chien. Écoute plutôt mes conseils, et sou<«< mets-toi au roi, afin que tu vives, toi et tes fils. >> Ébranlé par ce discours, Munderic dit : « Si je sors, je «< serai pris par le roi, et il me tuera, moi et mes fils, <«<et tous les amis qui sont ici réunis avec moi. » A quoi Arégésile répondit : « Ne crains rien; car, si tu << veux sortir, reçois-en mon serment, il ne te sera << rien fait, et tu viendras sans danger en présence du « roi. Tu n'as donc rien à redouter, et tu seras près de <«<lui ce que tu étais auparavant. » A quoi Munderic repartit: « Plût à Dieu que je fusse sûr de n'être pas <«< tué ! » Alors Arégésile, les mains posées sur les saints autels, lui jura qu'il pouvait sortir sans crainte. Après avoir reçu ce serment, Munderic sortit d'abord du château tenant par la main Arégésile; les gens d'Arégésile les regardaient en les voyant venir de loin. Alors Arégésile, selon le signal dont il était convenu, dit : « Que «< regardez-vous donc avec tant d'attention, ô hom<«< mes! N'avez-vous jamais vu Munderic? » Et aussitôt ils se précipitèrent sur lui. Mais lui, comprenant la vérité, dit : « Je vois clairement par ces paroles que tu << as donné à tes gens le signal de ma mort, mais, je te « le dis, puisque tu m'as trompé par un parjure, per<«< sonne ne te verra plus en vie; » et, d'un coup de sa lance dans le dos, il le transperça. Arégésile tomba et mourut. Ensuite Munderic, à la tête des siens, tira l'épée et fit un grand carnage du peuple, et, jusqu'à ce qu'il rendit l'esprit, il ne s'arrêta point de tuer tout

ce qu'il pouvait atteindre. Lorsqu'il fut mort, on réunit ses biens au fisc du roi.

vaux;

Cependant Théodoric et Childebert firent alliance, et, s'étant prêté serment de ne point marcher l'un contre l'autre, ils se donnèrent mutuellement des ôtages pour confirmer leurs promesses. Parmi ces ôtages il se trouva beaucoup de fils de sénateurs; mais, de nouvelles discordes s'étant élevées entre les rois, ils furent dévoués aux travaux publics, et tous ceux qui les avaient en garde en firent leurs serviteurs; un bon nombre cependant s'échappèrent par la fuite et retournèrent dans leur pays; quelques-uns demeurèrent en esclavage. Parmi ceux-ci, Attale, neveu du bienheureux Grégoire, évêque de Langres, avait été employé au service public et destiné à garder les cheil servait un barbare qui habitait le territoire de Trèves. Le bienheureux Grégoire envoya des serviteurs à sa recherche, et, lorsqu'on l'eut trouvé, on apporta à cet homme des présens; mais il les refusa en disant : «< De la race dont il est, il me faut dix livres << d'or pour sa rançon. » Lorsque les serviteurs furent revenus, Léon, attaché à la cuisine de l'évêque, lui dit : « Si tu veux le permettre, peut-être pourrai-je le << tirer de sa captivité. » Son maître fut joyeux de ces paroles, et Léon se rendit au lieu qu'on lui avait indiqué. Il voulut enlever secrètement le jeune homme, mais il ne put y parvenir. Alors, menant avec lui un autre homme, il lui dit : « Viens avec moi, vends«< moi à ce barbare, et le prix de ma vente sera pour « toi ; tout ce que je veux, c'est d'être plus en liberté « de faire ce que j'ai résolu. » Le marché fait, l'homme alla avec lui, et s'en retourna après l'avoir vendu douze

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