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« haut du ciel, et juge ma cause, car je souffre in«< justement de la part de mon fils; regarde et juge «< avec justice, et prononce ici l'arrêt que tu pronon«ças autrefois entre Absalon et son père David. >> Les deux armées en étant done venues aux mains, le comte des Bretons tourna le dos, et fut tué. Après quoi, Chramne commença à fuir vers les vaisseaux qu'il avait préparés sur la mer; mais, tandis qu'il s'occupait à sauver sa femme et ses filles, il fut atteint par l'armée de son père, pris et lié; et lorsqu'on eut annoncé la chose à Clotaire, il ordonna qu'il fût brûlé avec sa femme et ses filles : on les enferma donc dans la cabane d'un pauvre homme, où Chramne, étendu sur un banc, fut étranglé avec un mouchoir, et ensuite on mit le feu à la cabane, et il périt avec sa femme et ses filles.

Le roi Clotaire vint à Tours dans la cinquanteunième année de son règne, apportant beaucoup de présens au tombeau du bienheureux Martin; et lorsqu'il fut arrivé au tombeau de cet évêque, il se mit à repasser dans son esprit toutes les négligences qu'il pouvait avoir commises, et à prier avec de grands gémissemens le bienheureux confesseur d'implorer sur ses fautes la miséricorde de Dieu, et d'obtenir par son intercession qu'il fût lavé de ce qu'il avait fait de contraire à la sagesse; ensuite, s'en étant allé, comme il était, durant la cinquante-unième année de son règne, dans la forêt de Cuisé, occupé à la chasse, il fut saisi de la fièvre, et se rendit à Compiègne. Là, cruellement tourmenté de la fièvre, il disait : « Hélas! qui pensez-vous que soit ce roi du «< ciel qui fait mourir ainsi de si puissans rois ? » Et il

rendit l'esprit dans cette tristesse 1. Ses quatre fils le portèrent à Soissons avec de grands honneurs, et l'ensevelirent dans la basilique du bienheureux Médard. Il mourut, l'année révolue, au jour même où Chramne avait été tué.

Chilpéric, après les funérailles de son père, s'empara des trésors rassemblés à Braine, et, s'adressant aux plus importans parmi les Francs, il les plia, par des présens, à reconnaître son pouvoir. Aussitôt il se rendit à Paris, siége du roi Childebert, et s'en empara ; mais il ne put le posséder long-temps, car ses frères se réunirent pour l'en chasser, et partagèrent ensuite régulièrement entre eux quatre, savoir, Charibert, Gontran, Chilpéric et Sigebert. Le sort donna à Charibert le royaume de Childebert, et pour résidence Paris; à Gontran, le royaume de Clodomir, dont le siége était Orléans; Chilpéric eut le royaume de son père Clotaire, et Soissons fut sa ville principale; à Sigebert tomba le royaume de Théodoric, et Rheims pour sa résidence.

Après la mort du roi Clotaire, les Huns vinrent dans les Gaules. Sigebert conduisit contre eux une armée, et, leur ayant livré combat 2, les vainquit et les mit en fuite; mais ensuite leur roi lui fit demander son amitié par ses envoyés. Tandis que Sigebert les avait sur les bras, Chilpéric s'empara de Rheims et des autres villes qui lui appartenaient; et ce qu'il y eut de pis, c'est qu'il en résulta entre eux une guerre civile; car Sigebert, revenant vainqueur des Huns, occupa la ville de Soissons, et y ayant trouvé Théo

1 En 561.

2 En 562.

debert, fils du roi Chilpéric, il le prit et l'envoya en exil; puis, il marcha contre Chilpéric, lui livra un combat, le vainquit, le mit en fuite, et rentra en possession de ses villes. Il ordonna que, pendant une année entière, Théodebert, fils de Chilpéric, demeurât enfermé à Ponthion '; mais ensuite, comme il était clément, il le renvoya à son frère, sain et sauf, et chargé de présens, en lui faisant prêter serment de ne pas agir désormais contre lui; à quoi Théodebert manqua ensuite avec grand péché.

Le roi Gontran qui avait eu ainsi que ses frères une partie du royaume, ôta à Agricola la dignité de patrice et la donna à Celse, homme de haute taille, large des épaules, robuste de poignet, superbe dans ses paroles, prompt à la réplique et versé dans les lois. Il fut par la suite saisi d'une telle avidité de s'enrichir qu'il s'empara souvent des propriétés des églises et les réunit à ses domaines. On rapporte qu'entendant un jour lire dans l'église cette leçon du prophète Isaïe, dans laquelle il dit : « Malheur à vous qui joi<< gnez des maisons à des maisons, et qui ajoutez << terres à terres jusqu'à ce qu'enfin le lieu vous man«< que ! » il s'écria: « Il est bien insolent de dire ici: « malheur à moi et à mon fils. » Mais il laissa un fils qui, mort sans enfans, légua la plus grande partie de ses biens aux églises que son père avait dépouillées.

Le bon roi Gontran fit d'abord entrer dans son lit, comme concubine, Vénérande, une de ses servantes, dont il eut un fils nommé Gondebaud. Il prit ensuite en mariage Marcatrude, fille de Magnaire,

' Domaine royal dans le Perthois, non loin de Vitry,

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et envoya son fils Gondebaud à Orléans. Marcatrude, ayant eu un fils, devint jalouse de Gondebaud et attenta à sa vie. On dit qu'elle le fit mourir en mettant du poison dans sa boisson. Lui mort, Marcatrude, par le jugement de Dieu, perdit son fils, et encourut la haine du roi qui la renvoya; elle mourut peu de temps après. Après quoi le roi épousa Austrechilde, surnommée Bobyla; il en eut deux fils, dont le plus âgé se nommait Clotaire et le plus jeune Clodomir.

Le roi Charibert prit pour femme Ingoberge, de qui il eut une fille, qui fut ensuite mariée et conduite dans le pays de Kent. Ingoberge avait à son service deux jeunes filles d'un pauvre homme, dont la première s'appelait Marcovèfe, et portait l'habit religieux, l'autre s'appelait Méroflède. Le roi était très-épris d'amour pour elles. Elles étaient, comme nous l'avons dit, filles d'un ouvrier en laine. Ingoberge, jalouse de ce que le roi les aimait, donna secrètement à leur père de l'ouvrage à faire, afin que lorsque le roi le saurait, il prît les filles en haine. Pendant qu'il travaillait, elle fit appeler le roi, qui vint croyant qu'elle voulait lui montrer quelque chose de nouveau, et vit de loin cet homme qui racommodait les laines du palais. A cette vue, irrité de colère, il quitta Ingoberge et épousa Méroflède. Il eut aussi une autre jeune fille nommée Teutéchilde, née d'un berger, c'est-à-dire d'un pasteur de troupeaux. On dit qu'elle lui donna un fils qui, en sortant du sein de sa mère, fut aussitôt porté au tombeau.

Berthe ou Eldeberge, qui épousa Ethelbert, roi de Kent, et contribua puissamment à la conversion de son mari et des Anglo-Saxons au christianisme.

Du temps de ce roi, Léonce ayant rassemblé à Saintes les évêques de sa province, destitua Emeri, évêque de cette ville, soutenant qu'il n'avait pas été élevé canoniquement à cette dignité; car le roi Clotaire avait ordonné qu'il fût sacré sans le concours du métropolitain qui était alors absent. Emeri ayant été renvoyé, ils nommèrent Héraclius, alors prêtre de la ville de Bordeaux, et envoyèrent au roi Charibert, par le prêtre Nuncupatus, l'acte de sa nomination, signé de leur main, pour que Charibert y donnât son approbation. Nuncupatus vint à Tours, et exposa au bienheureux Euphronius ce qui s'était fait, le priant de vouloir bien souscrire cet acte, ce que l'homme de Dieu refusa hautement. Le prêtre étant donc entré dans Paris se rendit en présence du roi et lui parla ainsi : «< Salut, roi très-glorieux; le siége apostolique <«< envoie à ton Eminence un très-ample salut. » A quoi le roi répondit : « Quoi donc, viens-tu de la « ville de Rome pour nous apporter ainsi les salu<«tations du Pape ?-Ton père Léonce, dit le prêtre, «et ses évêques provinciaux t'envoient saluer et << te font connaître qu'Emule (car c'est ainsi qu'ils «< avaient eu coutume d'appeler Emeri dans son enfance) a été rejeté de l'épiscopat, pour avoir « brigué le siége de la ville de Saintes, sans deman«der la sanction canonique, en sorte qu'ils t'ont en

voyé un acte de nomination pour en mettre un «< autre à sa place, afin que les transgresseurs des ca«nons étant justement condamnés, ta puissance se «< prolonge jusque dans les âges les plus éloignés. » Comme il disait ces paroles, le roi irrité ordonna qu'on l'arrachât de sa présence, et que l'ayant mis

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