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dans ses environs; il vint jusqu'au champ de la Crau, qui tient à la ville de Marseille, et en enleva des troupeaux et des hommes il se disposait aussi à mettre le siége devant la ville d'Aix, mais il s'en éloigna pour le prix de vingt-deux livres d'argent. Rhodan et Zaban en firent autant dans les lieux où ils arrivèrent.

Ces nouvelles ayant été apportées à Mummole, il se mit en marche avec une armée et alla contre Rhodan qui dévastait la cité de Grenoble. Comme l'armée de Mummole était occupée à traverser avec beaucoup de peine l'Isère, il arriva que, par un ordre exprès de Dieu, un animal entra dans le fleuve et en indiqua le gué, en sorte que les gens de Mummole arrivèrent à l'autre rive; ce que voyant les Lombards, ils tirèrent l'épée et vinrent sans délai à leur rencontre. Les deux armées se livrèrent un combat; les Lombards furent battus, et Rhodan, blessé d'un coup de lancé, s'enfuit sur le haut des montagnes, d'où, avec cinq cents hommes qui lui restaient, il se jeta dans les forêts, et, à travers des chemins détournés, alla retrouver Zaban qui faisait alors le siége de la ville de Valence; il lui raconta ce qui venait de se passer; alors tous deux de concert, mettant tout au pillage, retournèrent à la ville d'Embrun: là, Mummole vint se présenter à eux avec une armée innombrable; on livra la bataille; les troupes lombardes furent défaites et mises en pièces, et les chefs n'en ramenèrent en Italie qu'un petit nombre. Ils arrivèrent à la ville de Suze, et furent mal reçus par les habitans du lieu, d'autant plus que Sizinius, maître des milices pour l'empereur, résidait dans cette ville.

Un esclave, feignant de venir de la part de Mummole, apporta devant Zaban des lettres à Sizinius, le saluant au nom de Mummole et disant : « Lui<< même est proche d'ici ; » ce que Zaban ayant entendu, il prit sa course, et, traversant la ville, s'en éloigna rapidement. Cette nouvelle étant parvenue aux oreilles d'Amon, il rassembla tout son butin; mais, comme les neiges lui faisaient obstacle, il put à grand' peine, laissant son butin, se sauver avec un petit nombre d'hommes. La valeur de Mummole les avait saisis de crainte.

Mummole livra beaucoup de combats, dans lesquels il demeura vainqueur. Après la mort de Charibert, Chilpéric ayant envahi la Touraine et le Poitou, qui par traité appartenaient au roi Sigebert, ce roi, d'accord avec son frère Gontran, choisit Mummole pour remettre ces villes sous leur puissance. Arrivé dans le pays de Tours, il en chassa Clovis, fils de Chilpéric, exigea du peuple serment de fidélité au roi Sigebert, et se rendit en Poitou; mais Bazile et Sigaire, citoyens de Poitiers, ayant rassemblé le peuple, voulurent résister; alors il les entoura de divers côtés, les accabla, les tua, et, arrivant à Poitiers, en exigea le serment. En voici quant à présent assez sur Mummole; nous rapporterons ensuite le reste en divers lieux.

Ayant à raconter la mort d'Andarchius, il convient de faire connaître d'abord sa naissance et sa patrie. Il était, à ce qu'on assure, serviteur du sénateur Félix. Envoyé avec son maître pour le servir, il fut, ainsi que lui, appliqué à l'étude des lettres, et se rendit remarquable par son instruction; car il était par

faitement instruit dans les œuvres de Virgile, les lois du Code Théodosien et l'art du calcul. Orgueilleux donc de sa science, il commença à dédaigner le service de ses maîtres, et se mit sous la protection du duc Loup, lorsque celui-ci vint à Marseille par l'ordre du roi Sigebert. En partant de Marseille, il commanda à Andarchius de venir avec lui, le mit avec soin dans les bonnes graces du roi Sigebert, et le fit passer à son service. Le roi l'envoya en divers lieux où il eut occasion de faire la guerre ; il vint ainsi en Auvergne, comme un homme élevé en dignité là, il se lia d'amitié avec Ursus, citoyen de la ville. Comme il était d'un esprit audacieux, desirant épouser sa fille, il cacha, dit-on, sa cuirasse dans les tablettes où l'on avait coutume de serrer les papiers, et dit à la femme d'Ursus: « Je te recommande << tout cet or que j'ai caché dans ces tablettes; il y a plus de seize mille pièces qui t'appartiendront, si << tu me donnes ta fille en mariage. »>

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Quid non mortalia pectora cogis

Auri sacra fames?

Cette femme crédule y ayant ajouté foi lui promit, en l'absence de son mari, de lui donner sa fille, et lui, après être allé trouver le roi, montra au juge du lieu un ordre par lequel il lui était enjoint de le marier à la jeune fille, disant : « J'ai donné des arrhes pour « l'épouser. » Le père la refusa, disant : « Je ne sais « pas d'où tu es, et je n'ai rien reçu de toi. » Le différend s'étant échauffé, Andarchius fit appeler Ursus en présence du roi, et, lorsqu'il fut arrivé à Braine, il prit un autre homme également nommé Ursus, et,

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l'ayant amené en secret auprès de l'autel, lui fit jurer et dire : « Par ce saint lieu et par les reliques de ces « saints martyrs, si je ne te donne pas ma fille en mariage, je te paierai sans délai seize mille sols d'or. » Il avait placé dans la sacristie des témoins cachés qui entendaient ces paroles, mais ne voyaient nullement celui qui les prononçait. Ensuite Andarchius, ayant apaisé Ursus par de bonnes paroles, fit si bien que celui-ci revint dans son pays sans avoir paru devant le roi. Après son départ, Andarchius produisit devant le roi l'écrit dans lequel était contenu le serment qu'il avait fait prêter, disant : « Ursus a écrit en ma « faveur telle et telle chose; je supplie donc votre << Gloire de donner l'ordre qu'il m'accorde sa fille en « mariage; autrement j'ai droit de me mettre en pos« session de ses biens, jusqu'à ce que, payé de seize << mille sols d'or, je me désiste de cette affaire. » Il revint donc en Auvergne muni des ordres du roi, et les montra au juge. Ursus se retira dans le territoire du Velay; ses biens furent consignés entre les mains d'Andarchius, qui se rendit aussi dans le Velay. Étant arrivé à une des maisons d'Ursus, il ordonna qu'on lui préparât à souper et qu'on lui fit chauffer de l'eau pour se laver; mais, comme les serviteurs n'obéissaient point à ce nouveau maître, il frappa les uns avec des bâtons, les autres à coups de verges; quelques-uns furent frappés à la tête au point que le sang en jaillit. Toute la maison mise ainsi en désarroi, on prépara le souper. Andarchius se lava dans l'eau chaude, s'enivra de vin et se coucha sur un lit; il n'avait avec lui que sept domestiques. Tandis qu'ils dormaient profondément, non moins appesantis par le sommeil que par le

vin, Ursus assembla ses gens, ferma la porte de la maison, qui était construite en planches, et, prenant les clefs, défit les meules de grain qui se trouvaient à côté, et ayant amassé autour et au-dessus de la maison les monceaux d'épis alors en gerbes, jusqu'à ce qu'elle en fût entièrement couverte, il mit le feu à plusieurs endroits. Les débris de la maison enflammée commençant à tomber sur ces malheureux, ils s'éveillèrent et appelèrent avec des cris; mais il n'y avait là personne pour les écouter, La flamme les consuma donc avec toute la maison. Ensuite Ursus, saisi de crainte, se réfugia dans la basilique de Saint-Julien; mais, ayant fait des présens au roi, il rentra en possession de tous ses biens.

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Clovis, fils de Chilpéric, chassé de Tours, se rendit à Bordeaux; et tandis qu'il habitait cette ville sans que personne songeât à l'inquiéter, un certain Sigulph, du parti de Sigebert, s'éleva contre lui, et l'ayant mis en fuite, il alla après lui, le pourchassant avec des cors et des trompettes, comme un cerf aux abois à peine put-il trouver un passage pour retourner vers son père; cependant, ayant passé par Angers, il parvint jusqu'à lui. Comme il s'était alors élevé un différend entre les rois Gontran et Sigebert, le roi Gontran rassembla à Paris tous les évêques de son royaume, pour qu'ils décidassent auquel des deux appartenait le droit; mais la discorde civile s'étant envenimée, les rois firent le péché de négliger leurs avis. Le roi Chilpéric, irrité parce que Théodebert, son fils aîné, gagné autrefois par Sigebert, lui avait prêté serment de fidélité, s'empara des villes de celui-ci savoir, Tours, Poitiers et les autres villes en deçà

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