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« que nous croyons, ont déjà été tués. Où te préci«< pites-tu ? Qu'attends-tu, si ce n'est ta ruine? » Ayant reçu ces avis, Mummole dit : « Je vois que déjà notre règne touche à sa fin, et notre puissance est tombée. Il << reste une seule chose à faire; si j'obtiens sûreté pour «< ma vie, je pourrai vous dispenser d'un grand tra« vail.» Les députés s'étant retirés, l'évêque Sagittaire, Mummole, Chariulf et Waddon allèrent à l'église, où ils firent mutuellement serment que, s'ils avaient pour leur vie de plus sûres garanties, ils abandonneraient l'amitié de Gondovald, et le livreraient lui-même. Les députés, revenus une seconde fois, leur promirent sûreté pour leur vie, et Mummole leur dit : << Faites seulement cela, et je remettrai Gondovald << en vos mains; et reconnaissant mon seigneur roi, je « me rendrai promptement vers lui. » Alors ils lui promirent que, s'il accomplissait ces choses, ils le recevraient en amitié ; et que, s'ils ne pouvaient obtenir sa grâce du roi, ils le mettraient dans une église, pour qu'on ne le punît pas de mort. Après avoir accompagné ces promesses de sermens, ils se retirèrent. Mummole, l'évêque Sagittaire et Waddon s'étant rendus auprès de Gondovald, lui dirent : « Tu <«< sais quels sermens de fidélité nous t'avons prêtés. « Ecoute à présent un conseil salutaire, éloigne-toi «< de cette ville, et présente-toi à ton frère comme tu « l'as souvent demandé. Nous avons déjà parlé avec «< ces hommes, et ils ont dit que le roi ne voulait pas perdre ton appui, parce qu'il est resté peu d'hommes « de votre race. » Mais Gondovald, comprenant leur artifice, leur dit tout baigné de larmes : « C'est sur << votre invitation que je suis venu dans les Gaules,

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« Gontran-Boson m'a enlevé une partie de mes tré<«<sors qui contiennent des sommes immenses d'or et « d'argent et différens objets, et le reste est dans la «< ville d'Avignon. Quant à moi, plaçant, après le se«< cours de Dieu, tout mon espoir en vous, je me suis « confié à vos conseils, et j'ai toujours souhaité de « régner par vous. Maintenant, si vous m'avez trompé, répondez-en auprès de Dieu, et qu'il juge lui-même <«<ma cause. » A ces paroles Mummole répondit: « Nous ne te disons rien de mensonger; mais voilà << des hommes très-braves qui attendent ton arrivée « à la porte. Défais maintenant mon baudrier d'or << dont tu es ceint, pour ne pas paraître marcher avec << orgueil; prends ton glaive et rends-moi le mien. » Gondovald lui dit : « Je ne vois dans ces paroles autre «< chose que la perte de ce que j'ai reçu et porté par <«< amitié pour toi. » Mais Mummole affirmait avec serment qu'on ne lui ferait aucun mal. Étant donc sortis de la porte, Gondovald fut reçu par Ollon, comte de Bourges, et par Boson. Mummole étant rentré dans la ville avec ses satellites, ferma la porte très-solidement. Se voyant livré à ses ennemis, Gondovald leva les mains et les yeux au ciel, et dit: « Juge éternel, véritable vengeur des innocens, Dieu de qui toute justice procède, à qui le mensonge « déplaît, en qui ne réside aucune ruse ni aucune «< méchanceté, je te confie ma cause, te priant de me « venger promptement de ceux qui ont livré un in<<< nocent entre les mains de ses ennemis. » Après ces paroles, ayant fait le signe de la croix, il s'en alla avec les hommes ci-dessus nommés. Quand ils se furent éloignés de la porte, comme la vallée située au-dessous

de la ville descend rapidement, Ollon l'ayant poussé le fit tomber, en s'écriant: «Voilà votre Ballomer « qui se dit frère et fils de roi.» Ayant lancé son javelot, il voulut l'en percer; mais l'arme, repoussée par la cuirasse, ne lui fit aucun mal. Comme Gondovald s'étoit relevé et s'efforçait de remonter sur la hauteur, Boson lui brisa la tête d'une pierre ; il tomba aussitôt et mourut. Tous les soldats accoururent, et l'ayant percé de leurs lances, ils lui lièrent les pieds avec une corde, et le traînèrent tout à l'entour du camp. Lui ayant arraché les cheveux et la barbe, ils le laissèrent sans sépulture dans l'endroit où ils l'avaient tué. La nuit suivante, les principaux enlevèrent secrètement tous les trésors qu'ils purent trouver dans la ville, ainsi que les ornemens de l'église. Le lendemain les portes ayant été ouvertes, l'armée entra et égorgea tous les assiégés, massacrant aux pieds même des autels de l'église les pontifes et les prêtres du Seigneur. Après avoir tué tous les habitans, de telle sorte qu'il n'en resta pas un seul, ils mirent le feu à toute la ville, aux églises et aux autres édifices, si bien qu'il ne resta plus que le sol.

Leudégésile, étant retourné au camp avec Mummole, Sagittaire, Chariulf et Waddon, envoya secrètement des messagers au roi, pour lui demander ce qu'il voulait qu'on fit de ces hommes. Gontran ordonna de les faire mourir. Alors Waddon et Chariulf ayant laissé leurs fils pour ôtages, s'éloignèrent. La nouvelle de leur mort ayant été répandue, lorsque Mummole en fut instruit, il s'arma et se rendit à la tente de Leudégésile qui le voyant, lui dit : « Pourquoi viens-tu ici comme un fugitif?» Mummole

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lui répondit : « Je m'aperçois qu'on n'observe en << rien la foi promise, car je me vois placé sur le bord « de ma perte. » Leudégésile lui dit : « Je vais aller « dehors, et j'apaiserai tout. » Étant sorti, il ordonna d'entourer aussitôt la tente pour y tuer Mummole. Celui-ci, après avoir long-temps résisté aux combattans, vint à la porte. Comme il sortait, deux soldats le percèrent avec leur lance de chaque côté; aussitôt il tomba et mourut. A cette vue, l'évêque fut frappé de crainte et de consternation. Quelqu'un des assistans lui dit : « Vois de tes propres yeux ce qui « se passe, évêque; couvre-toi la tête pour ne pas «< être reconnu, et gagne la forêt pour t'y cacher quelque temps, et t'échapper lorsque la fureur sera apaisée. » L'évêque ayant accepté ce conseil, essayait de s'enfuir la tête couverte, lorsque quelqu'un, ayant tiré son épée, lui trancha la tête avec son capuchon. Ensuite, s'en retournant chacun dans son pays, ils se livrèrent dans le chemin au pillage et au

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meurtre.

Dans ce temps Frédégonde envoya Cuppan à Toulouse, pour en arracher sa fille Rigonthe à tout prix. La plupart rapportent que Cuppan avait été envoyé afin que, s'il trouvait Gondovald vivant, il l'attirât par beaucoup de promesses, et l'amenât à Frédégonde. Mais n'ayant pu accomplir ce dessein, il ramena de Toulouse la reine Rigonthe qui avait essuyé bien des humiliations et des outrages.

Le duc Leudégésile se rendit auprès du roi, avec tous les trésors dont nous avons parlé; le roi les distribua ensuite aux pauvres et aux églises. Ayant pris la femme de Mummole, le roi commença à lui de

mander ce qu'étaient devenus les trésors qu'il avait amassés. Sachant que son mari était tué, et que tout leur orgueil était tombé par terre, elle découvrit tout, et déclara qu'il y avait encore dans la ville d'Avignon de grandes sommes d'or et d'argent qui n'étaient pas venues à la connaissance du roi. Gontran envoya aussitôt des hommes chargés de les lui apporter, et de lui amener aussi un serviteur en qui Mummole se fiait beaucoup, et à qui il les avait remis. Ces hommes s'étant rendus à Avignon, prirent tout ce qu'on avait laissé dans la ville. On rapporte qu'il y avait deux cent cinquante talens d'argent, et plus de trente talens d'or. On dit que Mummole les avait enlevés d'un ancien trésor. Le roi les ayant partagés avec son neveu Childebert, distribua presque toute sa part aux pauvres, ne laissant à la femme de Mummole que ce qu'elle avait eu de ses parens.

On amena aussi au roi le serviteur de Mummole, qui était d'une si grande taille qu'il dépassait, dit-on, de deux ou trois pieds les plus grands. C'était un charpentier, il mourut peu après.

Ensuite les juges rendirent un arrêt de condamnation contre ceux qui avaient négligé de se rendre à cette expédition. Le comte de Bourges envoya ses serviteurs pour qu'ils dépouillassent, sur les terrès de l'église de Saint-Martin qui est située dans ce territoire, les hommes qui se trouvaient dans ce cas. Mais l'agent de cette église commença à leur résister fortement, en disant « Ce sont les hommes de saint Martin: ne <«<leur faites aucun mal, car ils n'avaient pas cou<< tume de marcher pour de telles affaires'. » Ils lui

' Aucune loi générale n'affranchissait du service militaire les hommes

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