Page images
PDF
EPUB

tiquèrent, parce qu'il n'y avait pas observé les règles de l'art. Cependant le style en était en plusieurs endroits ecclésiastique et convenable. Il y eut une grande rixe entre les serviteurs de l'évêque Priscus et du duc Leudégésile. L'évêque Priscus donna beaucoup d'argent pour acheter la paix.

Dans ces jours-là, le roi Gontran tomba si grièvement malade que quelques-uns pensèrent qu'il n'en pourrait pas réchapper. Je crois que ce fut un effet de la Providence de Dieu, car il avait le projet d'envoyer beaucoup d'évêques en exil. L'évêque Théodore, revenu dans sa ville, y fut reçu avec beaucoup d'acclamations par le peuple qui le favorisait.

Pendant ce synode, Childebert réunit les siens à sa maison de Bastoigne, située au milieu des Ardennes. Là, la reine Brunehault implora tous les grands pour sa fille Ingonde, encore retenue en Afrique; mais elle en obtint peu de consolations. Alors on éleva une accusation contre Gontran-Boson. Peu de jours auparavant, une parente de sa femme, morte sans enfans, avait été enterrée dans une basilique de la ville de Metz avec un grand nombre de joyaux et beaucoup d'or. Il arriva que peu de jours après c'était la fête de saint Remi, qui se célèbre au mois d'octobre. Beaucoup de citoyens, et en particulier les principaux de la ville et le duc, en étaient sortis avec l'évêque. Alors les serviteurs de GontranBoson vinrent à la basilique où était ensevelie cette femme ils y entrèrent, et ayant fermé les portes sur eux, ouvrirent le sépulcre, et enlevèrent du corps de la défunte tous les joyaux qu'ils purent trouver. Les moines de la basilique les ayant entendus, vin

:

rent à la porte, mais on ne les laissa pas entrer. Alors ils allèrent avertir l'évêque et le duc. Les serviteurs, après avoir pris toutes ces choses, montèrent à cheval et prirent la fuite. Mais, craignant d'être saisis en route et qu'on ne leur fìt souffrir diverses peines, ils retournèrent à la basilique, remirent ce qu'ils avaient pris sur l'autel, et n'osèrent plus ressortir. Ils s'écriaient et disaient : « C'est « Gontran-Boson qui nous a envoyés. » Lorsque Childebert eut assemblé les siens en cour de justice, dans le lieu dont nous avons parlé, Gontran-Boson, interpellé sur cette affaire, ne répondit rien, mais s'enfuit secrètement. On lui enleva tout ce qu'il tenait en Auvergne de la munificence du fisc, et il fut obligé d'abandonner avec honte plusieurs choses dont il s'était emparé injustement.

Laban, évêque d'Eause, mourut cette année, et eut pour successeur Didier, laïque. Le roi avait cependant promis avec serment qu'il ne choisirait jamais d'évêqué parmi les laïques. Mais que ne peut, sur le cœur des mortels, la détestable soif de l'or! Bertrand, revenant du synode, fut saisi de la fièvre. Il manda le diacre Waldon, qui avait aussi reçu au baptême le nom de Bertrand, lui remit tout le pouvoir du sacerdoce et le soin de tous ses biens, tant de ses propriétés héréditaires que des bénéfices qu'il avait reçus. Lorsque Waldon fut parti, Bertrand rendit l'esprit. Le diacre se rendit près du roi avec des présens et l'acte de sa nomination par les citoyens ; mais il ne put rien obtenir. Le roi donna ordre qu'on sacrât évêque Gondégésile, comte de Saintes, autrement nommé Dodon, et cela se fit ainsi. Et comme,

avant le synode, plusieurs des clercs de Saintes, d'accord avec l'évêque Bertrand, avaient écrit contre leur évêque Pallade des choses qui lui avaient apporté de la confusion, après la mort de Bertrand, l'évêque les prit, les fit battre cruellement, et les dépouilla. En ce temps mourut Wandelin, gouverneur du roi Childebert. On ne mit personne en sa place, parce que la reine voulut elle-même prendre soin de son fils. Tout ce qu'il avait obtenu du fisc rentra dans les droits du fisc. En ce temps-là le duc Bodégésile mourut plein de jours. On n'ôta rien à son fils des propriétés qu'il laissait. Fabius fut nommé évêque d'Auch à la place de Fauste, et, après la mort de saint Sauve, Desiré fut, cette année, nommé à sa place évêque d'Alby.

Π Il y eut cette année de grandes pluies, et les rivières grossirent tellement qu'il arriva plusieurs naufrages; et, sortant de leurs lits, elles enlevèrent les moissons voisines et couvrirent les prairies. Les mois de printemps et d'été furent si humides qu'on les aurait pris pour l'hiver plutôt que pour l'été. Cette année deux îles de la mer furent consumées par un incendie allumé de la main de Dieu. Pendant sept jours les hommes et les troupeaux périrent brûlés. Ceux qui fuyaient dans la mer et se précipitaient dans ses abîmes, brûlaient au milieu de l'eau où ils se plongeaient, et ceux qui ne mouraient pas sur-le-champ étaient consumés pár de plus cruels tourmens. Toutes choses furent réduites en cendres, et la mer les couvrit de ses eaux. Beaucoup ont dit que les signes que nous avions vus, ainsi que nous l'avons rapporté, dans le huitième mois, lorsque

le ciel nous parut ardent, n'étaient autre chose que la lueur de cet incendie.

Dans une autre ville proche de la cité de Vannes, il y avait un grand étang rempli de poissons, dont l'eau, à la profondeur d'une brasse, se changea en sang. Pendant plusieurs jours il se rassembla autour de cet étang une multitude innombrable de chiens et d'oiseaux qui buvaient ce sang, et le soir s'en retournaient rassasiés.

Ennodius fut donné pour duc à la ville de Tours et à celle de Poitiers. Bérulphe, qui avait auparavant gouverné ces villes, était suspect d'avoir, avec son associé Arnégésile, enlevé secrètement les trésors du roi Sigebert. Lors donc qu'il revint dans ces villes, dont il était duc, le duc Rauchingue, au moyen d'un artifice, s'empara de lui et de son compagnon, et les chargea de liens. On envoya aussitôt dans leur maison des serviteurs qui enlevèrent tout et y prirent beaucoup de choses qui leur appartenaient, et plusieurs aussi provenant des trésors dont j'ai parlé. Le tout fut porté au roi Childebert. On poursuivit l'affaire, et l'épée était déjà levée sur leur tête lorsque, par l'intervention des évêques, on leur rendit la liberté; mais on ne leur rendit rien de ce qu'on leur avait enlevé.

Le duc Didier se rendit, avec quelques évêques et l'abbé Arédius, près du roi Gontran. Le roi lui fit d'abord un très-mauvais accueil; mais ensuite, vaincu par les prières des évêques, il le reçut en grâce. Eulalius voulut le mettre en cause, parce que sa femme l'avait abandonné et avait passé à Didier; mais on se moqua de lui, et, rempli de confusion, il fut réduit

au silence. Didier reçut des présens du roi et fut renvoyé avec faveur.

Ingonde, que son mari avait laissée, comme nous l'avons dit, avec l'armée de l'empereur, fut envoyée

à ce prince avec son fils encore enfant. Mais, pendant ce voyage, elle mourut en Afrique et y fut ensevelie. Leuvigild mit à mort son fils Erménégild, dont elle avait été la femme. En sorte que le roi Gontran, irrité, fit marcher une armée contre l'Espagne, à dessein de soumettre d'abord à sa domination la Septimanie, située sur le territoire des Gaules. L'armée se mit immédiatement en marche. Tandis qu'elle avançait, je ne sais quels paysans trouvèrent un billet qu'ils firent passer au roi Gontran, et dans lequel il paraissait que Leuvigild écrivait à Frédégonde pour l'engager à trouver quelque moyen pour empêcher la marche de l'armée. « Faites prompte<«<ment périr nos ennemis, savoir Childebert et sa <«< mère, et faites la paix avec le roi Gontran, en << l'achetant par beaucoup de présens. Si, par aven« ture, vous manquez d'argent, nous vous en enver<«<rons en secret; faites seulement ce que nous vous « demandons. Quand nous serons vengés de nos en«< nemis, récompensez, par des bienfaits, l'évêque· «< Amélius et la matrone Leula, par le moyen desquels << nos messagers trouvent un passage pour aller jusqu'à vous. » Leuba est la belle-mère du duc Bladaste.

་་

En même temps qu'on portait cet avis à Gontran, Frédégonde avait fait faire deux couteaux de fer, dans lesquels elle avait ordonné de graver profondément, pour les imprégner de poison, afin que si le coup

« PreviousContinue »