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«< me suis laissé séduire par l'ennemi de la loi divine! << Malheur à moi qui ai consenti à me moquer de Dieu, <<< et qui ai reçu cinquante pièces d'or pour commettre «< ce crime! » Il dit aussi à l'évêque : « Voilà ton or, <«< rends-moi la lumière de mes yeux que ta fourberie «< m'a fait perdre. Et vous, très-glorieux chrétiens, je << vous supplie de ne pas mépriser, mais de secourir << promptement un malheureux près de périr; car je << reconnais réellement qu'on ne se moque pas de « Dieu. » Alors les saints de Dieu, émus de compassion, lui dirent : « Si tu crois, rien n'est impossible à <«< celui qui croit. » Alors il s'écria d'une voix forte : « Que celui qui ne croit pas que Jésus-Christ, fils de <«< Dieu, et le Saint-Esprit ont, avec Dieu le père, une «< même substance et une même divinité, endure ce « que je souffre aujourd'hui. » Et il ajouta : « Je <«< crois en Dieu, Père Tout-Puissant, en Jésus« Christ, Fils de Dieu, égal au Père, et je crois au << Saint-Esprit consubstantiel et co-éternel au Père << et au Fils. » A ces paroles les pieux évêques s'efforcèrent à l'envi de se prévenir mutuellement de civilité, et il s'éleva entre eux une sainte dispute pour savoir qui imposerait, sur les yeux de cet homme, le signe de la bienheureuse croix. Vindémiale et Longin priaient Eugène d'imposer les mains à l'aveugle, et lui les en priait de son côté. Eux y ayant consenti, et tenant leurs mains sur sa tête, saint Eugène fit le signe de la croix sur les yeux de l'aveugle, et dit : « Au nom « du Père et du Fils et du Saint-Esprit, que nous re<<< connaissons pour le vrai Dieu en trois personnes « égales et toutes-puissantes, que tes yeux soient ou<< verts; » et la douleur s'étant aussitôt évanouie,

l'homme recouvra la santé, et l'on reconnut clairement, par la cécité de cet homme, que la doctrine de cet évêque des hérétiques couvrait les yeux du cœur d'un voile déplorable, afin qu'ils ne pussent contempler la vraie lumière de la foi; malheureux qui n'étant entré par pas entré la porte, c'est-à-dire par le Christ, qui est la vraie porte, était devenu le loup plutôt que le gardien du troupeau, et s'efforçait, par la méchanceté de son cœur, d'éteindre dans le cœur des fidèles le flambeau de la foi qu'il aurait dû y allumer. Les saints de Dieu firent, au milieu du peuple, beaucoup d'autres miracles, et le peuple n'avait qu'une voix pour dire : « On doit adorer d'une même foi, re«< douter d'une même crainte, et honorer d'un même « respect le vrai Dieu père, le vrai Dieu fils, le vrai « Dieu Saint-Esprit. » Car il était clair à tous que la doctrine de Cyrola était fausse,

Mais le roi Huneric, voyant que la glorieuse fidélité des saints faisait ainsi paraître à nu la fausseté de ses doctrines, que la secte de l'erreur se détruisait au lieu de s'établir, et que la fourberie de son pontife avait été mise à découvert par cette action criminelle, ordonna qu'après bien des tourmens, après les avoir fait passer par les chevalets, les flammes et les crocs de fer, on mît à mort les saints de Dieu; mais il feignit seulement de vouloir faire décoller le bienheureux Eugène, car il ordonna que si, au moment où le glaive menacerait sa tête, il n'embrassait pas la secte des hérétiques, on s'abstînt de le tuer, de peur que les chrétiens ne le révérassent comme martyr, mais qu'il fût condamné à l'exil, ce qui arriva en effet; car sur le point de recevoir la mort, ayant été interrogé s'il avait

dessein de mourir pour la foi catholique, il répondit : << Mourir pour la justice, c'est vivre éternellement. » Alors le glaive demeura suspendu et on l'envoya en exil à Alby, ville des Gaules, où il termina sa vie sur la terre. De fréquens miracles manifestent aujourd'hui la sainteté de son tombeau. Le roi ordonna que saint Vindémiale fût frappé de l'épée, et il mourut dans ce combat. Octavien, archidiacre, et beaucoup de milliers d'hommes et de femmes attachés à notre croyance furent mutilés et mis à mort; mais ce n'était rien aux yeux de ces saints confesseurs, de souffrir ainsi pour l'amour de la gloire; car, tourmentés en des choses de peu, ils se savaient destinés à de grands biens, selon ces paroles de l'apôtre : « Les souffrances de la vie « présente n'ont point de proportion avec cette gloire « qui sera un jour découverte en nous 1. »

En ces années, beaucoup de gens, renonçant à leur foi pour acquérir des richesses, se précipitèrent euxmêmes en de nombreuses douleurs, comme ce malheureux évêque, de nom Révocatus, qui révoqua dans ce temps, ses promesses à la vraie foi. Alors le soleil parut obscurci, de manière qu'à peine en voyaiton briller la troisième partie; j'en attribue la cause à tant de crimes et à l'effusion du sang innocent. Huneric, après un si grand forfait, fut possédé du démon, et lui qui s'était long-temps abreuvé du sang des saints, se déchirait par ses propres morsures; ce fut dans ces tourmens qu'une juste mort termina son indigne vie. En 484 Hilderic lui succéda, et à sa mort, Gélésimère parvint au gouvernement. Celui-ci, ayant été vaincu par la république, termina sa vie en même Épît. de S. Paul aux Rom. chap. 8,

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V. 18.

temps que son règne. Ainsi tomba le royaume des Vandales'.

Dans ce temps un grand nombre d'hérésies infestaient les églises de Dieu; la vengeance divine en frappa plusieurs; car Athanaric, roi des Goths, exerça une grande persécution. Il tuait par le glaive beaucoup de Chrétiens, après leur avoir infligé divers tourmens, et il en faisait mourir quelques-uns condamnés à l'exil, par la faim et différens supplices; d'où il arriva par un effrayant jugement de Dieu, qu'en punition de l'effusion du sang des justes, il fut chassé de son royaume, et que celui qui avait envahi les églises de Dieu fut exilé de son pays. Mais maintenant retournons à des choses antérieures.

Le bruit s'était répandu que les Huns voulaient faire une irruption dans les Gaules. Il y avait en ce temps dans la ville de Tongres un évêque d'une très-grande sainteté, nommé Aravatius. Adonné aux veilles et aux jeûnes, souvent baigné d'une pluie de larmes, il suppliait la miséricorde de Dieu de ne pas permettre l'entrée des Gaules à cette nation incrédule, et toujours indigne de lui. Mais ayant été averti par inspiration qu'à cause des fautes du peuple, ce qu'il demandait ne lui serait pas accordé, il résolut de gagner la ville de Rome, afin que la protection des mérites apostoliques, unie à ses prières, lui obtînt plus facilement ce qu'il demandait

1 Hilderic ne succéda point immédiatement à son père Huneric; après la mort de celui-ci, Guntamund, le plus âgé des princes du sang royal, fut roi des Vandales. A Guntamund succéda Thrasamund, et Hilderic ne devint roi qu'après ce dernier, en 523; il mourut en 530. Son succesGelimer, ou Gelesimer, ou Childimer, fut vaincu et détrôné pay Bélisaire, l'année même de son élévation au trône.

seur,

humblement au Seigneur. S'étant donc rendu au tombeau du saint apôtre, il sollicitait le secours de sa bienveillance, se consumant dans une grande abstinence et un jeûne continuel; en sorte qu'il était deux ou trois jours sans manger ni boire, et ne mettait point d'intervalle dans ses oraisons. Étant demeuré dans cette affliction pendant l'espace de beaucoup de jours, on rapporte qu'il reçut cette réponse du bienheureux apôtre « Pourquoi me tourmentes-tu, très-saint << homme ? il a été irrévocablement fixé par les dé«crets du Seigneur que les Huns viendraient dans les « Gaules, et que ce pays serait ravagé par la plus ter<< rible tempête. Maintenant donc prends ta résolution, «< fais une prompte diligence, dispose ta maison, pré<< pare ta sépulture, aie soin de te munir d'un linceul « blanc. Tu quitteras ton enveloppe corporelle, et tes << yeux ne verront pas les maux que les Huns doivent <«< faire à la Gaule. Ainsi l'a dit le Seigneur notre Dieu. » Après avoir reçu cette réponse du saint apôtre, le pontife hâte son voyage et regagne promptement la Gaule. Étant arrivé à la ville de Tongres, il apprête aussitôt ce qui était nécessaire à sa sépulture; et, disant adieu aux ecclésiastiques ainsi qu'au reste des habitans de la ville, il leur annonce avec des pleurs et des lamentations qu'ils ne verront plus long-temps son visage ; et ceux-ci le suivant avec des larmes et des gémissemens, le suppliaient humblement en disant : « Ne nous abandonnez « pas, saint père! ne nous oubliez pas, bon pasteur! » Mais comme leurs pleurs ne pouvaient le retenir, ils s'en retournèrent après avoir reçu sa bénédiction et ses baisers. Lui donc, étant allé à la ville d'Utrecht, fut attaqué d'une légère fièvre, et abandonna son corps;

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