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et la présentation de sa cause; celles entraînées par la procédure arbitrale seraient supportées par moitié par les deux parties (art. 12). La sentence, dûment prononcée, devait, aux termes de l'article 10, décider la question entre les intéressés d'une façon définitive : « Les Hautes Parties Contractantes s'engagent à accepter la décision rendue par l'arbitre comme règlement complet parfait et définitif de la question qui lui est soumise. Un dernier article prévoyait la situation qui serait faite après la sentence aux habitants du territoire contesté: « Les Hautes Parties Contractantes conviennent que les Indiens et autres personnes vivant dans une partie quelconque du territoire en litige qui pourra être adjugée par la sentence de l'arbitre aux États-Unis du Brésil ou à la colonie de la Guyane anglaise, auront, dans les dix-huit mois à compter de la date de la sentence, le droit et la faculté de s'établir sur le territoire de la colonie ou sur celui du Brésil, suivant le cas, eux-mêmes, leurs familles et leurs biens mobiliers, et de disposer librement de leur propriété immobilière; et les dites Hautes Parties Contractantes s'engagent réciproquement à leur fournir toutes facilités pour l'exercice de ce droit d'option (art. 11). Enfin, une déclaration-annexe était jointe au traité qui, faisant allusion à un accord intervenu entre les deux États, fixait la limite du Brésil et de la Guyane anglaise à l'Est du Rupununi: Les plénipotentiaires, disait-elle, en signant le traité ci-dessus, déclarent comme partie et complément de ce traité et soumis à sa ratification, que les Hautes Parties Contractantes adoptent comme frontière, entre les États-Unis du Brésil et la colonie de la Guyane britannique, la ligne de partage des eaux entre le bassin de l'Amazone et les bassins du Corentyne et de l'Essequibo,dePuis la source du Corentyne jusqu'à celle du Rupununi ou du Tacutú, ou jusqu'à un point intermédiaire entre elles, selon la décision de l'arbitre ».

Le Roi d'Italie, Victor-Emmanuel III, déféra au désir qu'avaient manifesté le Brésil et la Grande-Bretagne. Il accepta les fonctions d'arbitre. Et deux ans et demi plus tard, le 6 juin 1904, sans qu'il eût cru nécessaire, malgré l'importance du litige, d'user même du délai minimum de six mois que fixait le compromis (1), il rendait sa sentence (2), mettant fin ainsi à un différend qui remontait à plus de soixante ans.

(1) Si le Roi d'Italie avait profité de ce délai de six mois, c'est le 25 août 1904 qu'il eût dû rendre sa sentence. En effet, en appliquant à la procédure les délais maximas prévus par le compromis,— et dont d'ailleurs il fut fait usage par les parties, et en diminuant d'un jour par période, suivant le calcul de l'arbitre, les délais de remise des Mémoires, on arrivait aux dates suivantes : 27 février 1903 pour le dépôt du Mémoire; 26 septembre pour celui du Contre-Mémoire; 25 février 1904 pour celui de l'Argument. Or, d'après le traité, c'est dans les six mois après la remise de l'Argument de part et d'autre que l'arbitre devait, si possible, rendre sa décision.

(2) V. le texte de cette sentence, dans cette Revue, t. XI (1904), Documents, p. 18.

La décision de l'arbitre débutait par un exposé des principes de droit international qui pouvaient être invoqués dans la cause. Ces principes, au nombre de quatre, étaient les suivants : 1° La découverte de nouvelles voies de trafic, dans des régions qui n'appartiennent à aucun État, ne peut pas constituer par elle-même un titre d'une efficacité suffisante pour que la souveraineté sur ces régions reste acquise à l'État dont les particuliers qui ont fait la découverte sont ressortissants ». 2o Pour acquérir la souveraineté d'une région ne se trouvant dans le domaine d'aucun État, il est indispensable d'en effectuer l'occupation au nom de l'État qui se propose d'en acquérir la domination. 3° L'occupation ne peut pas être regardée comme accomplie sinon à la suite d'une prise de possession effective, non interrompue et permanente, au nom de l'État, et la simple affirmation des droits de souveraineté ou l'intention. manifestée de vouloir rendre effective l'occupation ne saurait suffire ». 4° La prise de possession effective d'une partie d'une région, bien que pouvant être estimée comme efficace pour acquérir la souveraineté de la région tout entière, lorsque celle-ci constitue un organisme unique, ne peut pas être estimée efficace pour l'acquisition de la souveraineté sur une région, lorsque, à cause de son extension, ou de sa configuration physique, elle ne peut pas être considérée comme une unité organique de facto ». Puis, faisant l'application de ces règles au cas qu'il avait à résoudre, le Roi d'Italie déclarait, d'une part, qu'« on ne pouvait pas admettre comme constant que le Portugal d'abord et le Brésil ensuite eussent réalisé la prise de possession effective de tout le territoire contesté, mais qu'on pouvait reconnaitre seulement que ces États s'étaient mis en possession de quelques localités sur ce même territoire et y avaient exercé leurs droits souverains», et, d'autre part, que, de même, «<l'acquisition de la souveraineté de la part de la Hollande d'abord, et plus tard de la part de la Grande-Bretagne, ne s'est effectuée que sur une partie du territoire en litige ». L'arbitre expliquait ensuite, sans d'ailleurs indiquer les points de la région sur lesquels ils s'étaient exercés, en quoi avaient consisté les droits dont chaque partie pouvait se prévaloir: ils résultaient, d'après lui, de titres historiques et de titres juridiques, dont au surplus il ne donnait point davantage l'énumération. Mais si un droit de souveraineté précis et défini ne pouvait être constaté. en faveur de l'une et de l'autre puissances en litige qu'en ce qui concernait quelques portions seulement du territoire contesté, il n'était pas possible, suivant l'arbitre, de décider lequel des droits du Brésil ou de la Grande-Bretagne était prépondérant. Dans une telle situation des choses. le Roi d'Italie ne voyait donc d'autre moyen de fixer la ligne entre les domaines des deux États que « d'en faire le partage en tenant compte

des lignes tracées par la nature et de donner la préférence à la ligne qui, étant la plus déterminée dans tout son parcours, se prêtait le mieux à un partage équitable du territoire contesté ». En conséquence, il établissait ainsi qu'il suit la ligne de démarcation entre le Brésil et la Guyane anglaise : « La frontière sera fixée par la ligne qui part du mont Yakontipú, suit dans la direction de l'Est le partage des eaux jusqu'à la source de l'Ireng (Makú), descend le cours de cette rivière jusqu'à son confluent avec le Tacutú, remonte le Tacutú jusqu'à sa source où elle rejoint la ligne de frontière établie par la déclaration annexée au traité d'arbitrage conclu par les Hautes Parties en litige, à Londres, le 6 novembre 1901. En vertu de cette délimitation, toute la partie de la zone contestée qui se trouve à l'Est de la ligne frontière appartiendra à la Grande-Bretagne, toute la partie qui se trouve à l'Ouest appartiendra au Brésil. La frontière, le long des rivières Ireng (Mahú) et Tacutú, reste fixée par le thalweg, et les dites rivières seront ouvertes à la libre navigation des deux États limitrophes. Dans le cas où les rivières se diviseraient en plusieurs branches, la frontière suivra le thalweg de la branche la plus orientale ».

Le Roi Victor-Emmanuel, qui avait à décider entre la ligne CotingoTaculú réclamée par la Grande-Bretagne et la ligne Serra PacaraimaRio Rupununi revendiquée par le Brésil, adoptait ainsi une ligne intermédiaire, celle du Mahú-Taculú, que lord Salisbury avait proposée en 1891 et que le Brésil avait refusée. De la sorte, les Anglais, devenus riverains du Mahú et du Tacutú, obtenaient une entrée sur l'Amazone, dont ces rivières sont les tributaires, et ils acquéraient, avec les champs de Pirara, le couloir d'accès du bassin de l'Essequibo au bassin de l'Amazone (1).

(1) TABLEAU DES SECTIONS DU TERRITOIRE CONTesté entre le BRÉSIL ET LA GRANDE-BRETAGNE ATTRIBUÉES PAR LES DIFFÉRENTES PROPOSITIONS A CHACUNE DES DEUX PARTIES. Superficie totale du territoire contesté ayant fait l'objet de l'arbitrage du Roi d'Italie : 33.200 kilomètres carrés (a). Section attribuée Section attribuée

au

Brésil.

33.200 k.c.

à la Grande-Bretagne.

33.200 k.c.

8.800 >>

24.400

8.800 >>>

24.400

30.450 >>

2.750

8.800 >>

24.400

16.410 >>

16.790 D

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22.930
13.570 >>>

10.270

19.630

Proposition Schomburgk (1840). Prétention anglaise. .
Proposition brésilienne de M. Araujo Ribeiro (3 nov. 1843).
Proposition anglaise de lord Aberdeen (15 nov. 1843) .
Proposition anglaise de sir T. Sanderson (12 sept. 1891).
Proposition brésilienne de M. Souza Corrêa (15 mars 1897).
Proposition anglaise de lord Salisbury (22 avril 1897). .
Proposition anglaise de lord Salisbury (24 mai 1898) .
Proposition brésilienne de M. Souza Corréa (30 nov. 1898). 27.400
Dernière proposition anglaise (23 août 1900).

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(a) Il convient de remarquer que primitivement le territoire contesté entre le Brésil et la Grande-Bretagne

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A Pedone, Éditeur. Panie

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