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AVANT-PROPOS.

Le progrès dans l'art des mines et le chiffre croissant de leurs produits donnent la mesure du développement économique d'un peuple : comment dès lors s'étonner qu'en un temps d'activité industrielle comme le nôtre, les questions qui intéressent la production minérale soient d'une manière permanente à l'ordre du jour? Juristes, économistes se sont mis à l'æuvre pour les résoudre, les uns en se préoccupant un peu bien exclusivement

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peut-être de ce qui existe et en concluant au statu quo, les autres en se hâtant trop d'indiquer l'insuffisance et les lacunes d'une législation dont préalablement ils n'avaient pas assez approfondi les textes et l'esprit. Il nous a semblé qu'en ne se laissant dominer par aucune de ces tendances et en faisant marcher de front, sans parti pris d'avance, l'étude des dispositions de la loi du 21 avril 1810 sur les mines et l'examen des considérations critiques et économiques qui se rattachent à l'application de cette loi, on doit arriver à des conclusions qui ne porteront l’empreinte, ni d'un optimisme exagéré, ni d'un esprit de dénigrement systématique, et par là même à l'énoncé de quelques vérités utiles et fécondes.

La loi du 21 avril 1810 fonctionne depuis plus de cinquante années : l'étude pure et simple des textes ne sullit donc plus, et le moment semble venu de recueillir sur sa valeur pratique les leçons de l'expérience. Nous dirons même qu'un travail de cette nature sur le régime légal de nos mines emprunte un caractère d'urgence à tous les faits de statistique qui témoignent de l'insuffisance de notre production minière et à la situation que créent à nos exploitants les récents traités de commerce conclus avee la Grande-Bretagne et la Belgique, sans parler des traités qui se préparent avec les pays d'outre-Rhin. Quelle que soit l'énergie de nos exploitants, leur ténacité persévérante dans la lutte, la tension de leurs facultés intellectuelles « à diminuer incessamment le prix de revient et « le prix de vente par l'application des découvertes « de la science et de la mécanique à leur indusu « trie » (1), sommes-nous bien en état do tenir tête au surcroit d'activité que l'abaissement des tarifs doit donner à la concurrence des houilles anglaises et belges, et que la construction du canal de la Sarre va aussi imprimer à l'importation des houilles prussiennes du bassin de Sarrebruck? Si, comme nous le pensons, des appréhensions ou tout au moins des doutes peuvent être conçus à cet égard ; s'il peut être à craindre que notre industrie minière, en concurrence sur nos propres marchés avec l'industrie minière des autres pays, n'ait le sort d'un enfant qui lutterait contre un homme fait (1), n'est-il pas d'intérêt public, dans les circonstances présentes, de reprendre l'étude des dispositions de la loi de 1810 et de s'adresser, en ce qui les concerne, la question suivante : Ces dispositions, telles qu'elles sont interprétées par la jurisprudence et appli

(1) V. le disc. prononcé par S. E. M. Rouher, ministre du commerce et des travaux publics, au concours international de Poissy, le 16 avril 1860. (Monil. du 17.)

(2) V. le disc. prononcé par S. E. M. le comte de Morny, Président du Corps législatif, le 2 mars 1860, à l'ouverture de session.

quées par l'administration, constituent-elles pour nos mines un régime légal qui soit, dans une mesure suffisante, favorable au développement de la production minérale, et dans le cas de la négative, quelles seraient les principales innovations ou modifications à établir pour que la loi minière se trouvât mieux en rapport avec les exigences économiques et les besoins de nos exploitations, et plus à la hauteur des éventualités menaçantes d'une situation nouvelle?

L'ouvrage que nous offrons aujourd'hui au public n'embrasse pas, au point de vue de cette question, toutes les dispositions de la loi du 21 avril 1810 : il a pour objet la PROPRIÉTÉ DES MINES, c'està-dire le sujet qui est du reste la clef de voûte de toute la législation minière.

Cette question de la propriété des mines, nous l'envisageons tout d'abord, dans la première partie de notre travail, comme thèse de droit naturel et d'économie politique, et abstraction faite des textes de droit positif. On sait combien elle a été controversée. Le législateur de 1810, comme celui de 1794, a eu nécessairement à faire son choix entre les diverses solutions qu'elle a successivement reçues. Ce choix a-t-il été heureux ? Les idées théoriques dont le législateur de 1810 a plus particulièrement subi l'influence sont-elles bien lo

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