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la vûë de l'ennemi, & ce furent ces fuccès qui donnerent occafion à la bataille. Car au lieu de fe tenir, ẠN '1634. fuivant l'avis du Maréchal Horn, fur une hauteur & une colline voifine d'où ils auroient pû pouffer fans obftacle leurs retranchemens prefque jufqu'aux portes de Nordlingue, le Duc Bernard après avoir chaffé une partie de la cavalerie Imperiale & quel ques compagnies d'infanterie Efpagnole des poftes avantageux qu'elles occupoient dans les bois, s'avança beaucoup au de-là, & mit ainfi les Suedois dans la neceffité de donner bataille dans un terrain défavantageux. Comme ces efcarmouches s'étoient faites le foir, les deux armées passerent en bataille toute la nuit, pendant laquelle une partie de l'armée Imperiale qui occupoit une hauteur, s'y fortifia avec beaucoup de diligence, en fe couvrant de trois cfpeces de demi-lunes fur lefquelles elle plaça plufieurs pieces de canon qui fembloient rendre cet endroit inacceffible. Ce pofte paroiffoit cependant dé cifif pour le gain de la bataille, & le Maréchal Horn qui en jugeoit ainfi, réfolut de commencer l'attaque par-là.

Le lendemain matin dès la pointe du jour s'étant mis à la tête de l'aîle droite qu'il commandoit ce jour-là, il monta la colline par un détour. S'étant enfuite écarté de ses troupes pour obferver la contenance & la difpofition des ennemis, un des Officiers qui commandoient fous lui & qui avoit mal compris fes ordres, commença le combat tout autrement que le General n'avoit projetté ; il attaqua & mit en fuite les ennemis qu'il trouva en tête; après quoi il fut repouffé à fon tour, & le General obligé

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de lui envoïer fans ceffe de nouveaux renforts,

AN. 1634. changeant ainfi l'ordre de bataille qu'il avoit reglé, & effuïant un terrible feu de canon & de moufque

terie.

Pendant ce combat l'infanterie Suedoife deftinée à l'attaque des retranchemens des Imperiaux, arriva en bataille fur la hauteur. Horn y accourut auffitôt, & comme la demi-lune du milieu étoit la plus importante, & que fa prife devoit faciliter celle des deux autres, ce fut auffi celle qu'il fit attaquer le plus vivement. L'infanterie Suedoife partagée en deux corps s'en approcha par les deux côtez avec une intrépidité extraordinaire, malgré les décharges du canon & de la moufqueterie que les ennemis tiroient à bout portant. Elle l'emporta en un moment, & les ennemis abandonnant leur pofte & leur canon, laifferent encore fur la place le Colonel Wurmfer & le Comte de. Salms. Mais comme ces deux corps d'infanteric fe jetterent brusquement dans la demi-lune par deux côtez oppofez, & se rencontrerent de front, ils fe trouverent dans un extrême défordre, fans avoir ni affez d'espace pour faire leurs évolutions, ni le temps de reprendre leurs rangs ; car dans ce moment plusieurs barrils de poudre abandonnez par les ennemis prirent feu au milieu des troupes Suedoifes & y augmenterent la confufion. Auffi-tôt comme la demi-lune étoit ouverte du côté des Imperiaux, un gros de cuiraffiers Allemands y entra, & marchant fur le ventre aux fantaffins Šuedois, les obligea de quitter avec précipi tation le retranchement. Horn s'efforça en vain de les ramener à l'attaque ; il fit avancer de nouvelles

troupes, il rallia celles qui avoient été repouffées; mais les Suedois étonnez & découragez par la perte AN. 1634. qu'ils avoient faite, ne firent plus que de foibles efforts, & l'infanterie ennemie qui étoit rentrée dans fon pofte paroiffoit bien réfoluë de le conferver.

Une autre chose contribua encore à faire perdre cœur aux troupes Suedoifes qui combattoient fur la hauteur: c'est que du lieu où elles étoient elles voïoient la cavalerie de leur aîle gauche que commandoit le Duc Bernard presque défaite, & fuïant déja vers la montagne d'Arfnberg. En effet le Duc Charles de Lorraine & Jean de Werth combattoient de ce côté-là avec beaucoup de valeur & de fuccès ; le Duc Charles eut la gloire d'arracher de sa propre main l'étendart du Duc Bernard.

Cependant Gustave Horn voïant que tout étoit perdu s'il ne chaffoit les ennemis de la hauteur done j'ai déja parlé, vint à bout de faire faire encore un nouvel effort & une charge generale à fes troupes avec un renfort qu'il avoit reçû de l'aile gauche. Quelques régimens d'infanterie Sucdoife fe fignalerent dans cette occafion par un courage qui a peu d'exemples; mais il fallut enfin ceder au nombre, à la valeur & à la fortune des Imperiaux. Ceux-ci après avoir repouffé tout ce qui faifoit encore quelque réfiftance, étoient déja fur le point d'envelopper les troupes Suedoifes, lorfque Horn prit enfin le parti de faire retraite. Il l'auroit faite en bon ordre & avec peu de perte, si dans le temps qu'il fe retiroit, & qu'il avoit mis une bonne partie de l'armée en sûreté, fon aîle gauche entierement défaite par les Imperiaux n'étoit venu fe renverfer fur le refte de l'armée où elle

caufa une confusion generale. Auffi-tôt les ImpeAN. 1634. riaux & les Efpagnols accourant de toutes parts en firent un horrible carnage, les Suedois fe laiffant égorger comme des victimes, fans pouvoir ni résister ni fe fauver par la fuite. Jamais bataille ne fut plus glorieuse aux vainqueurs, ni plus funcste aux vaincus. On compta que les Suedois perdirent dans cette action plus de feize mille hommes, dont huit mille furent tuez ce jour là & la veille fur le champ de bataille, & le refte perit dans la fuite, aïant été vivement poursuivis par les Croates. Ils perdirent encore foixante-dix ou quatre-vingt pieces de canon, tout leur bagage, & une infinité de drapeaux & d'étendarts. Depuis Nordlingue jusqu'à Ulm & Wirtemberg les chemins étoient jonchez de cadavres d'hommes & de chevaux, d'armes & de bagages, & depuis long-temps la guerre n'avoit fourni de fpectacle plus affreux.

LXIV. Décadence du parti Suedais.

La confternation des Suedois fut égale à leur perte. Ils fe voïoient fans armée & fans Chef; car le Maréchal Horn le plus habile General qu'ils euffent alors, étoit demeuré prifonnier. Le Rhingrave qui avoit encore un corps de fix à fept mille hommes, fut défait peu de jours après par le Duc de Lorraine Pufendorf. 1.6. & Jean de Werth. Les Imperiaux profitant de leur victoire, après avoir pris Nordlingue, foumirent toute la Suabe & la Franconie. Les Allicz de la Suede crurent voir dans ce moment toutes les forces de la ligue Catholique fondre fur eux, & commencerent à envisager les Suedois, non plus comme des vangeurs de leur liberté, mais comme les ennemis de l'Empire & du repos public, auteurs de tous

les malheurs de l'Allemagne ; tel eft l'effet de l'adverfité. Déja plusieurs craignant d'être enveloppez AN. 1634dans leur difgrace, fongeoient à s'en féparer au plûtôt pour s'accommoder avec l'Empereur.

L'Electeur de Saxe y penfoit depuis long-temps, foit par inconstance naturelle, foit par chagrin contre les Princes de l'Union qui refufoient de lui déferer la principale direction des affaires & de la guerre. Il ceffa alors de diffimuler, & comme il avoit été le principal auteur de la Conféderation, il donna auffi aux Conféderez l'exemple de la désertion. Le traité qu'il avoit commencé à Pirn fut achevé & figné à Prague. Il feroit trop long d'en rapporter ici les articles, & il fuffira de dire que jamais acte ne fut plus défectueux ni plus contraire à la liberté Germanique. L'Empereur avec le Duc de Saxe difpofant en maître Souverain des Villes, des Provinces, des Etats Seculiers & Ecclefiaftiques de l'Allemagne, y décidoit feul des interêts de tous les Princes der l'Empire, & même des Couronnes étrangeres ; pardonnoit aux uns, châtioit les autres, prefcrivoit Catholiques & aux Proteftans des loix nouvelles, & prétendoit armer toute l'Allemagne contre les Sucdois comme ennemis de l'Empire, & contre la France pour l'obliger à rétablir le Duc de Lorraine que le Roi avoit juftement profcrit. Quoique l'Electeur de Brandebourg apperçût affez tous les défauts d'un acte fi irrégulier, il ne laiffa pas de l'accepter, découragé par le mauvais état où il voïoit les affaires des Suedois. On propofa ce traité à tous les autres Princes, comme un moïen commun de

aux

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LXV.
Paix de Prague.

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