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& prendroient le parti de fe donner à la France cm AN. 1635. retenant leurs privileges. Suivant ce projet les Maréchaux de Châtillon & de Brezé passerent la Meuse à Mezieres & à Charleville, entrerent dans le Luxembourg où ils fe faifirent d'Orchimont, de Rochefort & de Marche-en-Famine, s'avançant toujours vers Liege, pour aller de-là joindre le Prince d'Orange. à Maftricht.

XIII.

Bataille d'A

vein.

Le Cardinal Infant jugeant du deffein des François par leur marche, ne negligea rien pour en prévenir l'execution. Il affembla promptement le plus de troupes qu'il lui fut poffible: il en jetta une partie. dans les Villes les plus expofées pour les raffurer & les défendre, & du refte il forma une armée dont il donna le commandement au Prince Thomas de Savoie qui s'étoit depuis peu mis au fervice de l'Efpagne. C'eût été pour les Efpagnols un coup décifif de défaire les François avant leur jonction avec l'armée des Etats. Mais auffi c'étoit expofer les Païs-Bas à une ruine presque certaine, fi les François remportoient une victoire. La crainte d'une défaite moderoit ainfi dans le Prince Thomas l'envie qu'il avoit de fe fignaler par une bataille, d'autant plus que fon. armée étoit moins nombreufe que l'armée Françoife. Il s'approcha cependant pour obferver les François, dans l'efperance de trouver quelque occafion de les attaquer avec avantage. Il crut en effet l'avoir trouvée; mais elle lui devint funefte.

Comme il ne vouloit point hazarder de bataille en rafe campagne, il plaça toute fon infanterie dans un vallon dont l'approche étoit défenduë par des haïes & de gros buiffons avec une batterie de feize:

245 pieces de canon. Il rangea enfuite sa cavalerie dans une plaine derriere fon infanterie pour la foutenir, AN. 1635. & ne doutant point de la victoire fi les François l'attaquoient dans un pofte fi avantageux, pour les attirer il fit avancer devant fon infanterie quelque cavalerie dans la plaine. Les François voïant les ennem is fi près d'eux fe mirent en bataille. Le Maréchal de Brezé prit le commandement de l'aîle droite, le Maréchal de Châtillon celui de la gauche, & ils placerent douze pieces de canon au milieu de leur infanterie qui faifoit elle-même le centre de l'armée, Dans cet ordre ils s'avancerent fans connoître encore le nombre ni la difpofition des ennemis, parce qu'ils ne voïoient devant eux que le peu de cavalerie que le Prince Thomas avoit répandu dans la plaine pour attirer l'armée Françoife. Cette cavalerie s'étant retirée aux approches des François, les hares & les buiffons couvroient encore tellement les Espagnols, que les Maréchaux furent obligez de s'en approcher eux-mêmes de fort près pour les reconnoître. Les aïant découverts dans le vallon, ils réfolurent auffi-tôt de les faire attaquer malgré le défaVantage du terrain. Après quelques volées de canon tiré es des deux côtez, l'aîle droite de l'armée Françoi fe s'étant ébranlée, fe jetta avec beaucoup de courage dans les haïes qui couvroient les Espagnols. Ceux-ci reçûrent les François avec une égale réfolucion, & firent derriere les buiffons un fi grand feu

de
noufqueterie, qu'une partie de la cavalerie Fran-
Coife étonnée du bruit & incommodée de la fumée,
ferenverfa fur l'infanterie & la mit un peu en dé-
fordre. Le Marquis de Tavannes s'avançant alors

avec une autre partie de la cavalerie, chargea les AN. 1635. escadrons ennemis avec tant de bravoure qu'il les rompit. Pendant ce temps-là le Maréchal de Brezé rallia l'infanterie, la ramena au combat & lui fit faire une charge generale que l'infanterie ennemie ne pût foutenir. Le Marechal de Châtillon eut le même fuccès à l'aile gauche, où le régiment de Champagne enfonça les bataillons Efpagnols, & fut bientôt imité par tout le refte de l'infanterie Françoise, tandis que la cavalerie mettoit pareillement en fuite tous les efcadrons qui fe préfentoient devant elle. Ainfi la victoire ne balança pas long-temps entre les deux partis. Toute l'armée Espagnole défaite & rompue ne fongea plus qu'à fe fauver par la fuite, laiffant fur le champ de bataille & dans les chemins près de quatre mille morts, fon canon, fes bagages, la plus grande partie de fes drapeaux, & un grand nombre de prifonniers de confideration. Cette bataille se donna dans le païs de Liege auprès d'un Village nommé Avein, & elle en a pris le nom.

XIV.

Cardinal de Ri

chelieu.

La nouvelle d'une fi belle victoire remplit le CarVain projet du dinal de Richelieu des plus grandes efperances. Il ne douta plus du fuccès de fon projet. Il crut voir toutes les forces d'Espagne abattuës, & tous les Païs-Bas conquis. Après la jonction du Prince d'Orange qui vint fe joindre aux troupes Françoifes à Mastricht, les deux armées faifant enfemble plus de cinquante mille hommes, il fe perfuada qu'en fe rabbattant comme un torrent depuis l'Evêché de Liege jufques dans l'Artois, elles emporteroient routes les Villes, comme le grand Guftave avoit fait en Allemagne; mais il s'apperçût bien-tôt combien

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fes efperances étoient vaines. Les grandes Villes qui par le traité de partage étoient échuës aux Hollan- AN. 1635, dois, craignirent pour leur religion: celles qui devoient tomber fous la donfination de France craignirent pour leurs privileges ; & elles aimerent mieux fe défendre jufqu'à l'extrémité de s'exque pofer à perdre l'un ou l'autre. Une chose contribua encore à leur faire prendre cette réfolution : c'est que les deux armées aïant emporté Tillemont d'affaut, elles y commirent des excès inoüis de cruauté & de brutalité, fans épargner ni les lieux faints, ni les perfonnes confacrées à Dieu. Cette conduite toutà-fait imprudente révolta tout le Païs contre les armées Conféderées. Les habitans des campagnes & des petites Villes fe refugierent dans les Places fort es, & les bourgeois devenant autant de foldats, fe réfolurent à vendre bien cher leur vie & leur liberté.

XV.
Les Conféderest

Les Conféderez voïant l'opiniâtreté des grandes Villes prirent la réfolution d'en affieger quelqu'une, affliegent Louyam déterminez à la ruiner fi elle fe laiffoit forcer, & à lui accorder les conditions les plus favorables si elle confentoit à s'accommoder. Ils marcherentdonc à Louvain, en formerent le fiege, & les deux armées faifant leurs attaques à l'envi l'une de l'autre, avancerent: beaucoup les travaux ; mais ils trouverent dans les habitans & dans la garnifon qui étoit nombreuse & choifie, une résistance fi vigoureufe, qu'ils défefpererent bien-tôt du fuccès de leur entreprife. Les vivres commencerent à leur manquer. Picolomini que l'Empereur avoit envoïé au fecours des Espa

XV I. Retraite des Conféderez.

obligez de lever le siege & de se retirer à RureAN. 1635. monde. Là le Prince d'Orange apprit avec beaucoup de chagrin que les Espagnols avoient furpris le Fort de Skenck, fortereffe importante fituée à la pointe de terre qui fait la féparation des deux bras du Rhin. Auffi-tôt abandonnant les grands projets dont il s'étoit laiffé ébloüir, il quitta les François pour aller bloquer les Espagnols dans ce Fort. Les François de leur côté fe voïant en proïe à la difette, à la famine & aux maladies, réduits à un petit nombre, & hors d'état de rien entreprendre, n'ofant même retourner par terre,s'embarquerent dans un Port de Hollande, & débarquerent à Calais d'où ils retournerent dans leurs Provinces non pas en vainqueurs chargez des dépouilles de l'ennemi, mais réduits à demander l'aumône pour subsister. Ainfi s'évanoüit ce grand projet du Cardinal de Richelieu, fans autre fruit que d'avoir remporté une victoire inutile.

XVII.

Campagne du

Rhin.

Mere. Fran.

Comme la France avoit prétendu donner de la jalousie à l'Empereur & l'empêcher de fecourir les Espagnols en envoïant fur les bords du Rhin une armée commandée par le Cardinal de la Valette, l'Empereur prétendit auffi occuper de ce côté-là une Pufendorf. I. 6. partie des forces de la France en y envoïant le GeLotychius l.25. neral Gallas à la tête d'une puiffante armée. Le Cardinal aïant sous lui en qualité de Maréchaux de Camp le Vicomte de Turenne & le Comte de Guiche, fe joignit en deçà du Rhin au Duc Bernard de Veimar, qui depuis la bataille de Nordlingue & la quis de Montglar. prife du Maréchal Horn étoit resté feul General des Suedois & des Confederez dans ces quartiers-là, & qui par fa conftance, fon adresse & la grande répu

C. 3. tome 1.

・Memoires manufcrits du Mar

tation

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