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Comte de Curtz cût de bonnes propofitions à leur AN. 1639. faire. Mais fa vivacité leur parut affectée. D'ailleurs le traité d'alliance étoit trop récent pour ofer le violer ouvertement. Il falloit du moins ménager l'honneur de la Suede, & puifqu'on ne lui propofoit rien moins que d'être tout à la fois ingrate & infidele, on devoit le faire plus fecretement. C'est en quoi les Ducs de Lauvembourg s'y prirent beaucoup mieux que le Comte de Curtz.

XVII.

Welles propofi

captieufes & ébloüiffantes.

Ceux-ci firent en fecret aux Suedois les plus belles Ils font de non- offres. L'Empereur, difoient-ils, confentoit à leur tions, également ceder une partie de la Pomeranie, & pour fauver l'honneur de Sa Majefté Imperiale qu'une pareille ceffion paroiffoit bleffer, on propofoit un expedient qui étoit que les Suedois demandaffent en argent tel dédommagement qu'ils jugeroient à propos: que l'Empereur n'étant pas en état de fournir la fomme, il leur donneroit en gage une partie de la Pomeranie, avec permiflion de la poffeder enfuite à titre de fief, fi on ne leur païoit pas au temps marqué la fomme dont on feroit convenu. Rien ne paroiffoit plus capable d'éblouir les Suedois; mais ils crurent entrevoir un piege caché fous de fi belles propofitions. Les Rois d'Efpagne avoient depuis long-temps des vûës fur la Mer Baltique, & quelque foin qu'ils euffent pris de cacher leurs projets ambiPufendorf. l. 1 ticux, on les avoit découverts par les négociations fréquentes de leurs Ambaffadeurs à Dantzic & dans les Villes Hanfeatiques. Le Roi d'Espagne venoit d'Avaux 16. Juin d'envoïer récemment à Hambourg fous prétexte de négoce un certain Gabriel le Roi homme d'efprit, tout propre à tramer une intrigue ; & en effet un

& 1.11.

Lettre de M. Cirenberg au Comte

2639.

Magiftrat

Magiftrat de Dantzic donna l'année fuivante avis au Comte d'Avaux que cet homme étoit chargé de AN. 1639. l'execution de certains articles convenus entre Curtz & le Roi de Dannemark, & qui tendoient à transporter dans les Ports d'Espagne tout le commerce des Villes Hanfeatiques. Ce fut pour le même desfein que les Espagnols équiperent la même année cette grande flotte qui devoit aller porter la guerre jufques dans la Suede, & s'emparer de tout le commerce des Mers Septentrionales. Ce grand projet que l'efprit vain du Comte-Duc d'Olivarez avoit enfanté, fut renversé par la celebre victoire du fameux Amiral Hollandois Martin Tromp qui défit la flotte Espagnole, & détourna ainsi sans le sçavoir, Forage qui menaçoit la Suede. Or comme les Suedois ne pouvoient pas douter des desseins de la Maifon d'Autriche, ils avoient lieu de craindre qu'au bout du temps marqué dans le traité, les Efpagnols ne prêtaffent à l'Empereur la fomme neceffaire pour païer la Suede, afin de retenir eux-mêmes

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Pomeranie en gage, & de faire fur la Mer Baltique un établiffement auffi incommode à tout le Septentrion, que Dunkerque l'étoit à la France & à la Hollande. Ainfi les Suedois refuferent abfolument une voïe d'accommodement fi captieuse.

Cependant les Imperiaux ne fe rebutoient point, & le Comte de Curtz voulut du moins engager Salvius à lui donner parole qu'il confentiroit à un traité particulier fi on lui faifoit des propofitions raisonnables. L'artifice étoit groffier; Salvius protesta au contraire, que tandis que les François obferveroient le traité, on ne fongeroit jamais en Suede

XVIII.

Nouveaux artil'Empereur.

fices des Miniftres

po

à fe feparer d'eux. On lui repliquoit qu'il devoit AN. 1639. donc fonger à fe feparer, puifque les François moins fcrupuleux négocioient fecretement pour leurs interêts particuliers. Salvius étonné des affurances fitives qu'on lui donnoit fur cela, ne pût s'empêcher d'en témoigner de l'inquietude; & le Comte d'Avaux qui connoiffoit fon efprit ombrageux cut de la peine à le raffurer, & n'en vint à bout qu'en lui apprenant que les partisans de la Maison d'Autriche difoient en France des Sucdois tout ce qu'ils difoient à Hambourg des François.

Avaux à M.

Mai 1638.

En effet c'étoit-là un reffort affez ordinaire que les Imperiaux emploïoient pour infpirer aux Miniftres des deux Couronnes une défiance mutuelle. On écrivoit de Cologne à Hambourg que les Con-ferences y commençoient avec fuccès, & le ChanLettre du c. celier de Dannemark prétendoit avoir lieu de conde Chavigny 18. clure de quelques paroles échappées au Comte de Curtz, qu'il y avoit une négociation fecrete entre la France & l'Empereur par l'entremife du Duc de Baviere & des sœurs de l'Empereur avec la Reine de France. Que c'étoit pour cette raifon que les François formoient fans ceffe de nouvelles difficultez qui éloignoient le traité de la paix generale, afin d'avoir le temps d'achever leur traité particulier. QuelquesPrinces amis des Suedois, & trompez eux-mêmes. par ces faux bruits, les conjuroient de faire au plûtôt leur traité, pour ne fe pas laiffer prévenir par les François. Il falloit fans ceffe les raffurer contre ces vaines terreurs, & peut-être que le Comte d'Avaux n'en feroit jamais venu à bout, fi la fituation des Suedois leur avoit permis de fe feparer de la France..

Mais la neceffité les obligeoit de diffimuler, & d'agir avec les apparences de la plus grande confiance, ce AN. 1639. la France faifoit auffi de fon côté.

que

On voit affez que ces négociations particulieres retardoient de plus en plus la paix generale, & la France n'en étoit pas fâchée non plus que l'Empereur : la France parce qu'elle trouvoit fon avantage dans la guerre ; l'Empereur parce qu'il ne vouloit faire que des traitez particuliers. Îl falloit cependant diffimuler fes fentimens pour imposer aux peuples, & témoigner quelque defir de vouloir mettre fin aux malheurs de l'Europe.

à

XIX. Commencement

des Conferences à Hambourg pour

le traité préliminaire. pour

le Comte d'Avaux.

Comme la Suede persistoit à refuser d'envoïer ses Plenipotentiaires à Lubek avant qu'on eût reglé Hambourg les préliminaires du traité, & delivré de part & d'autre les fauf-conduits pour Lubek & Cologne, afin que les deux traitez fe fiffent en même temps, on commença enfin à entrer en matiere fur tous ces points. Mais le Comte d'Avaux cut encore à cette occafion un nouveau démêlé avec les Impe- Les Imperiaux riaux. Comme ils n'avoient pû l'obliger à fortir de veulent en exclure Hambourg, ils engagerent les Médiateurs qui étoient fecretement dévouez à l'Empereur,à refuser de l'admettre aux Conferences, fous prétexte qu'on ne devoit y traiter que des préliminaires de la paix entre l'Empereur & la Suede fans aucune mention de la France. Que c'étoit à Cologne & par la médiation du Pape que les François devoient négocier leur traité de paix & en regler auffi les préliminaires. Cette chicane étoit tout-à-fait injufte; car puifque les préliminaires étoient les mêmes pour l'un & l'autre traité, il étoit beaucoup plus raisonnable &

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plus court de les regler en même temps & dans le AN. 1639. même lieu, que d'en renvoïer la difcuffion à Cologne. Le Comte de Curtz refufoit cependant de fe relâcher fur ce point, & il fallut que Salvius déclarât aux Médiateurs que fi le Comte d'Avaux n'étoit admis aux Conferences, il ne pourroit pas y affifter lui-même. Ses inftances, & la fermeté du Comte à rejetter les expediens qu'on lui propofoit, l'emporterent enfin fur l'opiniâtreté des Imperiaux.

XXI. Premiere de

riaux refufée par le

Le Roi de Dannemark & le Comte de Curtz mande des Impe- Vouloient avant toutes chofes qu'on affignât un Comte d'Avaux. jour pour commencer les congrès de Lubek & do Cologne. Salvius confentoit que ce fût au commencement de l'hiver; mais le Comte d'Avaux avoit des ordres contraires. Quelques diligences qu'on cût faites en France pour obtenir du Roi d'Espagne des fauf-conduits pour les Hollandois tels que ceux-ci les fouhaitoient, on n'en avoit encore pû venir à bout : & comme on n'efperoit pas les obtenir fi-tôt, & que les Hollandois ne vouloient cependant pas. fe relâcher fur cet article, le Roi étoit bien aife qu'on ne fe prefsât pas à Hambourg d'affigner le jour des deux congrès, pour ne fe voir pas obligé de commencer le traité de Cologne avant l'arrivée des Hollandois. Car c'étoit toujours-là le point fixe de la politique du Roi. Ainfi le Comte d'Avaux fe retrancha toujours fur ce principe qui étoit vrai, qu'il étoit inutile d'affigner un jour pour commencer le congrès avant qu'on cût accordé les fauf-conduits qu'on demandoit. Que dès qu'on les auroit expediez en bonne forme il partiroit pour Cologne.

XXII. Conteftations

Cet article étoit agité depuis long-temps fans

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