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OBSERVATIONS

DU TRIBUNAL D'APPEL ÉTABLI A RENNES, SUR LÉ PROJET DE CODE CIVIL.

Le tribunal d'appel, en suivant la division du travail qui lui a été présenté par sa commission, s'attachera d'abord aux observations principales et d'un intérêt majeur. Il discutera ensuite les observations de détail, dont le plus grand nombre ne portent que sur la rédaction des articles.

PREMIÈRE PARTIE.

OBSERVATIONS PRINCIPALES.

Les premiers regards de la commission se sont portés sur la forme du projet. Une expérience suivie l'a convaincue de l'incommodité de différentes séries d'articles dans un ouvrage tel qu'un corps de lois. Une seule série, conforme au projet de Cambacérès, serait infiniment plus commode pour tous les citoyens, et surtout pour ceux qui, par état, sont obligés d'en faire de fréquentes applications. Qu'on voie le Code pénal de 1791: de quelles circonlocutions n'est-on pas obligé de se servir pour en citer un article? Il en sera de même du projet de Code civil, si la division qui y a été suivie est adoptée; au lieu que, si le Code était formé d'une seule série d'articles, il suffirait d'indiquer le nombre de l'article qu'on veut citer.

Rien de plus facile à établir que cet ordre numérique, sans toucher d'ailleurs à la division des matières. Par ces considérations, la commission propose de réduire tous les articles du Code à une seule série continue. Cette proposition, mise aux voix dans l'assemblée générale, est adoptée. LIVRE PRÉLIMINAIRE.

TITRE III.

Mode de promulgation des lois.

La commission a fait l'observation suivante : Il y a longtemps que les bons esprits gémissent de l'insuffisance du mode actuel de promulgation des lois; et l'on ne trouve point, dans ce titre, le remède aux abus qui en résulteraient, le mode proposé étant toujours le même.

Il y avait sur cette matière importante deux problèmes à résoudre.

1er problème. Trouver un terme fixe et uniforme pour que la loi devienne exécutoire, le même jour, pour tous les citoyens, dans l'étendue de la République.

2 problème. Trouver un mode de publication tel que chaque citoyen, sachant lire, puisse acquérir sans frais la connaissance de la loi.

Ce moyen est l'affiche dans toutes les communes de la République, ou tout au moins dans tous les chefs-lieux des tribunaux civils, et dans les lieux où sont établis les juges de paix.

La seule objection qu'on puisse faire contre l'affiche dans toutes les communes, est la dépense qu'elle entraîne et que l'on croit énorme elle l'était sans doute dans les années orageuses de la

T. VII.

Révolution, parce qu'on faisait afficher tous les décrets innombrables de la Convention nationale, décrets de circonstances, décrets locaux, qui ne méritent pas le titre de lois.

L'observation de la commission ne porte que sur les lois d'utilité générale, qui sont et seront en petit nombre, et dont l'affiche par conséquent coûtera peu. En jugeant du nombre des lois futures par le nombre de celles qui ont été émises depuis le 18 brumaire an VIII, on se convaincra de cette vérité de fait. En principe, le devoir d'un gouvernement est de mettre les lois à la portée de tous les citoyens intéressés à les connaître; et la dépense n'est pas une objection à proposer contre le principe.

A l'égard du temps, c'est-à-dire du jour fixe auquel la loi puisse devenir exécutoire pour tous les citoyens dans toute l'étendue de la France, il ne s'agit que de déterminer le délai nécessaire pour que la loi soit parvenue dans toutes les communes les plus éloignées du centre politique.

On remarque, dans l'article 2 du projet, que les lois relatives à l'ordre judiciaire ne seront pas exécutoires en même temps que les lois concernant l'administration générale; ce qui est un vice d'autant plus sensible, qu'il n'y a presque pas de lois d'administration qui ne soient applicables par les tribunaux. La solution des problèmes proposés par la commission remédierait à cet inconvénient.

L'article 37 de la Constitution porte que tout décret du Corps législatif est promulgué par le Premier Consul, le dixième jour après son émission.

En supposant donc que le délai d'un mois, à compter de cette promulgation par le Premier Consul, soit suffisant pour faire parvenir la loi aux extrémités de la République les plus éloignées du séjour du premier magistrat, les articles 2, 3 et 4 du titre III pourraient être rédigés de la manière suivante :

Art. 2. « La loi sera exécutoire, simultanément, << dans toutes les parties de la République, à « l'expiration d'un mois (si ce délai est insuffi«sant, on peut y substituer celui de quatre ou cinq décades, ou tel autre qui sera jugé conve<«<nable), à compter de la promulgation qui en <«< sera faite, aux termes de la Constitution, par «<le Premier Consul. >>

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Art. 3. « Avant l'expiration de ce délai, elle devra « être publiée dans tous les tribunaux, à l'au«dience qui suivra immédiatement le jour de la « réception, par la section de service, à peine de <«< forfaiture contre les juges. Le greffier en dres<< sera procès-verbal sur un registre particulier. »> Art. 4. Pour que chaque citoyen puisse ac<«< quérir sans frais la connaissance de la loi, elle « sera affichée dans toutes les communes, dans << la décade de la réception, et l'affiche en sera «< conservée ou renouvelée au moins pendant « une décade entière. »

Le tribunal, délibérant sur cette observation, l'a adoptée.

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L.

LIVRE PREMIER.

Des personnes.

TITRE II, et passage du TITRE VII au TITRE VIII. ÉTAT CIVIL; ADOPTION.

Le silence absolu du projet sur les adoptions a donné lieu à la commission de penser que, quoique l'adoption n'ait pas été combattue dans le discours préliminaire, l'intention des rédacteurs a été de l'abolir. L'avis de la majorité de la commission ayant été au contraire d'insérer dans le Code civil les dispositions du projet de Cambacérès relatives à l'adoption, la question a été mise aux voix dans l'assemblée générale, et le tribunal s'est prononcé en majorité contre l'avis de la commission.

TITRE IV.

Absents.

Art. 14. Cet article dépouille irrévocablement l'absent de toutes ses propriétés après trente ans révolus, à compter de l'envoi de ses héritiers en possession provisoire, c'est-à-dire après trentecinq ans d'absence; ce qui paraît souverainement injuste, dans l'hypothèse de son retour après les trente ans. Il arriverait qu'un homme s'absentant à sa majorité accomplie, et revenant âgé seulement de cinquante-six ans, sa succession entière se trouverait dévolue, de son vivant, à ses héritiers présomptifs; ce qui répugne. Viventis nullus hæres.

L'envoi de ces héritiers en possession provisoire après cinq ans n'est qu'une espèce de dépôt dans leurs mains, un titre précaire qui ne peut être la base de la prescription. Pour prescrire, il faut une possession animo domini. La prescription, si elle pouvait être admise en cette matière, ne devrait commencer à courir que du jour où la possession des héritiers devient définitive, comme le serait celle d'un étranger; et l'on remarquera que la loi, faisant durer trente ans la possession provisoire, il ne se trouve aucun intervalle entre elle et la dévolution irrévocable de la propriété, de sorte qu'on la fait acquérir aux héritiers présomptifs sans prescription caractérisée, et sans avoir possédé un seul jour animo domini. Le droit des héritiers ne peut être fondé sur la prescription, leur qualité y étant un obstacle perpétuel, mais seulement sur la présomption de mort de l'absent, présomption qui cesse évidemment parson retour. C'est bien assez qu'après dix ans, les héritiers ne soient plus comptables des jouissances, et qu'ils en profitent; mais en quelque temps que ce soit, le fonds doit être rendu à l'absent, lorsqu'il reparaît. L'article 6 du projet reconnaît le principe général que la loi ne présume la mort de l'absent qu'après cent ans révolus, du jour de sa naissance; et la dernière partie de l'article 14 est en opposition directe avec ce principe.

D'après ces réflexions émises par la commission et discutées dans l'assemblée générale, le tribunal propose la rédaction suivante de l'article 14.

« Les héritiers, tant qu'ils ne jouissent qu'en « vertu de l'envoi provisoire, ne peuvent pres«crire la propriété des fonds et capitaux dont « l'administration leur a été confiée.

«Ils ne peuvent aliéner ni hypothéquer ses im« meubles avant trente ans révolus, à compter « du jour de l'envoi en possession provisoire; et même après les trente ans, si l'absent revenait, il pourrait se faire délivrer par eux soit les im« meubles mêmes, s'ils existent encore dans leur

<< possession, soit le prix qui en est provenu, s'ils « ont été aliénés; mais sans rapport d'intérêts ni « de jouissance, si ce n'est à compter du jour de « la demande judiciaire. »>

TITRE V. Mariage.

Art. 28. Cet article autorise les pères et mères, même les aïeuls, à former opposition au mariage de leurs enfants ou descendants, encore que ceuxci aient vingt-cinq ans accomplis.

Après avoir fixé en général la majorité à l'âge de vingt-un ans, la loi, qui ne permet aux enfants de se marier qu'à vingt-cinq ans sans le consentement de leur père où de leur mère, n'est qu'une prolongation fictive de la minorité. Cependant, l'importance du mariage et l'intérêt des mœurs justifient suffisamment cette fiction: mais il est contraire à la liberté individuelle de prolonger au delà de vingt-cinq ans les liens de la dépendance des enfants, en autorisant les oppositions de leurs ascendants à leur mariage.

Qu'on assujettisse les enfants, même au delà de cet âge, à justifier qu'ils ont requis le consentement de leur père ou de leur mère, à la bonne heure; c'est une déférence de la piété filiale, c'est l'équivalent de la sommation respectueuse de l'ancien droit français mais après cette déférence, la liberté reprend ses droits; et la puissance paternelle, qui a déjà cessé par la majorité, ne peut plus influer sur le sort des enfants.

Ainsi, à la place de l'article 28, le tribunal, sur le rapport de la commission, propose l'article sui

vant :

Les pères et mères, et, à leur défaut, les aïeuls et aïeules, peuvent former opposition « au ma«riage de leurs enfants ou descendants, pendant « que ceux-ci n'ont pas atteint l'âge de vingt« cinq ans accomplis. Au delà même de cet âge, <«<l'enfant ou descendant est tenu de justifier qu'il « a requis le consentement de son père ou de sa « mère, ou celui de ses aïeuls ou aïeules; passé <«< laquelle réquisition, les oppositions ne peuvent « être reçues. >>

TITRE VI. Divorce.

Art. 3. La majorité de la commission ayant été d'avis d'admettre le divorce par consentement mutuel, le tribunal, délibérant sur cette question, en a prononcé la négative, aussi à la majorité.

Il a été pareillement d'avis, contre celui de la commission, de rejeter le divorce pour cause de fureur, même permanente.

Sur la dernière partie de l'article 3, le tribunal a pensé que cette disposition, qui fait dépendre la demande de divorce de la femme, d'une condition qu'il est au pouvoir du mari d'éluder, détruit la réciprocité nécessaire du divorce fondé sur l'adultère de l'un des époux. Il est d'avis que cette cause soit admise contre le mari comme contre la femme, lorsqu'il y a scandale public, ou lorsque l'adultère est prouvé par des écrits du fait de l'époux contre lequel le divorce est demandé.

Le tribunal est aussi d'avis qu'au nombre des causes du divorce, on fasse entrer, dans l'article 3, la condamnation de l'un des époux à une peine afflictive ou infamante, conformément à la loi du 20 septembre 1792, et au projet de Cambacérès, article 328. Le respect dù au mariage n'exige pas qu'un époux soit tenu de demeurer associé avec l'époux qui s'est couvert d'infamie. La morale, dans ce cas, d'accord avec la nature, commande le divorce.

Enfin, le tribunal est d'avis, sur le même article, d'en retrancher la diffamation publique, terme trop vague dont l'abus tendrait à faire prononcer le divorce pour injures. Si l'injure est grave, elle rentre soit dans la cause des sévices et mauvais traitements, soit même dans l'attentat d'un époux à la vie de l'autre.

Art. 53. Aliments aux divorcés. La réciprocité de l'obligation de fournir des aliments est, dans l'opinion de la majorité de la commission, une conséquence nécessaire du principe qui est la source de cette obligation. Ce principe est uniquement la commisération; sentiment indépendant des causes du divorce.

Ainsi, au lieu de l'article 53, la commission propose, et le tribunal est d'avis, de substituer l'article 8 du troisième paragraphe de la loi du 20 septembre 1792, qui, outre la réciprocité, présente une sage limitation. Il n'y a point, en effet, d'obligation d'alimenter, si l'époux, à qui cette obligation devra être imposée, n'a étroitement que les moyens de s'alimenter lui-même. Au contraire, l'article 53 du projet accorde indéfiniment le sixième ou le tiers du revenu de l'époux chargé de la pension alimentaire. Sur quoi, le tribunal demande s'il est juste de retrancher encore un sixième de revenu à celui qui n'en a pas de suffisant pour subvenir à ses besoins de première nécessité.

TITRE VIII.

Puissance paternelle.

Art. 3. Le tribunal, après une mûre délibération, adoptant l'avis de la majorité de la commission, a pensé que ce serait donner une trop dangereuse extension à la puissance paternelle, que d'autoriser le père seul à faire renfermer son enfant. Son avis est que le père comme la mère soient assujettis à s'adresser au conseil de famille, conformément à la loi du 24 août 1790.

TITRE IX. Emancipation.

Art. 106. L'avis du tribunal, conforme à celui de la commission, est qu'il n'y ait pas d'émancipation de plein droit à dix-huit ans; que le recours au conseil de famille soit nécessaire avant et après cet âge; que le conseil de famille puisse le devancer ou le retarder suivant le degré de capacité qu'il reconnaîtra dans le mineur; et qu'en aucun cas, l'émancipation ne puisse avoir lieu au-dessous de l'âge de quinze ans, pour l'un et l'autre

sexe.

LIVRE III. TITRE PREMIER. Successions.

CHAPITRE IV.

Enfants naturels. Successibilité.

Le système général des dispositions du Code relatives aux enfants naturels, a paru à la commission trop sévère; et celui de la loi du 12 brumaire an II leur était trop favorable. On pouvait, entre ces deux extrêmes, se frayer, vers la justice et l'équité, une route intermédiaire. Réduire les enfants naturels au rôle de créanciers dans la succession de leur père ou de leur mère naturels, c'est les jeter, contre le vœu de la nature, hors de la famille; c'est les punir d'une faute qui ne leur est point personnelle; c'est en faire une caste à part, et perpétuer le malheur de leur naissance. La commission, en majorité, incline de préférence pour le projet de Cambucérès, qui admet les en

fants naturels à la succession de leurs pères et mères, en concurrence avec les enfants légitimes; mais qui ne leur attribue qu'une demi-part d'enfant lorsqu'il y a concours. S'il n'y a point d'enfants légitimes, les enfants naturels doivent exclure les collatéraux.

Le tribunal, délibérant sur cette observation, est d'avis de conserver les articles du projet tels qu'ils sont rédigés; il se fonde sur ce que les enfants naturels n'ont point de famille. TITRE IV.

Contrainte par corps.

On a d'abord agité, en principe, la question si la contrainte par corps doit trouver place dans le Code civil, ou si elle doit être reléguée soit dans le Code du commerce, soit dans le Code pénal et correctionnel.

Le tribunal, rejetant l'avis de la majorité de la commission sur le principe général, est d'avis que la contrainte par corps peut être exercée en matière civile ordinaire, sauf les modificatious ci-après.

En suivant l'ordre établi dans l'article 1er du titre IV, l'avis du tribunal est :

1° D'admettre la contrainte par corps pour la répétition, contre les agents du Gouvernement, des deniers publics et nationaux ;

2o De l'admettre encore, en cas de réintégrande, pour la restitution d'un fonds prononcée en faveur du propriétaire qui en a été dépouillé par voie de fait, ainsi que pour la restitution des fruits de ce fonds, et pour les dommages-intérêts;

3o 11 a été d'avis d'admettre la contrainte par corps, comme moyen coercitif, contre le débiteur injuste;

4o De rejeter du Code civil la contrainte par corps pour stellionat, qui est un délit dont la place naturelle est dans le Code pénal ou correctionnel; 5° De l'admettre pour dépôt nécessaire;

6o Pour la répétition de deniers consignés par ordonnance de justice, ou entre les mains de personnes publiques;

7° Et pareillement pour la représentation des choses déposées aux séquestres, commissaires et gardiens;

8° L'avis presque unanime du tribunal est de rejeter la faculté de stipuler la contrainte par corps dans les baux de biens ruraux; le citoyen ne pouvant, en aucun cas, engager par convention sa liberté individuelle, ou consentir à la perdre;

9° Enfin, la contrainte par corps, dans l'opinion de la majorité du tribunal, est admissible contre les fermiers de biens ruraux, pour les forcer à représenter le cheptel de bétail, les semences et les instruments aratoires qui leur ont été confiés, le tout sous les modifications exprimées dans l'article. TITRES VI, VII et VIII. Hypothèques, lettres de ratification et saisies réelles Deux principes font la base du système hypothécaire établi par la loi du 11 brumaire an VII, la publicité et la spécialité des hypothèques. La publicité, qui avait réuni tous les suffrages dans les longues et savantes discussions qui ont eu lieu dans plusieurs sessions du Corps législatif, se trouve renversée de fond en comble par le nouveau projet, qui ne fait que ressusciter les anciens abus dans cette matière importante.

Quant à sa spécialité, elle a essuyé le feu de plusieurs combats qui lui ont été livrés dans le cours de ces discussions, et elle en était sortie triomphante.

LIVRE PREMIER.

Des personnes.

TITRE II, et passage du TITRE VII au TITRE VIII. ÉTAT CIVIL; ADOPTION.

Le silence absolu du projet sur les adoptions a donné lieu à la commission de penser que, quoique l'adoption n'ait pas été combattue dans le discours préliminaire, l'intention des rédacteurs a été de l'abolir. L'avis de la majorité de la commission ayant été au contraire d'insérer dans le Code civil les dispositions du projet de Cambacérès relatives à l'adoption, la question a été mise aux voix dans l'assemblée générale, et le tribunal s'est prononcé en majorité contre l'avis de la commission.

TITRE IV.

Absents.

Art. 14. Cet article dépouille irrévocablement l'absent de toutes ses propriétés après trente ans révolus, à compter de l'envoi de ses héritiers en possession provisoire, c'est-à-dire après trentecinq ans d'absence; ce qui paraît souverainement injuste, dans l'hypothèse de son retour après les trente ans. Il arriverait qu'un homme s'absentant à sa majorité accomplie, et revenant âgé seulement de cinquante-six ans, sa succession entière se trouverait dévolue, de son vivant, à ses héritiers présomptifs; ce qui répugne. Viventis nullus hæres.

L'envoi de ces héritiers en possession provisoire après cinq ans n'est qu'une espèce de dépôt dans leurs mains, un titre précaire qui ne peut être la base de la prescription. Pour prescrire, il faut une possession animo domini. La prescription, si elle pouvait être admise en cette matière, ne devrait commencer à courir que du jour où là possession des héritiers devient définitive, comme le serait celle d'un étranger; et l'on remarquera que la loi, faisant durer trente ans la possession provisoire, il ne se trouve aucun intervalle entre elle et la dévolution irrévocable de la propriété, de sorte qu'on la fait acquérir aux héritiers présomptifs sans prescription caractérisée, et sans avoir possédé un seul jour animo domini. Le droit des héritiers ne peut être fondé sur la prescription, leur qualité y étant un obstacle perpétuel, mais seulement sur la présomption de mort de l'absent, présomption qui cesse évidemment par son retour. C'est bien assez qu'après dix ans, les héritiers ne soient plus comptables des jouissances, et qu'ils en profitent; mais en quelque temps que ce soit, le fonds doit être rendu à l'absent, lorsqu'il reparaît. L'article 6 du projet reconnaît le principe général que la loi ne présume la mort de l'absent qu'après cent ans révolus, du jour de sa naissance; et la dernière partie de l'article 14 est en opposition directe avec ce principe.

D'après ces réflexions émises par la commission et discutées dans l'assemblée générale, le tribunal propose la rédaction suivante de l'article 14.

«Les héritiers, tant qu'ils ne jouissent qu'en « vertu de l'envoi provisoire, ne peuvent pres« crire la propriété des fonds et capitaux dont « l'administration leur a été confiée.

« Ils ne peuvent aliéner ni hypothéquer ses immeubles avant trente ans révolus, à compter « du jour de l'envoi en possession provisoire; et même après les trente ans, si l'absent revenait, il pourrait se faire délivrer par eux soit les immeubles mêmes, s'ils existent encore dans leur

« possession, soit le prix qui en est provenu, s'ils « ont été aliénés; mais sans rapport d'intérêts ni « de jouissance, si ce n'est à compter du jour de <«< la demande judiciaire. »

TITRE V. Mariage.

Art. 28. Cet article autorise les pères et mères, même les aïeuls, à former opposition au mariage de leurs enfants ou descendants, encore que ceuxci aient vingt-cinq ans accomplis.

Après avoir fixé en général la majorité à l'âge de vingt-un ans, la loi, qui ne permet aux enfants de se marier qu'à vingt-cinq ans sans le consentement de leur père ou de leur mère, n'est qu'une prolongation fictive de la minorité. Cependant, l'importance du mariage et l'intérêt des mœurs justifient suffisamment cette fiction mais il est contraire à la liberté individuelle de prolonger au delà de vingt-cinq ans les liens de la dépendance des enfants, en autorisant les oppositions de leurs ascendants à leur mariage.

Qu'on assujettisse les enfants, même au delà de cet âge, à justifier qu'ils ont requis le consentement de leur père ou de leur mère, à la bonne heure; c'est une déférence de la piété filiale, c'est l'équivalent de la sommation respectueuse de l'ancien droit français mais après cette déférence, la liberté reprend ses droits; et la puissance paternelle, qui a déjà cessé par la majorité, ne peut plus influer sur le sort des enfants.

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Ainsi, à la place de l'article 28, le tribunal, sur le rapport de la commission, propose l'article sui

vant :

Les pères et mères, et, à leur défaut, les aïeuls et aïeules, peuvent former opposition « au mariage de leurs enfants ou descendants, pendant « que ceux-ci n'ont pas atteint l'âge de vingt« cinq ans accomplis. Au delà même de cet âge, « l'enfant ou descendant est tenu de justifier qu'il « a requis le consentement de son père ou de sa « mère, ou celui de ses aïeuls ou aïeules; passé <«< laquelle réquisition, les oppositions ne peuvent «< être reçues. »

TITRE VI. Divorce.

Art. 3. La majorité de la commission ayant été d'avis d'admettre le divorce par consentement mutuel, le tribunal, délibérant sur cette question, en a prononcé la négative, aussi à la majorité.

Il a été pareillement d'avis, contre celui de la commission, de rejeter le divorce pour cause de fureur, même permanente.

Sur la dernière partie de l'article 3, le tribunal a pensé que cette disposition, qui fait dépendre la demande de divorce de la femme, d'une condition qu'il est au pouvoir du mari d'éluder, détruit la réciprocité nécessaire du divorce fondé sur l'adultère de l'un des époux. Il est d'avis que cette cause soit admise contre le mari comme contre la femme, lorsqu'il y a scandale public, ou lorsque l'adultère est prouvé par des écrits du fait de l'époux contre lequel le divorce est demandé.

Le tribunal est aussi d'avis qu'au nombre des causes du divorce, on fasse entrer, dans l'article 3, la condamnation de l'un des époux à une peine afflictive ou infamante, conformément à la loi du 20 septembre 1792, et au projet de Cambacérès, article 328. Le respect dù au mariage n'exige pas qu'un époux soit tenu de demeurer associé avec l'époux qui s'est couvert d'infamie. La morale, dans ce cas, d'accord avec la nature, commande le divorce.

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