Page images
PDF
EPUB

dance de la France fut à la merci de l'étranger. Mais on tomba d'accord aussitôt, que cette capitulation n'était qu'une convention militaire, et la sérénité revint dans l'âme de ces législateurs acharnés. Enfin le grand œuvre est achevé, l'exaltation est à son comble; on se félicite, on s'embrasse les générations futures jouiront en paix de cette incomparable Constitution, qui ne devait pas être appliquée une heure, lorsqu'un coup de pied prussien défonça la porte du sanctuaire et mit fin à cette allégresse.

:

On a dit que cette malheureuse Chambre n'avait fait qu'hériter des fautes de l'Empire et qu'il lui était impossible de ne pas commettre les sottises historiques qu'elle a commises. C'est une erreur qu'il est à peine besoin de combattre à supposer, en effet, qu'on ait des griefs contre son prédécesseur, il n'y a jamais nécessité de détrôner son souverain et de faire une révolution devant l'ennemi, non plus que de livrer la France sans combattre quand on a ́sous la main une armée fidèle et qui brûle de le faire. Sans doute, on ne sait pas ce qui serait advenu si l'empereur était resté sur son trône; tout jugement à ce sujet est hypothétique. Ce qui est certain, par contre, c'est que le Parlement, qui s'était adjugé tous les pouvoirs, est

seul responsable de la révolution qu'il fit et de l'invasion qui en fut la suite nécessaire : le peuple n'y fut pour rien, car il détestait l'une et l'autre.

On raconte que Carnot, prenant les ordres de Fouché, qui venait de dresser une liste de proscription pour complaire à ses nouveaux maîtres, lui dit : « Où veux-tu que j'aille, traître!» et que son interlocuteur lui répondit : « Où tu voudras, imbécile! » Ces deux révolutionnaires semblent avoir ainsi résumé par avance l'histoire de l'Assemblée souveraine de 1815.

II

LE PARLEMENT DE 1830

Le 18 juin 1828, au soir, Paris fêtait à sa manière le succès des députés de l'opposition; aux cris de joie et aux pétards libéraux succédait la violence contre les personnes et les choses on cassait les réverbères, on dressait les barricades; la troupe sortait enfin de ses casernes et à coups de fusil, à coups de sabre rétablissait l'ordre.

Naturellement, l'opposition prouva avec ses arguments accoutumés que la police avait fait le coup, que le ministère seul avait intérêt à ensan

glanter les rues de la capitale, pour peser sur les électeurs des grands collèges dont les can-didats n'étaient pas encore nommés; et, naturellement aussi, les bons bourgeois n'eurent garde de révoquer en doute les assertions du Constitutionnel, leur journal de prédilection.

Ils étaient en effet revenus dans l'espace de quelques années à leur état naturel d'oppo

sants.

La lutte s'était rapidement établie entre cette haute bourgeoisie, qui avait acclamé les Bourbons en 1815 et les Bourbons eux-mêmes. En haine du régime impérial, qu'elle traitait de despotique, elle avait accueilli, les bras ouverts, cette légitimité qu'elle trouvait maintenant tyrannique, mais sans la compensation de la gloire. Ce ressentiment si voisin de l'enthousiasme passé, paraîtra ridicule, et il l'est en effet, bien qu'il soit facile de l'expliquer. La classe moyenne, toujours incapable de vues et de prévoyance politiques avait cédé à son premier mouvement en renversant l'établissement impérial, qui, disait-elle, la laissait trop à l'écart et se refusait obstinément à lui confier le gouvernement du pays. Toutefois, sans être tout dans la nation, elle avait la part légitime d'influence que confèrent l'instruction et la richesse, dans

un gouvernement démocratique à la cour de Louis XVIII, au contraire, comme à celle de Charles X, elle était mal à l'aise; les regards, les prévenances, le courant de la faveur étaient pour la noblesse, qu'elle détestait bien plus encore qu'avant la Révolution; sans doute la Restauration avait commis des fautes, quel gouvernement n'en commet pas? - Mais au lieu de les pallier dans l'opinion publique, on les exagérait, on s'en faisait une arme continuelle; on se comportait enfin comme un parti, qui au lieu d'avoir ramené les Bourbons, les aurait subis.

Pour ces politiques un peu puérils, il ne saurait jamais être question de faire quelques sacrifices à leur propre cause. Si le gouvernement de leur choix les a blessés, ils ripostent sans mesure et sans fin, enveniment tous les désaccords et arrivent bien vite à le traiter en ennemi; on s'aperçoit d'ailleurs, à la désinvolture de leur opposition, que le remords ne saurait pénétrer ces âmes candides et libérales; ils obéissent à leur nature: conservateurs éternellement indisciplinés, ils critiquent le pouvoir, mais ne savent jamais le soutenir.

Le peuple avait d'autres instincts. Pris dans sa masse, il avait vú avec un profond regret

« PreviousContinue »