Page images
PDF
EPUB

lu suppose la guerre déclarée, et la Chambre n'a pas été consultée !

Le coup était vif, car, en ce moment-là même, le sang coulait, et l'on insinuait qu'il coulait pour le bon plaisir d'un homme et contre le vœu de la nation.

M. Sébastiani riposte avec vivacité que l'orateur a mal lu la Constitution de l'an VIII, car il y aurait vu qu'en cas d'agression, le chef du pouvoir exécutif peut la repousser sans passer par les lenteurs d'une loi à discuter et à voter.

Or, l'agression est aujourd'hui flagrante! Faudra-t-il attendre que l'ennemi soit à nos portes pour s'occuper de la défense du territoire; au nom de l'honneur national, au nom du salut de l'État, il propose l'ordre du jour sur la proposition de M. Roy.

Les partisans secrets du régime parlementaire, c'est-à-dire les adversaires masqués de l'empereur, perdirent cette partie pour s'ètre trop avancés ; il est vrai qu'ils allaient bientôt prendre une éclatante et triste revanche : Waterloo était proche; c'est dans ces jours sinistres que les amateurs de constitutions. dites libérales se donnent le plaisir d'une révolution et renversent le souverain qu'elles aspirent à remplacer.

15 juin

20 juin.

Alors que ces bruits avant-coureurs des deuils de la patrie, ces pressentiments qui pénètrent les foules avant qu'aucune information ait eu le temps de parvenir à sa destination, commençaient à se répandre à Paris et jetaient l'épouvante au sein de la capitale, alors qu'on parlait dans toutes les rues d'un désastre affreux dont le nom historique n'était pas encore trouvé, ce jour-là, tous les bureaux, tous les orateurs, tous les importants de la Chambre se livraient aux joies pures de l'enfantement de leur règlement intérieur; jamais on ne compta dans une seule séance autant d'orateurs à la tribune, Carnot, Regnaud, Sapey, Broussous, Jay, Ligueret, Merlin, Jacotot, Flaugergues, Tripier, Durbach, Duchesne, Mourgues, se succèdent et parlent souvent plusieurs fois.

WATERLOO

La triste nouvelle officiellement connue à Paris y provoqua des sentiments contraires. Au milieu de la confusion apparente des idées échangées dans les salons et des cris proférés dans la rue, il est aujourd'hui facile à un observateur qui veut rester impartial, qui n'a d'ail

leurs aucune haine même contre les hommes pervers et n'a de passion ardente que contre les mauvaises institutions, de suivre les deux grands courants d'opinion qui se formèrent immédiatement les uns voulaient garder Napoléon, et les autres s'en débarrasser : tous les sophismes, toutes les argumentations échangés de part et d'autre n'avaient pas d'autre but.

:

Il est inutile de peindre la joie des royalistes à la nouvelle du désastre; la cause de l'empereur perdait tout le terrain que gagnait celle des Bourbons ils ne firent pas les hypocrites et souhaitèrent ouvertement le succès définitif des armées alliées; c'était un triste sentiment qu'ils oseraient à peine avouer de nos jours; mais la joie du triomphe prochain, la colère contre le grand homme enfin vaincu, voilaient à leurs yeux la sainte image de la patrie que, de très bonne foi d'ailleurs, ils ne reconnaissaient plus depuis que Napoléon y avait contenu et fait vivre glorieusement cette Révolution qu'ils détestaient. Ne nous hâtons pas de les blâmer; peut-être que, si nous eussions été dans leurs rangs, nous aurions ressenti les mêmes passions et commis les mêmes erreurs; chaque parti d'ailleurs est formé pour la défense de principes qui contiennent tous une part de vérité;

20 juin.

20 juin.

sans doute, les partisans d'une même cause ne sont pas également honorables, mais ces indignes ne doivent pas faire oublier les dignes et permettre de croire à l'existence possible d'un principe qui serait entièrement faux. Les royalistes, malgré les vingt-cinq ans écoulés, croyaient pouvoir facilement remettre en lumière et en honneur leur royauté séculaire, et il n'est point étonnant qu'ils aient alors trouvé quelque crédit en affirmant que la Révolution avait épuisé toutes ses ressources, que les révolutionnaires purs, aussi bien que les guerriers étaient morts à la peine et que le plus grand d'entre eux, ce'ui-là même dont on admirait secrètement le génie, tout en détestant la politique, venait de succomber à la tâche. Pourquoi, disaient-ils, s'acharner, contre toute prudence et toute raison, à défendre un état de choses que l'Europe monarchique était décidée à ne pas supporter? A supposer l'impossible, c'est-à-dire une victoire nouvelle de la France après de si grands revers, il faudrait recommencer éternellement une lutte fatale dont l'issue ne pouvait être douteuse, car les alliés étaient décidés à jouer leur existence pour arrêter cette révolution qui ne leur laissait aucun repos, et, réunis, ils pouvaient mettre sur

pied des armées bien plus nombreuses que les

nôtres.

Ce raisonnement était faible, et l'avenir en a démontré toutes les faiblesses, car rien ne prouve que l'Europe, aussi fatiguée de la guerre que nous pouvions l'être, n'eût pas désarmé après avoir perdu une nouvelle bataille, et il est certain qu'au prix d'une invasion nouvelle du pays, les légitimistes, malgré leur passage au pouvoir, n'ont pas réussi à se délivrer de ces principes révolutionnaires qui règnent encore triomphants dans nos codes; ils ont assouvi leur haine sur les défenseurs du droit nouveau et fait couler un sang glorieux, mais le droit lui-même est resté vivant.

La haute bourgeoisie avait avec les royalistes. un point commun: la haine de l'empereur et l'espérance de venir à bout de ce héros incommode pour ses prétentions politiques; elle se séparait d'eux par son attachement raisonné à la Révolution qui les avait doublement grandis en augmentant leurs droits et en détruisant les privilèges de la noblesse qui inquiétaient et blessaient son amour-propre; les Bourbons n'étaient pas leur fait, mais ils tenaient en réserve le duc d'Orléans, que son titre aussi bien que certains de ses actes publics indiquaient naturel

20 juin.

« PreviousContinue »