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nation, a éminemment ce caractère. Il est des crimes qui jettent une telle épouvante dans la société, que la crainte d'un châtiment sans fin peut seule l'en préser ver, et cette éternité du châtiment semble seule aussi répondre au besoin d'expiation que ressent la conscience sociale. Et puis, il ne faut pas perdre de vue que le système pénitentiaire dont les efforts s'éprou vent en ce moment, exercera bien difficilement son action bienfaisante sur ces hommes que l'habitude du crime a endurcis et qui ont brisé les deniers liens qui les attachaient à la société. Contre ces hommes incorrigibles, quels seraient les moyens de défense de la société, si elle devait nécessairement et sans examen faire tomber les portes de leurs prisons après un certain laps de temps? La perpétuité doit donc être réservée pour les crimes qui arrachent à la société un cri d'effroi, lorsque l'exécution capitale ne leur est pas infligée, et pour les condamnés en récidive, contre lesquels les premières peines sont reconnues impuissantes.

Au reste, nous retrouvons ce principe dans les lois de toutes les nations. Il sert de base aux codes criminels de l'Autriche et du Brésil, deux codes qui se distinguent par la douceur de leurs peines et leurs dispositions pleines d'humanité. La législation anglaise ne l'a jamais répudié. M. Scipion Bexon l'admet dans son code de la sûreté publique. Beccaria disait : « L'esclavage perpétuel substitué à la peine de mort, a toute la rigueur qu'il faut pour éloigner du crime l'esprit le

plus déterminé (1). » Enfin, M. Livingston, lui-même, n'hésite pas à le faire entrer dans son code pénal de la Louisiane (2).

Cependant, et c'est l'objection qui sert à la repousser, cette perpétuité de la peine est un obstacle presque insurmontable à la correction du coupable. Il faut donc à ce mal très grave tâcher d'apporter quel ques remèdes. Le premier serait de n'appliquer les peines perpétuelles qu'avec la plus grande réserve et seulement aux criminels dont on ne peut espérer une véritable régénération. Mais, ensuite, ne pourrait-on déposer entre les mains du captif lui-même, le moyen d'adoucir la rigueur de la peine, l'espoir de pouvoir la convertir lui-même en une peine temporaire par sa conduite, son activité laborieuse, sa réformation?

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La commission du corps législatif appelée à délibérer sur le projet du Code pénal, avait eu cette pensée elle demandait qu'il fût ajouté une disposition qui autorisât le gouvernement à remettre le reste de la peine aux condamnés à perpétuité qui se seraient conduits d'une manière satisfaisante. « Le but de cette disposition est moral, disait la commission, et ne dé

(1) Des délits et des peines, pag. 114.

(2) Le paragraphe 8 de l'art. 85 qui énumère les peines, porte Imprisonment at hard labour for life.

truit point le principe de la perpétuité. Celle-ci établie dans le projet de code, ouvre au condamné une carrière à l'extrémité de laquelle il ne voit que la cessation de son existence; dans cet état et sans espoir, il n'a point d'intérêt à se bien conduire et à devenir meilleur; il peut se livrer à des excès ou à des crimes envers ses gardiens, ses compagnons et même des citoyens; on ne le contiendra que par une inflexible sévérité qui peut même être souvent en défaut à son égard. Si, au contraire, une lueur d'espérance se faisait entrevoir pour lui, elle offrirait une espèce de garantie de sa conduite, en l'engageant à chercher à se rendre digne d'un adoucissement (1).

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Le conseil d'état n'admit pas cette proposition, attendu que le recours à la clémence du prince est ouvert dans tous les temps aux condamnés. Le législateur de 1832 a suivi les mêmes erremens : «< Dans les cas si rares, a dit M. Dumon, a dit M. Dumon, où l'amendement peut avoir lieu, l'espérance de la grâce, toujours possible, toujours prochaine, luira aux yeux du condamné comme bien plus secourable qu'une liberté trop éloignée (2). » M. de Bastard a répété dans son rapport à la chambre des pairs : « La perpétuité des peines peut

(1) Procès-verbaux du conseil d'état, Locré, tom. XXIX, pag. 190.

(2) Code pénal progressif, pag. 86.

se changer, par l'amendement du coupable, en un châtiment temporaire..... C'est là où le droit de grâce est libre de s'exercer dans toute son étendue (1).

Mais ici la difficulté se complique: Doit-on laisser au droit de grâce une telle puissance? Quelques publicistes ont contesté à ce droit l'utilité de son intervention (2). M. Livingston en restreint seulement les limites : « Le pouvoir de pardonner ne doit être exercé que dans les cas d'innocence découverte après la condamnation, ou de réforme sincère et complète (3). » Mais dans ce dernier cas, quelles garanties contre une décision intempestive ou arbitraire? quels moyens de constater la régénération du condamné? de rassurer la société sur l'abolition de la peine qu'elle avait prononcée dans l'intérêt de sa sûreté? M. Charles Lucas a proposé d'instituer un pouvoir disciplinaire, une cour d'équité (4), pour apprécier la conversion des détenus, leur retour à l'honnêteté, pour juger des épreuves auxquelles leur conduite serait soumise. L'examen de cette question nous ferait sortir des limites de notre plan. Il nous a suffi d'indiquer une borne

(1) Code pénal progressif, pag. 87.

(2) Beccaria, des délits et des peines; Bentham, Théorie des peines; M. Bavoux, Leçons sur le Code pénal; M. Bourgnou de Laire, Essai sur le Code pénal, pag. 27.

(3) Ce système of penal Law; introductory title, pag. 359. (4) Du système pénal, pag. 306.

légitime à la peine perpétuelle, l'amendement sincère du condamné. Toutefois, il est important d'ajouter que cette réforme même, fût-elle bien constatée, ne serait pas toujours une raison de mettre immédiatement le condamné en liberté; il est nécessaire qu'il ait subi une partie notable de sa peine. Car ce n'est pas assez qu'il se repente, il faut que son crime soit réparé; la peine est un moyen d'exemple et d'instruction, en même temps qu'un moyen de réforme. Il faut que pouvoir, avant de la briser, non seulement ait acquis la certitude de la réforme du coupable, mais soit encore convaincu que la société a obtenu une réparation suffisante.

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Le code pénal compte deux sortes de peines perpétuelles les travaux forcés à perpétuité et la déportation. Mais la loi a commué ces deux peines dans leur exécution: la première, en une réclusion perpétuelle, à l'égard des femmes seulement; la seconde, en une détention également perpétuelle, à l'égard de tous les condamnés.

La peine des travaux forcés se trouve définie par l'art. 15 du Code pénal, ainsi conçu : « Les hommes condamnés aux travaux forcés seront employés aux travaux les plus pénibles; ils traîneront à leurs pieds un boulet, ou seront attachés deux à deux avec une chaîne, lorsque la nature du travail auquel ils seront employés le permettra. » Cette peine a été l'objet des critiques les plus vives : « Il n'y a qu'une voix en

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