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Les peines temporaires que le Code pénal a qualifiées afflictives et infamantes, sont au nombre de trois : Les travaux forcés à temps, la détention et la réclusion. Nous nous sommes expliqués sur la première de ces peines quand elle est perpétuelle; nos réflexions s'appliquent parfaitement au cas où elle est prononcée entre le minimum de cinq et le maximum de vingt ans. Il nous reste donc à parler de la détention et de la réclusion.

Quoique, la réclusion soit placée la dernière dans l'ordre des peines, à raison de ce que son maximun est limité à dix ans, elle est plus sévère que la détention temporaire, soit par le mode de son exécution, soit par les peines accessoires dont elle peut être accompagnée. La réclusion, est à nos yeux, la base principale d'un bon système pénal; c'est la peine des sociétés civilisées. Il importe peu que le législateur l'appelle réclusion, détention ou emprisonnement. Sa première qualité est d'être éminemment correctionnelle, parce qu'elle peut être combinée avec le travail, parce qu'on peut lui imprimer une tendance morale. Le système pénitentiaire n'est qu'un mode d'application de cette peine.

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La réclusion ou emprisonnement (car ces deux peines sont absolument identiques), consiste à enfermer le coupable dans une maison de détention et à l'employer à l'un des travaux établis dans cette maison (art. 21 et 40, Code pénal). Les avantages de cette

peine sont faciles à apprécier. Elle est divisible, car on peut en modifier à volonté l'intensité et la durée. Elle est appréciable, car tous les hommes sont sensibles à la perte de leur liberté. Peut-être est-elle défectueuse sous le rapport de l'égalité, car l'emprisonnement n'impose pas à tous les hommes la même perte de fortune et de jouissances mais en confiant aux tribunaux une certaine mesure de pouvoir discrétionnaire, ces inégalités peuvent être prévenues. Elle est instructive et exemplaire. Elle enlève au condamné tous les moyens de nuire; enfin, elle est la seule peine qui se prête à des essais d'amendement moral.

Est-il nécessaire d'ajouter que ce dernier résultat serait vainement recherché dans l'application actuelle de cette peine? Les récidives dans lesquelles tombent annuellement plus du tiers des condamnés qui sortent des maisons centrales, n'accusent que trop hautement le mode de cette application; mais nous n'avons point à signaler ici les vices de nos prisous; des hommes éclairés et courageux en préparent la réforme; nos vœux les suivent dans leurs travaux. Le seul fait qu'il importe de rappeler, c'est que la peine de la réclusion ou de l'emprisonnement, flexible dans son exécution, offrant des degrés pour la variété des crimes, peut seule permettre l'application d'un système pénitentiaire. C'est donc le lieu d'examiner, en peu de mots, le but et les espérances de ce système.

Les prisons pénitentiaires sont encore nouvelles en Europe; il n'y a même que trente ans environ qu'elles ont été créées aux Etats-Unis. La diversité des procédés qui y ont été appliqués successivement, quelques essais infructueux ont suscité des adversaires à ces établissemens. Les uns ont pensé que la régénération des condamnés n'était qu'un rêve brillant d'une crédule philanthropie; d'autres, prompts à se bercer d'illusions, après avoir exagéré les effets de ce système, l'ont dédaigné dès qu'ils ont vu qu'il ne pouvait réaliser leurs folles espérances. On a craint enfin que la douceur du régime pénitentiaire n'exerçât pas une répression suffisante, et que les condamnés ne vinssent à trouver trop d'agrément dans les prisons.

La question avait été mal comprise. Le but du système pénitentiaire n'a jamais été et ne peut être de régénérer radicalement les condamnés, de les revêtir d'une pureté primitive, d'en faire d'honnêtes gens dans l'entière acception de ce mot. Quelquesuns peuvent sans doute arriver à ce degré; on doit même en conserver l'espoir; mais il serait chimérique de l'attendre du plus grand nombre, et il suffirait, pour détruire cette idée, de jeter un regard sur les élémens dont se compose la population des prisons.

Toutefois, il ne faut pas méconnaître les bienfaits réels de cette institution, parce qu'on lui dénie des effets presqu'impossibles. Son but est d'empêcher les

récidives, et ce but, s'il était complètement atteint, serait encore pour la société un immense avantage. Indépendamment des principes de moralité qu'on doit s'efforcer d'inculquer au condamné, la mission principale du régime pénitenciaire est de lui imprimer des habitudes d'ordre et de travail, de l'éclairer sur ses véritables intérêts, de lui faire comprendre et suivre les règles de cette honnêteté relative, qui consiste à s'abstenir de ce que la loi défend de faire. Réduit à ces simples proportions, le problème cesse d'être insoluble, les moyens d'exécution, devenus presque matériels, sont plus faciles à mettre en œuvre, et l'œil en suit, pour ainsi dire, les effets pendant la durée de la détention. La régénération morale n'est plus qu'une conséquence et non le but unique.

Il n'est pas sans intérêt de jeter sur les moyens un d'œil.

rapide coup

La première règle de tout système pénitentiaire, est la séparation des criminels dans les prisons. L'expérience n'a que trop appris que la communication de ces hommes, entre eux, rend impossible toute réforme morale et devient même nécessairement la source d'une affreuse corruption. En effet, les détenus les plus consommés dans le crime initient les plus timides à leur funeste science, ébranlent leurs irrésolutions, les fout rougir d'un remords et leur impriment dans l'ame la lèpre de la corruption. La prison devient une école de crime et de démoralisation. Les

classifications des condamnés, basées sur la nature des crimes, ont été reconnues impuissantes pour remédier au mal: l'isolement est devenu le principe et la base du système. Son premier avantage, celui qu'on ne peut contester, est que les condamnés ne deviennent pas dans les prisons, pires qu'ils n'étaient en y entrant.

Le travail est la seconde règle de l'institution. Son but est, d'abord, d'arracher les détenus aux vices qu'engendre l'oisiveté; ensuite de leur donner des habitudes d'ordre et de travail qui les suivent, lorsqu'ils redeviennent libres. On a agité la question de savoir si la société avait le droit de contraindre les détenus au travail. Benjamin-Constant l'a nié : « Une maxime qui me semble incontestable, a-t-il dit, et sans laquelle l'esclavage aboli par la religion et les progrès des lumières, serait chaque jour à la veille de renaître, c'est que l'homme ne peut aliéner sa personne et ses facultés, que pour un temps limité et par un acte de sa volonté propre : si l'usage qu'il en fait est nuisible, ôtez-lui en l'usage; si le mal dont il est l'auteur est tel que la sû eté publique exige qu'il en soit privé pour jamais, condamnez-le à mort. Mais tourner ses facultés à votre profit, c'est revenir aux époques les plus grossières, c'est consacrer la servitude, c'est dégrader la condition humaine (1). » L'er

(1) Commentaire sur l'ouvrage de Filangiéri, 3 part., chap. 12,

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