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M. Rossi refuse de voir dans les droits civils ou de famille, matière de pénalité (1). « On parle, dit-il, de droits dont on interdit l'exercice. Il serait plus exact de parler d'obligations dont on interdit l'accomplissement, de services qu'on empêche de rendre, et cela dans le but de punir celui sur lequel ces charges devraient peser. » Cette observation, qui ne fait que reproduire celle de M. Bérenger au conseil d'Etat, est spécieuse, mais il nous semble qu'elle a moins pour effet d'inculper la nature de la peine que l'application maladroite qui en a été faite à quelques espèces. On reconnaît que celui qui a été condamné pour faux, pour vol, doit être considéré comme incapable de gérer une tutelle, ou de faire partie d'un conseil de famille. L'incapacité légale, limitée aux cas où elle ne repose point sur une fiction, n'est donc que la reconnaissance d'un fait reconnu, incontesté. Mais la loi proclame une indignité et non une exemption; elle doit donc s'arrêter, dès qu'il y a possibilité que la charge soit exercée sans détriment pour la famille.

L'une des incapacités les plus bizarres que la loi ait créées est celle de déposer en justice. Notre ancien Droit déclarait également reprochables les personnes notées d'infamie, et en général les repris de

(1) Traité de droit pénal, tom. III, pag. 207.

justice (1): c'est dans la loi romaine que cette disposition avait été puisée (2). On a dit pour la soutenir : un homme flétri pour un faux, pour un parjure peutil être admis à l'honneur de témoigner? peut-il mériter aucune créance? la réprobation qui repousse un pareil témoin n'est-elle pas universelle?

Nous répondrons que plus ce témoignage est suspect, moins il est dangereux; qu'il suffit que les juges

connaissent la moralité de ce témoin et la circonstance qui le rend moins digne de foi; qu'il n'est pas à crain, dre que, poursuivi d'un pareil reproche, il obtienne trop de confiance; qu'il ne faudra rien moins que la déposition la plus claire, la plus soutenue, la plus liée, pour entraîner une conviction combattue par cette sorte de contre-témoignage que le caractère du témoin apporte lui-même.

Cependant M. Carnot a été plus loin que la loi : il a pensé que les condamnés, déclarés incapables de déposer en justice, ne devraient pas y être appelés, même pour y donner des renseignemens. « Que peuvent être, dit cet auteur, les renseignemens qu'ils

(1) Muyart de Vouglans, pag. 787.

(2) Lege Juliâ de vi cavetur ne hâc lege reum testimonium dicere liceret qui publico judicio damnatus erit. Liv. 3, § 5, ff. de Test.— Quidam propter lubricum concilii sui, alii verò propter notam et infamiam vitæ suæ, admittendi non sunt ad testimonii fidem. Liv. 3, ff. de Test.

donnent, si ce n'est un véritable témoignage qu'ils portent? Ce sont même des témoins plus dangereux que tous les autres, puisqu'ils doivent déposer sans prestation de serment préalable. On dit, à la vérité, qu'ils peuvent devenir des témoins nécessaires; mais peut-on mettre en considération un cas aussi rare, avec l'admission de pareils gens dans le sanctuaire de la justice (1)? »

Comment le sanctuaire de la justice serait-il profané par ce témoignage, s'il est un moyen d'arriver à la connaissance de la vérité? Supposez qu'un homme flétri par la justice ait seul été témoin d'un crime, faudra-t-il, pour ne pas admettre sa déposition, proLéger ce crime de l'impunité? « Il y a un mode de punition, dit Bentham, où pour faire une égratignure au coupable, on passe une épée au travers du corps d'un innocent je veux parler de cette peine infamante qui rend inadmissible à témoigner (2). » La seule raison de rejeter un témoin est dans la crainte qu'inspire sa véracité. Mais s'il n'a pas d'intérêt à mentir, pourquoi célerait-il la vérité? s'il ment, son mensonge même sera peut-être un moyen d'arriver au vrai.

Au reste, la Cour de cassation paraît avoir été do

(1) Comment. du Code pén., tom. I, pag, 99, (2) Théorie des peines, pag. 140,

minée par ces réflexions quand elle a décidé que l'audition, avec prestation de serment et en qualité de témoin, d'un individu flétri par une condamnation infamante, ne pouvait entraîner la nullité des débats; ce n'est, d'après la jurisprudence de cette Cour, que lorsque le ministère public ou l'accusé s'oppose à l'audition avec serment, que sa prestation est prohibée; ainsi l'incapacité de la loi ne fait plus qu'armer les parties de la faculté de repousser le témoignage; elle ne le rejette point d'une manière absolue (1).

Parmi les droits énumérés dans l'art. 34, se trouve celui de port d'armes. Le droit de port d'armes est naturel à l'homme. Les Français en jouirent pendant des siècles. Une loi du 18 juillet 1716, dans le but de réprimer la contrebande à main armée, défendit de porter des armes, mais les gentilshommes, les gens vivant noblement (ce qui comprenait les propriétaires, les professions libérales, les bourgeois des villes et les officiers de justice royale) furent formellement exceptés de la défense, et le port d'armes leur demeura permis (2). Les décrets du 4 août 1789, en abolissant les priviléges, eurent nécessairement

(1) Arr. cass. 18 nov. 1819 et 22 janv. 1825. (Sirey. 25.1.313.) (2) On trouve des dispositions identiques dans les ordonnances des 28 déc. 1355, 12 mars 1478, 25 nov. 1487, 25 nov. 1757, août 1561, 4 déc. 1679, Voy. ces lois à leur date dans le Recueil des anciennes lois françaises de MM. Decrusy et Isambert.

pour effet de rendre à tous les Français les droits que l'ancienne législation réservait à une classe privilégiée. Aussi un décret du 20 août 1789 n'interdit le port d'armes qu'aux gens sans aveu et aux vagabonds, et l'art. 15 de la loi du 30 avril 1790 constate le droit qui appartient à tout propriétaire d'avoir des armes à feu. L'art. 34 du Code pénal confirme évidemment ce principe, puisqu'il en résulte que la privation du droit de port d'armes est une peine qui ne peut être appliquée que par les tribunaux et pour un délit défini par la loi. Ainsi, d'après la législation, le port d'armes est un droit civil qui appartient à tous les citoyens, et l'action de la police ne peut s'exercer que sur les armes prohibées, dont la nature justifie des précautions particulières.

Le droit de port d'armes étant un droit commun des citoyens, la privation de ce droit peut à juste titre faire l'élément d'une peine, et il est certains cas où cette incapacité peut être appliquée avec fruit, par exemple, aux délits de voies de fait et de violences exercées sur les personnes. Mais il est visible que cette peine n'offre aucune analogie avec le plus grand nombre des délits que la loi a punis de la dégradation civique.

L'art. 54 mentionne La première est de faire tionale; cette exclusion de l'art. 13 de la loi du 22 mars 1831, ainsi

encore trois incapacités. partie de la garde narésultait déjà en partie

conçu :

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