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cette faculté vis-à-vis d'un condamné, et que les motifs qui l'avaient fait établir aient cessé d'exister, elle ne doit point hésiter à la modifier, à la révoquer. C'est une récompense accordée à la bonne conduite du libéré; et ces améliorations successives sont dans l'esprit de la loi.

Quelques difficultés peuvent s'élever à l'égard des changemens de résidence que les libérés sont libres d'effectuer. La seule formalité à laquelle la loi les assujétit dans ce cas, est une double déclaration, l'une au maire de la commune qu'ils quittent, et trois jours avant leur départ, l'autre au maire de la commune où ils viennent s'établir. Cette formalité est pleinement remplie, dans le premier cas, par la demande d'une feuille de route, avec l'indication du lieu où ils veulent aller, et, dans le deuxième, par la remise de cette feuille. Le refus du maire de délivrer la feuille de route, serait-il un obstacle au changement de résidence? En droit, cet obstacle serait nul, car le condamné, ainsi que nous l'avons déjà remarqué, n'est point tenu de demander une permission, mais de faire une déclaration. La feuille de route ne diffère point passeport: si la loi ne s'est pas servie de ce dernier terme, c'est pour placer les libérés dans une position distincte des autres citoyens, c'est comme moyen de surveillance. Mais, en fait, comme il courrait le risque d'être arrêté comnie vagabond, aux termes des lois des 28 mars 1792 et 28 vendémiaire

du

an 6, il devrait se pourvoir administrativement comme en cas de refus de passeport. Au surplus, il est probable que les instructions émanées du ministère de l'intérieur préviendront des refus de cette nature.

La déclaration elle-même de changement de résidence ne doit être exigée qu'en cas d'éloignement prolongé de la commune. Le législateur a voulu laisser aux libérés une sorte de tolérance qui leur permît de vaquer à leurs affaires, et de chercher des travaux dans les environs de leur résidence. « L'art. 44 ne veut pas dire, déclarait M. de Bastard à la Chambre des pairs, que les condamnés ne pourront aller d'une commune dans une autre pour chercher du travail. Ces excursions, qui peuvent durer deux ou trois jours, ne constituent pas un changement de résidence (1). » M. le garde des sceaux ajoutait : « Dans l'application de la législation, quelque précises que soient les expressions dont on se sert, il y a toujours quelque chose qui est abandonné à la conscience de l'administration. Il est certain qu'un individu, qui aurait fixé sa résidence à Paris et qui irait passer quelques jours à Auteuil, ne serait pas dans le cas d'un individu qui veut changer de résidence (2). » Ainsi,

(1) Code pénal progressif, pag. 168. (2) Code pénal progressif, pag. 170.

lorsque le libéré s'absente momentanément pour ses affaires, pour les travaux de son commerce ou de son industrie, il n'est tenu de faire aucune déclaration, car il ne change pas de résidence, il ne se propose pas d'aller habiter un autre lieu.

Telles sont les règles qui s'appliquent à la surveillance. Cette mesure, à la fois répressive et préventive, suit, mais avec un dégré différent d'intensité, les différentes peines. Les condamnés aux travaux forcés à temps, à la détention et à la réclusion, y sont placés de plein droit, après qu'ils ont subi leur peine, et pendant toute la vie (art. 47 du C. p.). Les condamnés au bannissement n'y sont assujétis que pendant un temps égal à la durée de leur peine (art. 48). Les condamnés pour crimes qui intéressent la sûreté de l'État doivent également y être soumis (art. 49). Mais, hormis ces trois cas, la surveillance ne peut être prononcée qu'en vertu d'une disposition particulière de la loi (art. 50 ). De ces dispositions il résulte que la surveillance ne peut jamais être attachée à une peine perpétuelle. Et, en effet, que servirait-elle lorsque le condamné est à jamais privé de sa liberté ? aussi la Cour de cassation a-t-elle annulé par un arrêt du 13 septembre 1834 (1), la disposition de

(1) Journal du droit criminel, 1834, pag. 268.

l'arrêt d'une Cour d'assises qui l'avait attachée à la peine des travaux forcés à perpétuité, en proclamant cette disposition erronée, inutile et dérisoire. Cependant la peine perpétuelle peut être abrégée par la grâce; or, le condamné à perpétuité gracié, sera-t-il affranchi de cette mesure? L'affirmative est évidente, à moins que la grâce n'ait elle-même commué la peine principale en celle de la surveillance.

Plusieurs questions se sont élevées. On a demandé si les tribunaux pouvaient, en vertu de l'art. 463 du Code pénal, dispenser de cette peine le prévenu dans les cas où le Code l'attache nécessairement à la peine principale, comme dans les cas de récidive correctionnelle. La cour de cassation a refusé de leur reconnaître cette faculté : « attendu que le dernier paragraphe de l'art. 463, qui autorise les tribunaux correctionnels à réduire, même en cas de récidive, les peines de l'emprisonnement et de l'amende, n'étend pas cette faculté à la mise en surveillance (1). » Mais il nous paraît que cet arrêt, en se renfermant trop étroitement dans le texte de l'art. 58, a méconnu le véritable esprit du nouveau Code pénal. Les dernières expressions de l'art. 463, en étendant l'effet de cette disposition, même aux cas de récidive et en permettant

(1) Arr. du 8 mars 1833; Journ. du droit crim., 1833, pag. 80, et Arr. Colmar, 8 sept. 1833.—Ibid., 1834, pag. 89.

ainsi de tempérer les peines rigoureuses de l'art. 53, révèlent l'intention du législateur de les graduer sur la moralité réelle du condamné, en faisant de son état de récidive une complète abstraction. Comment donc supposer qu'il ait voulu laisser subsister inébranlable une peine qui ne serait que la conséquence de cet état? On objecte que la faculté d'atténuation ne s'étend qu'à l'emprisonnement et à l'amende. Mais les juges peuvent faire descendre ces peines jusqu'au taux de celles de simple police la Cour de cassation, fidèle à son système, jugera-t-elle qu'une peine de 15 francs d'amende devra nécessairement être accompagnée de cinq ans de surveillance? et toutefois n'est-il pas de l'essence des peines de police de n'être jamais suivies de la surveillance? il nous semble donc que cette peine accessoire doit suivre le sort de la peine principale, et que la faculté d'atténuer ou de faire disparaitre celle-ci, suppose le pouvoir de dispenser de la première.

La Cour de cassation a également décidé que le terme de cinq ans est un minimum dont les juges ne peuvent abréger la durée (1). On ne trouve, en effet, dans le Code, aucun texte qui autorise cette atténuation. Et cependant il est difficile de croire qu'elle soit contraire au yœu du législateur, lorsqu'on se reporte aux lois du 10 avril et du 24 mai 1834, sur les asso

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(1) Arr. du 7 août 1834, Journ. du droit crim., 1834, pag. 241. TOM. I.

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