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que les condamnés qui avaient déjà fourni caution, conservent le bénéfice qui leur était acquis par cet article, et ne puissent être soumis aux nouvelles mesures prescrites par cette loi; enfin que la faculté de fournir caution reste acquise à tous ceux qui avaient été condamnés par arrêts ou jugemens, ayant acquis. l'autorité de la chose jugée, antérieurement à la loi du 28 avril 1832, soit que la mise en surveillance n'ait pas encore commencé pour eux, soit qu'ils se trouvent déjà placés en surveillance, faute d'avoir usé de cette faculté. ».

Il reste à parler de la sanction pénale que la loi a donnée à ces diverses mesures. L'ancien art. 45 du Code pénal portait qu'en cas de désobéissance, le gouvernement aurait le droit de faire arrêter et détenir le condamné, durant un intervalle de temps qui pouvait s'étendre jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la surveillance. Ce droit de détention administra-. tive était l'une des dispositions les plus odieuses du Code; c'était une peine souvent très grave, quelquefois perpétuelle, prononcée sans jugement, sans que le prévenu pût se défendre, sans aucune garantie quelconque. Les principes ont été rétablis par la loi du 28 avril 1832; à l'arbitraire a été substitué le droit commun : la peine de la désobéissance ne peut plus, aux termes du nouvel article 45 du Code pénal, être prononcée que par les tribunaux correctionnels, et cette peine est limitée à cinq ans.

On doit rechercher quel est le caractère de cette désobéissance, si elle constitue un délit ou bien une simple contravention matérielle. Il est évident que la rupture du ban n'est point un délit moral, qu'elle ne revèle point dans le délinquant une perversité plus grande, un agent plus dangereux. Elle existe, indépendamment de toute intention criminelle, par le seul fait de l'infraction aux règles prescrites par l'art. 44La désobéissance à la loi morale constitue seule le délit; la désobéissance aux formalités imposées par les lois de police ne constitue qu'une contravention.

A la vérité, l'art. 45 a fixé les limites du maximum de la peine à cinq ans d'emprisonnement, et n'a point déterminé de minimum. Mais cette latitude a été motivée sur ce que les infractions auxquelles la surveillance peut donner lieu sont extrêmement diverses par leur importance et par leur danger. C'est au juge seul qu'il peut appartenir d'en apprécier la valeur et de les réprimer, par l'application soit d'une peine correctionnelle, soit d'une peine de simple police. L'infraction la plus grave que le condamné puisse commettre, est de se présenter dans les lieux qui lui sont interdits; les autres, consistant dans des formalités négligées, peuvent sans trop d'inconvéniens, n'entraîner que des peines légères.

Du principe qui vient d'être posé, il résulte que l'infraction du ban commise par un condamné ne peut donner lieu à l'application des peines aggravantes de

la récidive. En effet, cette aggravation a sa base dans la présomption de l'immoralité plus grave de l'agent: elle ne peut donc s'appliquer qu'à un fait moral, à un deuxième délit. Cette opinion a été consacrée par un arrêt de la cour royale de Grenoble du 11 décembre 1833 (1).

Au reste, l'infraction du ban ne peut être punie qu'autant qu'elle a été constatée par un acte précis. Ainsi, il ne suffit pas qu'il soit allégué que le prévenu ne pouvait paraître dans les lieux où il a été saisi; il faut que l'interdiction dont il était atteint résulte d'un acte formel, ainsi que la déclaration de résidence qu'il avait faite.

En effet, cette interdiction, cette déclaration de résidence, sont les élémens de l'infraction, et il serait insolite de condamner un individu pour contravention à un ordre ou à un commandement, sans lui représenter l'ordre enfreint, sans lui prouver qu'il en a eu connaissance. Ces règles de droit commun ont déjà reçu la sanction d'un arrêt de la cour royale de Colmar, du 3 juillet 1833 (2); et c'est, dès lors, un devoir pour les magistrats du ministère public, lorsqu'ils ont à poursuivre des infractions de cette nature, de réclamer des autorités administratives sous la sur

(1) Journ. du droit crim., 1834, pag. 91.

(2) Journ. du droit crim., 1832, pag. 292 et 1833, pag. 91.

veillance desquelles les prévenus se trouvaient placés, toutes les informations propres à éclairer la justice.

Une dernière question s'est élevée sur l'effet rétroactif de l'art. 45: les tribunaux correctionnels sontils compétens pour connaître des infractions dont les individus condamnés et soumis à la surveillance avant sa promulgation, se rendraient coupables? Les cours royales de Paris et de Grenoble, par deux arrêts des 30 octobre 1832 et 11 décembre 1833(1), ont adopté une solution affirmative; et l'avis du conseil d'État, que nous avons déjà cité, décide également : « que les individus déjà condamnés, lorsque mis en surveillance avant la loi du 28 avril 1832, ils n'auraient violé leur ban que postérieurement à la publication de cette loi, doivent, conformément au nouvel art. 45 du Code pénal, être renvoyés par-devant les tribunaux correctionnels pour y être condamnés à la peine indiquée dans cet article. »

Nous partageons complètement cette opinion. L'état de surveillance est une conséquence d'une condamnation antérieure; mais la désobéissance aux règles qui établissent cet état est un fait étranger à la condamnation, et qui n'en dérive nullement : c'est un délit nouveau qui, conformément au principe général, ne peut être atteint que par les lois en vigueur, au mo

(1) Journ. du droit criminel, 1832, pag. 292, et 1833, pag. 91.

ment où il est commis. L'article abrogé a donc cessé d'être applicable même aux condamnés dont la surveillance est antérieure à l'abrogation.

Nous terminerons ce chapitre par une observation qui s'applique à toutes les interdictions de droits qui s'y trouvent traitées : c'est que ces incapacités, quelles qu'elles soient, cessent à la fois à la réhabilitation du condamné. « La réhabilitation, porte l'art. 633 du Code d'instruction criminelle, fait cesser pour l'avenir, dans la personne du condamné, toutes les incapacités qui résultaient de la condamnation. » Ainsi, cette heureuse institution laisse entrevoir aux yeux du condamné un terme à la perpétuité de ces privations souvent si pénibles.

Il est à regretter peut-être que cette faculté de la réhabilitation, à laquelle notre dernière loi pénale a apporté de notables améliorations, et qui pouvait exercer une si forte influence sur l'amendement moral des condamnés, soit encore entravée par trop de formes et de solennités.

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