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quer contre lui des poursuites judiciaires (1). Il y avait dans cet argument une évidente confusion: ce fait portait-il préjudice à la société entière ou seulement à des intérêts privés? Dans le premier cas, il y avait délit, et, aux termes de la loi, l'accusé devait répondre des frais. Dans la deuxième hypothèse, les parties lésées pouvaient seules se pourvoir par la voie civile. Or, lorsqu'un accusé est absous, toutes traces d'un délit disparaissent, car il n'y a délit légal qu'autant que le fait est punissable. L'accusation n'est pas fondée puisqu'elle demandait une condamnation et qu'elle succombe. Or, comme les frais sont la conséquence du fait de cette poursuite légèrement exercée et non de l'accusé, ils ne doivent pas retomber sur celui-ci. « Que ce soit, a dit M. Carnot, par voie d'acquittement, d'absolution ou de renvoi, que le prévenu ou l'accusé gagne sa cause, il ne peut être condamné au remboursement des frais avancés par le trésor public, attendu que, de quelque manière que le jugement ait été prononcé, il en résulte que l'accusé ou le prévenu ne s'était pas rendu coupable d'un délit punissable, et que ce n'est que des délits punissables dont il peut être fait des poursuites en ma

(1) Arr. cass., 9 déc. 1830, 2 jun 1831. (Journ. du droit crim., art. 629, 714 et 760.)

tière criminelle, correctionnelle ou de police

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(1). Cette opinion se trouve aujourd'hui en partie confirmée par la dernière jurisprudence de la Cour de cassation, qui reconnaît aux cours d'assises la faculté de décharger l'accusé de la condamnation aux frais (2); mais la Cour de cassation veut en même temps qu'elles examinent si l'accusé n'a pas occasioné par son fait les frais de la procédure, et, dans ce cas, elle les met à sa charge, à titre de dommages-intérêts. Nous ne pouvons admettre cette distinction. Le principe est absolu l'accusé a succombé ou n'a pas succombé dans la poursuite dirigée contre lui; les frais doivent être prononcés accessoirement à une condamnation principale, ou ils ne doivent pas l'être. Il n'est pas complètement exact de les assimiler aux dommagesintérêts. Les frais, ainsi qu'on l'a déjà remarqué, ne sont pas la conséquence immédiate du fait poursuivi, mais bien de la poursuite elle-même. Que si l'accusé encourt une peine et que la poursuite soit ainsi reconnue fondée, on peut lui faire supporter le préjudice causé à l'Etat par cette poursuite. Mais quand il a triomphé de l'accusation, cette sorte de fiction ne peut plus être invoquée; car c'est à tort que la pour

(1) Comment. du Cod. pén., tom. I, pag. 64.

(2) Arr. cass., 16 et 22 déc. 1831, 4 janv., 1833. (Journ. du droit crim., art. 793 et 1064.)

suite a été dans ce cas exercée; le fait de cette poursuite ne peut lui être imputé; il ne l'a point provoquée, il n'en est point responsable.

Une autre question, non moins grave et non moins controversée, est de savoir si le prévenu de moins de 16 ans, qui a été déclaré coupable, et acquitté comme ayant agi sans discernement, doit être tenu des frais. La jurisprudence de la Cour de cassation n'a point cessé d'être affirmative sur cette question (1). Elle repose sur cet unique motif, que le mineur, alors même qu'il est acquitté à raison de son âge, a donné lieu à la poursuite, dedit locum inquirendi, puisque le fait est reconnu constant. Les juges, en déclarant que l'enfant a agi sans discernement, excluent nécessairement l'intention criminelle; car comment concevoir cette intention, si l'accusé n'a pas eu l'intelligence de son action? Cette déclaration équivaut à un plein et entier acquittement; elle exempte de la peine, elle efface le crime. Objectera-t-on que les juges peuvent prononcer la détention dans une maison de correction? Mais la Cour de cassation a reconnu elle-même que cette détention n'était pas une peine, et n'avait d'autre caractère que celui d'une

(1) Arr. cass., 25 févr. 1808, 6 août 1813, 19 mai 1815, 27 mars 1823, 30 avr. 1825, 12 févr. 1829, 5 janv. 1832. (Journ. du droit crim., 1832, pag. 10 et 300.)

correction domestique; et ce qui le prouve jusqu'à l'évidence, c'est que la loi a mis au choix des juges, de rendre l'enfant à sa famille, ou de le renfermer dans une maison de correction: d'où il suit, que cette dernière mesure ne doit être prise, dans l'esprit de la loi pénale, que dans le cas où la famille n'offre aucune garantie pour l'amendement du jeune prévenu. En définitive, est-il possible de soutenir que ce prévenu a succombé, lorsqu'il est non pas seulement absous, mais selon les termes formels de l'art. 66 du Cod. pén. pleinement acquitté? Comment concilier cet acquittement avec les termes de l'art. 368 Cod. inst. crim.?

Lorsque le prévenu poursuivi pour un délit, n'a été reconnu coupable par le tribunal correctionnel que d'une simple contravention, est-il tenu de tous les frais de l'instance? quelques tribunaux avaient pensé que la condamnation aux frais ne devait comprendre dans ce cas que ceux de ces frais qui se rattachent à la contravention. La Cour de cassation a pensé que cette distinction était contraire à l'esprit de l'art. 191, et que son application serait d'ailleurs le plus souvent impossible, parce qu'on ne pourrait discerner le point précis de la procédure où des faits matériels, originairement poursuivis comme délits, se seraient transformés dans l'esprit des juges en simple contravention (1). En

(1) Arr. cass., 25 avr. 1833. (Journ. du droit crim., pag. 183.)

stricte équité cette jurisprudence pourrait être critiquée; car il n'est pas juste de rendre l'auteur d'une contravention passible des frais d'une poursuite correctionnelle par cela seul que le fait a été mal qualifié dans la plainte. Mais la disposition absolue des art. 162 et 194, et la difficulté pratique de tracer une ligne de séparation au milieu des frais de la procédure, doivent faire adopter le système de la Cour de cassation. La responsabilité des frais est légitimée par la condamnation intervenue, encore bien qu'elle n'ait amené que des peines moindres que celles qui étaient annoncées par le titre primitif de la poursuite. La même solution s'applique aux poursuites pour crimes qui n'ont eu pour résultat que la constatation de simples délits.

Quelques tribunaux sont dans l'usage, lorsque statuant sur l'appel d'un prévenu ils ordonnent la réassignation des témoins entendus en première instance, de mettre les frais de la citation à la charge de ce prévenu. La Cour de cassation avait blâmé cette mesure illégale par arrêt du 30 novembre 1832 (1), en déclarant « que ces frais doivent nécessairement être mis à la charge de la partie qui succombera en définitive >>; mais un autre arrêt du 30 janvier 1835 (2),

(1) Journ. du droit crim., 1832, pag. 209.

(2) I id, 1835, pag. 30.

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