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barbare aux condamnés pour conjugicide, fratricide, empoisonnement, incendie, meurtre exécuté avec tortures (1). Mais M. Berlier ayant fait observer que la mort simple était un supplice suffisant pour tous les crimes, cette aggravation fut limitée au parricide, << attendu qu'il était dans les convenances que le crime le plus atroce fût puni d'une peine plus grave que les autres. » La loi du 28 avril 1832 a répondu à un cri d'humanité, en effaçant enfin du Code la mutilation; mais elle a conservé un barbare et inutile appareil qui prolonge et redouble l'agonie du supplicié sans rien ajouter à l'exemplarité de la peine (2).

L'art. 14 dispose que « les corps des suppliciés. seront délivrés à leurs familles, si elles les réclament, à la charge par elles de les faire inhumer sans aucun appareil. » L'article primitif ne portait que ces mots : « Les corps des suppliciés seront délivrés à leurs familles si elles les réclament. » Cette disposition fut attaquée dans le sein du conseil d'État. On soutint que l'homme retranché de la société par une condam

(1) Locré, tom. XXIX, pag. 96.

(2) Voy. suprà, pag. 118.-Art. 13 : « Le coupable condamné à mort pour parricide sera conduit sur le lieu de l'exécution en chemise, nu-pieds et la tête couverte d'un voile noir. Il sera exposé sur l'échafaud pendant qu'un huissier fera au peuple lecture de l'arrêt de condamnation, et il sera immédiatement exécuté à

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nation capitale n'avait plus de famille; qu'il fallait, d'ailleurs, se garder d'affaiblir la terreur que le supplice avait jetée dans les esprits; enfin qu'on devait craindre de scandaleuses funérailles célébrées à côté du supplice, dans l'intention d'accuser la justice et de réhabiliter le condamné. Les premiers motifs étaient dénués de fondement : « Si les familles, dit M. Treilhard, veulent rendre les derniers devoirs à leur parent, pourquoi le leur refuser? Est-ce donc sur un cadavre que la loi doit se venger? » M. Cambacérès répondit à la dernière objection en proposant d'ajouter à la charge de les faire inhumer sans au une espèce de solennité. La commission de rédaction avait écrit, au lieu des derniers termes de cet amendement, sans céréonie; mais son auteur fit remarquer qu'on pourrait induire de ces termes la défense de faire dire des prières sur le corps des condamnés, et pour prévenir cette interprétation, il proposa les mots sans appareil (1); ainsi c'est la pompe des funérailles, c'est le scandale de l'appareil que la loi a voulu prévenir, et non les cérémonies religieuses : le refus de délivrer le corps à la famille sous prétexte qu'elle veut le présenter à l'église, ne serait donc pas fondé, à moins que cette cérémonie elle-même ne dût offrir une inconvenante solennité.

(1) Procès-verbaux du conseil d'État, séance du 8 oct. 1808; Locré, tom. XXIX, pag. 116.

L'examen de la législation relative aux exécutions capitales, nous suggère une réflexion : c'est que la loi, soit omission, soit qu'elle l'ait jugé inutile, n'a appelé aucune espèce de surveillance sur ces exécutions. Elle convoque à la vérité la gendarmerie et deux o'ficiers de justice, le greffier et l'exécuteur; mais le greffier est uniquement chargé de constater par un procèsverbal le fait matériel de l'exécution (1); l'exécuteur n'a aucun caractère pour lever les obstacles, pour ordonner les mesures qui peuvent naître des circonstances; enfin la gendarmerie n'est tenue que de préter main-forte aux officiers de justice (2). Dans un cas spécial, l'art. 13 du Code pénal appelle un huissier, mais seulement pour donner lecture de l'arrêt de condamnation sur l'échafaud; enfin l'art. 377 du Cod. d'inst. crim. n'ordonne le transport de l'un des juges que dans le cas où le condamné veut faire une déclaration, et seulement pour la recevoir. Cependant l'humanité et la sûreté publique font un devoir de surveiller les exécutions; des scènes déplorables, plusieurs fois renouvelées, attestent combien la présence d'un officier de justice y serait nécessaire. Si les convenances peuvent paraître s'opposer à ce qu'un magistrat soit chargé de cette pénible mission, il faut

(1) Art. 378, Cod. d'inst. crim., et 52, décret du 18 juin 1811. (2) Art. 69, ord. du 29 oct. 1820.

faire porter la responsabilité sur un autre officier, sur un commissaire de police ou sur un huissier; mais on ne doit pas laisser le condamné à la discrétion de l'exécuteur; on ne doit pas laisser peser sur cet officier subalterne les obstacles qu'il peut éprouver dans l'exercice de ses fonctions. Il y a lacune dans la loi, et il est urgent de la remplir.

L'art. 17 prévoit le cas où une femme condamnée se trouve enceinte : « Si une femme condamnée à mort se déclare, et s'il est vérifié qu'elle est enceinte, elle ne subira sa peine qu'après sa délivrance. » Cette disposition, empruntée à l'art. 13 du tit. 25 de l'ord. de 1670, ne fait d'ailleurs qu'appliquer la maxime: non debet calamitas matris ei nocere qui in ventri est (1). L'ord. de 1670 prescrivait la vérification dans le cas même où la femme condamnée n'avait fait aucune déclaration, si elle paraissait enceinte. Quoique cette disposition n'ait pas été reproduite dans l'art. 27, nous pensons avec M. Carnot (2), qu'elle devrait encore être appliquée; car elle se trouve, sinon dans le texte, au moins dans l'esprit sainement entendu de cet article.

La loi du 23 germinal an 3 avait étendu cette exception. Elle portait «< qu'aucune femme prévenue de

(1) L. 5, ff. de statu hominum, et L. prægnantis, ff. de pænis. (2) Comment. du Cod. pén., tom. Ier, pag. 96.

crime emportant la peine de mort ne pourrait être mise en jugement qu'il n'eût été vérifié qu'elle n'était pas enceinte. >> Nous ne saurions ici partager l'opinion émise par M. Carnot sur la force actuelle de cette loi (1). L'art. 27 en statuant sur la position particulière de la femme enceinte, en a limité les effets à l'exécution de la peine de mort, et le Code d'instruction criminelle n'a point autorisé d'exception au principe qui veut que les accusés soient mis en jugement aussitot que l'affaire est en état (2). C'est au président des assises à renvoyer cette affaire à une autre session s'il juge que la position de l'accusée ne lui permet pas de supporter les débats.

Une autre loi du 31 août 1792 était ainsi conçue : « Les femmes condamnées à la peine du carcan et qui seront trouvées enceintes au moment de leur condamnation, ne subiront point cette peine, et ne seront point exposées au public; mais elles garderont prison pendant un mois, à compter du jour de leur jugement, qui sera imprimé, affiché et attaché à un poteau planté à cet effet sur la place publique. » M. Carnot pense encore que cette loi doit continuer à être exécutée, parce que le Code pénal ne l'a point expressément

(1) Ibid., pag. 97.

(2) Arr. cass., 7 nov. 1811. (Sir. 16.1.31.)

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