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La loi a chargé le ministère public du soin de faire exécuter les condamnations (art. 197 et 376, Cod.d'inst. crim.); et de cette attribution générale, la Cour de cassation a induit qu'il appartenait aux magistrats qui sont investis de ces fonctions, de résoudre les questions qui s'élèvent dans l'exécution des peines. « Ce n'est point aux tribunaux, porte un arrêt du 6 avril 1827, qu'il appartient de pourvoir à l'exétion de la condamnation prononcée; la loi s'est reposée, quant à ce soin, sur les officiers du ministère public, et à la charge par eux de ne pas s'écarter des dispositions de la loi. (1) »

Nous admettons également ce pouvoir, en le renfermant toutefois dans de certaines limites. L'exécution d'un arrêt, tant qu'elle ne donne lieu à aucune contestation, est une opération purement administr.tive. Il rentre donc dans les attributions du ministère public, chargé de la surveiller, de statuer sur toutes les difficultés qu'elle présente. Ainsi, nul doute qu'il ne puisse fixer, soit l'époque où la peine expire, soit le mode de son exécution.

Mais s'il y a réclamation de la part du condamné, si le ministère public s'écarte des dispositions de la loi, s'il s'élève un incident contentieux, faut-il se borner à la seule interprétation de ce magistrat? Le ministère

(1) (Sir. 27.1.515.)-et arr. cass., 20 juill., 1827. (Sir. 27.1.532.)

public pourrait-il donc, de sa seule autorité, aggraver la position d'un condamné par l'interprétation rigoureuse d'un arrêt obscur, ou de deux condamnations contradictoires? La loi n'a nulle part consacré un tel pouvoir, une juridiction aussi extraordinaire. Dès qu'il y a contestation, la compétence du ministère public expire; et c'est alors au seul pouvoir, duquel émane l'arrêt, qu'il appartient soit de l'interpréter, soit de prononcer sur les incidens contentieux que son exécution fait naître.

Cette limite apportée au pouvoir du ministère public, a été sanctionnée par la Cour de cassation ellemême. Le principe en est posé avec une grande précision dans un arrêt du 23 février 1833(1), qui porte: << que si le ministère public est exclusivement chargé de l'exécution des jugemens, les questions qui s'élèvent à l'occasion de cette exécution, soit quant à la prescription, soit quant à la remise, soit quant à l'expiation de la peine, présentent un caractère contentieux qui devient l'accessoire de l'action publique, et doivent suivre le sort de cette action et être portées devant les juges compétens pour décider sur le principal.

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Ainsi donc, toutes les fois que les questions présentent un caractère contentieux, le pouvoir admi

(1) Journ. du droit crim., 1833, pag. 137, et arr., Paris, 15 juil'. 1833, ibid., pag. 191.

nistratif dont est investi le ministère public cesse, et la juridiction dont émane la condamnation se ressaisit pour statuer sur l'incident; dans les autres cas, le ministère public conserve, comme une conséquence de l'obligation de faire exécuter, le pouvoir de résoudre les incidens relatifs à cette exécution. C'est de cette distinction que découle la règle qui doit servir à vider les difficultés qui surgissent incessamment dans cette matière. § II.

De l'exécution des peines correctionnelles.

Nous ne parlerons dans ce paragraphe que de la peine d'emprisonnement: celle de l'amende se confond', quant à son exécution, avec les autres peines pécuniaires, et nous renvoyons en conséquence les questions qui s'y rattachent au troisième paragraphe de ce chapitre.

Nous avons à examiner de quel jour la peine de l'emprisonnement commence à courir, dans quelles maisons elle doit être subie, et quelles sont les règles applicables aux incidens contentieux qui peuvent s'élever dans le cours de son exécution.

On a vu précédemment qu'un principe général est que la durée des peines temporaires compte du jour où la condamnation est devenue irrévocable (art. 23, Cod. pén.). Cependant ce principe n'a point été adopté,

sans que de vives réclamations n'aient protesté contre l'injustice de ne compter en rien dans la durée de la peine, l'emprisonnement préalable qui souvent a excédé cette durée. « Le projet de loi, a dit M. Dumon, dans son rapport, n'a pu faire entièrement droit à ces réclamations. L'emprisonnement préalable est un tribut que chacun paie à la sécurité de tous; l'innocent qu'une détention préalable a frappé ne peut obtenir aucune réparation. Traitera-t-on le coupable avec plus de faveur? d'ailleurs, l'emprisonnement préalable diffère trop de la plupart des peines, pour qu'on puisse l'assimiler avec elles et le précompter sur leur durée. Quel rapport y a-t-il, par exemple, entre l'emprisonnement préalable et les travaux forcés? Votre commission adhère donc au principe posé par le projet de loi, que la durée des peines temporaires ne compte que du jour où la condamnation est devenue irrévocable (1).

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Mais ce dernier argument n'avait aucune force à l'égard du simple emprisonnement. Aussi la loi a-t-elle admis une exception relative à cette peine. « Votre commission, continuait le rapporteur, ap. prouve l'exception introduite à l'égard des condamnations à l'emprisonnement correctionnel, qui courront du jour même de la condamnation, lorsque

(1) Code pénal progressif, pag. 139.

l'appel, ou le pourvoi qui en suspend l'exécution, n'émane pas du condamné. Elle vous propose d'étendre cette exception même au cas où le condamné se pourvoit en appel ou cassation, quand la peine est réduite sur ce pourvoi. S'il est juste que le condamné ne souffre pas du recours que le ministère public exerce, il est juste aussi qu'il ne souffre pas du recours qu'il a dû exercer, et dont l'événement démontre la justesse. »>

De là l'art. 24 ainsi conçu : «< «< néanmoins, à l'égard des condamnations à l'emprisonnement, prononcées contre des individus en état de détention préalable, la durée de la peine, si le condamné ne s'est pas pourvu, comptera du jour du jugement ou de l'arrêt, nonobstant l'appel ou le pourvoi du ministère public, et quel que soit le résultat de cet appel ou de ce pourvoi. Il en sera de même, dans les cas où la peine aura été réduite, sur l'appel ou le pourvoi du condamné. »

On doit remarquer, d'abord, que le bénéfice de cet article, tout-à-fait exceptionnel, ne s'applique qu'aux condamnés qui sont en état de détention préalable. Ceux qui ont conservé leur liberté demeurant sous l'empire du droit commun, la loi n'a dû abréger les lenteurs de cette détention qu'en faveur de ceux qui la subissaient la peine, à l'égard des autres, ne peut compter que du jour de l'écrou.

L'article est également inapplicable aux condamnés

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