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rieure, son caractère honorable, sa position sociale, c'est-à-dire, des faits étrangers au délit et pris en dehors; pourquoi donc la perversité de son caractère et ses habitudes criminelles, légalement constatées, ne seraient-elles pas mises dans la même balance? Le vagabondage et la mendicité sont également étrangers au fait commis par le mendiant et le vagabond, et toutefois, dans certains cas, ces circonstances deviennent un motif d'aggravation de la peine.

Nous reconnaissons au pouvoir social, le droit de demander compte au délinquant de toutes les circonstances qui peuvent aggraver sa culpabilité. Or, la récidive révèle un agent plus dangereux, elle démontre l'impuissance d'une première correction, elle fait présumer l'habitude du crime. Elle justifie donc une aggravation de la seconde peine.

Toutefois, cette aggravation cesserait d'être légitime, si son application n'était pas restreinte dans les limites de la justice morale. Toute la théorie de la récidive consiste à les

poser.

Si la récidive est frappée d'une peine plus sévère que la première faute, c'est qu'elle est considérée comme une présomption légale d'une habitude criminelle dans l'agent. Ainsi, le délinquant qui, déjà condamné pour vol, commet un autre vol, est justement réputé plus coupable que la première fois. L'habitude se démontre par l'analogie des deux faits.

Iteratione augetur delictum, dit Godefroi. Mais cette habitude du délit est-elle aussi manifeste, si le délinquant, condamné la première fois pour rébellion, est repris pour un vol; si déjà frappé à raison d'un faux, il commet un attentat à la pudeur; enfin, s'il se rend coupable de cris séditieux ou de diffamation, après avoir été puni pour escroquerie ou banqueroute? Pour que la récidive soit une présomption de perversité, il faut qu'il y ait identité entre les délits qui la constituent. Car, comment présumer l'incorrigibilité du voleur, par cela seul qu'il s'est livré à des actes de rébellion ou de violence? du condamné politique, parce qu'il se rend coupable de faux ou de vol? comment faire concourir deux crimes d'une nature distincte pour en former une habitude?

La loi romaine admettait cette restriction : La récidive aggravait la peine du délinquant, mais seulement si in iisdem sceleribus perseveret (1). Et Farinacius, qui résume les opinions des anciens jurisconsultes, dit également : consuetudinis delinquendi præsumptio tantum in eodem vel simili genere mali, secùs si in diverso (2). Le Code du Brésil ne punit également la récidive que d'un délit de même nature; le Code d'Autriche, que dans le cas où le cou

1) L. un. Cod. de superexact.

(2) Quæst. 23, no 30.

prus

pable a été puni pour un semblable délit. La loi sienne veut aussi que les juges aient égard à la propension du coupable aux délits de la nature de celui qu'ils punissent (art. 53;. Enfin dans le système du Code de la Louisiane, la récidive n'existe qu'entre des délits de la même nature (of the same nature).

Assurément nous ne prétendons pas que les deux faits doivent révéler une complète identité pour que la récidive puisse exister. Il serait illusoire d'admettre, avec le législateur de la Louisiane, que le faussaire qui commet un vol, que le meurtrier qui se rend coupable d'un attentat à la pudeur, ne se trouvent pas en état de récidive; car la même perversité a guidé le voleur et le faussaire, la même passion le meurtre et l'attentat. Les délits sont de la même nature quand ils dérivent du même principe, quand ils prennent leur source dans le même genre de corruption. Ainsi la nature même des choses a divisé les infractions en délits contre les personnes, délits contre les propriétés, délits politiques, militaires, spéciaux, etc. Dans chacune de ces classes la réitération d'un délit doit former la récidive; mais si les deux infractions n'appartiennent pas à la même classe, la récidive n'existe plus, parce qu'il n'y a plus habitude dans un même genre de crime. C'est à ces termes que se résume notre pensée. Cette distinction simple et facile, en renfermant la présomption de la loi dans ses

vraies limites, satisferait à la justice morale sans affaiblir un utile principe de répression.

Une seconde restriction peut se fonder sur l'intervalle qui, dans certains cas, sépare les deux crimes; la loi doit-elle faire abstraction de cet intervalle? Le second crime mérite-t-il l'aggravation de la peine à quelque distance qu'il soit placé du premier? ainsi, relevé de sa première faute par 40 ans d'une vie paisible, le délinquant retombe dans le crime; faut-il réunir deux actions séparées par une si longue carrière, pour en tirer la preuve de cette obstination criminelle que la loi redoute et qu'elle frappe d'une peine plus sévère ? Les anciens jurisconsultes ne faisaient pas remonter la récidive au-delà de trois ans ; car sile délinquant, dit Farinacius, per dictum tempus benè et laudabiliter vixerit, cessat præsumptio quod semel malus, iterum præsumitur malus(1). Cette règle avait passé dans l'art. 15 de la loi du 25 frimaire an 8, ainsi conçu : « Il Il y aura récidive quand un délit aura été commis par le condamné dans les trois années à compter du jour de l'expiration de la peine qu'il aura subie. » A l'égard des simples contraventions, les art. 608 du Code du 3 brumaire et 483 du C. pén. ont euxmêmes limité l'application de la récidive au cas où les

(1) Quæst. 23, no 26.

deux contraventions ont été commises dans le cours de la même année.

M. Scipion Bexon, dans son projet de Code pénal, établit la même distinction. «Il ne doit y avoir lieu, dit ce publiciste, à l'application des peines de la récidive, dans les cas de contravention, qu'autant que les actions contraires aux dispositions de la loi, auraient lieu dans le terme d'une année. Mais à mesure que la première action exécutée est plus dangereuse et annonce plus de perversité et de corruption dans son auteur, la menace des peines de la récidive doit s'étendre à un temps plus long, et dans le cas du deuxième délit dans le cours de trois années depuis le premier, il y a lieu à l'application des peines sur la récidive. Les motifs deviennent plus puissans pour étendre davantage ce temps quand il s'agit de la récidive pour crimes; en général, ce temps n'est pas déterminé ; j'ai proposé de restreindre ce délai de la récidive pour crimes à cinq années depuis la condamnation subie (1). »

Et, en effet, si la perpétration des deux crimes n'a eu lieu qu'à des époques éloignées, la présomption de perversité dont la loi environne le deuxième crime s'évanouit.Comment supposer que le délinquant a été entraîné dans une seconde faute par une habitude dépravée, lorsque de longues années d'une conduite pure vien

(1) Introd., § 19.

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