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sible de la même peine, revêtirait tour à tour le caractère de crime ou de délit, suivant la juridiction devant laquelle il aurait été renvoyé. La Cour de cassation a encore décidé que la prescription, détermi née pour les matières correctionnelles, doit s'appliquer au fait qualifié crime que la déclaration du jury ne rend passible que d'une peine correctionnelle (1), et le motif de cette décision est que « la déclaration du jury, intervenue après des débats contradictoires, fixe seule d'une manière irrévocable le véritable caractère des faits. » D'où il suit que le même fait serait considéré à la fois comme un crime et comme un délit : comme un crime pour l'application de l'aggravation de la récidive, comme un délit, pour l'application de la prescription.

Le principe qui veut que l'excuse ou les circonstances atténuantes ne dépouillent pas le fait de son caractère de crime, peut exister, mais c'est seulement devant la chambre d'accusation, parce que cette juridiction ne peut apprécier souverainement les circonstances du fait qui tendent à modifier son carac tère; mais devant la juridiction qui est investie du droit de juger ce fait, quel que soit son caractère, il n'y a plus de motifs d'adopter un principe qui ne

(1) Arr. cass., 13 janv. et 9 juill. 1829, et 29 nov. 1830. (Journ, du droit crim., art. 39 et 641.)

peut être invoqué qu'en matière de compétence, et qui ne serait qu'une inutile fiction lorsqu'il s'agit de l'apprécier définitivement pour lui infliger la peine.

Nous pensons donc que l'art. 57 ne doit être appliqué que dans le cas où la première condamnation a prononcé une peine afflictive ou infamante. Nous trouverons plus loin, en nous occupant de l'art. 58, des raisons nouvelles à l'appui de cette opinion.

Des expressions de l'art. 57: délit de nature à être puni correctionnellement, M. Carnot a conclu que le nouveau délit doit entraîner la récidive, alors même que quelques circonstances atténuantes le feraient rentrer dans les termes de l'art. 463 (1). Il n'est pas possible, selon nous, de tirer une conséquence aussi rigoureuse d'une disposition aussi vague, Il fallait bien exprimer que le deuxième fait devait être un délit correctionnel pour que la récidive existât; et c'est là le sens unique de ces expres

sions.

Les questions que présente l'application des peines aggravantes de l'art. 57 se représenteront plus loin au sujet de l'article suivant. Toutefois ces deux articles diffèrent en ce que la peine de la surveillance prononcée dans le cas prévu par l'art. 58, ne l'a pas été dans celui de l'art. 57; quelques auteurs ont

(1) Sur l'art. 57, no 1.

aperçu dans cette différence une lacune, et M. Legra verend, s'appuyant sur l'analogie incontestable des deux hypothèses, enseigne que la surveillance doit ètre appliquée de plein droit dans l'une comme dans l'autre (r). Cette proposition est évidemment erronée : une peine ne peut jamais être suppléée par voie d'analogie; au surplus, M. Carnot paraît avoir expliqué le véritable motif du silence de la loi lorsqu'il dit: « Si f'art. 57 n'a pas poussé plus loin sa prévoyance, c'est que le législateur a supposé que le condamné, à raison du délit dont il s'est rendu coupable par récidive d'un crime, se trouve déjà sous la surveillance par suite de sa première condamnation (2). »

Il reste maintenant à parler de la récidive formée par la succession de deux délits correctionnels; c'est la troisième espèce de récidive; c'est l'hypothèse prévue par l'art. 58 (3).

Dans le système de cet article, deux élémens d'une même nature, mais d'une valeur inégale, constituent

(1) Législ. crim., tom. II, pag. 603.

(2) Comment. du Cod. pén., tom. Ier, sur l'art. 57,

n° 3.

(3) « Art. 58 : Les coupables condamnés correctionnellement à un emprisonnement de plus d'une année, seront aussi, en cas de nouveau délit, condamnés au maximum de la peine portée par la loi, et cette peine pourra être élevée jusqu'au double: ils seront, de plus, mis sous la surveillance spéciale du gouvernement pendant au moins deux années et dix ans au plus.

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la récidive. Le premier de ces élémens est une condamnation à un emprisonnement de plus d'un an. Ainsi tous les délits ne deviennent pas indifféremment la base de l'aggravation pénale; ceux qui sont passibles d'un emprisonnement de plus d'un an peuvent seuls entrer dans la constitution de la récidive, et parmi ceux-là, ceux qui ont été frappés de cette peine sont seuls compris dans la disposition de l'art. 58. La raison en est qu'à l'égard des délits qui ont été punis d'une peine inférieure, les limites des peines correctionnelles sont assez larges pour y puiser un châtiment suffisant en cas d'infraction nouvelle, et le délit est trop léger pour que son immoralité puisse réfléchir sur un fait postérieur et en aggraver le caractère.

Mais lorsque la loi demande au premier délit une certaine gravité pour servir d'élément à la récidive, n'y a-t-il pas quelque contradiction à n'en exiger aucune du second? ainsi le délit le plus léger suffit pour. former la récidive lorsqu'il est précédé d'un délit plus grave, et il n'y entrerait pas comme élément s'il avait été commis le premier; de sorte qu'en renversant l'ordre chronologique des deux condamnations, l'aggravation disparaîtrait. Ajoutons toutefois que système des circonstances atténuantes a corrigé en partie les vices de cette combinaison. L'aggravation de la peine n'est plus obligée, elle est facultative, elle peut se mesurer sur la gravité du délit.

le

Une seconde observation est que, dans cet article,

comme dans l'art. 56, c'est le seul fait de la peine prononcée, abstraction faite de la qualification légale de l'action incriminée, qui forme la base de la récidive. C'est la ligne tracée par cette peine qui sépare, dans la classe des délits, ceux qui entrent dans la composition de cette récidive, et ceux dont la répétition n'entraîne jamais d'aggravation pénale. Elle est prise comme la mesure d'un certain degré d'immoralité; il importe peu que cette immoralité se puise dans tel ou tel ordre de délits.

Ainsi, la première règle posée par l'art. 58 est que l'aggravation de la peine ne s'étend qu'aux seuls prévenus qui ont été précédemment condamnés à un emprisonnement de plus d'une année.

L'article ajoute: condamnés correctionnellement. Cette dernière expression pourrait être diversement entendue; s'applique-t-elle, en effet, aux condamnés par voie correctionnelle, ou pour délit correctionnel? C'est dans ce dernier sens qu'elle doit être comprise; car il serait impossible d'induire d'une aussi vague expression, que l'application de l'art. 58 doit être restreinte aux seuls délits de la compétence des tribunaux correctionnels. Telle est aussi l'opinion que la Cour de cassation a consacrée, lorsqu'elle a déclaré « que la loi, en prononçant une aggravation de peine en cas de récidive, n'a point eu en vue la compétence ni le mode de procéder du tribunal qui a statué la première fois, mais qu'elle n'a pris en considéra

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