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Ensuite, ce ne serait point imprimer à ces délits un caractère spécial que de les séparer, en ce qui concerne l'aggravation de la récidive, des autres infractions. Les délits communs diffèrent entre eux soit par leur cause impulsive, soit par leur but, soit par la nature de leur immoralité; et peut-être une loi pénale rationnelle ne devrait-elle faire concourir à l'aggravation de la peine que les délits de la même nature telle est l'opinion que nous avons nous-même exprimée. Or, si les délits commis par la voie de la presse ne diffèrent pas des délits communs, quant à leur criminalité intrinsèque, ils en diffèrent parce qu'ils sont généralement empreints d'un caractère politique, et que dès lors leur moralité varie et se modifie suivant les circonstances politiques, l'opinion et les lumières des jurés. Leur alliance avec un délit ordinaire ne peut donc produire la même présomption de perversité que l'aggrégation de deux délits communs.

Si nous avons insisté sur cette question, c'est que la jurisprudence paraît s'être fixée dans un sens contraire; c'est qu'elle domine, non seulement la loi du 17 mai 1819, mais toute la législation de la presse. La Cour de cassation a reconnu en effet, et nous. sommes parfaitement de cet avis, que « la loi du 25 mars 1822 n'est qu'une suite, une extension de la loi du 17 mai 1819 (1). » La même règle doit donc

(1) Arr. cass., 22 janv. 1834. (Bull. no 11.)

s'étendre à ses dispositions. Elle doit régir également l'art. 10 de la loi du 9 juin 1819 portant : « Les amendes pourront être élevées au double, et, en cas de récidive, portées au quadruple, sans préjudice des peines de la récidive portées par le Code pénal. » Cette disposition, à la vérité, est impérative; mais aucun texte, aucune discussion législative ne révèle l'intention de déroger à la loi du 17 mai 1819. La loi du 9 juin n'avait qu'un but : c'était de déployer une sévérité plus grande à l'égard des délits commis. par la voie des journaux ; mais cette intention s'accomplissait par l'élévation des peines. Telle est aussi l'opinion de l'auteur des lois de la presse : « Dans le doute, dit ce magistrat, je me garderai bien de conclure de ce qu'on a voulu plus de sévérité, qu'il faut aller jusqu'à rendre obligatoires toutes les peines de la récidive. C'est assez que les magistrats puissent donner le maximum de la peine corporelle, et même la doubler; qu'ils puissent en outre doubler et quadrupler l'amende. Je ne sépare pas le présent art. 10 de la disposition de la loi du 17 mai 1819, relative à la récidive, et je maintiens que cet article est purement facultatif (1). >>

Enfin, la même règle se reproduit encore dans l'art. 15 de la loi du 18 juillet 1828, ainsi conçu

(1) Lois de la presse, par M. Parant, pag. 124,

« En cas de récidive par le même gérant, et dans les cas prévus par l'art. 58 du Code pénal, indépendamment de l'art. 10 de la loi du 9 juin 1819, les tribunaux pourront, suivant la gravité du délit, prononcer la suspension du journal. » Ainsi, cette peine accessoire est, de même que les peines principales aggravantes, purement facultative.

Mais il faut remarquer que, dans cette dernière loi, la spécialité des deux délits est visiblement exigée comme une condition de la récidive: il faut que le deuxième délit ait été commis par le même gérant. L'aggravation n'est donc applicable qu'à deux délits commis par la voie du même journal.

La loi ajoute encore : « Dans les cas prévus par l'art. 58 du Code pénal, » ce qui indique qu'il est nécessaire que la première condamnation ait excédé une année d'emprisonnement. C'est là l'une de ces règles générales auxquelles la législation de la presse n'a point dérogé, et qu'il était superflu de rappeler.

Cette législation renferme encore une disposition relative à un cas particulier de récidive. L'art. 7 de la loi du 25 mars 1822 punit l'infidélité et la mauvaise foi dans le compte que rendent les journaux des séances des chambres et des audiences des cours et tribunaux, et le deuxième paragraphe ajoute: « En cas de récidive, les éditeurs du journal seront, en outre, condamnés à un emprisonnement d'un mois à

trois ans; dans les mêmes cas, il pourra être interdit, pour un temps limité ou pour toujours, aux propriéairés et éditeurs du journal condamné, de rendre compte des débats législatifs ou judiciaires.

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Cette disposition soulève plusieurs questions. D'abord, y a-t-il récidive lorsque le journal, condamné pour un compte rendu infidèle d'un débat législatif, tombe dans le même délit en rapportant un débat judiciaire? Nous ne faisons aucun doute qu'il y ait lieu, dans ce cas, à l'application de la peine de la récidive, parce que le délit est de la même nature dans les deux hypothèses, et qu'il consiste, dans l'un et l'autre cas, dans l'infidélité et la mauvaise foi d'un compte rendu. C'est cette mauvaise foi, manifestée par deux actes successifs, que la loi a voulu frapper d'une peine plus sévère. Peu importe que l'une des condamnations émane d'un corps politique : la loi a momentanément investi ce corps du pouvoir judiciaire; ses jugemens, rendus dans le cercle de sa compétence, ont toute la force des jugemens émanés des tribunaux ordinaires (1).

Mais, est-il nécessaire que la première condamnation excède un an d'emprisonnement? Evidemment non, et sous ce rapport, l'art. 7 de la loi du 25 mars 1822 fait une exception formelle à l'art. 25 de la

(1) Voy, suprà, pag. 444;

loi du 17 mai 1819. Par le mot récidive la loi n'a voulu parler ici que d'une seconde infraction de la même nature, et non d'une récidive légale. Une seconde exception est que l'aggravation consiste dans le même cas, non dans le maximum de la peine de l'amende, la seule qui soit infligée à la première infraction, mais dans deux peines nouvelles, celles de l'emprisonnement et de l'interdiction. Ainsi, les juges conservent, même au cas de récidive, la faculté de graduer l'amende depuis le minimum jusqu'au maximum.

Enfin, la peine de l'emprisonnement est-elle obligatoire? Ce qui pourrait le faire croire, c'est que le troisième paragraphe de l'art. 7 rend purement facultative la mesure de l'interdiction, tandis que le deuxième paragraphe semble imposer le devoir de prononcer l'emprisonnement. Mais les mêmes motifs que nous avons exposés à l'égard de la loi du 9 juin 1819 militent ici. La faculté d'appliquer les peines aggravantes, admise par la loi du 17 mai 1819, embrasse toutes les lois subséquentes, et il faut se rappeler que l'art. 463 du Code pénal est inapplicable à l'hypothèse qui nous occupe, et que cette hypothèse peut toutefois renfermer des motifs d'atténuation; on ne doit donc pas priver les juges d'un pouvoir qu'ils tiennent d'une disposition générale, et que l'art. 7 de la loi du 25 mars 1822 ne leur refuse d'ailleurs nullement d'une manière positive,

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