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stitution de l'an 8, qui renvoie devant les tribunaux militaires tous les délits commis par les militaires, soit contre la discipline, soit contre le droit commun; et l'avis du Conseil d'état du fructidor an 12 qui, en renvoyant aux juges ordinaires les délits communs commis par des militaires en congé ou hors de leur corps, confirme la juridiction militaire à l'égard des mêmes délits commis au corps et sous les drapeaux.

Telle était la législation lorsque le Code pénal fut rédigé. Dans le projet de ce Code, l'art. 5 était suivi d'un autre article supprimé depuis, et qui définissait les délits militaires (1). L'intention de la commission avait été de donner aux juges une règle pour distinguer les délits militaires des autres délits. Cette définition, évidemment mal conçue et qui avait pour effet de re

(1) En voici le texte « Les contraventions, crimes et délits militaires sont seulement : 1o ceux qui ont été commis, en quelque lieu que ce soit, par des militaires de terre ou de mer, ou des personnes attachées aux armees de terre ou de mer, dans l'exercice de leurs fonctions militaires ou en état de service militaire; 2o ceux qui ont été commis par quelque persoune que ce soit, envers des militaires en exercice actuel d'une fonction militaire, comme, par exemple, envers un officier faisant actuellement sa ronde, ou envers un militaire actuellement en faction; 3o ceux qui ont été commis par quelque personne que ce soit, dans un lieu actuellement et exclusivement affecté au service ou aux fonctions militaires; 4o l'espionnage et l'embauchage; 5° la désertion, le refus des réquisitionnaires ou conscrits de joindre leurs drapeaux, et tout autre acte commis uniquement contre la discipline ou le service militaire. »

jeter à la juridiction exceptionnelle un grand nombre de délits communs, fut l'objet de vives objections dans le sein du Conseil d'état. M. Regnauld (de SaintJean-d'Angely) releva la confusion que cet article introduisait dans les principes. Il est remarquable que Napoléon, plus libéral que ses conseillers, voulait revenir aux règles posées par l'assemblée constituante, et proposait de saisir les Cours impériales de la connaissance de tous les délits commis dans l'intérieur, en leur laissant la faculté de renvoyer le prévenu devant la juridiction militaire, lorsque son délit serait purement militaire. « La justice est une en France, disait-il au Conseil d'état, on est citoyen français avant d'être soldat : Si, dans l'intérieur, un soldat en assassine un autre, il a sans doute commis un crime militaire, mais il a aussi commis un crime civil. Il faut donc que tous les délits soient soumis d'abord à la juridiction commune, toutes les fois qu'elle est présente (1). » Cette généreuse théorie ne fut point adoptée, mais l'art. 6 fut retranché par le Conseil, qui décida en même temps que les bases de la juridiction militaire seraient posées par une lui séparée du Code (2). C'est à cette promesse, encore inexécutée,

(1) Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 21 février 1809; Locré, tom. XXIX, pag. 139.

(2) Ibid., séances des 4 oct. 1808 et 22 juill. 1809. Locré, tom. XXIX, pag. 108 et 156.

qu'il s'agit de suppléer ici par l'étude de la loi, toute confuse et incomplète qu'elle soit, et des principales interprétations que la jurisprudence lui a imposées.

La juridiction militaire ne commence à saisir le jeune soldat qu'au moment où il a reçu un ordre de route (1). Le premier délit militaire qu'il peut commettre est l'insoumission à cet ordre. Tous les délits dont il a pu se rendre coupable jusqu'à ce moment, alors même qu'ils auraient eu pour objet de le soustraire au recrutement, appartiennent à la justice ordinaire (2). Ainsi, on avait pensé à tort que le militaire était censé appartenir à l'armée dès le commencement de l'année à laquelle se rattachait le contingent dont il faisait partie. La Cour de cassation a repoussé avec raison cette fiction: il n'est soldat que lorsque, désigné par le sort et déclaré apte au service, il a reçu l'ordre de rejoindre son corps (3). C'est cet ordre qui lui confère la qualité qui devient la règle de la compétence.

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La même raison doit servir à déterminer le moment où la juridiction militaire s'ouvre pour les gés volontaires; la signature de l'acte d'engagement devant le maire, de même que la désignation par le

(1) L. da 21 mars 1832, art. 39.

(2) Ibid., art. 41.

(3) Arr. 2 juill. 1825. (Bull. offic., no 128.)

TOм. I.

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sort, ne suffit pas pour produire cet effet. La qualité de militaire ne s'acquiert alors que par l'inscription sur le registre matricule du régiment : c'est aussi dans ce sens que la jurisprudence s'est prononcée (1). Mais cette qualité saisit aussitôt l'engagé, et lui imprime un sceau indélébile. C'est par déduction de ce principe que la Cour de cassation a jugé que le faux commis dans l'acte même d'inscription était justiciable du tribunal militaire (2), et que la nullité de l'engagement, motivée soit sur ce que l'engagé n'avait pas encore atteint l'âge requis pour le contracter, soit sur ce qu'il se trouvait déchu du droit de servir dans les armées, soit enfin sur ce que l'époque de la libération était arrivée, n'est pas un obstacle à l'exercice de cette juridiction sur les délits militaires commis par cet individu au corps (3). C'est la qualité de fait qui détermine ici la compétence.

Mais cette qualité de militaire ne soumet au tribunal d'exception celui qui la porte légalement, qu'autant qu'il a commis le délit sous les drapeaux ou à son corps. Nous avons expliqué plus haut les motifs

(1) Arr. cass, 12 déc. 1817. (Bull. offic., n° 115 et 10 janv. 1822. (Bull. offie., no 8.)

(2) Arr. 10 janv. 1822, ibid.

(3) Arr. 12 déc. 1817; 30 avril et 12 sept. 1825. (Bull. offic., n. 83 et 182); 7 janv. et 11 mars 1826. (Bull. offic., n. 4 et 49); 6 avril 1832. (Bull., n. 129 et 130.)—-M. Merlin. Vo Délit militaire, pag.

de cette règle qui a été rétablie par l'avis du Conseil d'état du 7 fructidor an 12. Divers corollaires en sont découlés.

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Il en résulte d'abord, et c'est aussi ce que proclame la même décisión, que la connaissance des délits communs, commis par des militaires en congé ou hors de leur corps, est de la compétence des tribunaux ordinaires. Mais que faut-il entendre par ces mots en congé ou hors du corps?

La Cour de cassation a rangé dans cette catégorié les militaires qui se trouvent en état de libération provisoire (1), ceux qui ont déserté, alors même qu'ils auraient été repris dans le lieu même de la garnison (2); mais elle a refusé d'y placer les militaires qui se seraient éloignés momentanément de leur corps en marche, pour commettre un crime commun (3).

Peut-être la situation de la prison doit-elle être, dans l'esprit de la legislation actuelle, la véritable raison de décider. En effet, l'avis du Conseil d'état du

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fructidor 12 défère aux tribunaux spéciaux tous les délits commis par les militaires à leurs corps, garnisons ou cantonnemens. Il semble dériver de cette règle générale, que si la prison militaire est située

(1) Arr. cass., 3 juill. 1829. (Bull., n. 147.)
(2) Arr. cass. 10 avril 1829. (Bull., n. 75.)
(3) Arr. cass. 5 janv. 1809. (Bull., no 29.)

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